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Berbiguier de Terre-Neuve du Thym

Alexis Vincent Charles
Berbiguier de Terre-Neuve du Thym
D’après Henri Legrand du Saulle, « Autobiographie d’un persécuté »
Le délire des persécutions (1871). — Ch. IX - Obs. LXXVIII.

Autobiographie d’un persécuté. - Hallucinations multiples. - Idées de suicide. - Les farfadets sont partout. - Représentation de la Pie voleuse. - Imprécations contre les ennemis et les farfadets. - Moyens employés par les ennemis. - Idées de grandeur. - Vœux. - Prière.

Le plus célèbre des persécutés, Al. -Vinc. - Ch. Berbiguier, de Terre-Neuve du Thym, a publié son autobiographie en 1821, sous ce titre : Les Farfadets, ou Tous les démons ne sont pas de l’autre monde (Paris, 3 volumes in-8°, avec planches). Cet ouvrage est dédié à tous les empereurs, rois, princes, souverains des quatre parties du monde. “Sires, leur dit-il, vous voyez à vos pieds le plus infortuné des hommes. Les tourments auxquels je suis en butte depuis plus de vingt-trois ans sont les plus beaux titres que je puisse avoir à un de vos regards paternels.”

D’après ce qu’il raconte avec une prolixité toute pathologique, Berbiguier commença par entendre des bruits pendant la nuit. Il était à peine couché, qu’on frappait avec force sur tous les meubles. Bientôt, pour échapper à ce vacarme assourdissant qui devenait un véritable supplice, il prit le parti de ne plus passer la nuit chez lui. “Je courais les rues, dit-il, pendant que les habitants de la ville fermaient les paupières. Je ne prenais de la nourriture que quand le besoin le plus pressant m’en faisait une obligation. Je n’entrais chez moi que pendant le jour. Et comment aurais-je pu me déterminer à y rester pendant la nuit ? C’était alors que le calme était banni de ma chambre, et que dans celle qui était au-dessus on frappait à coups redoublés. Il vit là un système de persécutions organisé par deux femmes qui travaillaient à son ménage.

Bientôt il eut des hallucinations de la vue, et aperçut des chats dans sa chambre et sur son lit. Ces chats n’étaient autres, pour lui, que les deux sorcières métamorphosées.

Berbiguier, accablé de souffrances, est bientôt en proie à des idées de suicide ; mais une voix l’arrête au moment où il va se donner la mort. C’est dans cette nuit même que Jésus lui apparaît sur un trône. Le délire aurait pu rester dans ces limites. Le malade était halluciné ; il croyait à la réalité de ses hallucinations ; il accusait de ses souffrances deux femmes qu’il prenait pour des sorcières. Il y avait donc aliénation mentale bien caractérisée, et tout ce qu’il fallait pour constituer la monomanie. Cependant peu à peu de nouvelles conceptions délirantes se joignirent à celles que je viens d’indiquer.

Berbiguier consulte Pinel pour être délivré de ses maux, et cet illustre médecin, ne l’ayant pas guéri, est rangé parmi ses persécuteurs : c’est un farfadet, le représentant de Satan. Bientôt dix ou douze personnes avec lesquelles le malade se trouve en rapport sont également des ennemis acharnés à sa perte. Enfin, comme il le dit lui-même, son imagination est tellement frappée des farfadets, qu’il en voit partout. Dès lors, rien n’arrive plus que par les maléfices des farfadets. Ils tourmentent son écureuil ; ils font fumer son poêle ; ils arrêtent ou dérangent le mouvement de sa montre.

Ses ennemis agissent sur lui-même ; ils l’endorment contre son gré, ils troublent ses facultés, ils lui enlèvent ses idées, ils le font éternuer ; ils vont même jusqu’à lui faire commettre de mauvaises actions : c’est ainsi qu’il leur attribue ses emportements et ses brutalités contre son écureuil. Un jour, le malade trouve une pièce de cinq francs qui avait été oubliée dans les lieux d’aisances ; il s’empresse de la restituer, mais reste persuadé que les farfadets ont ainsi voulu tenter sa probité.

Ce sont les farfadets qui font le mauvais temps ; sans eux, il n’y aurait ni pluie, ni grêle, ni tonnerre. Plusieurs fois ils ont fait souffler le vent pour briser son parapluie. Tout peut ainsi s’expliquer par les farfadets. On se trompe sur la cause des morts subites ; on les attribue à des coups de sang, des apoplexies, mais il n’en est rien. Ce sont les farfadets qui étouffent et étranglent les personnes qu’on voit ainsi succomber tout à coup. Il n’y aurait point d’entorses sans les farfadets, qui placent à dessein des obstacles devant les gens pour les faire tomber.

Enfin, Berbiguier explique par les farfadets la grossesse de plusieurs jeunes filles qu’on disait avoir été séduites. Ces filles, pour lui, sont innocentes et pures : elles portent la peine des maléfices des farfadets, qui se sont introduits la nuit auprès d’elles invisiblement, et qui en ont abusé à leur insu.

Les farfadets passent par les fissures des meubles les plus étroites ; ils se glissent même entre la jambe et la jarretière, etc.

Berbiguier va au théâtre et voit représenter « le mélodrame de la Pie voleuse ». Ses impressions sur le spectacle sont les suivantes :

Cette malheureuse servante de Palaiseau, me disais-je, est une victime bien à plaindre de la scélératesse des farfadets ; c’est parce qu’elle aimait bien son père, c’est parce qu’elle remplissait tous ses devoirs avec scrupule, que les disciples de Satan se sont permis de la poursuivre jusqu’à la mort et ont réussi à la faire périr. Car, quoique dans le mélodrame cette infortunée ne meure pas, il n’en est pas moins vrai qu’elle a porté sa tête sur un échafaud, parce qu’elle résista opiniâtrement aux offres empoisonnées du bailli.

Ecoutez-moi : La servante de Palaiseau ne voulait donner son cœur qu’à celui qui consentirait à unir sa destinée à la sienne. Le fils du fermier qu’elle servait l’avait jugée digne d’être sa femme. Cet hommage à la vertu ne devait pas satisfaire les farfadets. Le bailli, qui était enrôlé dans la compagnie de Belzébuth, forma le dessein de séduire la jeune fille. Il était laid, vieux et méchant, et ce n’est pas lorsqu’on est ainsi maltraité par la nature qu’on parvient à plaire au beau sexe. Pour atteindre à son but, il fit alliance avec le diable. Il lui fut alors loisible de se transformer en pie. Cet oiseau est naturellement voleur. Le bailli était lui-même un homme de plume, et, comme dit le proverbe, Tout ce qui porte plume est sujet à voler.

Comme rien ne pouvait détourner la jeune servante de ses devoirs, les méchants esprits résolurent de la perdre par les moyens farfadéens. Il leur aurait été facile de s’introduire dans son lit et de la violer, comme cela leur arrive si souvent : mais l’amour-propre du bailli était irrité par le refus d’une jeune beauté qu’il regardait comme étant au-dessous de lui. Alors il ne voulut pas employer les moyens de volupté qui étaient en son pouvoir ; il se métamorphosait en pie : c’était pour se venger d’un dédain dont il ne croyait pas qu’une servante fût susceptible. Sous les formes de cette pie, il commença par voler une fourchette, et quinze jours après il prit la cuiller. Il savait bien que les soupçons ne se porteraient que sur celle qui était chargée des soins de l’argenterie. Ses calculs ne le trompèrent pas, et pour comble de scélératesse, le bailli-oiseau répétait avec affectation le nom d’Annette toutes les fois qu’on se demandait quel pouvait être le voleur. Pauvre fille ! Tu mourras sur un échafaud pour avoir été vertueuse ; tu résistas aux séductions farfadéennes, et les farfadets te sacrifièrent à leur vengeance ! ... Mais il est vrai que leurs coups ne peuvent maintenant atteindre ton âme immortelle ; tu jouis dans le ciel de la présence de ton Créateur, ta félicité sera éternelle. Dieu, qui sans doute avait permis que les farfadets donnassent une preuve de leur affreuse perversité, n’a pourtant pas voulu que ta mémoire restât entachée d’un crime que tu n’avais pas commis ; ton innocence a été reconnue et proclamée. Et tandis qu’on a fondé la messe qu’on dit tous les ans pour toi, et qu’on appelle la Messe de la pie, l’infâme bailli brûle dans le gouffre des enfers, et paye par des souffrances qui ne finiront jamais les crimes qu’il a commis sur la terre, et qui doivent être bien nombreux, puisqu’il était farfadet en même temps que bailli.

Toujours tourmenté par ses ennemis, Berbiguier leur lance ces imprécations :

Excrément de la terre, exécrables émissaires des puissances infernales, je sais que je suis votre victime ; mais ne croyez pas que je sois dupe de vos stratagèmes et de vos opérations magiques sur les honnêtes gens de ce bas monde, que vous avez la cruauté de tourmenter ainsi que moi. Vous mettez tout en usage pour faire tomber des infortunés sous votre domination. Les conseils de votre monstrueuse assemblée ont tout prévu, et vous avez, par vos infâmes lois, pourvu à tous les obstacles que vous craigniez de rencontrer parmi les hommes. Vous vous faites un jeu de braver tout ce qu’il y a de plus sacré, l’honneur et la religion. Vous regardez ces palladium de notre bonheur comme impuissants auprès de votre invisibilité, seul garant de votre sûreté. Vous jetez le ridicule sur les principales sources de bonheur de toute société, parcequ’elles nous préservent de tous vos affreux principes, et qu’elles combattent par la sublimité de leur ascendant. En jugeant des maux d’autrui par ceux que vous m’avez fait souffrir, je peux me convaincre du mal que vous pouvez faire endurer à ceux qui n’ont pas, comme moi, appris à connaître toutes vos perfidies, et qui attribuent leurs maux à une cause différente... Ah ! Si du moins je souffre autant qu’eux, j’ai l’avantage de connaître d’où partent les coups qui me frappent. Monstres, perturbateurs du repos et du bonheur du genre humain, Dieu m’a donné un cœur pur, un cœur ennemi du crime, qui sait, dès le premier moment de votre apparition, vous connaître et vous apprécier. Je veux à chaque instant, dans l’horreur qui m’anime, vous dévoiler aux yeux de l’univers ; mais, soit que l’indignation que vous m’inspirez trouble mes esprits, ou que la crainte de produire trop d’effroi dans l’âme de ceux que je veux éclairer retienne ma pensée, les expressions expirent en sortant de ma bouche, et je sens que ma faiblesse ranime et redouble votre audace. Je ne puis taire qu’étonné quelquefois d’un courage que vingt-trois années de malheurs ont mis à l’épreuve, vous ne m’accordiez par intervalles un peu de relâche à vos persécutions ; mais à peine suis-je rendu à moi-même que vous recommencez vos indignes vexations. Vous lancez les cruels émissaires qui sont chargés de vous faire des prosélytes, pour me proposer ce que tout autre, qui ne serait pas autant en garde que moi, pourrait accepter : mais je refuse solennellement vos offres, elles alarment ma piété et ne font que tourmenter ma conscience. Je préfère mille fois la mort plutôt que d’acheter aux dépens du salut de mon âme la liberté que vous m’offrez. Je brave les menaces que vous me faites. Ma seule crainte est d’offenser Dieu, au nom duquel doivent frémir les émissaires envoyés par vous pour me séduire. Je sais que mes refus vous irritent et vous acharnent à me poursuivre pour satisfaire votre vengeance : voilà pourquoi vous occupez ma tête et la fatiguez de tant de pensées diverses, qu’elle ne peut en suivre une sans qu’elle semble privée de ses facultés intellectuelles. Vous me privez aussi, par vos ruses, de l’avantage d’exhaler contre vous les plaintes nécessaires au repos que je désire recouvrer pour moi et pour les infortunés qui souffrent comme moi ; mais je rendrai tous vos efforts infructueux. Je compte assez sur l’indulgence des honnêtes gens pour croire qu’ils ne verront dans cet écrit que la pure vérité de ce que j’ai éprouvé, et qu’ils ne vous donneront pas le plaisir de critiquer l’ouvrage d’un homme qui n’écrit pas pour paraître savant, ni pour courir la carrière des poètes, mais purement et simplement pour essayer, par les expressions de la vérité, de persuader les malheureux, et qui n’écrit que pour être utile. Mon Dieu ! Pardonnez-moi ces imprécations, elles ont un peu soulagé mon âme du poids qui l’oppresse.

Berbiguier se charge de nous apprendre à quels moyens ses ennemis ont recours :

Mes ennemis ne se contentent pas de consulter l’astronomie pour me nuire, la physique les sert aussi dans leurs projets infernaux ; ils ont une machine électrique qu’ils ont disposée dans les nuages, et à l’aide de laquelle ils font éclater la foudre et fondre les orages ; c’est en se servant de cette machine qu’ils incendient les fermes, les granges, les maisons et les châteaux ; c’est avec sa roue de cristal qu’ils font tomber la grêle et la neige.

Berbiguier n’abandonne pas cependant tout espoir, et il compte sur l’effet immense que va produire la publication de ses trois volumes sur les empereurs, rois, princes et souverains.

... Ces représentants de Dieu sur la terre, dit-il, me favoriseront dans mes opérations. Ils feront bâtir des cheminées assez grandes pour y établir des fourneaux anti-farfadéens ; ils fourniront à leurs frais le soufre, le sel, les cœurs de bœufs, les foies de moutons, les aiguilles, les épingles et tout ce qui est reconnu pour contrarier la race infernale ; alors on pourra faire en grand ce que je n’ai pu faire jusqu’à présent qu’en petit, et au lieu de tuer les farfadets par centaines, ils tomberont sous nos coups par milliers.

Berbiguier termine enfin son ouvrage. Ses dernières lignes sont une prière :

Ô mon Dieu ! Que d’actions de grâces n’ai-je pas à vous rendre ! Malgré les farfadets, mon ouvrage est terminé. Mes cruels ennemis se désespèrent. J’irai bientôt offrir à tous les journalistes deux exemplaires de l’ouvrage qui doit m’immortaliser... Dieu du ciel et de la terre, bénissez mon travail. Donnez-moi la perspicacité de deviner, lorsque le corbillard porte les restes d’un farfadet, que le mort appartenait pendant sa vie à cette race infernale... Faites que par la vente de mon ouvrage je puisse récupérer la fortune de mon oncle dont les farfadets m’ont privé, et ajoutez à ma gloire acquise celle que je dois encore acquérir en vous restant dévoué.

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