Le Roi supplicié [1]
Lors de la publication, vers la fin de 1900, de la nouvelle édition du célèbre ouvrage de M. Frazer, The Golden Bough, une partie inédite du troisième volume causa une sensation voisine du scandale : c’est celle où M. Frazer, s’autorisant des observations faites par MM. Wendland, Cumont, Parmentier et d’autres savants, propose, sous toutes réserves d’ailleurs, de reconnaître un élément rituel et mythique dans la tragédie du Golgotha. De longues discussions, dont c’est à peine si l’écho est parvenu en France, se sont élevées à ce sujet chez nos voisins. La question est assez importante et touche d’assez près à l’anthropologie pour que nous la résumions ici avec quelque détail.
I
Beaucoup de pays connaissent une coutume périodique analogue à
celle des saturnales romaines et caractérisée par la suspension momentanée des lois civiles et morales ; ce sont des périodes d’exaltation, de joie exubérante, qui coïncident généralement avec les semailles ou avec la moisson. Les saturnales romaines passaient pour commémorer le règne heureux de Saturne, époque où il n’y avait ni discorde entre les hommes, ni distinctions sociales, ni contrainte d’aucune sorte ; toutefois, cet âge d’or était marqué d’une tache sombre, car, disait-on, les sacrifices humains y avaient été en honneur. Mais dans les saturnales romaines, qui duraient sept jours, il ne restait aucun souvenir de cette horrible coutume. Leur trait caractéristique était la licence permise aux esclaves, qui devenaient pour un temps les maîtres de la maison. Le sort désignait un individu qui prenait le titre de roi et qui distribuait à ses sujets des ordres bizarres, comme de chanter, de danser, de porter sur son dos une joueuse de flûte, etc. C’était, aux yeux des Romains, comme une dérision de la royauté.
En province, les choses se passaient de même, mais avec des traits, si l’on peut dire, plus archaïques. Nous connaissons les détails de la fête des saturnales dans une troupe de soldats romains campés sur le Danube, à Durostolum, sous les règnes de Maximien et de Dioclétien ; ils se sont conservés dans une relation du martyre de saint Dasius, publiée en 1897, d’après un manuscrit grec de la Bibliothèque nationale, par M. Cumont [2]. Trente jours avant la fête, les soldats désignaient au sort un beau jeune homme qu’ils habillaient en roi et qui, censé représenter le bon roi Saturne, paradait entouré d’une brillante escorte, avec le droit d’user et d’abuser de sa puissance. Le trentième jour, on l’obligeait à se tuer sur l’autel du dieu Saturne qu’il personnifiait. En 303, le sort tomba sur le soldat chrétien Dasius, qui refusa de jouer un rôle où il aurait dû se souiller de débauches avant de mourir ; on le décapita à Durostolum le vendredi 20 novembre, qui était, ajoute la relation, le 24e jour de la lune.
Le roi des saturnales à Rome n’est plus, à l’époque classique, qu’un roi de théâtre, un pitre inoffensif ; mais l’histoire de saint Dasius paraît prouver qu’à une époque plus ancienne ce roi perdait la vie avec la couronne et que la fête se terminait par un de ces sacrifices humains dont les auteurs ont conservé vaguement le souvenir [3]. Bien plus, l’homme immolé — et cela est essentiel — était le représentant d’un dieu.
Le carnaval des peuples chrétiens n’est pas autre chose que les saturnales romaines. Or, en Italie, en Espagne, en France, là où l’influence romaine a été la plus durable et la plus profonde, un trait caractéristique du carnaval est la fabrication d’une figure grotesque, qui personnifie la fête et qui, après une courte carrière de gloire, est détruite ou brûlée en public. Ce roi du carnaval n’est donc qu’une survivance de Saturne.
À Rome, lorsque l’année commençait le 1er janvier, on célébrait les saturnales en décembre ; mais, du temps qu’elle s’ouvrait le 1er mars, les saturnales se plaçaient en février ou au commencement de mars, date qui est restée celle du carnaval. La fête des Matronalia, où les femmes esclaves jouissaient des mêmes privilèges que les esclaves mâles aux saturnales, n’a jamais cessé d’être célébrée le 1er mars. C’était la saison du labourage et des semailles, évidemment propre à la célébration du culte de Saturne qui est, par excellence, un dieu agricole (sata).
Des coutumes analogues aux saturnales romaines existaient en Crète, à Thessalie, à Olympie, à Rhodes et ailleurs. Le Saturne grec s’appelait Kronos et l’on connaît des traditions qui associent à son culte des sacrifices humains. Les Rhodiens sacrifiaient annuellement un homme à Kronos ; plus tard, la victime choisie était, comme chez les Celtes du temps de César, un condamné de droit commun. Cet individu était conduit en dehors de la ville, enivré et égorgé. Plus singulière encore était la fête des Sacaea, qui durait cinq jours à Babylone. Comme à Rome, les esclaves y devenaient les maîtres et, dans chaque maison, un esclave habillé en roi et portant le titre de Zoganes exerçait un éphémère pouvoir. En outre, un condamné était habillé en roi et autorisé à se conduire en conséquence, jusqu’au point d’user des concubines royales ; à la fin de la fête, il était dépouillé de ses beaux vêtements, flagellé et pendu ou crucifié. Ces détails ont été empruntés par Athénée et Dion à des auteurs antérieurs de plusieurs siècles à l’ère chrétienne.
La fête babylonienne des Sacaea se plaçait au commencement de l’année, vers le 25 mars ; elle est peut-être identique à une fête en l’honneur du grand dieu Marduk, qui est mentionnée dans les plus Anciens textes babyloniens.
M. Zimmern, en 1891, a reconnu dans la fête des Sacaea l’origine de la tète juive de Pourim (« les sorts »). Il est d’abord question de cette fête dans le livre d’Esther, postérieur au retour des Juifs de la captivité et datant au plus tôt du IVe siècle av. J.-C. Le livre d’Esther, qui est un roman, a été écrit pour expliquer l’origine de la fête de Pourim. C’était une bacchanale qui durait deux jours et qui, au XVIIIe siècle encore, était célébrée avec une liberté et un tapage scandaleux. On connaît l’histoire d’Esther. Le roi de Perse a un vizir, Haman, qui a été offensé par un Juif, Mardochée, et qui a préparé une potence où il espère faire pendre son ennemi, tandis que lui, vêtu du costume royal, portant la couronne et monté sur le propre cheval du roi, se promènera glorieusement à travers la ville. Mais, grâce à Esther, les rôles sont renversés : Assuérus fait pendre Haman et rendre les honneurs royaux à Mardochée. Il y a là un souvenir du Zoganes des Sacaea, réparti, si l’on peut dire, entre deux acteurs, l’un qui espère jouer au roi et qui est pendu, l’autre qui joue au roi, mais échappe au destin qu’on lui préparait. Les affinités babyloniennes de cette histoire sont encore accusées par le nom de Mardochée (Mordecai = Marduk) et celui d’Esther (analogue à la déesse babylonienne Istar, l’Astarté des Grecs). Quant à Haman, on a voulu l’identifier à un dieu élamite du même nom. Quoi qu’il en soit, il est certain que les Juifs, en célébrant les fêtes de Pourim, avaient coutume de crucifier une effigie de Haman et de la brûler ; une loi du Code théodosien le leur interdit, l’emploi de la croix dans cette cérémonie étant considéré comme injurieux pour les chrétiens ; mais l’usage de pendre ou de brûler un simulacre le Haman a continué, dans les communautés juives, jusqu’à nos jours.
En Perse même, nous savons par Dion que la fête babylonienne des Sacaea s’était implantée et nous connaissons aussi une fête analogue à celle de Pourim, qui se célébrait tant à Babylone qu’en Perse. Au commencement du printemps, on juchait sur un âne un homme imberbe et on le promenait en triomphe à travers la ville. Il maniait un éventail et se plaignait de la chaleur ; le peuple lui jetait de la neige ou de l’eau froide. Au cours de sa promenade, il s’arrêtait aux portes des riches et leur imposait des contributions ; en un mot, ce pitre jouait, jusqu’à la fin de la journée, le rôle d’un jeune Roi-Soleil. Si, le soleil couché, il ne trouvait pas moyen de se cacher, il recevait la bastonnade ; sans doute, à une époque plus ancienne, il était mis à mort. La cavalcade du « roi imberbe » ressemble à la promenade triomphale de Mardochée telle qu’elle est décrite dans le livre d’Esther.
II
Dans un article de l’Hermes, publié en 1898, un savant allemand, M. P. Wendland, a signalé les analogies entre le traitement infligé à Jésus par les soldats romains à Jérusalem et le traitement du roi des saturnales à Durostolum. Ainsi s’expliquerait le costume royal avec la couronne, imposés par la soldatesque à Jésus sous prétexte qu’il prétendait être le roi des Juifs.
La date fait difficulté, car les saturnales romaines avaient lieu en décembre et Jésus fut mis à mort au printemps ; mais il n’est pas impossible que la garnison romaine de Jérusalem se soit conformée à l’ancien usage, d’après lequel les saturnales se plaçaient au commencement de l’année, autrefois fixé au mois de mars.
Toutefois, la ressemblance de la Passion avec les Sacaea est encore plus frappante que celle qu’elle présente avec les saturnales. Voici le texte de Matthieu (XXVIII, 26-31) : « Alors Pilate leur relâcha Barabbas ; et après avoir fait fouetter Jésus, il le livra pour être crucifié. Et les soldats amenèrent Jésus au prétoire et ils assemblèrent autour de lui toute la compagnie. Et l’ayant dépouillé, ils le revêtirent d’un manteau d’écarlate. Puis, ayant fait une couronne d’épines, ils la lui mirent sur la tête et ils lui mirent un roseau à la main droite ; et s’agenouillant devant lui, ils se moquèrent de lui en disant : “Je te salue, roi des Juifs !” Et crachant contre lui, ils prenaient le roseau et l’en frappaient sur la tête. Après s’être ainsi moqués de lui, ils lui ôtèrent le manteau et lui remirent ses habits et ils l’emmenèrent pour le crucifier. »
Comparez ce passage avec le traitement du roi des Sacaea, tel qu’il est rapporté par Dion Chrysostome :
« Ils prennent un des prisonniers condamnés à mort et le font asseoir sur le trône royal ; ils le revêtent des habits royaux et le laissent boire, s’amuser et user des concubines du roi pendant plusieurs jours. Mais ensuite ils le dépouillent de ses vêtements, le flagellent et le mettent en croix. »
Assurément, et M. Frazer s’empresse de l’accorder, il peut n’y avoir là qu’une coïncidence ; toutefois, le manteau d’écarlate, la couronne (l’idée que la couronne d’épines est destinée à faire souffrir Jésus est très postérieure), le roseau ou sceptre, les hommages feints à une majesté que l’on va bientôt insulter et mettre à mort, tout cela ressemble singulièrement à un acte rituel. Un gouverneur romain aurait-il jamais toléré que ses soldats se conduisissent comme des pitres avant de remplir leur office de bourreaux ?
M. Frazer s’est encore demandé si Jésus n’avait pas été crucifié en qualité de Haman, suivant le rituel, indiqué plus haut, de la fête de Pourim ; mais cette fête tombait le 14 Adar, c’est-à-dire exactement un mois avant la Pâque, qui est l’époque de la crucifixion. En général, on peut dire que M. Frazer a fort embrouillé son exposé en y faisant intervenir la question de Haman et de son contre-type Mardochée, auxquels les traditions consignées dans les Évangiles ne font pas la moindre allusion.
Ce qui est incontestable, c’est que les récits évangéliques se comprennent mieux si vraiment, à l’époque de l’année où ils se placent, un condamné devait être mis à mort après avoir été déguisé en roi. Pilate était plutôt sympathique à Jésus ; tout-puissant qu’il était, pourquoi ne lui a-t-il pas fait grâce ? Mais la coutume demandait une victime et tout ce que Pilate crut pouvoir faire, ce fut de laisser le choix entre Barabbas et Jésus.
Il faut observer aussi que, suivant le témoignage concordant des quatre Evangiles, Pilate fit surmonter la croix d’une inscription portant que le supplicié était le roi des Juifs (lNRl, Jesus Nazarenus Rex Judaeorum). Sous le règne d’un souverain aussi jaloux, aussi soupçonneux que Tibère, un gouverneur romain aurait-il osé, même en manière de plaisanterie macabre, qualifier de roi un condamné à mort, s’il ne s’était agi d’une formule admise par la coutume et régulièrement employée en cette occasion ?
Le personnage de Barabbas est bien singulier. On nous dit qu’à la fête de Pâque il était d’usage que le gouverneur romain délivrât un prisonnier que lui désignait le peuple ; Pilate essaya de persuader la plèbe de choisir à cet effet Jésus. La foule, au contraire, demanda la mort de Jésus et la libération d’un certain Barabbas, qui était en prison pour sédition et pour meurtre. Mais pourquoi fallait-il qu’on libérât à cette occasion un prisonnier ? M. Frazer a supposé que le libéré devait parcourir les rues dans le costume royal et jouer le rôle de Mardochée, tandis que le condamné jouait celui de Haman. Rien n’autorise une pareille hypothèse ; mais il est certain que l’histoire, telle qu’elle nous a été racontée, ne se comprend pas. Chose curieuse, d’ailleurs, le nom de Barabbas est composé de deux mots araméens qui signifient fils et père : Barabbas est donc le Fils du Père, c’est-à-dire exactement ce que croyait être Jésus. Barabbas devait être supplicié ; on supplicia Jésus qui mourut à la place de Barabbas ; c’est donc comme Fils du Père qu’il aurait été attaché sur la croix. M. Frazer est disposé à croire que Barabbas n’est pas un nom, mais un surnom, et qu’on donnait ce surnom à la victime choisie pour être exécutée à ce moment, peut-être parce que la Pâque, dans les pays syriens, avait été marquée à l’origine par le sacrifice du premier-né, c’est-à-dire du fils mourant pour le père. Nous sommes, on le voit, sur un terrain plus que mouvant, semé de fondrières et d’abîmes, où des feux follets nous attirent et nous égarent ; mais ce n’est pas une raison pour passer à l’ordre du jour et déclarer que tous ces indices de mythe et de rituel n’ont aucune valeur.
M. Wendland a exhumé une histoire de Philon qui vient encore compliquer les choses. Philon, on le sait, était un philosophe juif, qui vivait à Alexandrie à l’époque de Jésus. Il raconte que, lorsque Agrippa, petit-fils d’Hérode, eut reçu de Caligula à Rome la couronne de Judée, le jeune roi passa par Alexandrie sur la route de sa nouvelle capitale. La populace d’Alexandrie était antijuive et se mit à tourner en dérision le roitelet juif. À cet effet, on saisit un pauvre fou nommé Carabas, qui errait nu à travers les rues, poursuivi par les lazzis des gamins ; on lui mit une couronne sur la tête, on lui donna un roseau en guise de sceptre, on l’habilla d’un semblant de robe royale et on l’entoura d’une garde d’honneur. La foule criait Marin ! Marin ! — mot qui, en syriaque, signifie « seigneur » — de manière à rendre plus évidente la satire à l’adresse du roitelet Agrippa. Voici donc encore une mascarade analogue à celle qui fut infligée à Jésus et c’est une preuve nouvelle que cette mascarade, à Jérusalem, ne fut pas une invention capricieuse, qu’elle était, au contraire, conforme à certains usages populaires de l’Orient. Mais qu’est-ce que le pauvre fou Carabas ? Ce nom n’a pas de sens en hébreu ni en syriaque, alors qu’il est cependant certain que le pseudo-roi, opposé par la plèbe alexandrine au roitelet juif, devait être, lui aussi, un Juif. N’est-il pas tentant de supposer que Carabas est une faute de texte pour Barabbas, que ce n’est pas un nom propre, mais la désignation du roi de tréteaux qui figurait dans certaines fêtes analogues aux saturnales et aux Sacaea ?
Mais voici qui augmente encore l’imbroglio et épaissit les ténèbres [4]. Origène, vers 250 apr. J.-C., connaissait des manuscrits de l’Évangile de Matthieu où on lisait (XXVII, 16) : « Et il y avait alors un prisonnier insigne, nommé Jésus Barabbas. » Ce texte étrange se retrouve encore aujourd’hui dans certains manuscrits grecs, araméens et syriaques. Dans Marc, la première mention du nom de Barabbas est précédée des mots […] : « Celui qui était appelé ou surnommé Barabbas. » Serait-ce que cet homme s’appelait aussi Jésus et qu’on le désignait par le surnom de Barabbas pour le distinguer du Nazaréen ? Le fait de deux condamnés, l’un et l’autre appelés Jésus, est invraisemblable au point d’être inadmissible. C’est donc que Barabbas est bien un surnom et que, dans une source très ancienne, connue du rédacteur de l’Évangile de Matthieu, ce surnom ou ce sobriquet était appliqué à Jésus pour signifier « Jésus, Fils du Père ». Ainsi Barabbas serait, comme on dit, un doublet de Jésus et toute l’histoire du choix laissé à la plèbe aurait été inventée à plaisir pour expliquer ce double nom ! Ce sont là des conclusions bien graves et que j’indique sans les adopter. On entrevoit la possibilité, pour un esprit très pénétrant, de tirer de tous ces indices une théorie plausible ; pour moi, qui n’y vois pas clair, je me contente de signaler les éléments du problème, un des plus passionnants qui puisse se poser aux historiens.
M. Frazer, à la fin de son exposé, fait valoir les considérations que voici. Dès l’an 112 apr. J.-C., nous voyons, par la lettre de Pline à Trajan, quelles rapides conquêtes le christianisme avait déjà faites en Asie Mineure. Si l’on ne veut point avoir recours au surnaturel, il faut admettre que cette extraordinaire expansion d’une doctrine, qui semblait si étrange aux Grecs et aux Romains cultivés, doit tenir à ce qu’elle était préparée, sur le sol même de l’Asie occidentale, par la diffusion d’idées mystiques analogues dans les couches profondes de la population. Or, nous savons combien étaient répandus en Asie les cultes d’Attis et d’Adonis, dont le dogme essentiel était la mort injuste et la résurrection glorieuse d’un dieu. Nous savons aussi que ces Asiatiques étaient disposés à accueillir sans scepticisme, comme une histoire qui leur était déjà familière, le récit de l’exécution d’un innocent préalablement revêtu des insignes royaux. « L’histoire de la vie et de la mort de Jésus exerça une influence à laquelle elle n’aurait jamais pu prétendre si le grand docteur était mort, comme on le croit communément, à la façon d’un malfaiteur vulgaire. Elle répandit autour de la croix du Calvaire un nimbe de divinité que les multitudes reconnurent et saluèrent de loin ; le coup frappé au Golgotha fit vibrer à l’unisson mille cordes tendues et expectantes, partout où l’humanité avait appris la vieille, la très vieille histoire du dieu mourant et ressuscite [5]. »
Il est à souhaiter que le faisceau de preuves, de demi-preuves et d’indices, réuni par MM. Wendland, Cumont et Frazer, provoque les méditations et les recherches de nombreux savants. Pour le moment, rien n’est démontré, sinon le caractère secondaire des récits évangéliques de la Passion, qui, d’ailleurs, ne fait plus guère de doute depuis Strauss. Il s’agit d’aller plus loin et, par un examen minutieux des témoignages, de reconstruire un récit primitif qui rende compte de tous les développements ultérieurs de la légende. Cela, M. Frazer n’a pas prétendu le faire ; mais celui qui réussira dans cette tâche ardue sera toujours l’obligé de M. Frazer.