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Éditorial

Comment dépiter les charlatans ?

Les confessions involontaires d’un charlatan de la psychanalyse

Date de mise en ligne : samedi 8 janvier 2005

Auteur : Jean-Yves RAFFORT

Mots-clés :

« Borné dans sa nature, infini dans ses vœux,
L’homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux
” »
Alphonse de Lamartine

Selon Freud, la lettre « Psy », signifie inconscient. Sa sémantique agit en nous sans même nous en rendre compte. Nous refusons, tout de go, de rester en son sein et parlons d’autre chose, car il s’agit bien de ça (Ça), nous le fuyons constamment. Il est amusant de traduire « conscience ». Il n’y a pas de traduction directe en grec. L’équivalent le plus proche est “rétroversion”.

Est-il besoin d’être psychanalyste pour disserter sur l’inconscient ? Certes non et c’est même parfois préférable d’y être étranger. L’inconscient est à prendre par tout le monde et l’étude de cet inconscient, la psychanalyse, est également à prendre par tous. Comment cette étude serait seulement l’apanage de quelques-uns qui distilleraient des vérités à tous vents vers ceux qui voudraient bien les connaître mais surtout pas les contredire ?

Freud, Lacan et consort ne sont pas plus respectables que le commun des mortels et sans entrer dans la secte des destructeurs de la psychanalyse que sont les têtes pensantes qui, bien souvent, n’y connaissent rien, elle doit rester ouverte à toute critique de fond et de forme et même à la trahison suprême de l’intérêt de son existence.

Afin d’illustrer mes propos, il me semble utile de revenir sur le dernier très beau film d’Arnaud Desplechin « Rois et reine ». Dans ce film, Ismaël, fou joyeux utopique, surfe sur la vie et les évènements sans sembler s’en soucier.

« Ismaël, c’est tout ce qu’on n’ose pas faire dans la vie. Ne pas payer ses impôts, dire à une femme qu’elle n’a pas d’âme. Une relation à la désobéissance, à la filouterie céleste. Il est débarrassé de ce qui nous plombe tous : le sentiment de culpabilité », nous dit Arnaud Desplechin dans « Le Monde » [1].

Mais c’est principalement la façon dont il aborde la psychanalyse qui est intéressante. Ismaël, alias Mathieu Amalric dans le film, est en analyse depuis huit ans. Il consulte un psychanalyste de renom, trois fois par semaine. Il n’a jamais raté une séance. Mais voila, fraîchement interné dans un hôpital psychiatrique, il ne peut se rendre à sa séance. Il appelle alors son analyste, pour le lui dire, mais celui-ci confirme le rendez-vous pour 16 heures sans sembler entendre les arguments d’Ismaël. Sa voix nous fait imaginer une personne âgée, plein de mystères, fermée, évoluant dans un monde de livres et ou Freud serait comme le guide “spirituel” et invisible des lieus. Seulement voilà ! Il s’agit d’une femme noire, énorme. Rires dans la salle... Personne ne s’y attendait.

Mais Desplechin ne s’arrête pas là. Il nous invite à une séance dans laquelle toutes les règles sont transgressées. Ismaël ne s’allonge pas, il s’assoit sur une chaise alors que la caméra nous propose en plan fixe un magnifique divan et ses coussins, vide. L’analyste ne s’emmure pas dans un « silence bienveillant », mais lui pose des questions. Elle circonvole autour de lui. Elle s’assoit un instant en face de lui puis se relève. Elle est toujours en mouvement. Ismaël décrit son dernier rêve, se plaint de ce qu’il n’est pas normal, ce rêve, qu’il s’agit juste du couronnement de la reine d’Angleterre auquel il participe et que sa « troisième grand-mère » joue un rôle dans tout ça. L’association libre met en évidence, selon lui, un rapport entre ce couronnement et un livre bien particulier. Il en a marre. Il souhaiterait rêver de ses parents comme tout à chacun. Il demande s’il ne devrait pas se procurer un livre de Freud.
 « Oubliez Freud ! », lui dit son analyste.

Tout est là. Oublier Freud. Nous pouvons tout faire jusqu’à radier l’analyse de l’inconscient. Nous avons tous les droits. La psychanalyse n’a qu’un droit, celui de demander à ce que ses critiques soient placées sur le champ d’expérimentation qu’elle propose : c’est-à-dire l’inconscient.

Ce texte n’a pas vocation à expliquer ou justifier ce que Desplechin a voulu dire, s’il récuse la psychanalyse, l’usage qu’en font certains en transformant les écrits freudiens -entre autres - en véritables textes de loi, ou ces mêmes praticiens dans leurs aspects les plus rétrogrades, etc. Ce texte n’a pas plus pour fonction d’interpréter ce rêve même si on ne peut nier ses origines œdipiennes et rassurer Ismaël sur son désir. De même je ne m’étendrai pas davantage sur l’ambiguïté, voulue ou non, entre la libre association et l’interprétation que ce même Ismaël fait de son rêve.

Pour avancer, il faut remettre en cause constamment et surtout ne pas imiter. « Le seul trou qui vaille, c’est la trouvaille » disait Lacan. À ce propos, n’oublions pas de dire que si ses séminaires sont aussi difficiles à comprendre, il convient de souligner que Lacan se plaçait toujours sur le plan de l’inconscient et non du conscient. En ayant une vision « consciente » de ses textes, préférez Pierre Dac dont les jeux de mots sont autrement plus spirituels.

Mon propos vise à clarifier l’objet même du débat.
 Peut-on critiquer la psychanalyse jusqu’à proprement l’exécuter ? Oui !
 Peut-on parler de psychanalyse en réfutant son essence même, l’inconscient : Non !

Certains, néanmoins, s’y essayent, et s’y font prendre sans même sans s’en rendre compte. Catherine David nous en fournit quelques exemples frappants dans son article « Comment dépister les charlatans ? » parut dans le numéro hors série du nouvel observateur traitant de « la psychanalyse en procès » [2].

Il est tout d’abord très difficile de savoir de quoi elle parle puisqu’elle utilise le terme « Psy » et donc à priori elle dispose dans son panier, psychiatres, psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes. Un indice néanmoins : elle nous parle de plus de 350 thérapies ; il ne s’agirait donc pas de psychanalyse.

Nous parlant de la vulnérabilité des gens qui vont voir les psys, elle nous dispense des conseils précieux sans lesquels nous ne saurions quoi faire. Voyons si ces conseils s’appliquent à la psychanalyse.

Dans le désordre et sans préférences :
 Demander si le psy souscrit aux principes de la charte mondiale pour les personnes en psychothérapie. Imaginez un instant la tête de votre analyste !
 Autre conseil : Demandez à votre analyste des précisions sur sa formation dans quelle tradition il s’inscrit - ce qui indéniablement est nécessaire pour un bon transfert.

Les conseils suivants sont du même ordre : ne pas se déshabiller, ne pas payer à l’avance, éviter les sectes, ne couchez pas avec lui ou elle (même Lacan ?), ne pas accepter de battre votre enfant, de dire des prières, de répéter des mantras, etc. Enfin, Catherine David vous fournit le dernier conseil qui tue.
 N’oubliez pas que c’est vous qui décidez.

À vouloir trop en dire sur des sujets aussi différents, elle perd totalement le sens qu’elle souhaitait y mettre. De quoi parlez-vous Madame David ? De tout mais surtout pas de psychanalyse. Son champ d’action est l’inconscient et seulement l’inconscient.

En d’autres termes, n’allez pas voir des gens qui vous veulent du mal. Rendons néanmoins grâce à Madame David : la personne qui nous fournit l’explication la plus détaillée du terme “charlatan” allant même jusqu’à l’incarner. Toute chose étant bonne par ailleurs, le mérite principal de l’article de Catherine David est qu’il facilite le transfert. Mais de quel transfert parle t-on ?

Bref, nous pouvons dire que les thérapies se réfèrent à une norme alors que la psychanalyse, par ce qu’elle témoigne de l’omnipotence de l’inconscient, n’est ni codifiable ni normalisable.

Le psychanalyste se doit d’être un « inconscientonaute », sinon c’est un charlatan.

Notes

[1« Ismaël, c’est tout ce qu’on n’ose pas faire dans la vie », Propos recueillis par Jean-Luc Douin dans Le Monde du 21 décembre 2004.

[2Catherine David (Écrivain et journaliste), « Conseils aux usagers de la psy - Comment dépister les charlatans ? », Nouvel Observateur, Hors série n° 56, octobre novembre 2004, « La psychanalyse en procès », p. 18-19.

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