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L. Moreau

Satyriasis

Les aberrations du sens génésique (1887)

Date de mise en ligne : vendredi 20 juillet 2007

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L. Moreau, « Satyriasis », Les aberrations du sens génésique, Éd. Asselin et Houzeau, Paris, 1887, pp. 179-187.

Satyriasis

Le satyriasis est une névrose exclusivement propre au sexe masculin, et se caractérise par une érection presque continuelle (priapisme), des éjaculations répétées et par une ardeur génésique excessive s’accompagnant souvent d’hallucinations et du délire [1].

Le satyriasis est pour les hommes ce que la nymphomanie est pour les femmes et reconnaît pour causes presque toutes celles que nous avons énumérées, principalement la continence, dont l’observation du curé de Cours (page 123) est un exemple frappant, l’onanisme, l’abus des aphrodisiaques.

Le satyriasis, comme la nymphomanie, se présente avec une foule de nuances qui en rendent parfois l’étude difficile.

De la simple surexcitation des organes génitaux, la maladie peut s’élever au délire le plus complet, avec cet entraînement irrésistible qui domine la volonté, détruit presque toutes les autres facultés, et dont une des conséquences les plus ordinaires est le viol, non pas le viol de jeunes filles ou de femmes, mais le viol… inconscient pour ainsi dire : le satyriaque rencontre dans les champs ou sur le chemin une femme qu’il ne connaît pas. Que cette femme soit vieille ou jeune, laide ou belle, avenante ou sans grâce, peu lui importe, c’est une femme : à sa vue, il n’est plus maître de lui, ses sens parlent et invinciblement, il se jette sur la malheureuse, la tue si elle résiste, et sur le cadavre encore chaud, consomme son crime [2].

Le satyriasis est annoncé par des érections fréquentes, spontanées ou provoquées par la vue des femmes qui semblent entourées d’une auréole lumineuse. L’imagination est obsédée par des images lascives et un entraînement irrésistible aux plaisirs des sens. Des rêves érotiques troublent le sommeil qu’interrompent de nombreuses pollutions. Bientôt un délire tantôt tranquille, tantôt furieux, éclate, accompagné de désirs violents : pour les satisfaire tous les moyens sont bons, tous les objets sont indifférents.

Les autres sens ne restent pas inactifs et participent au désordre général : la sensibilité acquiert un développement singulier : tantôt les hallucinations les plus voluptueuses viennent charmer le regard, tantôt la moindre clarté vient impressionner péniblement la rétine : l’oreille est déchirée par le plus léger bruit, ou frappée par les sons les plus harmonieux.

Les organes sexuels sont d’une sensibilité telle, que le moindre contact excite des mouvements convulsifs et détermine l’émission de la liqueur séminale.

Puis rapidement les symptômes augmentent d’intensité :

Les malades ont soif, et vomissent, suivant Arétée, abondamment une matière pituiteuse semblable à celle qui est sur les lèvres des boucs au moment où ils se ruent sur leurs femelles : Siti laborant, pituitam larguis evonent quam labris spuma, quermadmodum hircis in libidinem ruentibus, insidet, quin etiam lhaud absimilis odor est.

La face est rouge, animée, les yeux saillants, la bouche écumante et la physionomie offre une expression assez semblable à celle des animaux en rut ; dans ces paroxysmes, le malade emporté par les transports de ses désirs s’élance sur la femme qu’il peut atteindre, sans acception d’âge ou de figure : on en a vu répéter l’acte vénérien sans être assouvis plus de quarante fois dans une nuit.

À ces paroxysmes dont on ne peut fixer la durée succède une véritable période de collapsus durant laquelle la raison reprenant son empire, le malade est triste, mélancolique, honteux de ses excès, et il n’est pas rare de le voir chercher dans une mort volontaire un terme aux tortures physiques et morales auxquelles il est en proie.

La continuité du délire, la violence des emportements, la fougue incoercible du désir, caractérisent la maladie arrivée à sa période ultime. Enflammées par la persistance du priapisme, les parties génitales sont frappées de gangrène et la mort termine presque toujours la maladie parvenue à ce degrés.

D’autres fois le priapisme venant à cesser, le délire devient moins violent, disparaît même ainsi que les autres accidents concomitants, et il ne reste plus qu’une fatigue générale, qu’un grand épuisement de l’organisme qui peut être réparé par les moyens appropries. La guérison a lieu.

Ainsi que nous l’avons dit pour la nymphomanie, le satyriasis peut se présenter à tout âge : enfants, adultes, vieillards peuvent être également atteints. Les observations suivantes en font foi :

1° Enfants.

« À Paris, dit Gall, j’ai vu le garçon d’une mulâtre âgé de moins de 3 ans, se jeter non seulement sur des petites filles, mais sur des femmes et les sommer avec audace et avec opiniâtreté de satisfaire ses désirs. Il ressentait dans les parties sexuelles, qui n’étaient point prématurément développées, mais qui présentaient des dimensions proportionnées à son âge, des érections plus que momentanées. Comme il était entouré de filles qui se prêtaient à satisfaire ses désirs, comme à un jeu piquant pour elles par sa singularité, il mourut de consomption avant d’avoir atteint la fin de sa quatrième année. Son cervelet était extraordinairement développé. Le reste de sa tète avait les dimensions ordinaires à son âge. »

Gall a également connu un garçon de 5 ans qui, sous le rapport des formes corporelles, paraissait en avoir seize. Ses parties sexuelles étaient entièrement développées ; sa nuque était large, bombée. II avait une forte barbe, une voix rauque et mâle, en un mot tous les signes d’une virilité pleine et entière. Chez cet enfant l’instinct de la propagation se manifestait de la manière la plus prononcée.

Un autre enfant de 10 ans, dans les mêmes conditions physiques que le précédent, fut détenu dans une maison de correction à Leipsick pour avoir violé une jeune fille.

2° Adolescents.

« Un jeune homme, d’une forte constitution et né d’un père riche, avait atteint son accroissement complet vers la dix-huitième année de l’âge et ce fut à cette époque de l’extrême effervescence de ses sens qu’il commença à se livrer à ses penchants avec toute l’impétuosité d’un caractère ardent, et les facilités que lui donnait un rassemblement journalier de jeunes ouvrières dans une grande manufacture. Il prend alors l’habitude de se donner au plaisir sans frein et sans mesure, le plus souvent à diverses heures du jour et de la nuit ; il fait succéder, à l’âge de 20 ans, d’autres excès non moins destructeurs, ceux de l’intempérance et de la fréquentation des lieux de débauche. Des maux vénériens, tout à coup guéris et de nouveau contractés, viennent se joindre à l’épuisement et se compliquer avec d’autres affections cutanées. Des objets de commerce rendent alors nécessaires des voyages fréquents en chaise de poste, le jour, la nuit, et dans toutes les saisons de l’année. Les traitements au mercure sont tous suspendus, renouvelés sans ordre et sans règle. Dès lors les symptômes les plus marqués d’une hypocondrie la plus profonde ; digestions laborieuses et très imparfaites, flatuosités incommodes, rapports aigres, alternatives de resserrement ou de relâchement des intestins, douleurs vives de coliques devenus périodiques ; frayeurs sans cause, pusillanimité extrême, dégoût de la vie et plusieurs tentatives de commettre un suicide. Une crédulité aveugle et puérile dans la vertu des médicaments, et une confiance entière accordée à toute espèce d’empiriques, se joignent déjà, à 25 ans, à la nullité entière pour un plaisir dont il avait abusé à l’excès et à une décadence de la raison qui ne fait que s’accroître par une masturbation effrénée, dernier vestige de son ardeur aux plaisirs de l’amour [3]. »

— Un jeune homme, très bien élevé et rempli de talents, qui depuis son enfance s’était senti violemment entraîné aux idées érotiques, les maîtrisait jusqu’à un certain point à l’aide de son penchant également décidé à la dévotion. Lorsque ses relations sociales lui eurent permis de se livrer sans contrainte aux plaisirs de l’amour, il ne tarda pas à s’apercevoir, avec une espèce d’effroi, que souvent il lui devenait difficile de détourner son attention des images voluptueuses qui le poursuivaient, pour la porter sur des affaires importantes et souvent pressées de son état. Tout son être était absorbé par la sensualité. Pour ne pas succomber tout à fait, ii se trouvait forcé de s’occuper assidûment d’objets scientifiques ou de se créer quelque nouvelle occupation favorite.

Son cervelet est d’une grandeur peu ordinaire [4].

3° Adultes.

Marc a rencontre dans une maison de santé un homme de 36 à 40 ans, petit et contrefait, fortement coloré, d’un tempérament sec et irritable, ayant de belles dents, des cheveux tirant sur le roux, et qui, après de grands excès de libertinage, perdit la raison. Il se livrait à des actes d’un cynisme dégoûtant, ne parlant que de ses prouesses passées et futures dans les termes les plus orduriers ; assurait avoir obtenu les faveurs des femmes le plus haut placées de Paris, et se complaisait à raconter les scènes les plus lubriques, qu’il affirmait s’être passées entre lui et les actrices les plus célèbres de nos théâtres, dont cependant plusieurs sont connues par leur sagesse. Comme bien à tort il se croyait comblé de tous les dons de la fortune, aucune femme ne lui résistait, et, comme il avait résolu de posséder sa soeur, parce qu’elle avait la plus belle jambe qu’il eut jamais vue, il comptait obtenir du pape une dispense qui lui permettrait de consommer l’inceste. La police avait été obligée de le confiner provisoirement dans une maison de santé et de l’y laisser à la disposition de sa famille, à cause du scandale que sa conduite avait occasionné dans les promenades et autres lieux publics.

— Un homme avait rempli avec éloge, jusqu’à sa cinquantième année, des fonctions publiques. Il s’excite alors une ardeur immodérée pour les plaisirs vénériens. Son regard est vif et animé, il fréquente des lieux de débauche, se livre à tous les excès et revient tour à tour dans la société de ses amis leur peindre les charmes d’amour pur et sans taches. Son égarement augmente par degrés, et on est obligé de le tenir enfermé. La solitude exalte son imagination fougueuse : il peint en traits de feu les plaisirs qu’il a goûtés avec ce qu’il appelle des beautés célestes ; il s’extasie en pariant de leurs grâces et de leurs vertus ; il veut faire construire un temple à l’Amour et se croit lui-même élevé au rang des dieux : ce furent là les préludes d’une fureur avec délire [5].

4° Vieillards.

Un marchand septuagénaire épousa une femme de moyen âge : désirant lui prouver que les années ne l’avaient pas privé des plus précieux attributs de la virilité, il consulte un apothicaire de Bruxelles qui lui administre des cantharides incorporées dans un sirop. À peine s’est-il couché que l’effet de la préparation se fait sentir ; et tout d’abord il éprouve un léger chatouillement dans la verge : à cette sensation succède celle d’un prurit douloureux. Bientôt les idées se troublent et se confondent, un délire érotique s’empare de lui, et les propos les plus lascifs sortent de sa bouche. Cet infortuné vieillard parle comme un amoureux. Le lendemain il pissait du sang et éprouvait une strangurie violente.

Ab. Heers appelé, jugeant, par l’espace de temps qui s’était écoulé depuis l’administration des cantharides, que le poison n’était plus dans l’estomac, prescrivit les lavements émollients rendus purgatifs par la casse. Il ordonna la décoction de nymphœa, et fit appliquer des relâchants sur les parties génitales des deux époux ; car il est bon d’observer, en finissant, que la femme avait souffert des embrassements trop répétés de son mari.

L’issue de ce traitement fut heureuse. Le médecin n’oublia pas de recommander au vieillard une extrême réserve dans l’usage des plaisirs dont l’abus avait failli lui devenir si funeste [6].

Plusieurs auteurs ont parié d’un certain Jérôme de Cambrai, qui, à l’âge de cent ans, fut condamné à mort pour cause de viol.

D’après un écrivain digne de foi, il n’y aurait là qu’une histoire qu’on doit reléguer dans le domaine des fables populaires :

« Le peuple avait donné le nom de Jérôme de Cambrai à une figure en bronze que l’on voyait avant la Révolution au-dessus de la porte de l’Hôtel de ville. On remarquait, dans la première figure, quelque chose de saillant à l’endroit des parties naturelles, et la tradition populaire portait que Jérôme, âgé de près de cent ans, condamné à mort pour cause de viol, avait obtenu sa grâce en faisant voir l’état brillant où il se trouvait au moment même où on lui lisait la sentence.

Un officier, doué de quelque talent pour la poésie, mit en s’amusant ce conte en vers, et lui procura ainsi plus de vogues sans lui donner plus d’authenticité. On chercha dans les histoires particulières de Cambrai, on fouilla dans les archives et dans les bibliothèques, rien ne parut à l’appui de cette histoire, toutes les femmes déclarèrent la chose impossible, et les gens sensés n’y virent qu’un costume du temps où le haut-de-chausses était fermé par un bouton en forme d’étui [7]. »

Les faits qu’il nous reste à signaler sont entachés d’une telle monstruosité, que l’esprit terrifié hésite à les décrire. La nature humaine dans tout ce qu’elle a de pur, de noble, est frappée de mort, le quid divinum est anéanti. La matière seule subsiste : son autorité est sans bornes : les jouissances qu’elle demande s’adressent à la matière et elle ne craint pas de recourir à la putréfaction même.

En allant du simple au composé, si tant est qu’on puisse établir des degrés parmi ces épouvantables aberrations, on trouve tout d’abord la bestialité.

Voir en ligne : Folies liées à la fonction génito-sexuelle (suite) : Bestialité

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après le texte de L. Moreau, « Satyriasis », Les aberrations du sens génésique, Éd. Asselin et Houzeau, Paris, 1887, pp. 179-187.

Notes

[1La réunion de ces symptômes est nécessaire pour caractériser le satyriasis. Ainsi qu’on le verra plus tard, lorsque nous traiterons du diagnostic, l’érection sans désirs appartient au priapisme : des désirs immodérés, sans érection mais avec délire, constituent l’érotomanie, enfin l’érection avec désirs immodérés n’est, le plus souvent, qu’une question de tempérament.

[2« On peut très bien juger des effets du satyriasis par ce qu’on observe sur le grand singe lorsqu’il aperçoit une femme. On suit quelle fureur l’anime alors et ce qui arrive aux femmes des sauvages de l’Amérique. » Bayard, de l’Utéromanie. Thèse de Paris, 1836.

« On ne saurait se faire idée, dit Deslandes, de la lascivité, de la lubricité des singes cynocéphales. À l’aspect non seulement de leurs femelles, mais d’une femme, tout leur devient étranger : du geste, du regard, de la voix, ils la provoquent : on dirait qu’ils la possèdent, qu’ils en jouissent. Leur jalousie à la vue d’un homme est sans mesure et leur emportement alors ne connaît plus de frein. Ils se livrent à des excès incroyables de copulation avec leurs femelles et, s’ils en sont privés, lis se masturbent avec fureur. »

Deslandes, De l’Onanisme et autres abus vénériens dans leurs rapports avec la santé, Paris, 1835.

[3Pinel, Aliénation mentale.

[4Gall, t. III.

[5Pinel, op. cit.

[6Hericus Ab. Heers, Obs. med., lib I, obs. IX.

[7Rony, Diction. des Sciences médi., art. satyriasis.

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