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Richard von Krafft-Ebing

Dangers des délits sexuels pour le salut public

Psychopathia Sexualis : V. — La vie sexuelle morbide devant les tribunaux

Date de mise en ligne : lundi 8 novembre 2010

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Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

IV
LA VIE SEXUELLE MORBIDE DEVANT LES TRIBUNAUX [1]

Dangers des délits sexuels pour le salut public. — Augmentation du nombre de ces délits. — Causes probables. — Recherches cliniques. — Les juristes en tiennent peu de compte. — Points d’appui pour juger les délits sexuels. — Conditions de l’irresponsabilité. — Indications pour comprendre la signification psycho-pathologique des délits sexuels. — Les délits sexuels. — Exhibitionnistes ; fricatores ; souilleurs de statues. — Viol ; assassinat par volupté. — Coups et blessures, dégâts, mauvais traitements sur des animaux par sadisme. — Masochisme et servitude sexuelle. — Coups et blessures ; vol par fétichisme. — Débauche avec des enfants au-dessous de quatorze ans. — Prostitution. — Débauche contre nature. — Souillure d’animaux. — Débauche avec des personnes du même sexe. — Pédérastie. — La pédérastie examinée au point de vue de l’inversion sexuelle. — Différence entre la pédérastie morbide et non morbide. — Appréciation judiciaire de l’inversion sexuelle congénitale et de l’inversion acquise. — Mémoire d’un uraniste. — Raisons pour mettre hors des poursuites judiciaires les faits d’amour homosexuel. — Origine de ce vice. — Vie sociale des pédérastes. — Un bal de mysogines à Berlin. — Forme de l’instinct sexuel dans les diverses catégories de l’inversion sexuelle. — Pædicatio mulierum. — L’amour lesbien. — Nécrophilie. — Inceste. — Actes immoraux avec des pupilles.

Les codes de toutes les nations civilisées frappent celui qui commet des actes contraires aux bonnes mœurs. Comme le maintien des bonnes mœurs et de la moralité est une des conditions d’existence les plus importantes pour la communauté publique, l’État ne peut jamais faire trop quand il s’agit de protéger la moralité dans sa lutte contre la sensualité. Mais cette lutte est menée avec des armes inégales ; seuls un certain nombre d’excès sexuels peuvent être poursuivis par la loi ; la menace du châtiment n’a pas grande action sur les exubérances d’un instinct naturel si puissant ; enfin il est certain qu’une partie seulement des délits sexuels parvient à la connaissance des autorités. L’action de ces dernières est appuyée par l’opinion publique qui considère ce genre de délits comme infamant.

La statistique criminelle montre ce triste fait que, dans notre civilisation moderne, les délits sexuels ont un accroissement progressif, et particulièrement les actes de débauche avec des individus âgés de moins de quatorze ans [2].

Le moraliste ne voit dans ces tristes faits qu’une décadence des mœurs générales et, selon les circonstances, il arrive à la conclusion que la trop grande douceur du législateur dans le châtiment des délits sexuels, comparée avec la rigueur des siècles passés, est en partie la cause de l’augmentation de ce genre de délits.

Mais pour le médecin observateur l’idée s’impose que ce phénomène vital de notre civilisation moderne est en connexité avec la nervosité croissante des dernières générations, car cette nervosité crée des individus chargés de tares névropathiques, elle excite la sphère sexuelle, pousse aux abus sexuels et, étant donné que la lubricité continue à subsister même quand la puissance sexuelle est diminuée, elle conduit aux actes sexuels pervers.

On verra plus loin combien est justifiée cette manière de voir, surtout quand il s’agit d’expliquer la raison de l’accroissement remarquable du nombre des délits de mœurs commis sur des enfants.

Il ressort de ce que nous avons expliqué jusqu’ici que, en ce qui concerne l’acte des délits sexuels, ce sont souvent les conditions névropathiques et même psychopathiques de l’individu qui sont décisives. Cela posé, la responsabilité de beaucoup de gens accusés de délits de mœurs se trouve mise en doute.

On ne peut contester à la psychiatrie le mérite d’avoir reconnu et démontré la signification psychiquement morbide de nombreux actes sexuels monstrueux et paradoxaux.

Jusqu’ici la jurisprudence, législature et magistrature, n’a tenu compte que dans une mesure très restreinte de tous ces faits d’observation psycho-pathologique. Elle se met par là en contradiction avec la science médicale et risque de prononcer des condamnations et des peines contre des hommes que la science jugerait comme irresponsables de leurs actes.

Par suite de cette considération superficielle de ces délits qui compromettent gravement l’intérêt et le salut de la société, il arrive facilement que la loi condamne, à une peine déterminée, un criminel de beaucoup plus dangereux pour le public qu’un assassin ou une bête sauvage et le rende à la société après qu’il a purgé sa condamnation, tandis que l’examen scientifique démontre que l’auteur était un individu originairement dégénéré psychiquement et sexuellement, individu qui ne doit pas être puni, mais mis hors d’état de nuire pendant toute sa vie.

Une justice qui n’apprécie que l’acte, et non l’auteur de l’acte, court toujours risque de léser les intérêts importants de la société (moralité publique et sécurité) et ceux de l’individu (l’honneur).

Sur aucun terrain du droit criminel il n’est aussi nécessaire que sur ce terrain des délits sexuels que les études du magistrat et du médecin légiste se complètent ; seul l’examen anthropologico-clinique peut faire la lumière.

La forme du délit ne peut jamais par elle-même éclairer sur la question de savoir s’il s’agit d’un acte psychopathique, ou d’un acte commis dans la sphère normale de la vie psychique. L’acte pervers n’est pas toujours une preuve de la perversion du sentiment.

Les actes sexuels les plus pervers et les plus monstrueux ont déjà été observés chez des personnes saines d’esprit. Mais il faut démontrer que la perversion du sentiment est morbide. Cette preuve est fournie par l’étude du développement de l’individu et des conditions de son origine, ou par la constatation que cette perversion est le phénomène partiel d’un état général névropathique ou psychopathique.

Les species facti sont très importants, bien que leur analyse ne donne lieu qu’à des suppositions, car suivant que le même acte sexuel est commis, par exemple, par un épileptique, par un paralytique ou par un homme sain d’esprit, il présente un caractère différent ou des particularités dans la manière de procéder.

Le retour périodique de l’acte sous des modalités identiques, la forme impulsive de l’exécution fournissent des indices importants pour son caractère pathologique. Mais la question ne peut être tranchée définitivement qu’après qu’on a ramené l’acte à des mobiles psychologiques (anomalies des représentations et des sentiments) et après qu’on a établi que ces anomalies élémentaires sont des phénomènes partiels d’un état général névro-psychopathique, ou d’un arrêt du développement psychique ou d’un état de dégénérescence psychique ou d’une psychose.

Les observations citées dans la partie générale et pathologique de ce livre, pourront fournir des indications précieuses au médecin légiste pour la découverte des impulsivités de l’acte.

Ces faits indispensables pour trancher la question de savoir s’il s’agit de simple immoralité ou de psychopathie, ne peuvent être établis que par un examen médico-légal fait selon les règles de la science, qui étudie et apprécie toute la personnalité au point de vue anamnestique, anthropologique et clinique.

La preuve de l’origine congénitale d’une anomalie de la vie sexuelle est importante, et il est nécessaire, pour l’établir, de rechercher les états de dégénérescence psychique.

Une aberration acquise, pour pouvoir être reconnue comme morbide, doit être ramenée à une névropathie ou à une psychopathie.

Dans la pratique, il faut, quand pareil cas se présente, avant tout songer à l’existence d’une dementia paralytica et à l’épilepsie.

En ce qui concerne la responsabilité, on doit principalement s’appuyer sur la preuve d’un état psychopathique chez l’individu accusé d’un délit sexuel.

Cette preuve est indispensable pour éviter le danger que la simple immoralité se couvre du prétexte de la maladie.

Des états psychopathiques peuvent amener à des crimes contre les mœurs, et en même temps supprimer les conditions de la responsabilité :

1) Quand aucune contre-représentation de nature morale ou légale ne s’oppose à l’instinct sexuel normal et éventuellement accentué ; encore faut-il dans ce cas : α) que les considérations morales ou légales n’aient été jamais acquises (faiblesse mentale congénitale), ou β) que le sens moral et juridique soit perdu (faiblesse mentale acquise) ;

2) Quand l’instinct génital est renforcé (état d’exaltation psychique), en même temps que la conscience est voilée, et que le mécanisme psychique est trop troublé pour laisser entrer en action les contre-représentations qui virtuellement existent dans l’individu ;

3) Quand l’instinct sexuel est pervers (état de dégénérescence psychique), il peut être en même temps exalté et irrésistible.

Les délits sexuels qui ne se commettent pas dans un état de défectuosité, de dégénérescence ou de maladie psychiques, ne doivent jamais bénéficier de l’excuse de l’irresponsabilité.

Dans de nombreux cas on rencontrera, au lieu d’un état psychiquement morbide, une névrose locale ou générale. Comme la ligne de démarcation entre la névrose et la psychose est incertaine, que les troubles élémentaires psychiques sont fréquents dans la première et se retrouvent presque toujours dans la perversion profonde de la vie sexuelle, et comme une affection nerveuse telle que, par exemple, l’impuissance, la faiblesse irritable, etc., exerce toujours une influence sur la perpétration de l’acte criminel, une juridiction équitable concluera toujours à des circonstances atténuantes, bien que l’irresponsabilité ne puisse être admise que lorsque une défectuosité psychique ou une maladie a été constatée.

Le jurisconsulte pratique évitera, pour diverses raisons, d’avoir, dans tous les cas de délits sexuels, recours à des médecins légistes pour provoquer une enquête psychiatrique.

Quand il se voit dans la nécessité de recourir à ce moyen de défense, c’est affaire avec sa conscience et son jugement. Des indices sur la nature pathologique pourront être fournis par les circonstances suivantes :

L’auteur du délit est un vieillard. Le délit sexuel a été commis en public et avec un cynisme étonnant. Le mode de satisfaction sexuelle est puéril (exhibition), ou cruel (mutilation, assassinat par volupté), ou pervers (nécrophilie), etc.

D’après l’expérience acquise, on peut dire que, parmi les délits sexuels qu’on peut rencontrer, le viol, l’outrage aux mœurs, la pédérastie, l’amor lesbicus, la bestialité, sont ceux qui peuvent avoir une origine psycho-pathologique.

Dans le viol compliqué d’assassinat, en tant qu’il vise encore un autre but que l’assassinat, de même dans le viol des cadavres, l’existence d’un état psychopathique est probable.

L’exhibition, ainsi que la masturbation mutuelle, feront présumer comme très vraisemblable des conditions pathologiques. L’onanisation d’un autre, de même que l’onanisme passif peut se rencontrer dans la dementia senilis, dans l’inversion sexuelle, mais aussi chez de simples débauchés.

Le cunnilingus de même que le fellare (penem in os mulieris arrigere) n’ont pas présenté jusqu’ici des symptômes psycho-pathologiques.

Ces horreurs sexuelles ne semblent se rencontrer que chez les débauchés qui, rassasiés des jouissances sexuelles naturelles, ont vu en même temps s’affaiblir leur puissance. La pædicatio mulierum ne paraît pas être de nature psychopathique, mais une pratique d’époux d’un niveau moral très bas qui ont peur de faire des enfants, ou, on dehors du mariage, de cyniques rassasiés de jouissances sexuelles.

L’importance pratique du sujet nous oblige à examiner de plus près, au point de vue médico-légal, les actes sexuels qui ont été déclarés par le législateur punissables comme délits de mœurs. Ce qui nous aidera dans cet examen, c’est que les actes psycho-pathologiques qui dans certaines circonstances sont tout à fait similaires à ceux qui appartiennent à la catégorie physio-psychologique, seront mis dans leur vrai jour par la comparaison avec ces derniers.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Richard von Krafft-Ebing, Études médico-légales : Psychopathia Sexualis. Avec recherche spéciales sur l’inversion sexuelle, Traduit sur la 8e édition allemande par Émile Laurent et Sigismond Csapo, Éd. Georges Carré, Paris, 1895.

Notes

[1Voir S. Weisbrod, Die Sittlichkeitsverbrechen vor dem Gesetz, Berlin, 1891. — Don Pasquale Panta, I pervertimenti sessuali nell’uomo, Napoli, 1893.

[2Comparez : Casper, Klin. Novellen. — Lombroso, Goltdammers Archiv, t. XXX. — Œttingen, Moralstatistik, p. 191.

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