« “C’est une frustrée… il n’a pas fait son Œdipe… CRS = SS… c’est un génocide…”, la banalisation de ces expressions provoque une dérive sémantique qui explique que, lorsque le contexte change, les mêmes mots ne désignent plus les mêmes choses.
C’est ainsi que je me suis expliqué les incroyables contresens autour du mot “résilience”. Les “perroquets partisans” l’ont adoré. Ce concept permettait de tout guérir et de rendre aux humains leurs bonheurs perdus. Les “perroquets opposants” se sont donc empressés de le haïr, en disant que puisque la résilience définissait l’aptitude d’un métal à résister aux chocs, l’homme, n’étant pas une barre de fer, n’était pas concerné.
Le mot devient alors un signal d’appartenance vidé de tout contenu, n’ayant que la fonction de colle intellectuelle, comme à l’époque où certains psychanalystes se reconnaissaient entre eux en récitant : “Quelqu’un a manqué quelque part…”. Le but de cet automatisme verbal n’est pas d’informer sur un contenu d’idée, mais de créer un sentiment de complicité intellectuelle, une sorte de réaction à suivre un locuteur, comme nous l’avait raconté Panurge. » (Boris Cyrulnik, LeMonde.fr).