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Alexandre Cullerre

Autres aberrations sexuelles

Les frontières de la folie (Ch. VIII, §. III)

Date de mise en ligne : jeudi 3 janvier 2008

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Alexandre Cullerre, Les frontières de la folie, Chapitre VIII, §. III : « Autres aberrations sexuelles », Éd. J.-B. Baillière et fils, Paris, 1888, pp. 272-280.

CHAPITRE VIII
SEXUELS

—  — —
III
AUTRES ABERRATIONS SEXUELLES

Une aberration fréquente, chez les névropathes, est une répulsion instinctive, continue ou intermittente pour les rapprochements sexuels.

Mlle P… [1] (aïeule et oncle aliénés), est une hallucinée persécutée. Le mari « -a toujours remarqué de sa part plus d’éloignement que de penchant pour le rapprochement sexuel, ordinairement accompagné ou suivi de mauvaise humeur et même d’injures. C’est un acte honteux et répugnant, disait-elle. Conçoit-on qu’on puisse se livrer à de pareilles malpropretés et salir une femme habituée à se tenir propre ? » Il lui arrivait d’entrer dans tous les détails, de les rapprocher de ce qu’elle avait vu chez les animaux, d’en profiter pour humilier l’homme, de proférer alors des paroles d’extrême dégoût, de se sauver du lit conjugal et de ne vouloir point y retourner de la nuit… elle en vint à s’imaginer qu’on accomplissait partout des actes de lubricité.

Une héréditaire, hystérique, atteinte de claustrophobie et autres troubles intellectuels avec conscience, fut prise subitement d’une telle aversion pour les rapports sexuels qu’elle fuyait son mari toutes les fois qu’il manifestait quelque velléité de ce genre.

M. X…, négociant, 22 ans, constitution nerveuse, lymphatisme, anémie, tic douloureux des paupières, tremblement des mains, lourdeur de tête ; sommeil agité par des rêves confus et d’affreux cauchemars ; appétit nul, digestions laborieuses, constipation. M. X…, qui a conscience de son état, n’a ni force, ni courage pour le travail, ni même pour faire des promenades un peu longues. Il a le désir de marier, mais la seule idée d’une femme le trouble et le glace [2].

Une étrange aberration est celle que Lasègue a décrite sous ce titre : les exhibitionnistes [3]. Il s’agit d’individus, d’hommes presque exclusivement, qui font montre de leurs organes génitaux, non pas au hasard, devant les passants quels qu’ils soient, mais aux mêmes endroits, en regard des mêmes personnes. La première pensée, dit l’auteur, est qu’on a affaire à des gens vicieux ayant épuisé les débauches et réduits aux dernières ressources des excitations impuissantes. L’enquête prouve surabondamment qu’il n’en est rien. Les diverses observations citées dans ce mémoire démontrent que ce sont des prédisposés héréditaires et des cérébraux.

« Le premier cas [4] qu’il m’ait été donné d’observer m’avait laissé une vive impression. Il s’agissait d’un jeune homme (moins de trente ans) appartenant à une famille honorable, jouissant lui-même d’une situation enviée comme secrétaire d’un personnage politique de cette époque. Il était distingué d’esprit et de formes, et son éducation le rattachait au meilleur monde.

L’autorité avait été informée, par des plaintes multiples, d’un scandale qui se renouvelait dans les églises, toujours vers la tombée de la nuit. Un jeune homme, dont on donnait le signalement, se présentait subitement devant une femme en prière dans l’église alors peu fréquentée ; il étalait ses organes génitaux sans prononcer une parole et disparaissait dans l’ombre après une courte apparition.

La surveillance était difficile, à cause du nombre des endroits ou elle devait s’exercer. Un soir, cependant, cet étrange fantaisiste fut arrêté à Saint-Roch, au moment où il se livrait à son exercice périodique devant une vieille religieuse qui poussa un grand cri et éveilla l’attention du gardien. Le délit était si singulier que le parquet demanda un examen médical. J’eus avec le prévenu de longs entretiens dont je ne pus dégager que quelques indices. L’impulsion était invincible, elle se reproduisait périodiquement aux mêmes heures, jamais dans la matinée ; elle était précédée d’une anxiété qu’il attribuait à une sorte de résistance intérieure. L’enquête, poursuivie avec une sollicitude concevable, ne fournit que des documents négatifs. Tout était irréprochable, sauf les faits qui avaient motivé l’arrestation.

J’étais alors moins expérimenté, et, devant l’absence de toute conception délirante, de toute perversion intellectuelle ou nerveuse, je dus m’incliner et déclarer qu’il n’y avait pas lieu d’admettre l’irresponsabilité. J’ignore qu’elle suite fut donnée à l’affaire. »

Comme on le voit, les exhibitionnistes de ce genre ne sont que des psychopathes lucides, des impulsifs avec conscience. Le fond sur lequel ces accès se développent, n’a rien de commun avec les folies confirmées, mais n’en n’est pas moins pathologique. Guislain a désigné sous le nom de Nécrophiles des individus que la plus monstrueuse des aberrations mentales pousse à profaner les cadavres.

Le plus connu de ces individus est le sergent Bertrand qui en 1847 et 1848 déterra dans les cimetières de Bléré (Indre-et-Loire) et dans ceux d’Ivry-sur-Seine et de Montparnasse, à Paris, de nombreux cadavres de femmes, s’acharnait d’abord sur eux à coups de sabre, puis les éventrait, en arrachait les viscères et les souillait parfois ensuite d’immondes embrasements. Poussé par une impulsion irrésistible, Bertrand ne reculait pas, même devant la mort quand son accès, annoncé par de la tristesse, de l’angoisse et de la céphalgie, s’emparait de lui. Plusieurs fois il essuya des coups de feu ; il fut même blessé, rien ne l’arrêta. Il savait qu’on avait installé, pour l’atteindre, une machine infernale au cimetière Montparnasse, il s’y rendit quand même. « Je savais, dit-il à ses juges, que la machine existait pour me donner la mort ; je n’en ai pas moins franchi les murs. Une autre fois cette machine a raté. J’aurais pu la prendre et l’emporter, mais je me suis contenté de la démantibuler d’un coup de pied. Je suis entré dans le cimetière où j’ai déterré plusieurs cadavres. C’était un soir qu’il faisait une nuit profonde ; le temps était horrible, il pleuvait et tonnait très fort. En sortant du cimetière Montparnasse je me suis rendu au cimetière d’Ivry où j’ai commis les mêmes actes… ma maladie se déclarait environ tous les quinze jours : elle s’annonçait par des maux de tête. »

Les antécédents de l’accusé, selon Michéa, certains caractères physiques, la tristesse, l’amour de la solitude dans le jeune âge ; la périodicité des désirs, l’état convulsif et l’anesthésie durant les accès, sont autant de preuves qu’il ne jouissait pas de sa raison. Bertrand fut néanmoins, condamné à un an de prison.

En 1886, eurent lieu des attentats analogues au cimetière de Saint-Ouen. Dans la nuit du 25 au 26 mars, les gardiens trouvaient sur le talus le corps d’une jeune fille de dix-huit ans, nommée Mary Fernandé, qui avait été inhumée la veille à cinq heures du soir. Le cadavre avait été déterré, extrait de la bière et jeté à environ vingt mètres de l’endroit où il avait été enseveli ; il avait subi les derniers outrages. Quelques jours après on constatait que la sépulture d’une petite fille avait été violées et le corps enlevé.

Les agents continuèrent leurs recherches et plus loin, près de la haie formant clôture, ils découvraient un linceul. À cet instant, ils aperçurent un homme qui sautait de la fenêtre d’une maison voisine abandonnée. Ils se mirent à sa poursuite et parvinrent à l’arrêter. Puis ils visitèrent la maison et y trouvèrent le petit cadavre.

L’individu arrêté fut questionné, il ne répondit pas ; il semblait atterré.

Néanmoins son identité fut bientôt établie.

C’était un nommé Blot (Henri), âgé de vingt-six ans, journalier, demeurant rue Christian, n° 7.

Blot était marié et père d’un enfant. Mais sa femme, qu’il brutalisait, avait été forcée de le quitter.

Cet homme connaissait parfaitement les lieux et les usages du cimetière. Son père y avait été employé ; lui-même y avait travaillé comme fossoyeur.

Il est soumis à un examen médico-légal, et le médecin reconnaît chez lui des habitudes d’intempérance « des imperfections dues à l’hérédité morbide, mais il ne le considère pas comme un aliéné », et tout en tenant compte de ces antécédents pathologiques, l’homme de l’art conclut à une répression.

Blot est un grand garçon, portant une moustache rouge, les cheveux coupés ras, l’oeil hagard. Il dit avoir agi poussé par une volonté plus forte que la sienne. Les agents du cimetière font connaître un détail d’une importance considérable. Lorsque Blot était fossoyeur à Saint-Ouen, dit un des témoins, je vis souvent des cercueils entrouverts près de la fosse commune ; on voyait la tête et le corps. Depuis que Blot n’est plus au cimetière, ces faits ne se sont pas reproduits.

La déposition de sa femme n’est pas moins importante :

« Pendant les six premières semaines de notre ménage, je fus à peu près heureuse. Mais bientôt mon mari s’adonna à l’absinthe et devint brutal. Le fond de son caractère était sournois. Ainsi, quand nous étions hors de chez nous, il m’embrassait devant le monde et me donnait de forts coups de pied sous la table. Chez nous, quand nous étions seuls, il me frappait à coups de poing et à coups de pied n’importe où.

Pendant une grossesse, il me brutalisait abominablement pour me faire avorter. De dégoût je l’ai quitté. »

Blot a été condamné à deux ans de prison.

Michéa raconte l’histoire d’un moine quêteur, qui fut surpris accomplissant le coït sur le cadavre d’une femme qui venait de mourir. Legrand du Saulle parle d’un prêtre qui, quelques années avant la Révolution, fut convaincu d’avoir assouvi ses désirs brutaux sur le cadavre encore chaud d’une femme auprès de laquelle il avait été placé pour réciter des prières.

À côté des nécrophiles, il convient de placer ceux que M. Ball [5] appelle les Sanguinaires, et qui, par une étrange dépravation morale, sont poussés à mutiler et à torturer l’objet de leur passion. Le plus célèbre de ces monstres est Gilles de Rays, maréchal de France, qui dans ses débauches inénarrables sacrifia plus de huit cents enfants. Gilles de Rays était-il un misérable débauché ou un fou ? Grave question qu’il est impossible de résoudre. Pourtant, il semble bien qu’il ait éprouvé quelques impulsions morbides, car il avoua avoir quitté la cour parce qu’il état irrésistiblement poussé à violer et à occire le Dauphin. Ce n’est que plus tard qu’il se livra à ses épouvantables orgies.

Pour le fameux marquis de Sade, l’idéal du bonheur était de posséder une femme pendant que le sang coulait à flot d’incisions larges et profondes pratiquées sur les seins. Cet individu qui fut enfermé à Bicêtre et à Charenton, par mesure de morale publique, ne semble pas avoir donné des signes indubitables d’aliénation mentale.

Nous empruntons à M. Ball les faits suivants [6] :

André Bichel, dont l’histoire a été rapportée par Feuerbach, après avoir violé des jeunes filles, les assassinait et les coupait en morceaux. Il raconta lui-même devant le tribunal qui le jugeait le démembrement d’une de ses victimes (Catherine Leidel).

« Je lui ouvris la poitrine, dit-il, et avec un couteau je fendis les parties molles ; puis j’ai débité le corps comme un boucher ferait d’un veau. Je l’ai fendu en deux avec une hache, pour le faire entrer dans le trou que j’avais creusé d’avance sur la berge. Pendant toute cette opération, j’éprouvais un violent désir d’arracher un lambeau du cadavre et de le manger. [7] »

Ce désir, un véritable anthropophage, Léger, l’a satisfait.

Un vigneron de 24 ans quitte la maison de ses parents pour aller chercher une place. Au lieu d’accomplir raisonnablement son projet, il erre dans les bois pendant huit jours, pris d’un désir insensé de manger de la chair humaine. Il rencontre enfin une petite fille de douze ans, il la viole, puis il lui déchire les organes génitaux, lui arrache le coeur, le mange et boit son sang ; puis il enterre le cadavre.

Arrêté peu de temps après, il fait tranquillement l’aveu de son crime. Il fut condamné et exécuté. L’autopsie fut faite par Esquirol, qui trouva des adhérences entre la pie-mère et les couches corticales du cerveau. S’agissait-il d’un début de paralysie générale ?

Le dernier héros de ce genre d’ignominies est Menesclou qui fut guillotiné il y a quelques années [8]. Il avait violé, puis mutilé une petite fille de huit ans. Ch. Robin trouva, à son autopsie, des traces de méningite chronique.

Telles sont les principales formes de la dépravation sexuelle chez les dégénérés héréditaires. Nous aurions pu grossir cette liste ; nous avons préféré nous en tenir aux types les plus tranchés et les moins discutables. Le vice et la folie sont souvent assez voisins l’un de l’autre pour qu’il ne soit pas toujours facile de distinguer la ligne qui les sépare ; cependant le domaine de l’un et de l’autre doit demeurer séparé. Il ne fait pas oublier qu’une étrangeté ou une monstruosité génésiques ne peut en aucun cas suffire à caractériser un état psychopathique, et qu’on ne sera autorisé à conclure la maladie, que dans les cas où il existe manifestement chez le sujet, soit actuellement, soit dans le passé, d’autres tares psychopathiques et des désordres réels de l’intelligence.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Alexandre Cullerre, Les frontières de la folie, Chapitre VIII, §. III : « Autres aberrations sexuelles », Éd. J.-B. Baillière et fils, Paris, 1888, pp. 272-280.

Notes

[1Trélat, La folie lucide.

[2Annales médico-psych., 1868.

[3Union médicale, 1877.

[4Lasègue, Études médicales, 1884.

[5Ball, La folie érotique. Paris, 1888. p. 110.

[6L’Encéphale, 1887, et La folie érotique. Paris, 1888. p.127.

[7Westphal, Archiv. für Psychiatrie, Band VII, p. 302.

[8Motet, Ann. d’hyg. publ. et de méd. légale. 3e Série, 1880, t. VII p. 439.

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