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Les Signifiants de la Psychanalyse

Pulsion

Métapsychologie

Date de mise en ligne : samedi 22 février 2003

Auteur : Christophe BORMANS

Mots-clés : ,

Le concept de pulsion : concept limite entre le psychique et le somatique

Élevé au rang des quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse par Jacques Lacan en 1964, le concept de pulsion est indéniablement l’un des plus difficiles à saisir de toute la littérature psychanalytique, dans la mesure où c’est également, sans aucun doute, le concept que Freud a le plus souvent remanié au cours de ses travaux. Ce concept peut cependant être appréhendé simplement à l’aide de la Métapsychologie freudienne, laquelle définie la pulsion comme une excitation organique que l’appareil psychique va devoir se représenter et prendre en charge.

Que cette excitation provienne d’une source organique interne signifie tout d’abord que cette excitation n’est pas momentanée, mais agit comme une force constante, une "poussée constante" dit Freud, de sorte qu’aucune fuite ne peut s’avérer véritablement efficace contre elle. La pulsion représente donc d’abord et avant tout le fait que l’appareil psychique soit forcé de prendre en charge, c’est-à-dire soit forcé de lui-même se représenter une excitation interne constante ayant pour origine l’organique.

Cette prise en charge est d’abord nécessaire en vertu du principe de plaisir auquel est soumis l’appareil psychique. Celui-ci est en effet nécessairement contraint de se représenter cette excitation, ne serait-ce, justement, que pour l’abaisser et lui donner un destin. La représentation de cette excitation constante, de cette force ou poussée constante par l’appareil psychique, devient par conséquent, non plus une énergie somatique ou organique, mais bel et bien une énergie psychique : l’énergie pulsionnelle.

Or, devant ce dilemme entre le somatique et l’appareil psychique, ce dernier se voit non seulement affublé d’un travail supplémentaire, par rapport à son travail conscient, mais surtout, d’un travail incessant, puisqu’il se voit dans l’obligation de prendre en compte et de dériver sans cesse ces excitations d’origine organique.

En fait, l’on voit clairement, comme le dit Freud, que le concept de pulsion est un "concept limite entre le psychique et le somatique". Plus exactement, le concept de pulsion est un représentant, "le représentant psychique des excitations, issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme", concept qui nous permet de mesurer "l’exigence de travail qui est imposée au psychique en conséquence de sa liaison au corporel" (Pulsions et destins des pulsions, p. 19). Réitérant une telle définition, Freud n’hésite cependant pas à en mettre en évidence toutes ses difficultés :

" Les sources les plus abondantes d’une telle excitation interne sont ce qu’on appelle les pulsions de l’organisme, les représentants de toutes forces agissantes qui proviennent de l’intérieur du corps et sont transférées à l’appareil psychique ; c’est là l’élément le plus important mais aussi le plus obscur de la recherche psychologique " (Au-delà du principe de plaisir, p. 77).

Cependant, si l’on est prêt à admettre cette difficulté que la pulsion soit un concept limite entre le somatique et le psychique, selon cette acception, une pulsion peut se définir par quatre termes : sa poussée, son but, son objet et sa source.

L’excitation première étant d’origine organique, on peut dire que la source de la pulsion est la représentation psychique de l’organe excitable. La source de la pulsion est, par exemple, la bouche, pour une excitation organique de l’appareil digestif.

L’excitation première étant une force ou poussée constante, la représentation psychique d’une telle excitation sera tout d’abord qualifiée d’active : c’est l’énergie psychique pulsionnelle. Par exemple, l’énergie psychique représentant la poussée de l’excitation de l’appareil digestif sera la faim, le regard sera l’énergie psychique de la pulsion scopique représentant l’excitation du globe oculaire, etc.

L’excitation première étant saisie par l’appareil psychique comme un déplaisir, le but de la pulsion sera toujours, nécessairement, la satisfaction de l’énergie psychique mobilisée à cet effet, c’est-à-dire la suppression totale ou, au moins partielle, de la représentation psychique de l’excitation première.

Puisque la pulsion est le représentant d’une représentation psychique d’une excitation organique interne, l’objet de la pulsion est un objet indifférent à la source organique première. Si l’excitation organique première est une excitation de l’appareil digestif, par exemple, du pain, de la viande ou des yaourts satisferont la représentation psychique de cette excitation, la faim.

Les Pulsions sexuelles et la Libido

Dans la mesure où le concept de pulsion représente le fait que l’appareil psychique, en vertu du principe de plaisir, prenne en charge et donc se représente une excitation organique quelconque, il y existe nécessairement une infinité de pulsions, puisqu’il y a une infinité de sources organiques excitables. Les yeux, la bouche et les oreilles, bien entendu, mais aussi les pores de la peau, les doigts de pied, etc.

S’ajoute à cela les excitations organiques externes auxquelles est soumis notre propre corps, lesquelles doivent également être représentées et prises en charge par l’appareil psychique. Pour peu que ces excitations somatiques d’origine externes soient répétitives, l’on peut représenter leurs représentations psychiques à l’aide d’autant de pulsions qu’il est nécessaire. Il existe de ce fait une quantité infinie de pulsions partielles. Comme Freud le souligne en effet, "le propre corps de l’individu et, avant tout, sa surface constituent une source d’où peuvent émaner à la fois des perceptions externes et des perceptions internes" (Le moi et le Ça, p. 238).

Néanmoins, il semble légitime aux vues des résultats dégagés par l’observation clinique et dans la pratique psychanalytique, de tout d’abord dégager et mettre en évidence un groupe particulier de pulsions : les pulsions sexuelles.

D’un point de vue strictement conceptuel, les pulsions sexuelles peuvent se définir comme toutes les autres pulsions, par une source, une poussée, un but et un objet. À la différence près que la source de la pulsion sexuelle, c’est-à-dire le représentant de la représentation psychique de la zone organique excitable première, pourra être qualifiée de zone érogène. Là encore, cependant, les zones érogènes sont issues de sources organiques multiples et les pulsions sexuelles sont également et avant tout, des pulsions partielles. A cet égard, Freud prend bien soin de préciser qu’"elles se manifestent d’abord indépendamment les unes des autres" (Pulsions et destins des pulsions, p. 23). Comme tout autre pulsion, les pulsions sexuelles représentent la prise en compte, par l’appareil psychique, d’une excitation répétitive ayant pour but l’obtention du plaisir d’organe. Là encore, cependant, il apparaît légitime de spécifier cette force constante représentée par l’appareil psychique.

Pour plus de clarté, en effet, l’on désigne la représentation de la poussée constante de l’excitation organique d’origine sexuelle, c’est-à-dire cette énergie psychique particulière, par le terme de libido  :

"Analogue à la faim en général, la libido désigne la force avec laquelle se manifeste la pulsion sexuelle, comme la faim désigne la force avec laquelle se manifeste la pulsion d’absorption de nourriture" (Introduction à la psychanalyse, p 292).

Cependant, l’objet pouvant satisfaire la pulsion sexuelle, c’est-à-dire l’objet autour duquel la libido tourne est, tout d’abord, indifférent. Et, à vrai dire, ce point est fondamental pour la psychanalyse, puisque les pulsions sexuelles ne présentant aucune spécificité par rapport aux autres pulsions, ce n’est seulement lorsque à l’âge de la puberté, "elles entrent au service de la fonction de reproduction", comme Freud le précise, "qu’elles se font alors généralement connaître comme pulsions sexuelles" (Pulsions et destins des pulsions, p. 23).

Les pulsions sexuelles sont donc elles aussi des pulsions partielles qui, "aux temps primitifs du développement libidinal", selon l’expression même de Freud, "vont à la chasse au plaisir de manière autonome" (Freud par lui-même, p. 64).

Principales qualités des pulsions

La principale qualité des pulsions est leur grande plasticité et, surtout, leur faculté de se déplacer et de se condenser.

Envisageons par exemple, la pulsion scopique, dont la source est l’œil, le but est le regard, c’est-à-dire l’action de regarder. On peut dire à ce niveau que l’objet peut être considéré comme indifférent, puisque cet objet est juste là "pour le plaisir des yeux", selon l’expression. Cependant, cette pulsion peut s’associer à une ou plusieurs autres, par exemple à la pulsion d’incorporation, du manger, dont l’énergie pulsionnelle est la faim, tant est si bien que l’objet capable de concilier et de satisfaire à ces deux pulsions désormais condensées ne peux plus dès lors être totalement indifférent. Il s’agira par exemple de la vitrine d’une boulangerie, qui fera tout autant saliver qu’elle satisfera la pulsion scopique. À cette condensation première, peut en outre s’associer une pulsion sexuelle partielle, ce qui complique considérablement les choses. L’on dira alors volontiers que "l’on dévore sa bien aimée des yeux", pour signifier cette condensation entre trois pulsions : la faim, le regard et une pulsion sexuelle partielle.

C’est ce que Freud entérinera dans son article de 1923, intitulé "Le Moi et le Ça" :

" Le problème de la qualité des motions pulsionnelles et de leur conservation à travers les différents destins pulsionnels est encore très obscur, et actuellement à peine abordé. Sur les pulsions partielles, qui sont particulièrement bien accessibles à l’observation, on peut constater l’existence d’un certain nombre de processus qui rentrent dans le même cadre : par exemple, les pulsions partielles communiquent dans une certaine mesure les unes avec les autres, une pulsion provenant d’une certaine source érogène peut abandonner son intensité pour renforcer une pulsion partielle d’une autre source, la satisfaction d’une pulsion peut se substituer à la satisfaction d’une autre, etc. ce qui doit nous encourager à avancer des hypothèses d’une certaine sorte. " (Le moi et le Ça, p. 258).

Ce qui distingue d’abord les pulsions est donc leur étonnante capacité à échanger leurs objets et leurs buts, c’est-à-dire leur étonnante capacité à se condenser et à se déplacer. En ce sens, la spécificité de la psychanalyse freudienne peut être réaffirmée comme pratique qui, au-delà de tout jugement moral sur ces pulsions elles-mêmes, a pour objet l’analyse de leurs condensations et de leurs déplacements inconscients.

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