Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Bibliothèques > Bibliothèque Psychiatrie > La nymphomanie

Henri Legrand du Saulle

La nymphomanie

La folie devant les tribunaux (Chapitre XIII - § IV)

Date de mise en ligne : mardi 9 octobre 2007

Mots-clés : , ,

Henri Legrand du Saulle, La Folie devant les tribunaux, (Chapitre XIII : « L’Érotisme »), Éd. F. Savy, Paris, 1884, pp. 485-534.

Nymphomanie. — Cet état consiste dans des désirs tumultueux, une exaltation du sens génital et un penchant immodéré, presque irrésistible pour la fréquentation des hommes. On peut observer chez une véritable nymphomane une sorte de gêne épigastrique, de suggestion utérine, d’angoisses et d’inquiétude, des agaceries gracieuses, des regards tendrement expressifs, des sollicitations sous toutes les formes, des attitudes provocatrices, des familiarités insolites, des paroles suppliantes, caressantes et lascives, des poses lubriques, puis l’état complet de nudité, la fureur vénérienne, les cris amoureux et les mouvements désordonnés des organes génitaux en proie à la plus violente excitation. L’orage se calme, des sensations insensées persistent cependant, et elles provoquent à la première occasion de nouveaux et impérieux désirs, que les plus grands excès n’assouvissent en rien !

Une enfant de quinze ans, soignée à la Salpêtrière dans le service de M. Trélat, honnêtement élevée par ses parents, appelait par la fenêtre les soldats qu’elle voyait passer, pendant que son père, resté veuf, était occupé hors de chez lui.

Une autre, âgée seulement de douze ans, traitée par le même médecin, avait déjà mené une existence qui lui avait grossi la voix. Ses traits étaient prématurément vieillis ; elle avait des rides au front. Cette malheureuse sortait le soir sous le prétexte d’aller chez des amis de sa famille, et se tenait sur le trottoir pour arrêter et provoquer les passants. Elle les conduisait dans une maison qu’une autre jeune fille lui avait fait connaître. Ses parents ne furent instruits de sa conduite que par la police, avec laquelle elle n’était pas en règle et qui lui chercha noise [1].

Sophie appartient à une famille d’ouvriers où la morale la plus sévère a été la régie constante, et cependant bien avant l’âge de la puberté on remarquait chez elle une précocité qui obligeait à une surveillance active, et qui même était allée assez loin pour que son père dût lui faire sentir toute son autorité. Menstruée avant l’âge de quinze ans, Sophie sentit se développer en elle des besoins plus précis et mieux déterminés, et dès qu’elle put se soustraire à la surveillance de ses parents, elle saisit la première occasion qui se présente de goûter un plaisir qui, suivant sa propre expression, dépasse de beaucoup ce qu’elle s’en était promis. À partir de ce moment, le besoin devint plus énergique, et ses parents lui devinrent d’autant plus odieux que leur présence s’opposait à ce que ses rapports sexuels fussent aussi fréquents qu’elle l’aurait désiré. Aussi les quitta-t-elle furtivement pour venir s’installer dans une autre ville où elle put tout à son aise multiplier les relations, qui constituent dès lors le mobile de son existence.

Si, d’un côté, la satiété résulte des rapprochements fréquents avec le même individu, la promiscuité avec plusieurs la trouve constamment insatiable, et elle raconte elle-même comment, dans la même journée, elle passait successivement dans les bras de trois ou quatre hommes, vis-à-vis desquels elle déployait une ardeur sans cesse renaissante. Autant son bonheur était grand quand elle était satisfaite, autant elle souffrait quand elle devait se résigner à une privation de courte durée. Après quelques mois, elle dut changer de résidence pour fuir ses parents qui avaient découvert sa retraite. Elle alla à Lyon, où elle se livra aux mêmes désordres avec un entrain d’autant plus marqué qu’elle y avait pour compagnes deux jeunes parentes, mais elle quitta bientôt celles-ci, parce qu’elles apportaient dans cette débauche un sentimentalisme qui lui déplaisait.

Pour un moment, cette situation sembla se modifier sous l’influence d’une grossesse, et sa liaison avec un jeune homme prit alors un caractère tel, que cette affection mutuelle les conduisit à se marier. Cette union fut heureuse pendant près de trois ans ; toute trace du passé semblait effacée, lorsque Sophie se fit de nouveau remarquer par une lésion profonde de ses sentiments affectifs ; on la vit de nouveau quitter son domicile, parcourir le pays, reprendre ses premières habitudes, céder à ses premiers entraînements. Un jour, elle rencontre un jeune homme auquel elle n’adresse pas la parole ; elle lui écrit plus tard pour lui exprimer le regret de ne pas s’être rencontrée avec lui pendant la nuit. Ses enfants, qu’elle avait vivement désirés sur l’assurance que l’allaitement serait une source de nouvelles jouissances, considérés par elle comme une entrave à la satisfaction de son instinct, sont de sa part l’objet des plus mauvais traitements qui compromettent leur existence ; elle vend diverses pièces de son mobilier pour satisfaire ses goûts de voyage, et c’est après l’avoir poursuivie pendant plusieurs mois dans ce vagabondage d’un nouveau genre qu’on se décida à l’isoler. Ces faits embrassent une période de plus de six ans [2].

Une jeune femme, âgée de vingt-huit ans, et d’une bonne constitution, avait reçu une éducation brillante. Entourée des bienfaits de la fortune et douée des avantages physiques les plus remarquables, elle se maris à l’âge de seize ans. Elle ne connut d’abord que le bonheur, mais deux grossesses terminées par des accouchements avant terme l’affecteront d’autant plus, qu’elle désirait avec ardeur d’être mère. Bientôt elle part pour l’Amérique et est assaillie par de nouveaux chagrins. Convalescente du typhus, elle se fit remarquer par une volubilité extraordinaire, mais sans aucune incohérence dans les idées ; le cinquième jour, elle s’occupe d’achats inutiles, déraisonne, tient des propos indécents, et prend des attitudes lascives à la vue des hommes. Si elle se trouve avec des personnes de son sexe, elle exige qu’elles se retirent ; seule alors avec un homme ou plusieurs, pourvu que leur
mise soit élégante, elle s’épuise en supplications qui ont toujours pour objet les jouissances vénériennes et pour but le désir d’avoir un enfant. Un refus la porte à des accès de violence auxquels on est obligé d’opposer la force. Au milieu de ce désordre, on reconnaît la faculté de penser ou de lier les idées. L’isolement, un traitement physique et moral bien dirigé la rendirent à une parfaite santé [3].

Une jeune personne, appartenant à une famille honorable, éprouva et sut d’abord comprimer des désirs voluptueux, puis elle les satisfit bientôt par l’onanisme. Des conversations d’une grande liberté décelèrent ensuite des dispositions qu’un reste de pudeur tenait encore cachées, et enfin, des gestes provocateurs et des discours lascifs amenèrent des accès de désordre, la fuite de la maison paternelle et l’inscription sur les registres de la préfecture de police ! Descendue au rang des plus abjectes créatures, elle parvenait à peine, dans son infâme et très-active industrie, à tempérer les feux de sa dévorante lubricité. Et tout cela sans aucun trouble apparent de l’intelligence, sans hallucinations, sans folie, mais aussi sans qu’aucun frein moral eût pu arrêter un pareil entraînement. En peu d’années, elle tomba dans le dernier degré de l’abrutissement.

Une dame, âgée de soixante-dix ans, était possédée de la plus dégoûtante fureur utérine. Sage et modeste jusqu’à l’âge de soixante-six ans, elle devint tout à coup d’une horrible impudicité. L’offre de sa fortune était l’un de ses moyens de séduction les moins ridicules qu’elle employait. Les plus obscènes pratiques lui étaient familières pour apaiser la férocité de ses besoins [4].

Opinion médico-légale sur les nymphomanes. — Le médecin expert, en présence d’un cas analogue à l’un de ceux qui viennent d’êtres rapportés, doit soumettre la femme à un examen minutieux et rechercher s’il n’y a point chez elle une affection vermineuse ou diverses maladies cutanées, dartreuses, par exemple, ayant leur siège dans les parties voisines des organes de la génération et même quelquefois dans ces derniers, et il s’assurera si une affection arthritique ou hémorroïdale n’a pas pu également exercer quelque influence.

II nous est impossible, on le comprendra, d’appliquer aux besoins de la science et de la justice criminelle des préceptes généraux fixes et mathématiquement définis relativement à la nymphomanie. Ce que nous pouvons dire cependant, c’est que le degré d’enchaînement de la liberté morale devra être inspiré par la nature plus ou moins insolite et insensée des actes commis, ainsi que par les manifestations intellectuelles qui ont accompagné leur accomplissement. Les nymphomanes peuvent très bien éprouver des phases suspensives ou n’avoir que des ardeurs utérines intermittentes ; le médecin légiste devra donc observer ces malades avec un grand soin et à plusieurs reprises, quelquefois même pendant longtemps, afin de pouvoir se prononcer sagement sur l’état mental et sur le degré d’imputabilité. S’il a remarqué des illusions des sens et des hallucinations, il en fera l’objet d’une mention spéciale, car ces étranges erreurs ont leur part de retentissement et sur la raison et sur la responsabilité.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Henri Legrand du Saulle, La Folie devant les tribunaux, (Chapitre XIII : « L’Érotisme »), Éd. F. Savy, Paris, 1884, pp. 485-534.

Notes

[1Voir la Folie lucide, p. 41 et suivantes.

[2Renaudin, Archives clinique, 1807.

[3L. Villermay, Dictionnaire des sciences médicales.

[4Belmer, De la nymphomanie, 1818.

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise