« Il est probable que l’étape suivante de l’intérêt porté aux excréments est celle où ils prennent la signification de cadeau et non pas celle d’or et espèces monnayées. L’enfant ne connaît pas d’autre argent que celui qu’on lui donne. Il ignore l’argent gagné par le travail, ou hérité. Les excréments étant son premier cadeau, il reporte facilement son intérêt pour ceux‑ci sur l’argent, qui lui apparaît comme un cadeau important dans la vie. Si l’on doute de cette interprétation, l’on n’a qu’à consulter son expérience psychanalytique, tant quant aux cadeaux qu’en qualité de médecin on a pu recevoir des malades, que quant aux tempêtes de transfert qu’on a pu provoquer par les cadeaux qu’éventuellement l’on a offerts à ses malades.
Une partie de cet intérêt pour les excréments est ainsi continuée par l’intérêt pour l’argent ; l’autre partie se change en désir d’avoir un enfant. Une pulsion érotico‑anale et une autre génitale (l’envie du pénis) s’associent dans ce désir d’avoir un enfant.
Mais le pénis a encore une signification érotico‑anale indépendante de l’intérêt pour l’enfant. La relation entre le pénis et le canal muqueux empli et excité par lui se trouve déjà pré-figurée à la phase sadico‑anale, phase prégénitale. Le boudin fécal — ou le bâton d’excréments, suivant l’expression d’un malade — est pour ainsi dire le premier pénis ; il excite une muqueuse celle du rectum. Il y a des personnes chez qui l’érotisme anal est resté fort et intact jusqu’à l’âge prépubéral (dix à douze ans) ; ces personnes nous apprennent que, dès la phase prégénitale, elles constituaient, dans des phantasmes ou des jeux pervers, une organisation analogue à celle de la phase génitale, le pénis et le vagin étant seulement remplacés respectivement par le bâton fécal et le rectum. Chez d’autres — les névrosés obsessionnels —, on peut constater le résultat d’une régression de l’organisation génitale : or, il se manifeste par ce fait que tous les phantasmes conçus primitivement sur le mode génital prennent un caractère anal ; le bâton fécal prend la place du pénis, le rectum celle du vagin.
Quand l’intérêt pour les excréments subit sa diminution normale, l’analogie que nous avons mise en évidence joue de telles sorte que cet intérêt se reporte sur le pénis. Que si les recherches sexuelles amènent ultérieurement le sujet à croire que l’enfant naît du rectum, l’enfant devient l’héritier principal de l’érotisme anal ; mais, en cela comme ailleurs, le pénis aura été le prédécesseur de l’enfant » (Sigmund Freud, Sur les transformations des pulsions particulièrement dans l’érotisme anal).