« Il m’a fallu bien des réflexions, bien des observations et bien du temps pour détruire en moi l’illusion de toute cette, vaine pompe scientifique. Il n’est pas étonnant que durant ces temps de préjuges et d’erreurs ou j’estimais tant la qualité d’Auteur j’aie quelquefois aspiré à l’obtenir moi-même. C’est alors que furent composes les Vers et la plupart des autres Écrits qui sont sortis de ma plume, et entr’autres cette petite Comédie. Il y aurait peut-être de la dureté à me reprocher aujourd’hui ces amusements de ma jeunesse, et on aurait tort au moins de m’accuser d’avoir contredit en cela des principes qui n’étaient pas encore les miens. Il y a longtemps que je ne mets plus à toutes ces choses aucune espèce de prétention ; et hasarder de les donner au Public dans ces circonstances, après avoir eu la prudence de les garder si longtemps, c’est dire assez que je dédaigne également la louange et le blâme qui peuvent leur être dus ; car je ne pense plus comme l’Auteur dont ils sont l’ouvrage. Ce sont des enfants illégitimes que l’on caresse encore avec plaisir en rougissant d’en être le père, à qui l’on fait ses derniers adieux, et qu’on envoie chercher fortune, sans beaucoup s’embarrasser de ce qu’ils deviendront » (Jean-Jacques Rousseau, Préface à Narcisse ou l’amant de lui-même).