Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Éditoriaux « psys » > Coïncidences

Éditorial

Coïncidences

« Toute coïncidence est soit un choix… soit un symptôme »

Date de mise en ligne : samedi 12 janvier 2008

Auteur : Aurélien MARION

Coïncidences

« À elle, je dis éternellement ‘Viens’, et éternellement, elle est là. » Maurice Blanchot, L’Arrêt de Mort.

Impressions de déjà (b/e/l/m/p/s/t/v)u ? Rêves ‘prémonitoires’ ? Ressemblances ? Sensation de fatalité ? Pris dans l’engrenage ? Cycles ? Toujours pareil ? Bref, bis repetita !

Certains appellent ça le ‘destin’. Il conviendrait, plutôt, de parler d’identité symptomatique. La répétition — au sens large d’un ‘retour du même’ — est, ce qui du réel, n’a pas été symbolisé (mis en langage). Dit autrement, c’est ce qui est latent (dans l’inconscient — refoulé) et qui ré-apparaît, par jet de réel : symptôme (ou re-jet). N’ayant jamais été patent (dans la parole), ce réel donne le double sentiment d’une présentation et d’un refrain. Si la mise en présence est acceptable, l’impression itérative est, en revanche, inexplicable — elle paraît impossible : c’est la part de réel du symptôme. Si ce dernier règle la répétition — par nécessité de continuité —, il n’en reste pas moins soumis au hasard : le re-tour du refoulé peut intervenir n’importe quand. Tout est dans le rapport aristotélicien d’Automaton et de Tuchê : le premier est un mécanisme aléatoire (un ‘hasard automatique’), le mobile d’un conatus (c’est le symptôme !) alors que le second est une pure contingence (un ‘hasard absolu’), l’inédit toujours différent (c’est la rencontre du réel !). Le Même structure la contingence. Mais c’est l’accident qui motive.

Ainsi, on comprend que la répétition est, également, angoissante/mortifère/neutralisante et rassurante/vivifiante/solidifiante. Elle est la persistance passive permettant tout pouvoir. Elle est protection face au déséquilibre infini, face à l’activité originale de notre tendance à créer. Elle est peut-être même, à la limite, face à l’horreur d’un devenir pur, d’un chaos, ce résidu identitaire qu’on appelle espoir. Mais il ne faut jamais oublier que l’identité symptomatique — bien que nécessaire à la vie — est riche en dangers, et est surtout, la principale force liberticide. C’est pour cela qu’il s’agit de la comprendre le plus profondément possible en étudiant les phénomènes : ce qui (ap/dis/re)paraît.

Friedrich Nietzsche nous explique que « le fait de connaître a la seule forme de la tautologie et est vide » : dans ce vide se produisent des phénomènes telles que les ‘illusions’ et les ‘anthropomorphismes’. De fait, toute connaissance est obligatoirement vide, dans le sens où elle permet simplement « d’identifier le non-identique et le semblable », elle est ce par quoi on différencie le réel du symptôme, et par extension, la pathologie de la normalité. Ainsi, le vide est le pivot nous permettant d’apprécier les dangers de la répétition, de distinguer les apparitions aliénantes — autotropes — des présentations réelles, par notre imaginaire — prosopophanes. Toute mise en présence peut être comprise comme ‘re-présentation’ au sens où l’entend Jean-Luc Nancy : présence dans l’ouverture, présence de/par l’absence, ‘ek-stase’. Jacques Lacan parlerai de ‘vectorisation phallique’ du semblant : tout ce qui apparaît est toujours déjà pris dans l’imaginaire, ce dernier étant construit par le vide et le rien (plus-de-jouir). Comment, alors, repérer le retour du même de l’épiphanie autre ?

La meilleure réponse est probablement celle de l’action (donc fondamentalement du langage) : imitation ou création, liberté maîtrisant l’imaginaire. Prendre la ‘Prosôpon’ au sens de Kai Gohara — médian évanouissant, visage comme âme masquée — et l’incarner performativement : parole résurrectionnelle (Messie). Imiter prouve l’existence du monde par métaphore anthropomorphique : choix exprimant les risques du même : la quotidienneté révèle à quel point nos symptômes peuvent nous enfermer dans les normes, les rôles, les statuts, habitudes et habitus… Bref, la structure va jusqu’à contrôler le langage, asséchant notre imaginaire tout en nous coupant du réel : destin pornologique du ‘borderline’. Mais face à ses illusions, nous avons les allusions ! Rompre le cercle infernal est toujours possible et l’imitation nous exprime l’évidence : il vaut mieux l’ennui de la ‘mienneté’ (comme dirait Martin Heidegger) que le divertissement.

L’identité symptomatique perpétue l’humanité à partir du réel : « sur l’impossible » (Nietzsche). Comprendre la répétition, c’est déjà en combattre les ‘effets pervers’ : par la nouveauté. Créer amène toujours la surprise et soulève ainsi le voile : le symptôme n’est que déterminisme, figure de la finitude — donc nécessaire — mais terreau du totalitarisme — donc dangereux. La création a toujours une ‘valeur allusive’ (cf. François Jullien) : face au blocage, à la crispation symptomatique, il y a toujours possibilité de v(o)ie, de présentation unique enrichissant l’imaginaire (et non l’inverse, comme dans le retour du refoulé). Ce qui apparaît réellement est toujours une ‘figure impossible’ (Gohara) : visage de la pas-toute.

« Au Moment voulu » (Maurice Blanchot) est ce leurre que la liberté permet : grâce à l’immuable supériorité du hasard sur l’espoir, il nous reste encore la possibilité de surprendre/suspendre le Temps (comme rapport du réel au symbolique) en laissant advenir la pas-toute : « Viens ». Invitation à l’inédite, toujours, à jamais, , aléatoirement. La pas-toute est le seul bouclier invincible face au Tout symptomatique. « Les individus sont les ponts sur lesquels reposent le devenir » (Nietzsche) : pris dans le langage, nous devons pouvoir (partiellement) maîtriser nos symptômes afin d’échapper à la mort, par le devenir. Pour que l’espoir soit toujours un résidu, ce qui reste après.

La ‘pas-toute’, mise au jour par Jacques Lacan, est cet ‘arrêt de mort’ qui, en faisant corps, nous sauve de tout destin. L’exemple limite — l’Amour — est ici — comme partout ? — le meilleur. Son caractère tychique n’est pas de l’ordre du souvenir : celui-ci est toujours création imaginaire (par le réel ou le symbolique) animant nos fantasmes. La mémoire n’est qu’images. Elle ne peut, comme les symptômes, contrôler notre identité symbolique. Et ne peut donc pas détourner la part d’impossible contenu dans tout symptôme. Le dé-tour face au re-tour : voilà la puissance de la pas-toute. Elle se présente comme ‘oxymore des oxymores’ (Gohara) : « nuage remarquable » dira Blanchot. En Amour, la pas-toute est toujours étrange (être-ange) : ‘théâtralité’ de son apparition (idéalisation ?) et ‘pauvreté’ de sa logique (fantasmes). Si bien qu’elle renverse le symptôme : qu’y a-t-il de plus étonnant qu’un Amour qui dure ? Qu’y a-t-il de plus surprenant que le Bonheur ?

Le perpétuel mouvement/déséquilibre généré par la pas-toute, dans l’Amour, est une chance, un heur, qui ne se fixe que dans le ‘Bien’ (subjectif), symptomatiquement. Ainsi, la pas-toute cristallise le hasard en détournant notre identité symptomatique. « Tension entre le mouvement et l’immobilité » (Gohara), la pas-toute est l’absolu oxymorique qui donne corps au ‘main-tenant’ (cf. étymologie) : ‘chute stationnaire’, ‘ascension immobile’ (Blanchot) — d’où le ’tomber amoureux’ —, la pas-toute procure un maintien par la subjectivité de notre imaginaire. « L’amour est l’imaginaire spécifique de chacun, ce qui ne l’unit qu’à un certain nombre de personnes pas choisies du tout au hasard. Il y a là le ressort du plus-de-jouir. » (Lacanje souligne) : juste avant, Lacan avait (pourtant) affirmé — non sans raison — que l’on aime par hasard. Mais ce qu’éclaire la pas-toute, c’est que, grâce au plus-de-jouir (rien échappant au vide), le choix détourne nos symptômes, dans l’impossible résurrection. La pas-toute nous sauve par son inexistence (son ‘rien’ face au ‘troumatisme’ — Lacan). Mais en y croyant (en la choisissant), nous la créons.

Reste qu’elle est éphémère… Et toujours différente. Ainsi, « un coup de dès jamais n’abolira le hasard » (Stéphane Mallarmé) : ce dernier est l’unique éternité en étant éternellement unique. Dès lors, toute coïncidence est soit un choix (par la pas-toute), soit un symptôme (par le refoulé).

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise