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Hésiode

HÉSIODE
D’après M. Guigniaut, « Notice sur Hésiode », Poètes et moralistes de la Grèce, Éd. Garnier Frères, Paris, 1892, pp. 5-47.

Hésiode, dont le nom doit être pris, comme celui d’Homère, dans un sens tantôt individuel et tantôt collectif, fut à la fois le chef et le représentant de la seconde des deux grandes écoles de poésie épique, qui se partagèrent le domaine entier de l’esprit chez les Grecs, depuis la fondation des colonies éolo-ioniennes en Asie-Mineure et la prédominance des Doriens dans la Grèce d’Europe jusqu’à l’ère des Olympiades et à l’organisation définitive de la nation hellénique. Homère, s’emparant de la meilleure part des traditions héroïques et renouvelant sous le beau ciel de l’lonie les chants historiques des Aèdes achéens, en avait fait sortir la véritable épopée. Hésiode, recueillant les légendes d’un caractère religieux ou moral, spéculatif ou pratique, dès longtemps élaborées par les fils des Muses, par les vieux chantres sacrés de l’Olympe et de l’Hélicon, leur imposa cette forme nouvelle de l’épopée ionienne et en fit comme le catéchisme poétique et populaire des Hellènes. Homme de réflexion encore plus que d’inspiration, et préoccupé du présent bien mieux que du passé, ou plutôt mettant le passé au service du présent pour l’instruire et pour l’améliorer, Hésiode n’a pas négligé comme Homère de nous parler de sa personne, des particularités de son temps. Nous savons par lui-même (et non pas seulement, ainsi qu’on l’a prétendu, par quelqu’un de ses premiers disciples, interpolateur de ses ouvrages,) que son père vint de Cyme ou Cume en Éolide chercher en Béotie le bien-être qu’il n’avait pu trouver dans sa patrie asiatique. Il s’établit à Ascra, sur le territoire de Thespies, non loin de l’Hélicon, et ce fut là, selon toute apparence, que naquit Hésiode si souvent nommé le poète d’Ascra. Livré avec les siens aux soins de l’agriculture dans ce canton peu favorisé du ciel, l’introduction de la Théogonie, d’accord avec les Œuvres et Jours, nous le dépeint paissant ses brebis au pied de la montagne, lorsqu’il reçut des Muses la branche de laurier, symbole de sa mission poétique. Plus tard, engagé avec son frère Persès, après la mort de leur père, dans un procès au sujet de leur commun héritage, il le perdit devant ces juges corrompus, devant ces « rois mangeurs de présents », dont il se vengea en flétrissant leurs voies tortueuses, et bien mieux encore, en faisant de ce débat de famille l’occasion de ces exhortations au travail, à l’ordre, à la justice, qui, dans la personne de son frère, s’adressaient à tous ses contemporains, et qui sont l’objet principal du poème des Œuvres. On veut, mais sur des indices peu sûrs ou même imaginaires, qu’il ait composé ce poème à Orchomène, ou il se serait retiré, ayant pris Ascra en dégoût : ce qui est certain, c’est que les Orchoméniens montraient son tombeau dans leurs murs, mais en avouant qu’ils y avaient recueilli ses ossements apportés d’Ascra ruinée par les Thespiens ou qu’ils les avaient fait venir de Naupacte en Locride, sur l’ordre de la Pythie, pour délivrer leur ville de la peste par la possession de ce dépôt sacré. Quoi qu’il en soit, c’était un proverbe, chez les Grecs, que la longue vieillesse d’Hésiode ; c’était une tradition que sa double sépulture ; et pour le monument érigé en son honneur sur la place publique d’Orchomène, Pindare avait, dit-on, composé une inscription, que nous avons encore, où il est célébré comme ayant joui d’une double jeunesse, comme ayant obtenu deux tombeaux, comme ayant enseigné la mesure de la sagesse humaine.

De cette espèce d’auréole dont fut environnée de bonne heure la mémoire d’Hésiode, de ce prix singulier attaché à ses restes, aussi bien que des détails d’une légende mythique sur la mort violente qu’il aurait trouvée dans les environs de Naupacte, on a conclu, non sans quelque vraisemblance, quoique sans preuve positive, qu’il aurait été vénéré à titre de héros en Béotie et en Locride de même qu’Homère l’était à Chios. Il est sûr au moins que les provinces de la Grèce européenne, sans doute aussi la Phocide et l’Eubée, furent le théâtre sur lequel fleurit et se développa dans toutes ses variétés le genre de poésie dont il passe pour avoir été le créateur. Lui-même, il nous raconte, dans les Œuvres et Jours, qu’il aurait une seule fois franchi la mer, pour aller d’Aulis à Chalcis en Eubée prendre part aux jeux solennels, tenus dans cette ville par les fils d’Amphidamas à l’occasion des funérailles de leur père, qu’il y remporta le prix du chant consistant en un trépied, consacré par lui plus tard aux Muses Héliconiades, dans le lieu même où elles l’avaient visité de leur première inspiration. Ce récit, déjà suspect en soi, fut orné dans la suite de circonstances de plus en plus fabuleuses et devint à la fin le petit roman de la basse antiquité que nous avons sous le titre de Combat d’Homère et d’Hésiode. S’il y a quelque chose d’historique dans cette lutte supposée entre les deux illustres maîtres de l’épopée grecque, c’est le contraste non moins réel que l’affinité des deux genres poétiques qu’ils représentent ; c’est tout au plus, comme on l’a conjecturé, la rivalité des deux écoles qui procédèrent de l’un et de l’autre, rivalité où l’avantage put demeurer parfois aux rhapsodes hésiodiques. Que, du reste, Homère et Hésiode aient été contemporains, qu’ils aient appartenu à la même famille et que leur commune généalogie remonte jusqu’à Orphée ou jusqu’à tel autre des chantres mythiques de la Thrace, c’est ce qu’on ne peut admettre qu’à titre de rapprochement plus ou moins hasardé, nullement de tradition authentique. L’antiquité en était, comme nous, réduite à des inductions et à des hypothèses sur l’époque où avaient paru les deux poètes les plus anciens dont elle eût conservé les ouvrages ; et le nombre de ces ouvrages, mis successivement sur leur compte, les dates évidemment différentes qu’ils portaient en eux-mêmes, les matériaux non moins divers qui s’y trouvaient employés, ne laissaient pas que de compliquer beaucoup la question. De là, Hésiode tantôt plus ancien, tantôt plus récent qu’Homère, aussi bien que son contemporain ; de là, son existence reculée jusqu’au douzième siècle avant notre ère, ou descendant jusqu’au VIIe ; de là, par exemple, Stésichore, le poète lyrique d’Himère, donné pour son fils. Hérodote, prenant une sorte de milieu, mais nommant encore Hésiode avant Homère, les place l’un et l’autre quatre cents années avant sa naissance, c’est-à-dire au commencement du IXe siècle. Les critiques d’Alexandrie crurent, au contraire, avoir de bonnes raisons pour mettre entre eux un assez long intervalle, se fondant principalement sur la comparaison, dans le fond et dans la forme, des plus anciens et des plus authentiques parmi les poèmes qui leur étaient attribués. Ils remontèrent Homère d’un siècle ou davantage, et rapprochèrent Hésiode de l’ère des olympiades, déclarant leurs dates et leurs origines, conséquemment leurs patries, aussi différentes que les caractères de leur poésie aux yeux des connaisseurs.

Tout dans les ouvrages qui nous sont parvenus sous le nom d’Hésiode, à commencer par les Œuvres et Jours, le plus autorisé, semble venir à l’appui de cette opinion, bien qu’elle puisse, à la rigueur se concilier avec celle d’Hérodote, en ce sens qu’Homère et Hésiode représentent, dans ce qu’ils ont de commun, un seul et même grand développement de la poésie grecque, encore exclusivement épique, et dans leurs différences, les phases distinctes et les divers théâtres de ce développement : en Ionie, l’épopée héroïque et historique ; en Béotie, l’épopée morale et didactique. Le chantre d’Ascra, dans le poème que nous venons de citer, le seul que ses compatriotes voulussent reconnaître pour son oeuvre, se place évidemment à une plus grande distance qu’Homère ne fait de l’âge des héros, devenus chez Hésiode des demi-dieux ; il déplore la fatalité qui l’a jeté au milieu du cinquième âge du monde, âge de crimes et de misères, où l’on croit entrevoir les symptômes de la crise politique qui suivit les bouleversements de l’invasion dorienne et qui, du Xe au XIIIe siècle, transforma en aristocraties la plupart des petites monarchies quasi féodales de la Grèce héroïque. La vie civile est ici beaucoup plus avancée, et le peuple y tient une place déjà plus importante ; le travail y est en honneur, surtout le travail des champs, et le but principal du poète est de le faire prévaloir comme la condition même de l’homme sur la terre. Qui plus est, le secret de cette condition est recherché jusque dans l’origine du mal caché sous le voile transparent du fameux mythe de Prométhée et de Pandore ; et là se montre, aussi bien que dans la succession des cinq âges, aussi bien que dans la doctrine des démons qui s’y rattache, un degré d’abstraction et de généralisation mythologique encore inconnu à Homère. C’est même cette pensée nouvelle de la nécessité du travail fondée sur ces dogmes non moins nouveaux, développés au début du poème, qui lui donne l’espèce d’unité, grossière peut-être dans la forme, mais réelle quant aux idées, que si souvent on lui a refusée ; faute de la comprendre, faute de s’être mis au point de vue du poète et de son époque ; c’est cette pensée dominante, partout reproduite dans les exhortations qu’Hésiode adresse à son frère qui fait le lien de tous ces conseils ruraux, politiques, économiques dont se compose la plus grande partie de l’ouvrage, et où se déroule avec un grand charme d’énergique naïveté le tableau des moeurs et de l’esprit du temps. Parmi ces Conseils ou ces Exhortations, nom sous lequel les anciens désignent fréquemment le poème entier, ainsi que sous celui de Sentences, ont trouvé place un certain nombre de proverbes, fruits vénérables de l’expérience des siècles, qu’Hésiode avait recueillis, et dont quelques-uns remontaient jusqu’à l’âge héroïque. L’apologue, cette leçon figurée de la sagesse antique, n’y pouvait pas manquer : aussi en était-il considéré comme le premier auteur. À la suite des Œuvres, titre qui semble s’appliquer d’une manière plus spéciale aux préceptes relatifs à l’agriculture et à la navigation, beaucoup moins prisée par le poète béotien, viennent les Jours, sorte de calendrier religieux, qui en était une annexe naturelle, et où l’on a soupçonné, sans preuves suffisantes, une addition postérieure, telle au reste que la composition primitive paraît en avoir reçu plusieurs autres subsistantes ou non. De ce nombre est bien certainement le petit hymne à Jupiter, que nous y lisons encore et qui lui sert de poème. Il n’existait point dans le vieil exemplaire gravé sur des lames de plomb et demi effacé, qui fut montré à Pausanias par les Béotiens de l’Hélicon, et les plus habiles critiques de l’antiquité n’hésitaient pas à le rejeter.

Nous avons déjà dit, d’après le même Pausanias, que les compatriotes d’Hésiode tenaient le poème des Œuvres et Jours comme le seul des nombreux et divers ouvrages réunis sous son nom qui fût véritablement de lui. Et, dans le fait, la Théogonie, quoiqu’elle lui soit attribuée de concert par tous les anciens philosophes, depuis Xénophane et Pythagore, jusqu’à Platon et Aristote ; quoique Hérodote l’ait manifestement en vue quand il assigne à Hésiode une date commune avec Homère ; quoique enfin les chefs critiques de l’école d’Alexandrie, les Zénodote, les Aristophane, les Aristarque, y aient reconnu un « caractère hésiodique, » ce qui déjà n’est plus aussi positif ; la Théogonie, étudiée en elle-même, révèle des indices de postériorité, non seulement par rapport à Hornère, mais encore par rapport à l’auteur des Œuvres et Jours. Sans doute la longue invocation aux Muses, qui en est le prélude, rattache les deux poèmes l’un à l’autre et semble indiquer un seul et même auteur ; mais cette invocation, quand même il faudrait, malgré ses interpolations évidentes, malgré le désordre réel ou apparent qui y règne, le regarder comme une introduction nécessaire à la Théogonie, ne saurait avoir plus d’autorité que cette dernière. Or celle-ci, qui est le côté religieux et spéculatif de la poésie hésiodique dans son ensemble, tout comme les Œuvres en sont le côté moral et pratique, porte à un bien plus haut degré l’esprit d’abstraction et de généralisation mythologique que nous y avons remarqué. Elle réduit en un système poétiquement ordonné, mais déjà presque philosophiquement élaboré, les généalogies divines jusque-là plus ou moins éparses que les prêtres ou les poètes, y compris Homère, avaient d’âge en âge imposées aux Grecs comme les articles de foi de leur religion ; elle les surmonte d’une cosmogonie, où les premiers philosophes de la Grèce, les physiciens d’Ionie, depuis Thalès, allèrent justement chercher la base de leurs théories sur l’origine du monde ; elle les soumet à une conception fondamentale qui fait la véritable unité de l’ouvrage, unité qui en donne le plan, qui en domine les principaux développements.

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