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Satyriasis

SATYASIS
Dr Bouchereau, article « Satyriasis »,
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
(Troisième série), t. VII (SAR-SCL),
Éd. Asselin et Houzeau et G. Masson, Paris, 1879, pp. 65-69.

SATYASIS. Le mot aphrodisie a été choisi pour désigner l’exagération maladive de l’appétit génésique dans l’un et l’autre sexe, le nom de satyriasis s’appliquant particulièrement à l’homme, et celui de nymphomanie à la femme. Il serait assez naturel de réunir ces deux formes de l’éréthisme génital dans une description commune, en se bornant à signaler à l’occasion les caractères distinctifs que le sexe leur impose : cette marche ordinairement suivie dans les ouvrages didactiques consacrés à l’aliénation mentale convient moins aux dictionnaires ; c’est donc pour nous conformer à l’usage que nous parlerons ici séparément du satyriasis, réservant à un autre article l’histoire de la nymphomanie. Nous chercherons autant que possible à éviter les inconvénients d’une méthode à laquelle nous sommes obligés de nous soumettre, sans pouvoir modifier en rien l’ordre des matières.

Sous le nom de satyriasis, on comprend un état d’excitation morbide des fonctions sexuelles de l’homme avec penchant irrésistible pour lui de répéter fréquemment l’acte vénérien et faculté de l’exercer un grand nombre de fois sans l’épuiser : il se développe sous l’influence de lésions organiques très-nombreuses et de troubles fonctionnels les plus variés : aussi au lieu de considérer le satyriasis comme une maladie distincte, ayant son mode de début, sa marche et sa terminaison, on est conduit à l’envisager comme un symptôme dont il est curieux d’étudier la genèse et de poursuivre les manifestations multiples dans le cours des affections au milieu desquelles il apparaît : les conditions qui président à son apparition doivent être déterminées avec précision : c’est la voie la plus sûre pour fixer la valeur de ce phénomène et de marquer sa place dans le cadre nosologique.

Le satyriasis a été rangé tantôt dans la manie dont il formerait une espèce, tantôt dans la monomanie, variété monomanie impulsive : ce n’est pas ici le lieu de discuter des classifications admises dans la psychiatrie contemporaine ; aucune ne satisfait l’esprit, mais la clarté exige que l’on suive un certain ordre. Ainsi on a établi des monomanies intellectuelles, des monomanies sensorielles, et des monomanies impulsives, suivant que la folie se manifeste davantage dans les conceptions délirantes, dans les sensations, ou par les actes impulsifs ; exemple : un homme pourrait parler sainement et sa volonté être enchaînée au point de l’exposer à commettre les actes les plus extravagants ; il est bien rare de rencontrer des malades chez lesquels on puisse établir des distinctions aussi subtiles, et le délire se révèle presque toujours par la pensée, le sentiment, ou l’acte, mais il est plus visible à un moment dans l’un ou l’autre de ces divers modes de l’activité humaine : à notre avis, il n’est pas rare de voir des aliénés s’abandonner à des impulsions irrésistibles, dangereuses, sous la conséquence de leur manie, de leur mélancolie, de leur délire partiel ; ces faits méritent d’être signalés au même titre que l’hallucination, l’illusion, le désordre des idées ; ils sont un des phénomènes de la maladie, mais ils ne la constituent pas à eux seuls. Esquirol avait cherché à distinguer l’érotomanie du satyriasis : « l’érotomanie étant pour lui une affection cérébrale chronique, caractérisée par un amour excessif tantôt pour un objet connu, tantôt pour un objet imaginaire ; dans cette vésanie, l’imagination seule est lésée, il y a erreur de l’entendement ; c’est une affection mentale dans laquelle les idées sont fixes, dominantes, comme les idées religieuses sont fixes, dominantes dans la théomanie, ou dans la lypémanie religieuse. »

Suivant cette manière de voir, l’érotomanie a pour point de départ les fonctions cérébrales, et dans le satyriasis la source du mal est dans les organes producteurs : or la distinction n’est pas aussi facile qu’elle parait an premier abord. Marc, partisan de la même doctrine, ne cherche pas à nier que l’érotomanie peut se compliquer à la longue de fureur génitale ou aidomanie ; comme il arrive qu’à celle-ci se lient des idées d’érotomanie, d’après lui, ces deux états, quoique bien distincts, ne restent jamais assez isolés entre eux pour que l’on ne rencontre parfois une fusion ou bien une complication entre l’un et l’autre : il fournit lui-même plusieurs observations, qui sont la meilleure preuve présentée en faveur de cette thèse ; les exemples abondent, dans lesquels un malade, après avoir souffert durant un certain temps de l’érotomanie, est devenu plus tard un sujet de danger public par suite des impulsions violentes suscitées par le satyriasis ; à un moment les manifestations intellectuelles sont plus saillantes, tandis que dans la période suivante les instincts prédominent, enchaînent la liberté et diminuent la responsabilité.

Certaines constitutions, certains tempéraments disposent plus particulièrement au satyriasis : les hommes à système nerveux vigoureux, aux muscles développés, aux poils abondants, au teint coloré, aux dents blanches y sont plus souvent sujets. Fréquemment ces tendances funestes leur ont été transmises par l’hérédité avec beaucoup d’autres vices d’organisation, et quand l’éducation ne parvient pas à modifier, à calmer des instincts de cette nature, les causes les plus légères les mettent au jour ; bientôt la volonté se montre impuissante à régler la satisfaction d’un appétit ordinairement très-irrégulier, le plus transitoire des besoins que l’homme ressent pendant son existence.

L’enfance, de même que la vieillesse, ne met pas à l’abri du satyriasis : c’est surtout durant la période d’activité des fonctions sexuelles qu’on le rencontre généralement : parfois il éclate à l’époque de la puberté, en même temps que d’autres phénomènes nerveux d’une intensité variable, se présente sous la forme de l’excitation maniaque ou de la manie : il en résulte souvent des actes qui réclament l’intervention de la justice et l’appréciation du médecin. Des vieillards d’un âge avancé, chez lesquels les fonctions intellectuelles sont presque toutes éteintes, la vie réduite aux instincts les plus simples, sont pris subitement d’un besoin presque automatique qu’ils cherchent à satisfaire en public, sans conscience aucune, sur des personnes de l’autre sexe, et même sur des enfants en bas âge.

La fureur génitale a été indiquée comme moins fréquente chez l’homme que chez la femme, parce qu’il ne vit pas autant qu’elle sous la dépendance des organes de la génération ; plus maître de toutes ses actions, il donne moins satisfaction à ses appétits, mène une vie active, accomplit des travaux pénibles ; il lui est aisé de se soustraire à l’empire que les organes génitaux pourraient exercer sur lui : le satyriasis atteint plus communément l’homme qui suit une existence analogue à la femme, adonné aux mêmes habitudes et frappé de quelques-uns des troubles qui s’observent si fréquemment chez elle. On le rencontre surtout parmi les êtres et les races inférieurs ; le nègre obéit à ses sensations, et n’est occupé que de satisfaire sa faim ; on le voit s’abandonner sans réserve aux
plaisirs sexuels, en revenant de ses voyages pendant lesquels tous ses instincts sauvages se sont exercés, et même au milieu des pratiques de sa religion enfantine : dans sa hutte creusée sous la neige l’habitant des rivages glacés du Groenland, durant ses longues nuits d’hiver, excité par une atmosphère artificielle, chaude et humide, une nourriture riche en principes comburants, est pris tout à coup d’une frénésie érotique que rien n’arrête, ni les liens du sang, ni l’âge : ceux qui l’ont visité et ont retracé sa physionomie, ses mœurs, son organisation sont convaincus d’avoir assisté à des scènes de délire. Les conditions matérielles de la vie quotidienne sont plus puissantes que le climat, pour développer de pareilles dispositions morbides : aussi on les voit germer au sein des cités les plus renommées par tous les avantages sociaux, chez les gens d’une instruction élevée, d’une éducation perfectionnée, mais oisifs et prédisposés à l’aliénation mentale : ces hommes ont longtemps attiré l’attention par les irrégularités de leur conduite ; ils passent subitement de la solitude aux agitations de tout genre, de la continence la plus sévère aux excès les plus plus coupables, des pratiques d’une dévotion exagérée au libertinage les plus éhonté. Dans ces natures souvent maladives tout s’allie, se confond et se succède jusqu’au jour où un grand scandale éclate et motive leur séquestration ; pour quelques-uns la raison n’est pas éteinte, et il est juste de les frapper comme ils le méritent ; d’autres au contraire subissent la fatalité morbide qu’ils ont reçue à leur nuisance ; le germe a longtemps sommeillé : ils ont résisté, puis des excès alcooliques multipliés ou toute autre cause provoque l’éclosion de la manie dans ses diverses formes.

Le satyriasis spontané n’apparaît pas à l’état de simplicité ; il est associé à d’autres maladies, c’est une complication, qui s’ajoute à beaucoup d’autres phénomènes plus importants, mais moins frappants.

L’idiotie réduit dans ses limites les plus étroites la manifestation de la pensée, qui peut faire défaut ; alors les sensations sont confuses, la perception nulle ; donc toute la vie se concentre dans quelques besoins, qui acquièrent une puissance d’autant plus grande qu’aucune force contraire ne parvient à en limiter l’exercice ; l’idiot, l’imbécile, et à un moindre degré le faible d’esprit, quand l’appétit génésique parle, veulent lui donner satisfaction par tous les moyens ; ils se montrent violents s’ils trouvent une résistance quelconque, et leurs colères deviennent de l’agitation maniaque avec l’impulsion la plus irrésistible : c’est parmi eux que l’on rencontre des types vraiment bien accusés de satyriasis d’une durée très-longue : mais ce phénomène prend rang au milieu de beaucoup d’autres, et au point de vue clinique on ne doit s’attacher à lui donner que l’importance qu’il mérite.

Certains maniaques ont de l’excitation génésique, qui peut être grande, mais on en a trop généralisé l’existence ; cette exaltation est passagère, et très-exceptionnellement elle arrive à être du satyriasis : dans la mélancolie toutes les fonctions sont languissantes, le désir du rapprochement sexuel manque le plus souvent ; au début de la paralysie générale et dans cette période nommée manie congestive l’appétit génital commande avec une force irrésistible par instants ; c’est même quelquefois le premier phénomène qui frappe une famille : un homme jusque-là réservé, continent, devient empressé près des femmes, il quitte sa demeure, fréquente la mauvaise société, ne respecte pas même son foyer domestique, il adresse ses hommages à une personne inconnue, raconte ses bonnes fortunes imaginaires, en fait parade, provoque en public une actrice, ou toute autre femme, qui n’a jamais autorisé ses démarches et se fait arrêter pour avoir prononcé des paroles obscènes ou commis des actes révoltants ; comme un changement de conduite si complet et si subit étonne de la part d’un individu auparavant très-respecté et très-estimé, on ordonne une enquête, qui révèle chez lui un trouble mental méconnu, de l’affaiblissement intellectuel, quelques idées délirantes, des accidents passagers du côté de la motilité, c’est-à-dire des signes caractéristiques de la paralysie générale. Parfois ces phénomènes demeurent obscurs, la justice a suivi son cours, une peine a été infligée, et c’est seulement après un séjour de plusieurs mois en prison que la maladie se montre d’une manière si nette que toute illusion cesse, et le détenu doit être dirigé sur un asile. L’agitation maniaque survenue à la suite d’excès multipliés dans lesquels la paralysie générale et le satyriasis ont chacun leur part peut causer la mort : alors on ne parvient pas toujours à distinguer le rôle véritable qu’on doit attribuer à l’un ou à l’autre : il faudrait parfois pratiquer l’autopsie pour résoudre le problème, et un fait secondaire, le satyriasis, apparaît comme l’élément principal, tandis que la maladie primitive, la méningo-encéphalite diffuse, demeure dans l’ombre : il n’en est plus de même quand le diagnostic de cette dernière affection devient facile, c’est-à-dire pendant sa deuxième ou sa troisième période ; alors il y a incapacité de mettre à exécution les idées érotiques qui se manifestent en grand nombre ; cette opposition du délire en présence d’une frigidité réelle est la règle ; sur ce point comme sur tant d’autres le paralytique se vante.

Le satyriasis est souvent le résultat d’intoxications par les cantharides, le phosphore : alors il est accidentel, passager, provoqué : il doit être plus particulièrement étudié en même temps que ces agents ; c’est à ces mots qu’il faut se reporter.

Diverses boissons fermentées, l’alcool à petites doses, l’opium, le haschich sont une action excitante connue sur les organes de la génération : chez les buveurs d’eau-de-vie, les mangeurs d’opium, les fumeurs de haschich de profession, on observe l’impuissance à un degré d’autant plus avancé que l’organisme absorbe une quantité plus grande de poison : avec la cachexie elle devient complète.

Après avoir énuméré les conditions différentes au milieu desquelles le satyriasis se montre, il ne peut être question de reprendre un à un chacun des phénomènes propres aux maladies qu’il vient compliquer : c’est un accident, ayant sa valeur relative, subordonné à la cause qui le provoque ; tout le reste est accessoire
il n’y a aucun intérêt à mettre en relief les paroles que prononce et les actes qu’accomplit un homme atteint de satyriasis ; la littérature ancienne ou moderne offre des écrits qui satisferont la curiosité de quiconque désire être renseigné : nul ouvrage ne doit être mentionné ici. Rappelons que le satyriasis se caractérise par une agitation qui croît de façon à devenir de la fureur : d’abord à l’heure du réveil et du coucher des images voluptueuses s’offrent à l’imagination ; vagues, confuses, ces images prennent une forme, elles rappellent des personnes connues, ou sont des créations fantastiques, empruntées à des lectures antérieures ; les organes des sens sont exaltés, et péniblement affectés par les impressions extérieures ; il arrive des illusions, des hallucinations, des spasmes, des mouvements convulsifs : l’impulsion est tellement puissante, le besoin si irrésistible que des penchants au meurtre en sont la conséquence : l’homme ne pouvant assouvir la violence des besoins vénériens sur des personnes du sexe, s’adresse à des animaux, à des cadavres ; la crainte de la mort ne l’arrête pas : privé de tout sentiment du danger, par suite de son délire, il s’abandonne à son instinct aveugle.

Le satyriasis n’a qu’une durée limitée, passagère, hormis chez les idiots et dans quelques cas très-exceptionnels ; rarement il se termine d’une manière fatale, si ce n’est dans les cas d’empoisonnement ; les lésions trouvées sont celles produites par l’agent criminel (cantharides, phosphore) avec injection des organes de la génération et de l’appareil cérébro-spinal comme dans le délire aigu.

La répétition fréquente et maladive de l’acte vénérien peut donner lieu à une forme de vésanie nommée stupeur : c’est la conséquence de l’épuisement dans lequel tombe tout l’organisme.

Le traitement institué tout d’abord est celui de la maladie principale avec recours à la médication spéciale, aux anti-aphrodisiaques, du moment que le satyriasis fait son apparition. L’hygiène fournit des moyens très-actifs pour le combattre : l’exercice musculaire et une vie occupée garantissent plus sûrement que d’autres moyens contre l’impétuosité d’un instinct qui, au lieu d’assurer la perpétuité de l’espèce, devient une cause de mort (Voy. Aphrodisie).

Les diverses questions de médecine légale que le satyriasis soulève ont été abordées et traitées avec beaucoup de développements au mot Aphrodisie (Voy. nymphomanie).

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