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L’a, fin de l’Art

Anatomie de la Jouissance ou les secrets de la Pornê

La Pornographie, par les Mythes et limites

Date de mise en ligne : samedi 12 avril 2008

Auteur : Aurélien MARION

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L’a, fin de l’Art :
la Pornographie, par les Mythes et limites

« Quand, [contre le pommier], elle s’est [épan]chée,
Elle a vu comme sa vulve était remarquable.
Elle s’est félicitée [qu’ell’ soit] remarquable.
Elle s’est regardée, encore regardée.
 
[…]
 
Inanna a dit :
[Sumériens d’ici], 
"[…] J’apporte l’attrait.
J’apporte l’art des
Femmes"
 
[…]
 
[Les Sumériens chantaient :] "Inanna, […] vous avez
Apporté avec vous norme et tremblement, les
Rapports sexuels, les baisers [au phallus], et
La prostitution." »
 
Extraits (arrangés selon rythmes, rimes et rites) du poème sumérien sur la déesse Inanna (a.k.a. Ishtar)

I. Anatomie de la Jouissance ou les secrets de la Pornê

« Les seins de Marilyn
Ou les saints de Marie
Tu sais moi je m’en fous
Quand elle est à genoux,
Quand elle me dit vas-y
Jusqu’au bout de la nuit,
En dessus sans dessous
Oui moi ça me rend fou
Les seins de Marilyn
Ou les saints de Marie
Tu sais moi je m’en fous
Quand elle est à genoux,
Quand elle me dit vas-y
Jusqu’au bout de la nuit,
En dessus sans dessous
Oui moi ça me rend fou
Vas-y dans le trou !
Oui moi ça me rend fou ! » 
 
(Damien Saez, refrain de Marie ou Marilyn)

Ce qui passionna Jacques Lacan dans ses années à étudier l’anatomie, c’est l’angoissante absence de nœuds : « ce qu’il y a d’inouï c’est qu’à un corps, ça ne lui arrive jamais, de se nouer. Il n’y a même pas trace de nœud dans le corps ! » Pas de nœud car pas de coupure : le corps n’est pas une somme biologique, une agrégation d’organes et de fonctions — ni même de cellules et de gènes —, c’est « un faisceau de marques » (Prigent) propre au parlêtre (être vivant-parlant et vivant car parlant), « l’œuf de sa mémoire des traces (des douleurs et des plaisirs) » (id.). Le corps est une énigme qui, approprié (Stade du Miroir), devient un secret. « C’est un grimoire, un champ clos (face au dehors) et béant (vers le dedans), un empire de signes énigmatiques arrachés au coït avec les choses. Le mot ‘corps’ désigne le stock des signes extorqués au réel. Il est le nom de ce rapt. En somme, le corps humain n’a rien de ‘naturel’. Il ne s’agit pas d’anatomie — mais d’un tome tranché dans la stupidité de la chair. » (Prigent, nous soulignons). La violence de la coupure du corps, le ‘rapt’, c’est la castration, origine anatomique. Le corps, au contraire, est atomique, comme puits de traces, il est « ce qui se jouit » (Lacan), c’est-à-dire ce qui est au-delà de la représentation, ce qui est présent sans écart, c’est l’effroi de l’immonde et de l’horrible. Comme « substance jouissante » (Lacan), le corps se tient (du latin substare : « être dessous, se tenir dessous ») comme Réel par le Symbolique (langage et lalangue). L’anatomie commence là où le corps devient imaginaire (représentable), c’est-à-dire lorsqu’il y a castration. « Anatomie fixe le limité. Corps appelle l’incommensurable. » (Prigent). Habituellement, l’anatomie décrit la re-coupe d’un organisme vivant (du latin anatomia : « dissection », du grec ancien ανατομία composé du préfixe ανα- : « à nouveau », « encore » et de τομη : « incision », « coupe »). Mais, le préfixe ‘ana-’ peut aussi s’entendre comme déni ou double privation (« a-tome » = ce qui ne peut pas être couper, et « an-a-tome » = ce qui ne peut pas ne pas être coupé). De toute façon, l’anatomie désigne l’impossible de la jouissance (la nécessité de sa limite) : le corps ne peut pas ne pas être coupé (et recoupé) car il n’y aurait pas de jouissance s’il n’y avait pas de Symbolique : le « signifiant, c’est la cause de la jouissance » et « le signifiant c’est ce qui fait halte à la jouissance » (Lacan). Le signifiant de la jouissance est le phallus : il n’y a pas de corps sans castration. L’anatomie va nous servir à fixer les limites, les bords et les coupures du corps : disséquer la jouissance n’est oxymorique que d’un point de vue réel. Mais, dans l’imaginaire, cela signifie dénouer la « substance jouissance » (toujours différente) de ce qui se crée et se transforme, de ce qui se refoule (l’insupportable) et de ce qui se mythifie. Le ‘tra-jet’ de cette « substance jouissante » à ce qui fait nœud est un saut kinétique que Sigmund Freud appela pulsion, « corps psychique » allant de l’angoisse (peur du ‘rien’) à l’orgasme (‘rien’, au-delà de la jouissance), d’une mort à l’autre.

C’est autour du rien (-Phi), donc selon la dit-mension phallique, que s’articule le « destin des pulsions » (comme disait Freud), majoritairement par le refoulement (c’est-à-dire la parole, car le corps réel est intolérable). Parmi les cas que nous allons dénouer à travers les trois dit-mensions du phallus, seuls ceux de l’a-refoulement (l’art ? Euh… Fou le ment !), c’est-à-dire de ce qui passe patent, dans un réel mortifère, nous intéresse. Pour cela, voyons comment se nouent (par/pour notre corps) les pulsions : « La pulsion freudienne n’a rien à voir avec l’instinct… Sa couleur sexuelle, si formellement maintenue par Freud est couleur de vide, suspendue dans la lumière d’une béance. » (J. Lacan, nous soulignons). Le latin « vocare » désigne à la fois l’action d’appeler et l’être-vide (que nous appellerons l’« errien », car c’est un rien qui erre en étant, c’est la traduction du ‘xu’, contraire du ‘shi’ -plénitude ontologique, alors que le « hiarien » lacanien fait référence au ‘wu’, le non-avoir qui fait hiatus par son absence phallique), comme le fait remarquer G. Massat. Ainsi, la torsion du vide (Nœud R-S) appelle le corps à la satisfaction (érogénéité des orifices), c’est-à-dire à l’être (au ‘shi’), en dimensionnant le Symbolique. Mais, comme il y a de la castration (phallus S), le corps se rate ! C’est ce ratage qui père-met la sublimation : l’art dépend de la phallicisation. Autrement dit, lorsque le corps est réel (substance jouissante), le phallus est imaginaire dans le sens où il troue l’image (suspension dans le — hiarien —, illuminée par l’appel pulsionnel) avant même de couper l’être de l’avoir et les signifiants des signifiés (niveau fantomatique de l’Imaginaire). En deçà de tout refoulement (puisque ce dernier fait advenir l’errien : nous devenons ce que nous refoulons), la présence phallique (I-S-R) transforme l’angoisse de morcellement en scellement de la mort par vocation érothanatique (la voix est a-liée-née !) : de la béance à la castration, la pulsion invoque des fantômes (F(o)) — qui hanteront nos futures représentations (F(a)) — castrant ainsi la mère (renoncement à l’avoir ou à l’être, l’empêchant de se croire Toute). Fin de la jouissance, achose et perte première tissant/dénouant la tension du vide pour que le parlêtre advienne : base de la conscience et « latéralisation du corps » (G. Pommier). La pulsion, étant d’abord présence de la mort (F(o)) par le passage de Phi-I à Phi-S, elle délie l’identité (corporelle puis sexuelle) par temporalisation (« langue-âge » — Massat, mort jouant de la différence), et, elle change le phallus en signifiant (rien S, « matière transcendée en langage », « instance de la mort » dans lalangue) : la parole refoule, liant sons et sens. L’investissement pulsionnel est un saut phallique qui, avant de jouer la différence sexuelle (castration, puis refoulement), fait circuler l’anal et l’oral, jusqu’à retentir dans l’incarnation de la parole. Alors, la pulsion devient « écho d’une parole dans un corps » (Lacan), habillant le monde en le nouant (dénouant le corps). Si le refoulement advient lorsque la tension (torsion du vide) est trop grande, la pulsion est de toute façon toujours-déjà animique : ce qui est refoulé crée des fantômes avant de revenir en symptômes, mais ces spectres s’ajoutent à ceux de toute pulsion. Cela explique, à la fois, le phénomène des ‘membres fantômes’ et la domination des religions animistes en Asie. Les phases identificatoires résolvent les conflits pulsionnels sans effacer les fantômes mais en les métamorphosant en fantasmes. C’est pourquoi Lacan peut dire que « la réalité est abordée avec les apparats de la jouissance » (a-par-A, devrait-on écrire). Si le trajet du refoulement va ‘triviser’ nos possibilités d’être (sublime, symptôme ou orgasme), l’âme du rien (« res » donne ‘rien’ avant tout ‘chose’ — la physique quantique pourra alors montrer que le vide est en tout) permet une première approche artistique.

Avant que la castration ne recoupe (anatomie), la névrose met en (op)position le Réel (trou) et le Symbolique (bords), exacerbant l’angoisse du signifiant (phallus comme rien S). Le refoulement et le déplacement (d’une pulsion orale à une pulsion anale par exemple) ne sont pas les seules possibilités : se joue aussi un ‘faire art’ métennévrotique, sorte de court-circuit du destin des pulsions. En deçà de la castration créatrice (métempsychose), il y a un jeu de schize temporelle, un raccord de l’attente à l’oubli, un « désœuvrement » au sens blanchotien : transformation du hiarien en errien (« rien est ce qu’il y a » — M. Blanchot). Cette métennnévrose (mort de la mère) est l’art propre à l’écrit (du lieu de la parole !), le squelette esquissé comme apparition événementielle. « Pour la poésie, ‘corps’ est le nom d’une silhouette que le fait d’écrire dessine » : nos fantômes peuvent devenir visages (alors que nos symptômes ne sont que vissages). Puisque « l’âme, c’est ce qu’on pense à propos du corps » (Lacan), le corps symbolisé (I) comme visage animé (pensée fantomatique — ICS) fait art désœuvré en espace littéraire (c’est de là que vient l’ek-stase que nous appellerons jouiscence — venue con-cul-pissante). Ainsi, Franz Kaltenbeck est-il amené à écrire que « dans la névrose, la jouissance est vécue comme un excès qui cause l’angoisse. Le sujet lui donne alors une connotation négative, il craint que la castration ne réponde à son jouir. L’art nous offre, par contre un champ où cet excès et cette négativité paraissent apprivoisés » : accepter nos fantômes est la première action artistique rendue possible par la pulsion, dans un corps déjà imaginarisé, mais pas encore objectivé. Quant il y a refoulement, les pulsions sont réduites à zéro (F(o)) : l’horreur (R) fera symptôme. Mais, la parole est aussi jouis-sens : « là où ça parle, ça jouit, et ça sait rien », plaisir de ça-voir que le rien est signifiant effacé par le son vocalisé. Ici se joue l’inspiration comme vocation sublime (sous l’horreur ou l’erreur), métempsychose (mort du père) changeant lyriquement notre angoisse de mort-scellement (vaporisation) en fantasmes géniaux (souffle du rien et centralisation). Enfin, au lieu de refouler ou de sublimer, la pulsion mène la traversée du vide jusqu’au phallus réel (pénis, voire clitoris — même si ce dernier déborde cette dimension) : le phallus comme signifiant s’incarne dans le corps imaginaire (inter-dit — A — évacuant un reste, comme suppléance : ob-jet a). Devenu plus imaginaire (F(a)) que réel (la substance permise par le signifiant se fissure), le corps se morcelle par saccades : la lutte R-S meurt avec bonheur, c’est l’orgasme. La mort n’est jamais « petite », elle est — au contraire — immense, explosion écartelant les dit-mensions. L’orgasme est un spasme borroméen : le retour de l’I fait vacillé l’R en S, le reste en trace, par le rien (-Phi). Le plus-de-jouir n’est créé que dans l’orgasme car il transforme l’ob-jet a, non plus seulement pour faire « tenir l’image », mais pour causer le désir. « Si l’on change la fleur qui fane pour la fleur invisible du rien créateur, c’est tout l’objet a qui se transforme en "plus de jouir", en abondance, richesse et créativité. C’est à partir du rien que tout peut bifurquer » (Massat, nous soulignons) : le ‘sujet-du-désir’ doit s’admettre en ‘sujet-de-la-jouissance’ pour que le rien éjacule l’âme (fleur fanée), qui se ‘tra-ça’ en un quelconque (« inhumain anonyme » dirait Massat) causant un nouveau désir (fleur invisible), sans que l’on sache lequel. En effet, la richesse absolue du plus-de-jouir (ob-jet a phallicisé) détermine tout : omniscience. Cela signifie que si « le désir est le propre de l’homme » (G. W. F. Hegel), c’est parce que le corps s’est atomisé en anatomie : orgasme. Les animaux jouissent mais n’ont pas d’orgasme, c’est pourquoi ils ne parlent pas (ne savent pas). Massat nous dit : « jouir est le savoir du rien » ; nous ajoutons : orgasmer est le savoir du tout. De là, se joue un troisième ‘faire art’ : si, du plus-de-jouir, l’a devient cause du désir, le phallus, lui, permet un ultime relent du rien : métembordose (mort des parents). Si par ‘bordose’, nous entendons, angoisse de perte (d’orgasme), métembordoser consiste à dé-border : kénose créatrice.

Trois dit-mensions phalliques dénouées pulsionnellement par l’anatomie de la jouissance, cela signifie trois morts (angoisse, jouissance et orgasme) projetés en trois modes d’art (en tant que détournements pulsionnels) : métennévrose, métempsychose et métembordose. Ce que révèle la pornê (prostituée), c’est la mise-en-scène de ses secrets, par initiation et transgression, puis par débord. Face au destin pulsionnel, la prostitution nous fait découvrir le has-art pornographique. Ainsi, la pornographie semble la rencontre (la célébration) de trois mouvements : celui du corps de ‘la’ femme (sa dimension sacrée, donc son rapport à la mort), celui de sa ‘publicité’ (sa dimension politique), celui de sa création (sa dimension artistique — ou monétaire par père-version). À l’origine, il y a une fragmentation autour du sacré : corps (dans ses deux dit-mensions), prostitution (de prostituere : « exposer publiquement » — publicité) et monnaie sont en rapport aux dieux sans forcément être en rapport entre eux. Le sacré du corps, comme rapport à la mort, est soit mort du réel (angoisse où la mort s’égale au reste — i. e. ob-jet a, face au rien), soit mort de l’imaginaire (‘substance jouissante’ où la mort s’égale au rien — i.e. phallus comme signifiant), soit mort de la structure (ou mort de l’équilibre — de l’Autre — : ouverture à l’érotisme) créant le plus-de-jouir par conjonction de l’angoisse (a) et de la jouissance (Phi), en une ouverture spasmodique : l’orgasme (savoir du tout ou ça-voir comme tout). Le sacré de la monnaie fut originellement mort d’un objet (souvent animal) : « les monnaies ont d’abord été utilisées sous une forme sacrificielle et cérémonielle, et somptueusement offertes aux divinités et aux prêtres » (C. Bormans). On sacrifiait (directement ou indirectement) à une déesse bien précise (Ishtar, Astarté, Aphrodite, etc.), pour que cette monnaie devienne symbole de la protection de cette dernière (et non image basée sur l’excrémentiel). La monnaie n’était pas encore réserve de richesse à teneur fétichiste puisqu’elle se réduisait alors au rien (et non à l’ob-jet a). L’angoisse était ailleurs… Deux déesses sont associées à la monnaie : Héra (‘Juno Moneta’) et Mnémosyne. Nonobstant la théagonie, les deux incarnent le même mythe, mais dans deux dit-mensions : Juno est une déesse de la maternité, Mnémo est une déesse de la fécondité. Ainsi, les deux sont des Mères : réelle pour la première, imaginaire pour la seconde. En effet, Juno est la mère-type des enfants de Jupiter (Zeus) alors que Mnémo est la mémoire, mère des neuf muses, c’est-à-dire de l’art (par l’image). La seule différence qu’il y a entre les deux est le voile trouant du moi : ME-moi-RE. Ainsi, la monnaie comme symbole est un sacrifice mythique, celui de la mère-épouse ou de la mère-image. En effet, Juno n’est que par le mariage (à Jupiter) alors que Mnémo n’est que par l’inspiration des muses (fécondité). En étrusque, Juno se dit Uni : la monnaie est symbole d’un lien (c’est sur cette base pulsionnelle qu’elle pourra devenir signe social). Ici, le sacrifice soutient le mythe d’une femme liante, celle d’une jeunesse temporalisée (la mémoire temp-oralise, la mère père-paix-tue). Le mythe révélé par le sacré de la monnaie est celui qui inspira Diane, la Vierge-Marie et Eve car cette Femme que l’on sacre est déesse de la castration (le temps est castrateur par excellence !). En effet, le sacrifice de l’objet est une réduction de la chose en rien-S, c’est-à-dire en phallus comme signifiant de la jouissance. Après le sacrifice, le phallus fait lien pour la jouissance phallique, c’est-à-dire la jouissance commune aux deux sexes, donc dans un rapport à l’homme ne révélant pas la différence de La femme. Juno existe par le phallus de Jupiter (ses histoires sexuelles), Mnémo existe par le bâton du Berger (phallus nécessaire pour guider les muses, cf. la Théogonie d’Hésiode), Eve existe par la côte d’Adam (son érection), Diane et la Vierge-Marie n’existent que comme phallus, c’est-à-dire incarnations de la castration (la chasteté ou rien !). Bref, le mythe est typiquement patriarcal que ce soit par lien phallique (Juno, Eve) ou par angoisse phallique (Diane, Immaculée). Ce mythe, parce qu’il oublie l’Autre, légitime un Dieu-le-Père, c’est-à-dire justement un autre sexué, et non symbolique.

Face à ça, il y a le sacré de la prostitution, le seul à prendre en compte l’Autre (sans le sexuer donc), et surtout, à ne pas faire l’impasse sur le rapport sacrificiel du corps comme mort de l’équilibre (orgasme). Ce double avantage est à la fois vecteur de la toute-puissance du mythe et de sa déformation historico-pathologique (du fait de sa plus grande force anxiogène). Au « comme-on-se-ment » (Massat), il n’y avait pas de création divine, seulement un enfantement bien humain, un ‘ça’ venant des femmes. C’est pourquoi le matriarcat est plus archaïque que les dieux : la déesse-Mère est la déesse-Nature (suprématie plus tard remise au goût du jour dans le concept de panthéisme ; l’écologie en est une père-version — patriarcale donc — !). Il semblerait que la tradition sémitique soit la plus ancienne nous témoignant, par la culture sumérienne, de la prédominance d’une Grande Déesse, garante de l’univers et de la procréation. D’ailleurs, le symbole du phallus n’est pas le seul a défier l’histoire par son apparente éternité (tant qu’il y a d’l’homme, y’a du phallus !) : le symbole de la vulve (forclos dans le mythe patriarcal) a toujours déjà été vénéré. « Le concept d’une déesse suprême a été violemment combattu par les religions qui font une distinction stricte entre l’esprit et la chair » (S. Husain) : cette défense du mythe patriarcal s’est définitivement fissurée avec le concept freudien de pulsion (qui rend la distinction inepte), et, avec la ‘représentation’ de l’orgasme (foyer ‘pornographique’). Présence sans écart à la Nature, la Déesse-Mère est déesse de la Jouissance et non de la castration : différence de dit-mension. En effet, la prostitution sacrée est d’abord hommage (nous devrions dire ‘femmage’ !) à la Déesse-Jouissance, et donc, réduction de l’objet (humain) à un rien comme réel (pénis, voire clitoris). Au départ, les prostituées sont les femmes les plus importantes/honorables de la société, le summum du public, car une prostituée, ça crée ! Le sacré est d’abord ce que crée le ça, mais ensuite, ce qui va réactiver le ça, par sacre de la création. La ‘sacréation’ des prostituées est, par l’orgasme offert (d’elle pourquoi pas, mais surtout de l’autre venu à elle), celle du plus-de-jouir. Le sacré est tel que la transgression n’existe pas (dans l’imaginaire, bien sûr), originellement. C’est pourquoi la première forme artistique est initiation (à l’orgasme). A l’image d’une Déesse-Jouissance, la Femme-putain sacrifie le corps à l’orgasme. En effet, si « La jouissance, c’est ce qui ne sert à rien » (Lacan), l’orgasme est ce qui sert rien : le phallus réel explose en plus-de-jouir, composé du rien symbolique (signifiant présenté à partir de l’absence phallique) et du reste (a). Puisque « ce qui fait tenir l’image, c’est un reste » (id.), le plus-de-jouir crée de l’image (fantasmes), soutien du désir mais aussi de l’art : l’initiation comme vecteur pourra ainsi devenir exposition de son origine. Ici, le plus-de-jouir est « fleur du rien » (Massat) : image avant (a — pour l’orgasme) — bourgeonnement — et image après (a’ — par l’orgasme) — fruit —. La flore phallique est le mystère du pulsionnel.

Puisque « la mythologie est la figuration de nos pulsions » (Massat), soulignons que l’affrontement des mythes rejoue la plasticité pulsionnelle. Ainsi, ‘la terre promise’ de Canaan est le tournant symbolique de nos mythologies : « lorsque les Hébreux envahirent le pays de Canaan, ils imposèrent des lois qui privaient les prostituées sacrées du statut privilégié qui était le leur depuis les premiers codes de lois sumériens » (S. Husain). Le Djihad d’alors est soutenu par un monothéisme clairement patriarcal qui fait la part belle à l’Hommoinzin : mythe de celui qui jouirait de toute femme (un Père) répandu par la con-quête phallique. C’est parce que l’hommoinzin est appelé à soutenir le mythe de la Déesse castratrice (la masculinité donne sens au masculin) que le patriarcat pourfend la domination matriarcale héritée de la tradition sémitique, en remettant en question le sacré du corps. À partir de là, le monde de la prostitution se complexifie et le corps de la femme se déchire pulsionnellement : « la dichotomie mère-putain est tracée à la règle sur le corps des femmes (...) Elle ne découle pas d’un processus "naturel" mais d’une volonté politique. Les femmes sont condamnées à être déchirées entre deux options incompatibles. Et les hommes sont coincés face à cette autre dichotomie : ce qui les fait bander doit rester un problème. Surtout, pas de réconciliation, c’est un impératif » (Virginie Despentes, King Kong Théorie). La concordance d’intérêt de l’hommoinzin et de la castratrice se développe par une multitude de semblants, aussi bien moraux que politiques, à partir des hébreux, mais surtout avec la Grèce Antique. Tout est bon pour dissocier la Déesse Jouissance de la prostituée. La Porneia (terme grec pour la prostitution, plus tard interprété bibliquement comme ‘luxure’ mais aussi, et c’est symptômatique, comme ‘culte des idoles’, c’est-à-dire comme sacré à rejeter !) se ‘trivise’ et refoule le sacré. Alors que les ‘indépendantes’ et les ‘hétaïres’ (‘hetaira’ = compagne — sophistiquée —, proche de l’idée contemporaine de l’Escort-girl ou de la culture nippone de la Geisha) — usant d’images érotiques — sont reléguées dans la rue — publiques, donc — (les seules femmes y étant), les autres (les Pornai) étant de toute façon cloîtrée chez elles comme inférieures à l’homme-citoyen, car despote — père de famille —, — surtout dans la nouvelle conception monétaire (‘chrématistique’, d’abord) —, sont frappées de l’interdit et de l’esclavagisme. Certes, la liberté des prostituées indépendantes semble favoriser la conservation d’une possibilité initiatrice liée au sacré, mais le problème est que ce dernier s’aliène aux semblants politique et monétaire : la monnaie est devenue médian (comme lien — à l’image de Juno), elle n’est donc plus symbole mais image devant lier les mythes patriarcaux au langage, c’est-à-dire foyer social (politique comme semblant) d’intermédiaire des échanges et d’unité de mesure (schéma M-A-M de Marx, avec A pour argent et M pour marchandise — objet —). Elle est donc signe d’une confiance en l’avenir, mais elle risque de refouler l’angoisse de mort. Quand l’incertitude devient celle de l’Autre, la prostituée fuit son avenir pour se réfugier dans le mythe patriarcal. Comme image, la monnaie est alors soutenue par l’éclat anal (reste : a), c’est donc aussi une régression — de la Castratrice à l’Hommoinzin — par rapport au phallus. Cette image, au lieu d’être symbole sacrificiel, peut transformer la monnaie en fétiche… d’un semblant, vers l’hommoinzin, déniant la condition de prostituée. Ainsi, les indépendantes veulent de la monnaie pour se marier — dot — (aliénation à l’hommoinzin) ou pour avoir de l’influence (pouvoir castrateur). Le sort des pornai (de ‘pernemi’ = vendre) est à la fois terrible et décisif car porteur (et carrefour) des pulsions de la féminité, malgré la domination patriarcale. Elles sont enfermées dans des maisons closes (‘porneion’) tenues par des proxénètes (‘pornoboskia’) avides de monnaie (pour posséder) : encore publiques (donc pour l’autre : dit-mension imaginaire) car élément démocratique, elles deviennent néanmoins surtout obscènes (‘ob-scenus’ = devant la scène, c’est-à-dire à l’abri des regards, du public, et, avec un autre regard sur le public) donc sur l’Autre scène, celle du langage (dit-mension symbolique). Du coup, la Pornê (prostituée au sens mythique — qui est ici ‘pornai’) est déchirée entre l’image fantasmatique de la fille publique et l’obscène activant l’image (Autre comme ‘lieu de la parole’ — Lacan), comme ce qui est caché. À l’initiation se joint la transgression, et même, cette dernière a tendance à refouler la première (la parole -on parle de la maison close, celle-ci existe par ses signifiants — refoule le caractère sacré du corps). Là encore, il y a de l’image avant (publicité et initiation) et de l’image après (la transgression de l’obscène transforme le sacré en… énigme, solvable par l’écrit !) Névrotisation de la prostituée, la pornê devient fantôme — et l’angoisse prend le pas sur la jouissance —. Concrètement, la pornê est une esclave (d’un proxénète-maître — prenant la place de l’Autre —, mais parfois aussi du client — qui peut être pédophile — y’a des prostituées enfant — et même incestueux : peu importe ici ! —) qui s’écrit sur du semblant monétairement et politiquement mais qui s’écrie (par la transgression de l’obscène — orgasme caché —) que le fantasmatique peut être révélé. C’est ainsi que, sous les masques du masculin se crée un premier secret : celui de la pornê. La transgression par l’orgasme (le plus-de-jouir) est la clé du sacré initiatique que personne ne veut admettre (le reste — a — se mâtine de semblant mais… peut encore soutenir le fantasme, d’autant que la transgression est renforcée dans les multiples tentatives pour éviter la maternité — sodomie, mais aussi avortement et infanticide). Ainsi, le fantôme se débat dans le monde des semblants patriarcaux, et l’agonie de la théagonie est riche du secret de la ‘sacréation’.

La béance (déchirures mythiques de pulsions refoulées ou déplacées) s’accentue toujours davantage, vectorisant — simultanément — la violence phallique et la profondeur du secret. Seule le faire art pornographique pourra sauver la femme de la cristallisation des semblants : sous l’Empire romain, le politique se judiciarise et la famille devient sacrée — créant encore du refoulement- (ainsi, le mythe de la Castratrice renforce celui de l’hommoinzin et le caractère initiatique de la pornê est toujours plus caché : les ‘lupanars’ sont considérés comme particulièrement ‘dégradants’ et la transgression est de plus en plus nécessaire) ; au Moyen Âge, la publicité de la prostitution fête son âge d’or dans le sens où cette dernière est organisée à outrance sous l’égide des mythes patriarcaux (castration et Dieu-le-Père : les femmes sont sacrifiées pour l’ordre public, pour le financement de l’Église et de la noblesse — y’a même des maisons closes tenues par des monastères ! —, à tel point que la transgression s’évanouit sous le règne du « moindre mal »). Toutefois, les prostituées, puisque souvent bien intégrées, gagnent en influence et parviennent parfois à ruser et faire bénéficier de leur ça-voir sexuel, en particulier sur ce que veulent les hommes. Outre les dogmes du Christianisme (le Christ vient « sauver Dieu [le Père] » nous dit Lacan), c’est le développement de la monnaie comme médian (image se figeant : articulation signe-symbole) qui épaissit les semblants. À partir du XVIe siècle, guerres de Religion, émergence du Protestantisme et Renaissance relèguent la prostitution à la clandestinité : retour en force d’une transgression jusqu’alors isolée dans les pratiques elles-mêmes (la sodomie comme symbole). L’alternance ‘initiation-transgression’ semble stérile et l’émergence des mythes de la Jouisseuse et de la Putain n’est permise qu’en un double mouvement : le Baroque (du portugais ‘barocco’ = bizarre) et le libertinage, l’un et l’autre révélant/ressuscitant l’Idéal de Femme-putain en le soutenant d’une (re ?)découverte, par l’art, du mythe le plus mystérieux. En effet, très vite, les artistes opposent Myriam (alias Marie-Madeleine) à Marie ou Aphrodite (déesse de la prostitution, écume « eaubscène » — Lacan) à Diane ; plus tard, ce sont Inanna/Ishtar/Astarté (face à Héra, par exemple) et Lilith (face à Eve, la soumise) qui sont mises en avant : toutes ces femmes tentent de figurer l’extase, jouissance divine/du vide, c’est-à-dire jouissance supplémentaire, proprement féminine. Ce sont les Mystiques, d’abord, souvent par le baroque, qui en témoigne. Dans le baroque, le christianisme est rejoué à la sauce spectaculaire : mouvements, courbes, inconstances, flamboyance, fantaisies, légèreté mais aussi… morbidité et crudité. « La dit-mension de l’obscénité, voilà par quoi le christianisme [baroque] ravive la religion des hommes » (Lacan) : ici, ce n’est pas de l’ordre de la transgression mais bien d’un nouveau mode initiatique. « Le baroque est la régulation de l’âme par la scopie corporelle » (id.) : l’image est métempsychosée (mort du père) ! En effet, l’obscène est ici le regard invoquant le sublime par tentative d’inscription de corps orgasmants, en une rencontre — donc une confusion — du public et de l’Autre scène. En mettant en scène nos angoisses, le baroque aspire le public dans l’obscène (la limite se brouille), animant les fantasmes par initiation (déstabilisante) à la liberté artistique. Rehaussé de mysticisme, l’art baroque s’essaye à la figuration d’une nouvelle origine, celle de la jouissance de l’Autre, qui ici, est le foyer de l’obscène vampirisant les semblants du public. La sublimation des angoisses aboutit à des mises-en-scène de la trace : dans le baroque, ce sont les trompe-l’œil (qu’y a-t-il de plus impossible à voir que le plus-de-jouir ?) alors que dans le mysticisme, la trace est à chercher dans le visage (c’est la publication -au sens d’une venue de l’obscène au public- de nos fantômes). « Pour la Hadewijch en question, c’est comme pour Sainte Thérèse -vous n’avez qu’à aller regarder à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite qu’elle jouit, ça ne fait pas de doute. (…) Cette jouissance qu’on éprouve et dont on ne sait rien, n’est-ce pas ce qui nous met sur la voie de l’ek-sistence ? » : le baroque mystique est ainsi ce qu’il y a de plus sacré dans le sens où le mythe de la pas-toute y inscrit le plus incompréhensible rapport du corps à la mort. Le baroque est, donc, pornographique au sens d’un faire art ex-posant le litige ‘obscène-public’ en un sacre du corps prostitué d’abord, extatique ensuite.

Le baroque ouvre sur le libertinage, qui, d’abord mode de vie, y ajoute la dit-mention transgressive. En effet, les libertins furent dans la tension perpétuelle d’une communauté prostitutionnelle et de son désœuvrement profanant : du latin libertinus, ‘esclave venant d’être libéré’, le libertin transgresse systématiquement les semblants puis met en abyme le viol des limites par l’écriture métennévrotique (mort de la mère), transformant le libertinage fantasmatique en monde fantomatique. Mais l’initiation à la transgression libertine, bien que renforcée par son animation spectralement écrite, reste dans un phallicisme exacerbé, toutes les ruses étant bonnes pour refouler, dénier ou simplement éviter le mythe de la pas-toute. Ainsi, le mythe de la jouisseuse est joué contre celui de la pas-toute, pour renforcer la trace libertine, c’est-à-dire la part-putain qu’il y a en chaque femme. Par exemple, D.A.F. de Sade et Restif de la Bretonne, chacun à sa manière, tente d’écrire la supériorité de la jouissance phallique pour reléguer cette embarrassante jouissance Autre — ressuscitée par les Mystiques — dans la hantise fantomatique. « Plus l’homme peut prêter à la femme à confusion avec Dieu, c’est-à-dire ce dont elle jouit, moins il hait, moins il est (...), moins il aime » (Lacan) : face à cette terrible vérité, le libertin désacralise la prostitution pour la délier du mythe de la pas-toute, Restif en entreprenant un traité de la prostitution (en 1769 — l’année n’est pas un hasard ! —, Restif écrit « Je te vois sourire ; le nom demi barbare de ‘Pornographe’ erre sur tes lèvres. Va, mon cher, il ne m’effraie pas. Pourquoi serait-il honteux de parler des abus qu’on entreprend de réformer ? » : c’est dans ce livre — Le Pornographe —, qu’apparaît pour la première fois le terme de ‘pornographie’, mais cette pornographie ne fait que tendre vers un érotisme plus acceptable), l’écrivain Sade en fantasmant la jouissance absolue d’une universalisation des femmes en prostituées (« J’ai le droit de jouir de tout corps » posera-t-il comme maxime — in Philosophie dans le Boudoir — : impératif catégorique sadique et effroyablement logique). Mais, en voulant échapper à la jouissance de l’Autre, les libertins n’ont fait que renforcer le mythe de la Putain, ouvrant les femmes à la puissance qui leur manquait pour s’affirmer pas-toutes… Ainsi, le libertinage est pornographique au sens d’une ostension artistique transformant le litige ‘obscène-public’ en un sacre de la liberté prostitutionnelle et phallique. Ce que permettent baroque et libertinage, c’est le sauvetage de la prostitution par la pornographie, en ouvrant toutes les possibilités du sacré : initiation et transgression, meurtres du père et de la mère, révélation des trois mythes féminins (la jouisseuse, la putain et la pas-toute). Ce bris des semblants aboutit au XIXe siècle, âge d’or de la prostitution, en deux temps : d’abord, réglementation visant à équilibrer la vague transgressiste par une resacralisation de l’initiation, puis, avec la ‘Belle Epoque’, affirmation de la gloire des prostituées. Hausse irrépressible de la demande masculine et généralisation des lieux de prostitution ont pour conséquence le sacre des bordels : ainsi, les lupanars laissent place aux ‘bordeaux’ (venant des mots français bord et eaux parce qu’ils se trouvaient presque tous sur le bord de la rivière ou dans les maisons de bains, au début), à entendre comme bords du réel, comme symbolisation des trous (S-R donne I), comme structures mises en place pour être débordées. En effet, tous les hommes allaient aux bords d’elles car elles apportaient initiation, transgression et… Secret du bonheur : la pornê devient une fille de joie ou d’amour, celle qui a la clé de l’orgasme (et pas seulement ‘klei-toris’), celle qui, par le plus-de-jouir, dévoile ce que cherche l’homme : le faire l’amour qui dure, se réinventer à chaque révélation de la part-putain essentielle à la féminité (Dans L’Éducation sentimentale — 1869 ! —, G. Flaubert insiste sur le noyau de toute la vie sexuelle des héros : le bordel, « Ce lieu de perdition projetait dans tout l’arrondissement un éclat fantastique. On le désignait par des périphrases : ‘l’endroit que vous savez, — une certaine rue, — au bas des ponts’. Les fermières des alentours en tremblaient pour leurs maris, les bourgeoises le redoutaient pour leurs bonnes, — … — et c’était bien entendu l’obsession secrète de tous les adolescents », inspirant comme conclusion aux héros : « c’est là ce que nous avons eu de meilleur ! »). Au bordel, l’homme trouve donc la part-putain, secret le détournant du règne patriarcal.

Par ailleurs, le terme de ‘nana’ (signifiant aujourd’hui ‘fille’), datant du roman éponyme zolien (1880) célébrant la vie d’une courtisane — qui fit lien entre les jouissances — particulièrement appréciée des hommes, est symptômatique de cette ère : Nana est probablement dérivée de la déesse In-nana qui apporta mythiquement la prostitution aux Hommes, mais aussi les mythes matriarcaux (la ‘vulve’). Cette féminité encensée remet alors en scène Messaline (par Alfred Jarry, notamment), symbole même du lien entre les mythes de la pas-toute et de la putain : femme de l’empereur Claude, elle allait se prostituer pour jouir de l’Autre, ce Dieu protecteur qui seul, peut la combler du vide — jamais phalliquement atteint. Les bordels rivalisaient donc pour offrir la plus belle des spécialisations (pulsionnelles) ou le plus grand raffinement (mythique), tant pour le ‘client’ recherchant le secret de la féminité que pour la pornê recherchant le secret de… la parité. Ce que le bordel apporte à la femme, c’est la protection du proxénète en tant qu’Autre, c’est-à-dire comme lieu de la parole, signification vide du tout-homme (le proxénète est l’Autre à partir du moment où il est -à la fois- personne et tout le monde, i.e. Dieu/Vide que l’on tisse en parlant : la femme cherche à jouir de sa parole divinisée). ‘Secret de la parité’ car soutien du mythe de la pas-toute par le mythe de la putain et dépassement du rapport impossible par la parole : « Il n’y a de rapport sexuel que pour le proxénète » (Michel Audiard), dans le sens où ce dernier comble la femme d’un vide sacré (mystique). Ainsi, la révélation du mythe de la pas-toute permet la parité en renvoyant la Putain en mythe paritaire tout en respectant le phallus : puisque les mythes sont la figuration des pulsions, il s’agit de postuler l’analogie entre le graphe de l’Amourir et l’articulation des ‘mythypes’ (cinq grands types de mythes correspondant aux cinq éclats pulsionnels). Dans le jeu des éclats, c’est le rien (absence phallique) qui agit sur les quatre formes d’ob-jets a (double circuit : ‘oral-anal’ et ‘scopique-vocal’) : dans le jeu des mythypes, c’est le plus-de-jouir (trace orgasmique) qui agit secrètement sur les quatre mythes fondamentaux (double circuit, patriarcat face au matriarcat : circuit ‘hommoinzin-castratrice’ face au circuit ‘jouisseuse-pas-toute’), en plaçant le mythe de la Femme-putain comme double secret : ce que l’homme recherche (part-putain de la féminité) et — ce que la femme recherche (protection du proxénète comme Autre). L’équilibre atteint est iconoclastique dans le sens où les semblants (I) sont perpétuellement brisés par l’anatomie de la jouissance (rapport corps-mort) afin de révéler les secrets qui débordent des pulsions devenues mythiques : le circuit patriarcal (passage de l’hommoinzin à la castratrice) se fait par meurtre du père (métempsychose) en faveur de la castration ; le circuit matriarcal (passage de la jouisseuse à la pas-toute) se fait par meurtre de la mère (métennévrose) en faveur de l’Autre. Le rapport de la castration à l’Autre est l’ob-jet a qui, transformé par le rien (le phallus passe de symbolique à imaginaire), trace le mythe de la Pornê par ses débords (meurtre — deux — parents) secrets du ça : des sécrétions se créent (débord imaginaire : essence pornographique) et un faire l’Amour s’offre (débord réel : essence érotique)… Dans le graphe de l’Amourir, le circuit (en tore ?) oral-anal n’est pas rompu car le phallus est absent ; le circuit (de Klein ?) scopique-vocal n’est pas rompu car la trace n’est pas encore advenue : alors que le phallus fait passer d’un circuit à l’autre, seul l’orgasme (propre au graphe des ‘mythypes’) peut ouvrir la structure en… amourrant le corps : débords. Mais l’idylle ne pouvait durer : à partir du moment où l’Autre devient un autre, le proxénète est un ‘mac’ que seul la monnaie intéresse : c’est la réduction pathologique et patriarcale du plus-de-jouir à la plus-value. Parallèlement à l’avènement de l’équilibre paritaire, le schéma d’accumulation capitaliste se met en place (schéma A-M-A’ de Marx, avec A pour argent et M pour marchandise — objet —, si A’ est supérieur à A, la différence est une plus-value ; lorsque le M devient T pour titre, il ne reste plus que ‘ce qui se compte’ comme ‘résidus de la jouissance’, toujours la même -Lacan) : à la création du rien s’oppose la « mêmeté du rien », c’est-à-dire la « chose » (Jean-Luc Nancy), retour éternel du même (nihilisme nietzschéen) dans un « vaille que vaille » (Nancy) fétichiste (i.e. obsessionnel), qui tend à toujours rester sur le bord (la spéculation est la peur du trou — angoisse de la mort/de l’avenir), régression vers la foule (Idéal du Moi sacrifié à l’Autre — marché spéculatif transcendé par l’hommoinzin), recherche d’une logique mortifère… Bref, la bordose (visant à éterniser les circuits de l’Amourir, en éliminant le ça-voir !) face au débord. Le capitalisme l’emporte avec les guerres. En France, les filles de joie deviennent des filles qui ‘font le trottoir’ (au lieu du ‘trop-tout-art’ !) : exclues, méprisées dans la rue, et, en 1946 (la tristement célèbre loi Marthe Richard), abandonnées au capitalisme mafieux… C’est la fin des bordels, de la parité et des débords. Depuis, les semblants moralistes règnent, le patriarcapitalisme dicte sa loi et la béance origine le pornicide républicain. Pourtant, depuis les années 1960, le féminisme lancé par les teenagers baby-boomées redonne espoir : l’expansion du cinéma pornographique permet l’impensable faire-art, seule arme face à la fixation bordotique : la métembordose ! Mais la lutte se complique dès 1975 (en France) avec la loi dite X, renvoyant la pornographie dans les mains du capitalisme : de Charybde en Scylla (i. e. du moralisme au capitalisme), la Pornê ne peut à nouveau révéler ses secrets qu’à condition que les femmes dénouent l’art des semblants patriarcaux, en anatomisant la jouissance une fois en-corps, pour, pornocratiquement, faire triompher la parité et célébrer… une con-quête con-crête !

À suivre dans :

II. Le corps de la Pas-toute ou la Pornocratie s’y-nique

P.-S.

Inspiré par :
Livres :
 L’Incontenable (Christian Prigent) ;
 La Grande Déesse-Mère (Shahrukh Husain) ;
 Comment les Neurosciences démontrent la psychanalyse (Gérard Pommier) ;
 Écrits et Séminaires X, XVIII à XXI (Jacques Lacan).
Articles :
 « Pulsions invoquantes », « D’Oreste à Lacan » et « La Psychanalyse n’est pas un Humanisme » (Guy Massat) ;
 « Echange et Monnaie » et « Keynes et Freud » (Christophe Bormans) ;
 « Histoire de la Prostitution » et « Prostitution en Grèce antique » (Wikipedia) ;
 « ‘Il y a’ de l’image ou le pied de Catherine Lescault » (Kai Gohara).

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