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C. M. S. Sandras

De la nymphomanie et du satyriasis

Traité pratique des maladies nerveuses (1851)

Date de mise en ligne : samedi 19 mai 2007

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C. M. S. Sandras, « De la nymphomanie et du satyriasis », Traité pratique des maladies nerveuses (Chapitre IX), T. II, Éd. Germer-Baillère, Paris, 1851, pp. 215-237.

DE LA NYMPHOMANIE ET DU SATYRIASIS

DÉFINITION. — Je réunis sous ce seul titre ces deux maladies, parce que, eu égard à la différence des sexes, elles ont la plus grande ressemblance et en même temps une communauté de causes, d’indications et de thérapeutique, dont on ne peut pas ne pas tenir compte. La nymphomanie est aux femmes ce que le satyriasis est aux hommes, une érection excessive des organes génitaux, avec exaltation des désirs vénériens. Dans l’un comme dans l’autre sexe, cette maladie offre une des plus déplorables manifestations d’un violent trouble nerveux.

Les auteurs de tous les temps se sont partagés sur la question de savoir, s’il faut rapporter cette maladie à une sorte d’exubérance des organes génitaux, ou à une surexcitation des parties centrales du système nerveux qui président à l’acte générateur. La première théorie a été soutenue par Pinel, Cabanis, Esquirol et Louyer Villermay. Gall préside en quelque sorte ceux qui défendent la théorie contraire, et qui placent avec lui dans le cervelet l’instinct de la génération. M. Voisin [1] a rassemblé dans un mémoire spécial des observations curieuses comme preuves à l’appui de cette opinion.

Les faits que je connais et ceux que j’ai lus me laissent penser que la vérité se trouve un peu dans les deux camps. Je crois que certains faits de nymphomanie et de satyriasis procèdent du centre nerveux ; que certains autres tirent leur origine des suggestions organiques ; et je ne peux pas refuser d’admettre dans tous les cas, que ces maladies, d’une part, sont tout à fait propres au système nerveux, aux fonctions nerveuses, et, d’autre part, empruntent leurs caractères symptomatiques aux fonctions spéciales des organes qui servent à les manifester. Dans cette appréciation, comme dans beaucoup d’autres, je reste de l’avis d’Hippocrate, qui insiste sur l’enchaînement réciproque de toutes les actions physiologiques du corps humain, et les compare toutes à un cercle tracé dans lequel on ne peut trouver ni commencement ni fin.

Pour exposer ce sujet avec ordre, je vais d’abord présenter séparément la description des deux maladies, et faire connaître les signes à l’aide desquels on peut les distinguer de quelques autres désordres qui leur sont plus ou moins comparables. Puis, reprenant ensemble les deux maladies parallèles, j’en examinerai les causes, les terminaisons, les complications, le pronostic et enfin le traitement.

SYMPTÔMES. — La nymphomanie ou fureur utérine, assez fréquente chez les aliénées, est, heureusement, beaucoup plus rare chez des femmes ayant conservé leur intelligence et la conscience de leurs actions. Elle s’y montre cependant quelquefois, et présente un des tableaux les plus affligeants que le médecin puisse rencontrer.

Je ne ferai pas la description de ce que M. Voisin appelle le premier degré de la maladie. Ce serait présenter le tableau ordinaire du désir sexuel porté à un haut degré. C’est Phèdre dépouillée de la poésie dont Racine l’a enveloppée, et réduite au matériel de sa passion.

Ce n’est pas encore tout à fait de la maladie.

La véritable nymphomane se sent intérieurement brûler d’une ardeur sexuelle indomptable ; une sorte de gêne épigastrique, de suggestion utérine, incessantes, l’inquiètent, la tourmentent, la poussent au mouvement, à la recherche de ce qui peut la satisfaire ; ses regards cherchent l’homme, le sollicitent, l’attirent, provoquent et fixent en lui des idées lascives ; ses gestes implorent le seul soulagement dont elle est préoccupée, et souvent concourent à le lui procurer contre nature ; son toucher brûlant et tenace, ses narines gonflées, sa respiration haletante, sa bouche incessamment humide d’une salive visqueuse sa langue à demi sortie entre les dents, et ses lèvres rétractées, ses attitudes et ses discours lascifs trahissent de mille manières les pensées qui l’obsèdent. À l’approche d’un homme, au toucher, au son de la voix, à la vue de celui que ses désirs appellent, tout son être exprime le mal qui la dévore. En même temps, les organes génitaux entrent en érection ; la vulve, dans ses mouvements désordonnés, se serre avec violence ou se dilate outre mesure ; le clitoris se gonfle, et tous les follicules du vagin, des grandes et des petites lèvres versent un liquide muqueux abondant. L’éloignement de l’objet tentateur laisse un peu calmer cet orage ; mais il se renouvelle avec la plus grande facilité, et souvent la malade conserve encore longtemps après, des sensations insensées, des désirs inassouvis, des suggestions organiques, sur lesquelles la raison reprend avec peine son empire.

Que si les habitudes, la position sociale, ou même un triste hasard donnent à la nymphomane l’occasion d’exercer l’acte auquel elle est incessamment entraînée, si elle peut se livrer en cachette à des touchers lubriques, elle provoque et répète le plus qu’elle peut les jouissances vénériennes, et, après des excès inimaginables, elle cherche encore à se satisfaire. Elle est, presque comme Juvénal l’a dit de Messaline : Lassata viris, nunquam satiata

Telle est la nymphomanie portée à son plus haut degré. Alors la femme a mis sous les pieds tout devoir social, toute pudeur, toute convenance. Elle provoque des regards, des gestes, des paroles tous les hommes quelle rencontre ; elle s’adresse à tout ce qui peut l’assouvir. C’est Pasiphaé clans les étables de Gortyne, c’est Phèdre avec Vénus tout entière à sa proie attachée. Mais, avant d’en venir là, une nymphomane peut passer par une infinité de nuances, depuis la femme facile que la vue, que les galanteries d’un homme aimable, que le regard dominateur et lascif d’un satyre civilisé ont jetée dans des pensées, puis des désirs, puis des actes érotiques ; depuis la femme nerveuse que des rêves, que des lectures, que des rapports voluptueux ont émue ; jusqu’à la femme hommasse que des organes excessivement développés, qu’une santé exubérante tourmentent souvent ; jusqu’à la femme malade qu’une affection nerveuse soumet à des sensations inconnues, à des pensées dont elle a horreur, à une domination que, dans tous les temps d’ignorance, on a attribuée à l’esprit malin. Dans toutes ces nuances, et à divers degrés, on reconnaît, et dans la physionomie, et dans les discours, et dans les gestes, et dans les actions, le combat qui se livre entre la pudeur instinctive du sexe, la convenance sociale jusque-là rigoureusement gardée, la conscience de la religion, des devoirs, des affections, le respect de soi-même et des autres, et d’autre part la suggestion, la pensée, la sensation, enfin la fureur vénérienne qui s’est emparée de la victime. Un médecin de mes amis avait vu passer par tous ces degrés une jeune personne, d’ailleurs trés-bien née, qu’une nymphomanie progressive avait jetée successivement, d’une vie désordonnée, au rang de ces prostituées dont Paris abonde. La malheureuse raccrochait ardemment dans les rues, et tâchait ainsi, disait-elle, de se guérir. Elle était arrivée en peu d’années au dernier degré de l’abrutissement. Tout cela, dans les commencements, s’était borné à des désirs d’abord comprimés, puis satisfaits par l’onanisme ; des lectures provocantes, des conversations trop libres avaient peu à peu décelé la maladie, qu’une pudeur mourante cachait encore à des regards indifférents ; enfin le mal avait éclaté dans toute sa violence jusqu’aux discours et aux gestes les plus obscènes, jusqu’à la provocation de tous les hommes, jusqu’à la fuite de la maison paternelle pour se livrer au seul métier qui offrit à satiété les actes dont on sentait le besoin. Et tout cela, sans folie, sans hallucination, sans aucun désordre apparent de l’intelligence. mais sans qu’aucun frein moral ait pu arrêter un si misérable entraînement.

Cette intégrité du raisonnement suffit pour distinguer, dans tous les cas, la nymphomanie, dont nous parlons, des véritables folies érotiques ; l’examen des organes génitaux permettra aussi de la séparer de quelques symptômes analogues offerts par certaines dartres de la vulve, du périnée ou de la partie interne et supérieure des cuisses ; la connaissance de la personne, de ses habitudes, de son éducation, de sa conformation physique, conduira le plus souvent à bien distinguer l’un de l’autre le vice ou la maladie. Ce sont là presque tous les cas sur lesquels le diagnostic doive s’exercer ; le médecin attentif ne se laissera pas tromper sur tous ces points. C’est dans l’étude du moral qu’il rencontrera les principaux signes pathognomoniques ; il tâchera, le diagnostic arrêté, de trouver, dans l’état physique, l’explication du mal dont il sera le témoin. Nous verrons plus tard que cette étude bien faite ne le laissera pas sans ressources, en présence d’un mal aussi déplorable.

Le satyriasis est, pour les hommes, ce que la nymphomanie est pour les femmes, un désir vénérien insatiable avec une disposition appropriée des organes génitaux. Tous les signes généraux que nous avons indiqués tout à l’heure, gestes, discours, regards, appel du sexe, rien n’y manque ; ajoutons seulement que chez l’homme le désir se laisse moins contraindre, s’exprime avec plus d’emportement, et va plus souvent jusqu’aux violences sur les personnes. En même temps, les organes génitaux sont excités, chauds, en action continuelle. La verge est dans une érection violente ; ce ne sont pas seulement les corps caverneux qui sont pleins et durs, comme dans le priapisme ; le canal de l’urètre lui-même, et surtout le gland, sont roides et gonflés. Ces organes sont ainsi maintenus sans relâche pendant des heures, des jours, ou, s’ils s’apaisent un instant, ils se réveillent à la moindre excitation. Une pensée, la vue, l’odeur, l’approche d’une femme, suffisent pour que le paroxysme recommence. Dans cet état, certains hommes répètent l’acte vénérien complet d’une manière incroyable. Les auteurs en citent des exemples effrayants. J’ai soigné un malade, qui, toutes les nuits, recommençait avec sa femme le coït au moins douze ou quatorze fois ; et, quand elle se refusait obstinément à tant de fatigue, il y suppléait en se masturbant à ses côtés. Ces excès, soit qu’ils tinssent au début de l’affection de poitrine, soit qu’ils n’aient fait que provoquer ou accélérer cette maladie, ont fini, dans ce cas, par une phtisie pulmonaire tuberculeuse des plus aiguës. Ce malheureux avait, pendant plusieurs mois, supporté l’énorme déperdition que ce satyriasis entraînait et n’en avait pas paru beaucoup dépérir. Les exemples de cinquante, soixante, et même soixante-dix coïts complets en vingt-quatre heures, que les auteurs ont rapportés, ont tous été des cas de satyriasis aigus. Celui que je viens de rappeler peut, à bon droit, passer pour exemple de satyriasis chronique.

Cette maladie ne peut être confondue qu’avec le priapisme ; mais dans ce dernier, l’érection se borne aux corps caverneux et le désir vénérien manque ; tandis que dans le premier, l’érection est générale, et la puissance copulatrice correspond à la violence de l’érection et des désirs.

On peut, pour le satyriasis, comme pour la nymphomanie, reconnaître une foule de nuances, depuis la simple surexcitation des organes génitaux, comme elle résulte de l’habitude, de la conformation, du tempérament, des passions, des occasions, jusqu’à l’entraînement irrésistible qui conduit au viol, qui résiste à la raison, à la prudence, qui domine la volonté et détruit presque toutes les autres facultés. Je n’ai pas besoin de faire remarquer que les expressions de la maladie correspondent à l’intensité avec laquelle elle a envahi le sujet ; j’ajouterai seulement qu’ici, comme pour la nymphomanie, les fonctions générales peuvent être plus ou mains troublées ; mais, qu’en aucune d’entre elles, on ne rencontre des symptômes particuliers, qui appartiennent spécialement l’affection satyriaque ou nymphomane. Elles sont plus ou moins troublées, excitées ou affaiblies ; mais aucune d’elles n’offre un désordre, une excitation ou un affaiblissement constant et spécial.

La nature nerveuse d’un grand nombre de satyriasis et de nymphomanies ne me paraît pas susceptible de laisser un seul doute dans l’esprit de l’observateur. Ces maladies résultent évidemment d’une surexcitation nerveuse, soit des organes génitaux, soit des portions de l’encéphale qui président au rapprochement sexuel. S’il n’y avait qu’une turgescence sanguine des organes génitaux, on n’observerait que l’érection, le gonflement simple de ces parties, comme cela arrive dans le priapisme pour les hommes, dans beaucoup d’engorgements vulvaires, vaginaux, utérins pour les femmes. Si l’excitation vénérienne cérébrale ou cérébelleuse était autre chose qu’une excitation nerveuse, on la verrait suivre la marche des affections, présenter les symptômes des désordres matériels, dont le satyriasis serait une des conséquences. Dans beaucoup de satyriasis et de nymphomanies, toutes ces conditions ne se rencontrent pas ; on est forcé de se rejeter sur les fonctions nerveuses pour se rendre compte des phénomènes. Ce sont là les faits que j’ai droit de revendiquer dans ce traité. Il ne faudrait pas croire néanmoins que je veuille prendre comme nerveuses quelques affections semblables qui se montrent dans des conditions différentes bien connues. Par exemple, on sait ce qui arrive dans certaines maladies du cervelet, dans quelques irritations des reins, de la vessie ou de la prostate. Alors, le satyriasis marche parallèlement avec la maladie qui le fait naître ; il en suit les phases ; il s’explique par elle : ii se modifie comme elle ; c’est un satyriasis symptomatique. Il prouve seulement que des altérations matérielles introduisent dans le système nerveux des impressions analogues à celles dont ce système peut être atteint sans cela ; mais le satyriasis, sans ces désordres, démontre indubitablement aussi que cette maladie peut exister, sans aucune des causes matérielles que je viens de rappeler.

À cette raison péremptoire, il faut ajouter la marche, la forme, les substitutions, les invasions et les disparitions tout à fait nerveuses de beaucoup de ces maladies, leurs complications avec nombre d’affections de même nature, les prédispositions du sujet, en un mot tout l’ensemble des conditions étiologiques et pathologiques qui rapprochent le satyriasis et la nymphomanie des autres affections nerveuses. Quand on a observé attentivement ces maladies, il me semble raisonnable de les rapprocher comme membres d’une même famille, aussi bien qu’il me paraît juste d’admettre l’identité entre les deux maladies qui font l’objet de ce chapitre.

Ce que je viens de dire, sur la nature de ces satyriasis et nymphomanies, me dispensera d’entrer dans de plus amples détails sur le siège quelles occupent. À mes yeux, leur siège véritable est le système nerveux et non pas les organes de la copulation. Ces organes sont indispensables pour que la maladie existe ; le satyriasis n’existe pas chez les eunuques ; l’excitation vénérienne est souvent envoyée au cerveau par les organes de la génération émus primitivement ; mais la puissance qui fait la volonté, le désir, l’acte de la génération émane entièrement du système nerveux. Les organes générateurs, en conséquence de leurs fonctions fixes, peuvent éveiller dans le cerveau des pensées lascives ; ces pensées ne se traduisent en actes que par l’exercice de la fonction cérébrale, en ce qui les concerne. Il peut bien arriver qu’une excitation spéciale des organes génitaux, comme celle des cantharides, appelle plus souvent la pensée sur le but final des organes artificiellement irrités, mais l’impression et tout ce qui s’ensuit dépend du système nerveux ; c’est là que l’appel a été entendu ; c’est cette puissance qui y répond. C’est un acte éminemment nerveux que le coït ; la maladie dont nous parlons n’est qu’une exagération de la fonction ; elle est donc nécessairement de même ordre pour le siège.

Mais ici se présentent plusieurs hypothèses. Quelques physiologistes et tous les phrénologistes admettent que la fonction cérébrale qui regarde le coït a lieu dans le cervelet. On cite des expériences ; tantôt on a vu l’érection et l’éjaculation se produire aussitôt qu’on va irriter cet organe ; tantôt on parle des maladies qui le blessent, qui l’irritent, qui l’oblitèrent, et on fait remarquer que des phénomènes singuliers ont alors lieu dans les organes de la génération ; on rappelle l’évacuation spermatique habituelle des pendus en qui la colonne vertébrale n’a point été luxée et dont le cervelet a été engorgé ; on invoque les impressions voluptueuses que font naître la chaleur, les caresses de la nuque. Les phrénologistes, d’autre part, font remarquer la largeur, l’ampleur de cette région, chez les individus prodigues en sacrifices vénériens, en regards lascifs ; chez ceux que la société poursuit pour des viols ou d’autres actes semblables ; les succès qu’on a obtenus contre certains satyriasis par des applications de sangsues et de glace à la nuque.

Pour moi, j’avoue que, tout disposé que je sois à tenir compte dans la pratique de ces exemples de traitement et de guérison, je ne me sens point encore convaincu de la réalité de la localisation, qu’on prétend ainsi établir. Il est fort possible que ces guérisons résultent tout simplement de la déplétion générale du système nerveux central tout entier, de tous les tissus qui l’entourent ; que l’application de glace ait agi de la même manière sur tout l’ensemble nerveux, d’où partirait le désir désordonné et l’érection qui en serait la conséquence. L’ampleur de la nuque tient le plus souvent au développement des muscles de cette région, et coïncide avec une musculature remarquable surtout aux environs de la colonne vertébrale, à la conscience d’une grande force des lombes, à un système musculaire, respiratoire et circulatoire actifs, puissants, et capables de provoquer et de soutenir la satisfaction des désirs les plus inimaginables pour des organisations moins favorisées. L’évacuation spermatique des pendus ne prouve pas plus pour le cervelet que pour d’autres portions de l’encéphale, que pour la portion cervicale de la moelle épinière. Les observations des chirurgiens, les expériences des physiologistes laissent dans mon esprit mille doutes, à cause du nombre des parties qu’il faut léser pour arriver au cervelet, à cause de l’incertitude d’un très-grand nombre de ces expériences, à cause des faits contraires ou différents observés par d’autres physiologistes ; à cause, pour ce qui regarde les chirurgiens, des complications dont on n’a pas toujours tenu compte dans les faits favorables à l’hypothèse dont je parle ; à cause de la multitude de faits défavorables qu’on laisse ordinairement échapper, parce qu’ils ne présentent pas l’intérêt spécial qui s’attache à cette hypothèse elle-même ; à cause surtout de la diversité des lésions auxquelles on attribue un effet identique. De tout cela, force m’est de conclure que je ne suis pas encore édifié. Au point de vue de la théorie, je suis tout prêt à accepter la démonstration définitive, quand elle aura été donnée ; au point de vue de la pratique, je profite volontiers des faits utiles quels qu’ils soient, quand même ils ne seraient produits qu’en vue de soutenir une hypothèse, à laquelle je n’ai pas encore donné mon adhésion ; j’y mets seulement la condition que ces faits aient été recueillis de bonne foi et avec intelligence. Mais je ne peux pas aller plus loin ; j’aime mieux rester dans le doute méthodique. Je n’ai pas le don de la foi en matière de science.

Le satyriasis et la nymphomanie sont pour moi jusqu’à présent des maladies nerveuses ; elles ont leur siège dans le système nerveux central, même quand les instruments, les organes de ces maladies sont irrités les premiers. Il m’est impossible de me prononcer sérieusement sur la localisation de ce sens et de cette maladie, dans les diverses parties centrales du système nerveux.

CAUSES. — La recherche des causes de ces maladies contribuera encore à nous confirmer dans ces opinions.

En effet, la plus grande partie agissent sur le moral et sur les centres nerveux, beaucoup plus que sur tout le reste de l’organisme. On est en droit de faire remarquer que les causes, dont l’action est plus localement circonscrite sur les organes génitaux, ne manquent pas de l’étendre sur les centres dont nous parlons ; et par conséquent on peut soutenir facilement, que c’est par une action secondaire qu’elles déterminent ainsi le satyriasis et la nymphomanie.

La plus-puissante et la plus active do toutes ces causes est une préoccupation sexuelle prolongée. De quelque part que naisse cette préoccupation, elle conduit plus que tout autre motif aux deux maladies dont je parle. Ici, elle résultera d’habitudes vicieuses, d’une pollution réitérée de soi-même, d’attouchements, de manipulations lascifs, d’abus dans le coït ; là, de lectures obscènes, de conversations, de spectacles provoquant à la copulation. Tantôt, ce sera une continence forcée qui laissera surabonder des matières destinées à être excrétées dans leur temps ; qui tiendra l’imagination éveillée par des désirs violents, incessants, insatiables ; qui l’assiégera de pensées d’autant plus tourmentantes que la nécessité, la conscience d’un devoir, ou des craintes physiques ou morales empêcheront d’entrevoir le terme de la tentation. Tantôt, une passion absolue, exagérée, appliquée à un seul objet, à un objet dont la possession est impossible ou du moins excessivement éloignée, deviendra cause de la maladie. Quelquefois, ce sera le regret, le souvenir d’une possession heureuse et complète. Telles sont les causes les plus ordinaires des satyriasis et des nymphomanies. C’est ce qui explique ces maladies, chez des prêtres, des recluses ; chez les hommes que leur profession condamne à une longue continence ; chez les jeunes sujets qui ont, ou par des lectures furtives ou par des conversations secrètes, attisé le feu que leur âge fait naître ; chez ceux surtout en qui des désirs ainsi provoqués sont contrariés par une timidité naturelle, par tes convenances sociales, par des craintes physiques ou morales ou religieuses ; chez ceux enfin qui se sont vivement épris d’une personne inabordable à leurs jeunes désirs.

Telles sont les conditions morales qui décident la maladie quand on y est prédisposé par l’âge et par le tempérament. Il y a certains âges en effet où ces maladies se montrent plus souvent. Celui qui passe de l’adolescence à la puberté, et celui surtout qui sépare l’adulte du déclin. À ces âges, chez les hommes, les passions naissent ou bien elles ont acquis toute leur puissance, et les moyens d’y satisfaire ou manquent encore ou vont commencer à manquer ; chez les femmes, les organes de la vie sexuelle ressentent les impressions premières dues à leur développement, ou rappellent vivement leur présence au moment de quitter leur rôle.

Au point de vue des tempéraments, j’avoue que je ne partage pas complètement l’opinion des auteurs qui en ont appelé un spermatique ; mais je ne puis disconvenir non plus, que, pour certains sujets, le penchant vénérien est singulièrement prédominant. C’est dans ces conditions organiques que se rencontre le plus grand nombre de cas de ces maladies. Les crétins doivent souvent à ce tempérament leur salacité ; comme c’est à lui aussi que quelques personnes plus favorisées ont dû une puissance virile ou aphrodisiaque étonnante, en même temps qu’une puissance étendue et active pour toutes les autres fonctions des natures les plus privilégiées. On pourrait citer en preuve César et Mahomet.

Après ces causes, je ne dois pas oublier d’indiquer celles qui résultent de certains états maladifs. A. Paré raconte l’histoire d’un homme pris d’un commencement de rage, qui exerça l’acte vénérien plus de soixante fois en vingt-quatre heures. Tout le monde sait que les irritations pulmonaires amènent assez souvent une activité notable dans les organes génitaux. La salacité des phtisiques au début est notée par tous les médecins ; l’exemple que j’ai rappelé plus haut peut être invoqué à l’appui. Cette disposition tient-elle à la liaison qui existe manifestement entre les organes respiratoires et ceux de la génération ? À la même sympathie qui fait développer le larynx en même temps que les testicules et la verge chez les hommes, le volume et la gravité de ta voix, en même temps que le clitoris chez les femmes ? C’est du moins une coïncidence physiologique et pathologique des plus remarquables.

Enfin dans l’ordre pathologique, nous ne devons pas non plus passer sous silence l’empoisonnement par les cantharides. On sait assez que ces irritants des reins et du coi de la vessie ont aussi pour propriété d’exciter vivement à l’acte génital, et à tous les phénomènes qui le provoquent et l’accompagnent. Je dois seulement faire remarquer que le fait arrive toutes les fois que les cantharides sont introduites dans le sang, en quantité suffisante pour irriter les organes excréteurs de l’urine, mais cependant insuffisante pour y déterminer de graves désordres. Que les cantharides soient avalées et absorbées par les veines abdominales ou mises en contact avec le derme, l’effet se produit, si le contact est immédiat. On ne peut pas l’empêcher dans le premier cas. On le prévient dans le second, en interposant entre le derme et les cantharides une couche légère de poudre de camphre ou même une simple feuille de papier brouillard. Dans les deux cas, une dose modérée de cantharides ne manque pas son effet ; si la dose est trop élevée, l’érection du pénis et du gland a lieu en effet ; mais au lieu du désir vénérien, c’est une sensation de chaleur âcre et brûlante, une constriction excessivement pénible qui occupe ces parties ; ce n’est plus le satyriasis, mais une véritable gangrène des organes génitaux urinaires qui menace le malade.

MARCHE. — Le satyriasis et la nymphomanie se terminent quelquefois comme les autres maladies nerveuses, par la guérison. Plus souvent cette terminaison heureuse est empêchée par le cours d’autres maladies concomitantes, telles que la phtisie dont nous avons cité un exemple, des altérations organiques diverses, ou bien par une véritable aliénation mentale. Dans cette dernière hypothèse, il est bien difficile de dire si la maladie du début n’était pas un commencement de la seconde, une sorte de prodrome. J’avoue pour mon compte que je serais tout à fait de cet avis dans le plus grand nombre des cas.

Dans les satyriasis ou nymphomanies qui se terminent le plus heureusement, c’est-à-dire, par une guérison sans substitution morbide, le mieux ne se montre pas brusquement ; ce n’est pas du jour au lendemain que le bien arrive. Après des alternatives et des irrégularités comme on en observe dans toutes les maladies nerveuses, les symptômes diminuent peu à peu d’intensité. Le malade reprend peu à peu plus d’empire sur ses sens et sur ses actes, puis tout rentre dans l’ordre. Au bout d’un certain temps, il ne reste plus à la personne convalescente que la honte et le regret des actes qu’elle a pu commettre sous l’empire de la maladie, et en même temps une sorte d’état nerveux encore assez longtemps persistant, à cause et des pertes réitérées et de l’excitation nerveuse qui aura duré pondant plus ou moins longtemps.

Cet état nerveux, l’épuisement chlorotique, résultats des désordres préexistants, forment une des complications les plus ordinaires de la fin de la maladie. La tuberculisation au début, dans le cours ou au déclin, ne leur cède guère ; l’hystérie, l’hypochondrie, la manie elle-même sont communes encore avec le désordre qui nous occupe. Les irritations locales de la vessie, de la prostate, de l’urètre, les affections prurigineuses des mêmes parties, et quelquefois de toute la peau, revendiquent une grande part dans l’histoire des complications de ces maladies, lors toutefois qu’elles ne sont pas déjà notées comme la cause probable du satyriasis ou de la nymphomanie. Le cas de rage dont j’ai parlé forme une exception ; il est juste néanmoins d’en tenir compte, d’examiner et de vérifier ce fait, au double point de vue de l’une et l’autre maladie.

PRONOSTIC. — Ce que je viens de dire sur les terminaisons et sur les complications du satyriasis et de la nymphomanie ne peut pas manquer de faire porter, en ce qui les regarde, un pronostic souvent fâcheux. En supposant les choses au mieux, c’est-à-dire, que l’affection, purement nerveuse, exempte de toute complication, se termine par une guérison assez prompte et complète, l’état dont le malade aura gardé souvenance lui laissera toujours. des regrets et presque des remords ; un vif sentiment de honte pour les actes qu’il aura pu commettre, pour les, discours qu’il aura pu tenir ; une préoccupation fâcheuse de crainte que la maladie ne recommence ; une déplorable impression en tout ce qui concerne l’opinion et les jugements du prochain. À ce point de vue, ces maladies sont déjà très-fâcheuses. Elles le deviennent encore bien plus, quand elles montrent de la tendance à se terminer par une véritable aliénation mentale, ou, ce qui est peut-être encore moins affligeant, quand elles sont de simples prodromes d’affections pulmonaires chroniques.

Une autre considération, qui rend grave le pronostic de ces maladies, c’est la présomption acquise qu’un sujet une fois ainsi affecté ne peut guère manquer de retomber un jour ou l’autre dans le même désordre fonctionnel. Le mémoire cité plus haut de M. Voisin est plein de faits qui démontrent cette vérité.

TRAITEMENT. — La thérapeutique de ces maladies doit être envisagée sous un triple aspect ; celui des organes génitaux en eux-mêmes ; celui des centres nerveux ; et enfin celui des précautions dont il faut entourer le malade en vue de son avenir.

Sous le premier rapport, nous avons exprimé assez nettement notre opinion pour faire voir que nous n’attribuons pas la maladie aux organes dont nous parlons ; mais notre conviction à cet égard, ne nous empêche pas de tenir compte de la stimulation particulière que ce organes subissent quelquefois et du cours que leur excitation peut donner aux idées et aux actes des malades ; c’est là que nous devons nous placer pour bien juger les indications que nous offre la thérapeutique du satyriasis et de la nymphomanie, en ce qui regarde les organes génitaux.

À cet égard, pour peu qu’on entrevoie des tendances vers ces maladies, on devra recommander d’éviter tout ce qui touche ces organes, tout ce qui les échauffe, tout ce qui les appelle à leur vie fonctionnelle On recommandera, au contraire, l’application locale du froid et surtout du froid humide, les bains locaux froids, même à la glace ; les bains de siège d’une température pareille, les lavements froids ou du moins très-frais. On prescrira des lavements d’une température douce, dans lesquels on aura ajouté un jaune d’oeuf et 25 à 40 centigrammes de camphre. On fera prendre en abondance des boissons relâchantes, du bouillon de veau, de poulet, de grenouilles, de tortue, additionnés de 50 centigrammes à 1 gramme de nitrate ou d’acétate de potasse par litre. On arrangera un régime alimentaire de nature pareille, composé de viandes blanches, de fécules, de légumes aqueux, de fruits acidulés. On multipliera les bains froids, les exercices musculaires jusqu’à la fatigue et la courbature. On évitera tout ce qui excite, tout ce qui constipe, tout ce qui nourrit fortement. On abrégera le repos autant que possible. On recommandera de vider souvent la vessie.

Si l’affection est en quelque sorte accidentelle et se montre rebelle aux remèdes dont nous venons de parler, on pourra essayer de recourir à l’usage du chloroforme, comme il a été indiqué dans l’Union médical [2]. Il s’agit là d’un cas de satyriasis survenu chez un ecclésiastique après une confession. Il a été guéri par le chloroforme en topique, placé sur le siège de l’irritation secondaire. Quelques heures ont suffi pour la guérison, que n’avaient point obtenue les anti-aphrodisiaques les plus renommés. (Fait rapporté par le docteur Durnont, de Monteux.)

Si l’incitation vénérienne provient de quelque prurit vers les organes génitaux, en raison ou de quelque excrétion sébacée surabondante dans les replis muqueux connus de ces organes, ou de quelque maladie cutanée occupant le tour et les environs de ces parties, on devra s’attacher, avant tout et avec le plus grand soin, à guérir ces affections, et à diminuer ou lénifier les excrétions sébacées, soit par des soins de propreté bien entendue, soit par un emploi méthodique des agents thérapeutiques les plus efficaces contre les affections cutanées qui seront en cause.

Si les parties génitales examinées laissent découvrir quelque anomalie locale capable d’induire à la maladie générale, c’est à cette anomalie qu’il sera nécessaire de remédier. Ainsi, chez certains hommes, le prépuce est trop étroit pour que le gland soit découvert. Les matières sébacées s’amassent derrière la couronne, et il en résulte une démangeaison, une irritation locales fâcheuses. Quand les soins de propreté convenables ne suffisent pas, on est obligé de recourir â l’opération du phimosis ; cette cause d’irritation disparue, on est délivré de l’excitation locale qu’il fallait craindre. Chez les femmes, les petites lèvres trop longues peuvent sortir beaucoup et pendre entre les grandes ; elles sont ainsi frottées, excitées en marchant, en remuant les cuisses, en s’asseyant, en allant en voiture, en montant à cheval, et il est nécessaire de réduire à de meilleures proportions le parties exubérantes ; deux coups de ciseaux en font l’affaire. D’autres fois, c’est le clitoris qui a pris une amplification insolite et fait saillie au-devant de la vulve. On a conseillé alors d’en faire l’amputation ; les chirurgiens, qui ont indiqué et pratiqué cette opération, en ont vanté les bons résultats. Je n’irais pas cependant jusqu’à conseiller, même pour les cas les plus fâcheux de nymphomanie ou de satyriasis, l’extirpation des ovaires ou l’amputation des testicules, ni même la ligature des cordons. Ces opérations sont et trop graves par elles-mêmes, et trop chanceuses dans leurs résultats, pour qu’un homme sage en fasse jamais un précepte. Nous avons accepté le devoir de guérir ; nous avons, par conséquent, acquis le droit de tenter pour cela tout ce que la raison humaine nous suggère ; nous sommes heureux toutes les fois que le devoir, le droit et le pouvoir se trouvent réunis ; mais je ne reconnais jamais au médecin le droit de tuer sciemment ; ou du moins, dans une bonne intention, de faire courir à son malade de sérieuses chances de mort, qui ne seraient pas largement contrebalancées par la nécessité, et d’autre part par la possibilité du succès.

Quant à tous les moyens qu’on a regardés comme anti-aphrodisiaques, le nénuphar, les quatre semences froides mineures et même majeures, le café, que des auteurs modernes ont noté comme ennemi de Vénus, je ne les regarde tous que comme des ressources insignifiantes contre un mai si grand. Avec une imagination préoccupée, ils peuvent bien, comme les amulettes, produire l’impuissance ; mais ils n’ont rien de plus sérieux en réalité. C’est une affaire d’imagination et rien de plus.

Néanmoins, en un cas pareil, j’essayerais un moyen qui a été présenté pour ainsi dire parle hasard au docteur Patin, de Troyes [3]. Il s’agit d’une malade affectée de pertes utérines, et habituée en quelque sorte à une espèce de nymphomanie. Après quelques jours d’usage de l’acétate d’ammoniaque à la dose de quarante gouttes, trois fois par jour, cette malade remarqua que ses désirs vénériens étaient presque éteints. Elle assura que cet effet, sensible pour elle dans la première prise du médicament, s’était accru à chaque prise nouvelle. Elle craignait même que la prolongation de ce traitement ne glaçât ses sens pour toujours, et ne la privât de plaisirs qui lui étaient plus chers que la vie.

La part, que nous avons accordée dans ces maladies au système nerveux central, explique toute l’importance que nous devons donner dans le traitement aux moyens thérapeutiques qui s’adressent à cet élément du mal. C’est là que se trouve toute la prophylaxie de la maladie, c’est-à-dire, tout l’art de la prévenir, d’aller au-devant, de l’arrêter dans son début, d’en étouffer en germe les éclats. Si l’on veut bien se rappeler ce que nous avons dit sur les causes de la maladie, on pensera que nous ne pouvons pas trop insister sur cette partie de la thérapeutique.

Ainsi, dès le moment que l’on soupçonne en un sujet les prédispositions fâcheuses dont nous avons parlé, il faut brusquement mettre obstacle au développement ultérieur du germe qu’on entrevoit. Après avoir examiné les organes génitaux et remédié d’abord au vice qui les concernerait, c’est aux désordres nerveux qu’il faut remonter ; c’est à la grande thérapeutique de ce système qu’il faut avoir recours.

Le médecin aura besoin, en même temps qu’il se montrera physiologiste dans la recherche de la cause du mal, de faire voir qu’il est philosophe et homme du monde, dans l’appréciation du remède ou physique ou moral, que demanderont les âges, les sexes, les tempéraments, les professions, les passions, les habitudes. Il combattra l’état nerveux par tous les moyens dont nous avons fait ailleurs le détail et l’appréciation ; il s’emparera, suivant les âges, de la direction des idées, des conversations, des liaisons ; il gouvernera les lectures ; ii appropriera l’hygiène, les vêtements, le repos, la veille, les aliments, les distractions, les compagnies, par tous les agents que la thérapeutique, et l’hygiène bien entendue mettent à sa disposition ; il fera naître des préoccupations d’une nature opposée au mai qu’il veut combattre ; il remplacera par d’autres passions, par des diversions plus sages les passions érotiques, et surtout il tâchera de porter ailleurs l’imagination quand il trouvera les idées trop exclusives, trop absolues. Dans les natures nobles et élevées, il fera naître des pensées de dévouement, de sacrifices utiles ; il abattra par une alimentation insuffisante, par des évacuations sanguines ou alvines, les natures grossières, dont l’emportement aphrodisiaque est tout matériel. Il encouragera dans leur lutte, il dirigera et conseillera dans le combat ceux qui auront conscience de leur état, et lui demanderont avec confiance son aide et son appui. Il dominera les autres à l’aide des affections morales dont ils sont entourés, et avec toute l’autorité que son sang-froid, sa prévoyance, sa connaissance de la nature humaine doivent lui assurer.

Ajoutons à ces moyens physiques et moraux ceux que fournira de plus la connaissance de l’état du malade, des affections morbides qui compliquent le satyriasis ou la nymphomanie, et des indications spéciales qui en résultent. Un médecin vraiment digne de ce nom ne peut pas manquer dE faire sortir dE toutes ces circonstances des indications utiles, avec lesquelles j’ai tâché dans tout ce livre de familiariser le lecteur. De plus amples détails ne conduiraient à rien dans la grande majorité des cas, parce que chacun présentera toujours quelque particularité qu’on ne peut pas deviner à l’avance. Il me semble en avoir assez dit pour ceux qui auront saisi comme ii faut l’esprit de cet ouvrage.

Je dois terminer néanmoins par quelques conseils utiles sur les précautions à prendre pour l’avenir des personnes qui sont atteintes de ces maladies. Ici, c’est solitude aux nécessités morales de son malade ; il luttera contre le tempérament par le régime, par l’exercice, un adulte dont la profession ne demande pas seulement de la retenue, mais encore une réputation intègre à cet égard ; là, c’est un enfant dont l’avenir serait compromis, si on savait de par le monde à quelle maladie il a été livré ; c’est une mère de famille dont la nymphomanie ferait un objet de honte ou d’aversion dans son ménage ; un homme qu’un satyriasis connu compromettrait dans ses affections, ou dégraderait dans l’opinion publique ; pour tous, ce serait une maladie pleine de honte et de confusion dans l’avenir, après avoir été dans le présent une cause de désordre et d’aversion. Il importe donc de prendre de sages précautions pour couvrir d’un voile pudique le mal qu’on a reconnu.

Le médecin devra prendre conseil de la position sociale de son malade ; éloigner avec soin tout témoin indiscret du mal qui le tourmente ; éviter le voisinage du sexe convoité ; séquestrer complètement, s’il le faut, le patient, en laissant autour de lui seulement les rapprochements utiles dans la famille ; enlever, par des voyages bien ordonnés, et accompagnés avec choix, la victime de la nymphomanie ou du satyriasis à la curiosité des connaissances, aux tentations habituelles, à tous les souvenirs, à la présence des objets qui rappellent l’explosion de la maladie ; l’entourer en quelque sorte d’un milieu impénétrable, où rien n’entre sans la permission du médecin, d’où rien ne sorte sans qu’il l’ait voulu.

Au moyen de toutes ces précautions, les malades seront en même temps retenus dans les meilleures conditions pour guérir ; l’honneur et le repos des familles seront sauvegardés, en attendant que l’hygiène et la thérapeutique aient accompli leurs bons résultats.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de C. M. S. Sandras, « De la nymphomanie et du satyriasis », Traité pratique des maladies nerveuses (Chapitre IX), T. II, Éd. Germer-Baillère, Paris, 1851, pp. 215-237.

Notes

[1VOISIN, Des causes morales et physiques des maladies mentales et quelques autres affections nerveuses, in-8, 1826.

[2Union médicale, 1850. T. IV, p. 272.

[3PATIN, Emploi de l’acótale d’ammoniaque dans les maladies utérines ; Archives de médecine, 1828. t. XVIII, p, 228.

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