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Salomon Reinach

Actéon

Conférences au musée Guimet (1906)

Date de mise en ligne : lundi 26 février 2007

Salomon Reinach, « Actéon », Cultes, Mythes et Religions, Tome III, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1906, pp. 24-53.

ACTÉON [1]

I

« Actéon, chasseur thébain, surprit Diane au bain, fut changé en cerf et déchiré par ses chiens. » Ainsi s’expriment les Dictionnaires de la Fable ; mais il ne faut pas toujours croire les Dictionnaires.

Dans les monuments du Ve siècle avant l’ère chrétienne qui sont relatifs au châtiment d’Actéon, tels qu’une des métopes de Sélinonte (fig. 34) et quelques vases peints de beau style à figures rouges [2], l’épisode du bain d’Artémis ne paraît jamais. La déesse, sévèrement vêtue, préside au supplice de l’infortuné chasseur, parfois seule […], parfois en présence d’autres divinités […] ; parmi ces dernières on trouve Erinys ou Lyssa, qui inspire une rage meurtrière aux chiens d’Actéon [3].

Il n’en est plus de même à l’époque hellénistique.

Fig. 1. — Actéon attaqué par ses chiens. Groupe en marbre du Musée britannique [4]

Pour les Grecs d’Alexandrie et leurs élèves, les poètes et les artistes de la Rome impériale, Actéon est le héros malheureux d’une aventure galante [5]. Cette aventure est désormais au premier plan. Des trois moments qui composent son histoire — Artémis et ses nymphes surprises au bain, Actéon changé en cerf, puis dévoré par les chiens de sa propre meute (fig. 35) — c’est le premier que la poésie et l’art mettent surtout en évidence. L’idée de la chaste déesse et de ses compagnes, aperçues sans voiles, à l’heure de la méridienne, auprès des eaux de la fontaine de Gargaphie, évoque des images si gracieuses et si souriantes qu’elles atténuent l’horreur de la catastrophe prochaine et empêchent même qu’on la prenne trop au sérieux.

Toutefois, les poètes ne se font pas faute de réclamer contre l’injustice du châtiment. Le supplice d’Actéon devient à leurs yeux le type même d’une peine cruelle et imméritée. Ovide, victime de la colère d’Auguste pour avoir vu ce qu’il n’aurait pas dû voir, se compare au chasseur béotien, et tout en s’inclinant sous la vengeance impériale, affirme qu’il est aussi innocent qu’Actéon. Ce n’est pas son coeur, ce sont ses yeux seuls qui ont péché [6].

Très populaire sous l’Empire romain, souvent traité par l’art de la Renaissance italienne et jusqu’à nos jours, la fable d’Actéon évoque tout d’abord, dans l’imagination des Modernes, l’épisode de la déesse surprise au bain. Mais c’est précisément cet épisode qui n’appartient pas au fond primitif de la légende ; la littérature, comme l’art, paraît longtemps l’avoir ignoré. Avant d’accepter cette explication de la colère d’Artémis, les poètes et les mythographes en avaient allégué bien d’autres [7] : Actéon s’était vanté d’être plus habile chasseur qu’elle [8] ; il avait osé lui déclarer son amour [9] ; il avait offensé non pas Artémis, mais Zeus, en prétendant à l’hymen de Sémélé [10].

Fig. 2. — Artémis et Actéon. Métope du Ve siècle av. J.-C. à Palerme provenant de Sélinonte [11]

Vinet a soutenu que ce dernier témoignage, qui remonte à Stésichore, était altéré et qu’il fallait lire Séléné au lieu de Sémélé. Conjecture singulièrement malheureuse ; car, d’abord, les affaires de Sémélé regardaient bien Zeus, alors que celles de Séléné ne le concernaient en rien ; puis, si les manuels de mythologie, condamnés au syncrétisme, identifient Séléné, la déesse lunaire, à Artémis, c’est là une confusion qu’on ne trouverait jamais dans une tradition hellénique de bon aloi.

En dehors des motifs du supplice d’Actéon que nous ont conservés les textes littéraires, il y en avait, je crois, un autre dont ils ne parlent pas, mais qui est clairement attesté par une peinture de vase. Cette peinture décore un grand cratère de Ruvo, appartenant à la Raccoltà Santangelo au musée de Naples […] [12]. On y voit Actéon, déjà pourvu de cornes de cerf, au moment où il va percer de son épieu une biche qu’il a saisie par la naissance de ses grands bois ; à droite, Artémis assise se prépare à décocher une flèche ; à gauche sont Pan et Hermès. Vinet voulait rapporter cette scène à un texte de Diodore, suivant lequel Actéon aurait cherché à séduire Artémis en lui offrant le produit de sa chasse. Cette explication est manifestement absurde, car Actéon n’offre pas la biche à la déesse et si celle-ci fait mine de lancer une flèche, c’est sans doute qu’Actéon va être puni par elle de son imprudence sacrilège, pour avoir tué une biche consacrée à Artémis. Cette biche n’est pas, en effet, un animal ordinaire ; comme la biche de Télèphe, comme les biches aux bois dorés des bords de l’Anauros dont parle Callimaque [13], elle est pourvue de bois d’une taille gigantesque. C’est une biche divine ou, tout au moins, un gibier de choix, réservé à la déesse. Il existait donc une autre tradition suivant laquelle Actéon s’était attiré le courroux d’Artémis en tuant à la chasse une biche consacrée ; dans cette version, l’imprudent était puni par Artémis et non par ses chiens [14].

De cette variété de motifs mis en avant par les mythographes et les poètes, il est, dès l’abord, permis de conclure que la légende, sous sa forme la plus ancienne, rapportait le supplice du chasseur, mais n’en indiquait pas la raison. En général, les légendes de ce genre disaient le comment, mais non le pourquoi ; cette dernière question ne s’est posée que plus tard et a exercé l’ingéniosité des exégètes, dont la fantaisie s’est donné libre cours même aux dépens de la vraisemblance et du bon sens.

On constate la même absence de motifs dans les traditions anciennes relatives à la mort d’Orphée, à celle de Tantale, de Sisyphe et de bien d’autres héros de la fable ; on constate aussi la même diversité de motifs allégués dans les textes exégétiques de date récente. La mort violente de ces personnages et leur genre de mort ne faisaient doute pour personne ; le désaccord commençait quand il fallait dire pourquoi ils avaient été frappés [15].

En ce qui concerne Actéon, la version admise à l’époque alexandrine et à l’époque romaine est une de celles qui devaient s’offrir naturellement à l’esprit, puisqu’il s’agissait d’un chasseur puni par une déesse virginale. Il est toujours dangereux, pour un mortel, de voir une divinité face à face, fût-ce un demi-dieu ; ainsi, l’Athénien Epizélos perdit soudain la vue, à la bataille de Marathon, pour avoir aperçu auprès de lui un héros combattant dans les rangs des Grecs. C’est là une idée qui n’est pas particulière aux Hellènes, car l’Éternel dit à Moïse qu’on ne peut voir sa face et vivre ; pour permettre au prophète de l’entrevoir de dos, Jahweh le place dans un creux de rocher et lui couvre d’abord les yeux de sa main [16]. Les Actes des Apôtres nous apprennent qu’après sa vision sur le chemin de Damas, saint Paul resta aveugle pendant trois jours et dut recourir aux bons offices d’un conducteur [17]. L’heure de la méridienne est pleine de périls pour le berger ou le chasseur qui risque de surprendre un dieu dans sa quiétude et de le voir en pleine lumière [18]. D’autre part, le simple aspect d’une femme sans voiles peut être redoutable, témoin l’histoire de Bellérophon qui s’enfuit devant les femmes lyciennes retroussées [19]. Malheur surtout à l’imprudent qui voit une déesse toute nue ! Tirésias aperçut Athéna au bain et ses yeux, un instant éblouis, perdirent à jamais la clarté [20].

À l’époque où sévissait la mode des explications évhéméristes, les Anciens tentèrent d’interpréter le mythe d’Actéon. Ils firent d’Actéon le type du jeune prodigue, que sa passion pour la chasse et pour les chiens mène à la ruine. Cela est inepte et ne mérite pas d’être réfuté. Mais que dire des explications plus savantes proposées au XIXe siècle, sinon qu’il suffit de les répéter pour les faire juger à leur valeur ? Le duc de Luynes reconnaissait dans Actéon un héros rayonnant, […], « le symbole du soleil brumal cédant à l’influence des autres astres [21] ». Vinet écrivait en 1848 [22] :

« Quelques notions astronomiques se fixant, après avoir reçu la sanction du culte, dans l’esprit du peuple, et passant ensuite, grâce aux poètes, dans la mythologie, en voilà plus qu’il ne fallait pour constituer un mythe. L’idée fondamentale, celle d’une lutte entre le chien céleste, symbole de la chaleur, et peut-être aussi des maladies pestilentielles qui en sont la suite, et le Jupiter humide et froid, a pu donner naissance à la tradition d’un chasseur dévoré par ses chiens. Je suis surtout frappé de voir que cette lutte s’accomplit sous l’influence de la déesse Artémis-Lune ; la lune, comme on sait, joue un rôle important dans les phénomènes atmosphériques… Serait-il téméraire de supposer que la stérilité et les maladies amenées par la canicule aient été personnifiées par les chiens dévorants d’Actéon ? » Risum teneatis. Lenormant et J. de Witte écrivent gravement qu’Actéon est un emblème du soleil couchant ou du soleil brumal ; il veut faire violence à la chaste Diane, qui n’est autre que la Lune et que la déesse infernale [23]. Enfin, voici l’exégèse de feu Decharme en 1879, inspirée de celle des mythographes allemands H. D. Müller et Preller : « Actéon est, comme Orion, un héros sidéral et la façon dont il meurt semble indiquer qu’il est identique à Sirios. Actéon, le chasseur dévoré par sa meute, c’est la constellation même du Chien, qui périt consumée par ses propres feux, qui disparaît à l’horizon en présence de la lune dont elle s’est approchée et dont elle a tenté d’éclipser l’éclat [24]. »

Laissons ces belles explications à ceux qui croient pouvoir les comprendre et revenons au mythe lui-même pour lui demander ce qu’il signifie.

II

En cherchant à interpréter la fable d’Actéon, c’est-à-dire à la ramener à sa forme la plus ancienne, nous devons d’abord éliminer, comme adventice et banale, l’histoire d’Artémis surprise au bain. Nous avons montré qu’elle n’est pas ancienne et pourquoi cette explication du courroux de la déesse a dû se présenter, parmi beaucoup d’autres, à l’esprit ingénieux et galant des Grecs.

Restent deux éléments qui se retrouvent ensemble dans toutes les versions littéraires : la transformation du chasseur en cerf et le déchirement du chasseur tout vif par ses chiens — une métamorphose et un sparagmos.

Les récits poétiques de métamorphoses ont tous pour objet d’expliquer l’affinité de certains personnages de la fable avec des animaux, des végétaux ou même des objets inanimés. Cette affinité, qui va jusqu’à l’identité, est attestée par des usages rituels ou des représentations figurées ; tel est le point de départ de la légende. En vérité, il y a bien eu métamorphose, ou quelque chose d’approchant, quand le culte du laurier, par exemple, est devenu celui de Daphné ; seulement, la légende a transposé les phénomènes et attribué la priorité dans le temps à la forme anthropomorphique qui est, au contraire, le produit d’une lente évolution. Tout récit de métamorphose recouvre et implique la transformation anthropomorphique de l’objet d’un culte ; on peut dire que c’est de l’histoire religieuse contée à rebours.

Fig. 3. — Le châtiment d’Actéon [25].

Appliquons ce principe au cas d’Actéon ; on en conclura sans hésiter que, dans la légende primitive ou dans le rite plus ancien encore d’où est née la légende, Actéon n’était pas un chasseur de cerfs, mais un cerf.

Plus tard, avec les progrès de l’anthropomorphisme, il devint un des nombreux héros chasseurs de la fable, objet, en Béotie, d’une vénération mêlée de crainte et d’un culte public dans plusieurs villes. On racontait à Orchomène que la contrée avait été autrefois infestée par le spectre d’Actéon ; les habitants consultèrent l’oracle, qui leur enjoignit de recueillir ses restes, de les ensevelir avec honneur et de fixer par des chaînes à un rocher — celui sans doute où apparaissait le spectre — l’image en bronze de ce fantôme vagabond [26].

Je noterai, à ce propos, que M. Frazer, dans sa grande édition de Pausanias, cite encore, d’après le Dictionnaire des antiquités, une monnaie d’Orchomène, sur laquelle figurerait, d’un côté Artémis nue, agenouillée pour tirer à l’arc, et, de l’autre, l’image d’Actéon enchaîné à un rocher. Cette monnaie a été souvent décrite et reproduite, mais toujours d’après un dessin de fantaisie publié par l’abbé Sestini.

L’original, qui faisait partie de la collection Cousinéry et a passé au Cabinet de Munich, est fort indistinct ; mais un exemplaire meilleur, acquis par le musée de Berlin, a permis à Friedlaender de reconnaître, dès 186 [27], que l’Artémis prétendue nue était vêtue d’une tunique de chasse et que la figure du revers était féminine, l’indication des chaînes résultant d’une méprise de Sestini. Cette monnaie d’Orchomène, qui appartient d’ailleurs à l’Arcadie, non à la Béotie, n’a donc rien à voir avec Actéon [28].

Fig. 4. — Le bain d’Artémis [29].

À Platées, Actéon était l’objet d’un culte comme un des héros […] de la ville ; avant la bataille de Platées, Aristide lui offrit un sacrifice par ordre de l’oracle de Delphes [30]. Voit-on Aristide le Juste offrant un sacrifice à un héros chasseur, dont le seul exploit aurait consisté à voir une déesse nue et à être châtié par elle de son imprudence ? Évidemment, aux yeux de la Pythie de Delphes et d’Aristide, Actéon avait d’autres titres à être honoré et sollicité comme un saint.

Ainsi, à l’époque grecque et même à l’époque impériale, Actéon n’est pas, en Béotie, ce qu’il est à Rome et dans les écoles de grammaire, le héros d’un conte galant et badin ; c’est un demi-dieu redouté, dont la mort est célébrée à Orchomène par une fête annuelle, dont on montre la sépulture et dont le souvenir revêt un caractère analogue à ceux de l’Attis phrygien et d’Adonis en Syrie.

La mythologie, qui transforme les rites en mythes, assimile volontiers les mythes à l’histoire et cherche à les situer dans le temps. L’évhémérisme n’est pas une maladie du génie grec à son déclin ; c’est le principe même de toutes mythologies. D’un événement qui se répète, qui constitue un usage du culte, l’exégèse demi-savante tire un épisode qui se serait produit une seule fois et, par cet événement unique, elle cherche à justifier l’existence de la coutume rituelle, du drame religieux. Là encore, comme dans les récits de métamorphoses, elle commet ce que les logiciens appellent un hystéron protéron ; elle intervertit l’ordre des phénomènes en plaçant la légende à l’origine du rite. Il appartient à une exégèse mieux informée d’intervertir ce rapport.

En l’espèce, nous conclurons du mythe d’Actéon-cerf au sacrifice périodique d’un cerf, qui s’effectuait dans des conditions particulières ; nous savons d’avance que ces conditions doivent se refléter dans le récit mythique, parce qu’elles en ont nécessairement fourni le point de départ, et nous croyons possible de les en dégager à la lumière de faits religieux analogues, qui fournissent matière à des rapprochements instructifs.

III

Les diverses traditions sont d’accord pour nous apprendre qu’Actéon a été déchiré tout vif. Ce genre de mort horrible se retrouve dans plusieurs autres légendes, celles de Dionysos Zagreus, d’Orphée, de Penthée [31]. À Orchomène même, où Actéon était l’objet d’un culte, Plutarque nous parle des fêtes dionysiaques dites Agrionia, commémorant le déchirement du fils de Leucippe par les trois filles de Minyas [32]. Beaucoup de cultes bachiques, pratiqués en général par des femmes, comportaient le même rituel : non seulement la victime était déchirée vivante, ce qui constituait le […] ou […], mais elle était dévorée toute crue, ce qui constituait l’[…] [33]. Le […] et l’[…] vont de pair ; ce sont, à l’époque classique, les survivances d’un même rituel primitif. Les Anciens savaient que ce déchirement et cette manducation de l’animal pantelant s’étaient conservés dans certains cultes par l’effet de traditions mystérieuses, dont il ne convenait pas de parler trop clairement — […], dit Photius [34]. Il y avait là une sorte de discipline de l’arcane analogue à celle que s’imposaient les premiers chrétiens lorsqu’ils faisaient allusion à l’Eucharistie devant les catéchumènes [35]. On lit dans les Canons d’Hippolyte : « Les catéchumènes devront entendre seulement la prédication… Quant aux mystères de la vie, de la résurrection et du sacrifice, ils sont réservés aux seuls baptisés, à ceux qui appartiennent au groupe des fidèles. » Et Origène, au moment où il va parler de l’Eucharistie, dans une homélie prêchée devant toute l’église, s’arrête en disant : « N’insistons pas sur ces choses qui sont claires pour qui les connaît et doivent rester obscures pour qui les ignore. » Des suspensions analogues du discours, répondant au même devoir de discrétion, se rencontrent souvent dans Hérodote, dans Pausanias et même dans Plutarque.

Pourtant, les allusions que se sont permises les auteurs païens ne nous laissent aucun doute sur la nature des rites où interviennent le déchirement et l’omophagie : c’est toujours d’une théophagie qu’il s’agit, de l’absorption, par les initiés ou les prêtres, du sang, de la chair, de la vie même de la victime divine ou divinisée.

Déchirer un animal vivant et le dévorer tout cru est le fait de sauvages très primitifs. Dès le début de la littérature grecque, les Hellènes avaient depuis longtemps renoncé à ces répugnantes coutumes ; ils tuaient les animaux avant de les cuire et les cuisaient avant de les manger. Si, de loin en loin, les vieux usages reparaissent, c’est à titre de survivances religieuses, motivées par les prescriptions de rituels archaïques que la discipline de l’arcane soustrait à notre curiosité.

Mais ce que les hommes civilisés cessent bientôt de faire, tous les animaux carnivores le font d’instinct et toujours. Aux yeux des Grecs posthomériques, qui introduisaient leurs moeurs policées même dans leurs légendes, ou qui tâchaient d’expliquer par des symboles celles qu’il était impossible de purifier, le cerf Actéon n’avait pu être déchiré vivant que par des chiens.

De ces chiens d’Actéon, rendus furieux par la déesse offensée, les grammairiens grecs prétendaient même connaître les noms ; ils nous en ont laissé de longues kyrielles ; ils ont dit que ces chiens avaient été guéris de la rage par le centaure Chiron, qu’ils étaient les lointains ancêtres des grands dogues de l’Inde et que leur ingratitude envers leur maître avait donné naissance au proverbe : […], nourrir des chiens. Tous ces détails sont amusants, mais n’appartiennent pas au fond de l’histoire. Il est évident que les chiens y ont été introduits par l’effet d’un scrupule esthétique, par la crainte d’ensanglanter les mains et peut-être les lèvres de la déesse. Si l’on se rappelle les mythes parallèles de Zagreus, d’Orphée et de Penthée, qui nous sont parvenus sous une forme plus primitive que celui d’Actéon, on remarquera que, dans ces mythes, aucun animal carnivore ne vient s’interposer, comme un exécuteur des hautes oeuvres, entre les sacrificateurs et leurs victimes. Dans les récits que nous possédons, ces victimes sont humaines, alors qu’elles étaient, à l’origine, animales — un taureau (Dionysos Zagreus), un renard (Orphée), un faon (Penthée). Au cours de la transformation que leur a fait subir l’anthropomorphisme, le déchirement de la victime vivante est un trait que les mythographes ont conservé ; mais ils ont atténué le plus possible celui de l’omophagie, qui, dans l’espèce, devenait du cannibalisme. Toutefois, le récit de la mort de Zagreus, de celle d’Orphée et de Penthée implique l’omophagie primitive, d’abord parce que les Grecs nous ont parlé d’omophagie à propos du culte de Dionysos Zagreus et des Agrionia d’Orchomène, puis parce que l’analyse des textes littéraires suffit à la rendre plus que vraisemblable dans les mythes parallèles d’Orphée et de Penthée [36]. J’ai donné ailleurs les preuves à l’appui de cette manière de voir et me contente ici de quelques indications [37]. Orphée, disait-on, avait détourné les hommes du cannibalisme ; or, Porphyre croit savoir que les Bassaroi, c’est-à-dire les Thraces parmi lesquels vécut et mourut Orphée, se repaissaient de chair humaine. Les Bacchantes d’Euripide, après avoir déchiré des taureaux et des vaches, vont laver à une source voisine leurs joues dégouttantes de sang ; si elles n’avaient pas mangé de ces chairs pantelantes, il leur aurait évidemment suffi de se laver les mains [38].

IV

Il résulte de ces rapprochements que, dans une forme plus primitive du mythe d’Actéon, le cerf était déchiré et dévoré non par des chiens, mais par la déesse et ses compagnes. Les chiens ont été introduits dans le mythe pour en atténuer le caractère barbare ; leur présence constitue une sorte d’euphémisme. Dans l’effort que nous faisons pour ramener la légende à sa forme primitive, il est nécessaire d’en éliminer les chiens.

Remarquons, d’ailleurs, que dans la peinture du vase Santangelo, qui nous a conservé une autre version du mythe […], c’est Artémis qui se prépare à exercer directement sa vengeance sur Actéon, en lui décochant une de ses flèches redoutables, pour le punir d’avoir tué une biche sacrée. Ainsi, dans cette forme de la légende, deux caractères primitifs ont été conservés : l’immolation d’un animal quasi divin et l’intervention immédiate de la déesse, qui n’a pas besoin des chiens d’Actéon pour la venger.

Maintenant, si le cerf Actéon est devenu, par l’effet de l’anthropomorphisme, le chasseur Actéon, la chasseresse Artémis et ses compagnes doivent être, elles aussi, le produit d’une évolution analogue. Comme toutes les divinités anthropomorphiques des Grecs, Artémis a hérité, si l’on peut dire, du culte et de la légende sacrée de plusieurs animaux. Son nom — Artémis rapproché d’Arktos —, joint à des témoignages littéraires et figurés, prouve que l’Artémis primitive, celle de l’Arcadie probablement, a été une ourse [39] ; mais, dans d’autres clans et d’autres pays, la divinité qui s’est confondue plus tard avec l’Artémis arcadienne a certainement été une biche. La biche survit, auprès de l’Artémis de la mythologie classique, à titre de compagne, de monture, d’animal de trait, de gibier et de victime favorite [40] ; bien plus, un doublet d’Artémis, Iphigénie, est transformé en biche par la déesse et Pausanias nous parle d’une statue d’Artémis vêtue de la dépouille d’un cerf [41].

Ceux auxquels est surtout familière l’image classique d’Artémis chasseresse, accompagnée d’un ou de plusieurs chiens, se demanderont si le chien ou la chienne ne seraient pas, au même titre que l’ourse et la biche, une des composantes zoomorphiques de l’Artémis grecque. On admettrait alors volontiers qu’Artémis et les nymphes, dans le mythe d’Actéon, représentent autant de chiennes acharnées contre un cerf et que l’évolution de la légende n’a fait que juxtaposer à l’animal chassé la divinité chasseresse qui en est issue. J’indique cette voie, mais pour dissuader qu’on s’y engage. Artémis est souvent figurée comme chasseresse dans la littérature et dans l’art ; mais, dans le culte, cet aspect de sa personnalité divine est très peu développé [42], car Artémis est essentiellement une divinité de la végétation et de la vie animale, non de la destruction ou de la mort. Le chien est étroitement associé au culte d’Hécate, puisqu’on immolait des chiens à Hécate ; mais Hécate n’a été confondue avec Artémis qu’à une époque d’érudition et de syncrétisme ; ce sont des divinités tout à fait distinctes [43]. Nulle part on ne sacrifie de chiens à Artémis, alors qu’on lui sacrifie le cerf, le sanglier, le bouc et la chèvre [44]. J’en conclus qu’on peut admettre, pour une époque très ancienne, une Artémis-biche, une Artémis-laie, une Artémis-chèvre, mais que rien n’autorise à croire qu’il ait existé une Artémis-chienne. Les divinités classiques qui ont hérité du culte du chien sont Hécate, Hadès et Asclépios ; je nie qu’Artémis soit du nombre.

Si Artémis est une biche, il en est de même de ses compagnes. Nous arrivons donc, par une série de déductions toutes logiques, à cette donnée primitive de la légende ou plutôt du rituel d’Actéon : Un cerf sacré est déchiré et dévoré par des biches. L’idée d’une vengeance exercée par des biches, d’une offense faite aux biches par le cerf, disparaît comme une explication rationaliste imaginée par une exégèse postérieure pour expliquer un usage sacrificiel. Les Grecs de l’époque classique, qui n’étaient pas seulement rationalistes, mais profondément imbus de l’idée de justice, de rétribution, ont très souvent allégué des explications de ce genre, par exemple lorsqu’ils ont dit que l’on sacrifiait le bouc à Dionysos pour le punir de ronger les feuilles de vignes, alors que, de toute évidence, le bouc n’est pas autre chose qu’un des ancêtres zoomorphiques de Dionysos, victime périodique d’un sacrifice de communion. L’histoire de la faute du bouc, destructeur des vignes, n’a pas plus de fondement que celle d’Actéon, rival à la chasse d’Artémis ou indiscret admirateur de sa beauté.

Nous avons dit que la grande Biche et les petites biches ne se contentent pas de déchirer le cerf, mais qu’elles le dévorent tout cru, le sparagmos étant inséparable de l’omophagie. Or, les biches ne sont pas carnivores ; il y a donc lieu de se demander ce que la légende primitive entendait par la grande Biche et ses compagnes et s’il s’agissait là véritablement de cervidés.

La réponse à cette question nous est naturellement fournie par tout un ensemble de faits rituels sur lesquels j’ai déjà souvent appelé l’attention. De même que les Bassarides qui déchirent Orphée sont des femmes thraces initiées au culte d’Orphée, qui se déguisent en renardes (Bassareus étant un des noms du renard) pour déchirer et dévorer le renard sacré (Orphée étant toujours vêtu de la peau de renard ou alôpêkis) — de même que les Ménades qui déchirent Penthée sont des femmes béotiennes, initiées au culte de Penthée, qui se couvrent de peaux de faons pour déchirer et dévorer un faon — de même, dans le mythe qui nous occupe, Artémis et ses nymphes sont des initiées au culte d’Actéon, qui se couvrent de peaux de biches et s’appellent des biches, pour déchirer et pour dévorer le cerf Actéon. Dans ce sacrifice de communion qui est la forme primitive du sacrifice, le communiant ou la communiante, désireux de s’assimiler la substance et la force divine de l’animal sacré, commence par s’identifier à lui par une mascarade et une « prise de nom », afin de réaliser préalablement, dans la mesure de ses moyens, cette identification au dieu, […], qui est le but ultime du sacrifice de communion et qui, sous une forme de plus en plus épurée et spirituelle, restera l’idéal religieux de l’humanité [45].

La mascarade et la « prise de nom » sont encore attestées, à l’époque classique, par de nombreuses survivances ; ainsi les jeunes filles athéniennes, célébrant le culte d’Artémis Brauronia, la déesse ursine, s’habillent en ourses et s’appellent ourses, arktoi ; les fidèles de Dionysos se revêtent de peaux de chèvre ou de faon ; on trouve des prêtres ou des initiés qui s’appellent chevaux, poulains, taureaux, abeilles, etc. Ces faits ont déjà été plusieurs fois allégués ; j’y ai insisté moi-même et j’ai énuméré des cas analogues empruntés aux cultes des peuples arriérés de notre temps [46]. Mais personne, que je sache, n’a encore mis en lumière un exemple parfaitement avéré, un rite attesté tant par les monuments que par les textes, qui emprunte un intérêt capital au rôle qu’il paraît avoir joué dans des conceptions du christianisme primitif. Ce rite peut se formuler ainsi : des initiés, adorateurs d’un grand Poisson, s’appellent eux-mêmes Poissons et mangent solennellement le Poisson sacré.

V

Il existe en Mésopotamie, en Asie Mineure et en Syrie des traces nombreuses d’un culte primitif du poisson [47]. On connaît des cylindres assyriens qui représentent un prêtre habillé de la dépouille d’un grand poisson, debout devant un autel sur lequel est placé un poisson [48] ; c’est un exemple de mascarade rituelle. Atargatis-Derceto, déesse syrienne, est une déesse-poisson ; les fidèles, à Hiérapolis, s’abstiennent de manger du poisson. Lucien, qui nous donne ce renseignement, ajoute qu’on entretenait, dans le temple d’Hiérapolis, des poissons sacrés qui portaient des ornements en or, comme les anguilles de Zeus à Labranda, en Carie. À Ascalon, il y avait un vivier contenant des poissons consacrés à Atargatis, qu’il était prescrit de nourrir, mais que les prêtres seuls avaient le droit de manger [49]. Une inscription de Smyrne fait connaître des poissons sacrés, auxquels il est défendu de toucher [50] ; il y en avait aussi dans la fontaine d’Aréthuse en Sicile [51]. Les lois alimentaires des Hébreux interdisaient de manger diverses espèces de poissons qui, aux yeux des vieilles populations syriennes, étaient certainement des poissons sacrés. L’auteur de l’Épître de Barnabé (chap. 10) mentionne comme spécialement interdits les poissons dits poulpe et sépia [52] ; or le poulpe était sacré à Trézène et les habitants d’Halieis, colonie de Tirynthe, lui attribuaient un caractère de sainteté. On a pu supposer avec vraisemblance que l’hydre de Leme, localité relevant de Tirynthe, n’était autre qu’un poulpe sacré, grandi par l’imagination des Grecs. Les représentations du poulpe et du sépia sont extrêmement fréquentes dans l’art mycénien et, à une époque où il ne peut être question de l’art pour l’art, attestent la signification religieuse de ces poissons. Les Grecs d’Homère s’abstiennent de manger du poisson et l’expression de poisson sacré, […], se rencontre à titre de survivance dans l’Iliade (XVI, 407). Les Égyptiens considéraient comme sacré l’oxyrhynque, qui a donné son nom à un nome, l’anguille et le lepidotos. Hygin atteste, avec quelque exagération, que les Syriens regardaient tous les poissons comme sacrés et s’abstenaient d’en manger [53] ; nous savons aussi par Xénophon que les poissons de la rivière Chalus, près d’Alep, étaient considérés comme divins [54]

Aujourd’hui encore, en Syrie, on entretient des poissons sacrés, en particulier dans des étangs qui dépendent des mosquées d’Édesse et de Tripoli [55]. Enfin, dans la Bible même, l’histoire de Jonas et celle de Tobie impliquent nettement la croyance à des poissons sacrés, ministres des desseins de l’Éternel.

Nous avons vu qu’à Hiérapolis le prêtre seul pouvait manger des poissons sacrés et qu’en Assyrie le prêtre se revêtait parfois de la dépouille d’un poisson. Ce ne sont là que des traits épars, mais dont la coïncidence avec les faits relatés plus haut permet de conclure à un culte du poisson où le fidèle, habillé en poisson et qualifié de poisson, mangeait le poisson en cérémonie. Or, ce vieux culte asiatique, auquel nous sommes conduits par une hypothèse, nous apparaît comme une réalité historique indiscutable au second siècle de l’Église chrétienne.

Ce que nous avons dit permet dès l’abord d’écarter une théorie moderne, qui n’est d’ailleurs alléguée par aucun Père de l’Église, suivant laquelle le culte du poisson, dans la primitive Église, s’expliquerait par le célèbre acrostiche […] ([…]). Cet acrostiche, comme l’a prouvé M. Mowat, a été imaginé à Alexandrie, sous l’influence des monnaies de Domitien frappées dans cette ville, avec la légende […] [56]. Il a pu contribuer à propager parmi les chrétiens le culte de l’[…] identifié à celui du fondateur du christianisme, mais il est évident qu’il ne l’a pas créé, puisque ce culte existait depuis de longs siècles. De même, le fait que les gnostiques d’Alexandrie s’aperçurent que les lettres du nom du Nil, […], et celles du nom divin, […], valent 365, c’est-à-dire le nombre des jours de l’année, ne pourrait être raisonnablement allégué pour expliquer le culte du dieu Nil ou celui du saint nom de lao Sebaoth [57].

Or, nous possédons de nombreux témoignages, réunis et discutés par Pitra, De Rossi, Martigny, Achelis et d’autres, attestant que les chrétiens du IIe siècle se disaient des poissons et qu’ils qualifiaient le Christ de Grand Poisson. Les auteurs chrétiens en donnent des raisons très différentes, preuve qu’ils en ignoraient la véritable [58]. « Nous sommes des petits poissons suivant notre Poisson Jésus-Christ, écrit Tertullien, parce que nous naissons dans l’eau et nous ne pouvons être sauvés qu’en restant dans l’eau [59]. » C’est l’explication par le baptême ; les chrétiens, sortant des ondes baptismales, sont assimilés à des poissons. Mais, suivant d’autres écrivains ecclésiastiques, les chrétiens sont des poissons parce qu’ils voguent dans la mer qui est la vie du siècle, ou parce que les fidèles sont les poissons pris dans les filets de la pêche miraculeuse, ou parce que Jésus et les Apôtres ont été des pêcheurs d’âmes. Enfin, on allègue que les chrétiens sont des poissons parce qu’ils sont la descendance spirituelle du Grand Poisson qui est Jésus, […], comme dit l’auteur de l’inscription grecque d’Autun. Le témoignage de ce texte est confirmé par un correspondant de saint Jérôme ; parlant d’un certain Benosus, qui s’était retiré dans une île de Dalmatie, il dit que Benosus, fils du Poisson qui est le Christ et par suite poisson lui-même, a cherché naturellement un séjour au milieu des eaux, aquosa petit [60]. L’assimilation de Jésus à un grand Poisson, père spirituel des poissons fidèles, paraît aussi dans l’inscription d’Abercius à Hiérapolis de Phrygie. Sur ce point encore, les Pères et les écrivains postérieurs offrent des explications divergentes et embarrassées, sans jamais alléguer, comme motif de l’identification, l’acrostiche […]. Jésus est un poisson, parce qu’il a daigné se cacher dans les eaux du genre humain et être pris au lacet de notre mort ; parce qu’il a apporté le salut, comme le poisson pêché par le jeune Tobie dans le Tigre ; parce qu’il s’est offert comme tribut pour le monde entier, alors que, sollicité de payer l’impôt, il a extrait le didrachme de la bouche d’un poisson ; parce qu’il s’est offert à sept de ses disciples, sur les bords du lac de Tibériade, sous les espèces de poissons frits et que lui-même, au temps de la Passion, fut rôti par la tribulation, tribulatione assatus ; parce que, dans le désert, il a rassasié 5 000 personnes avec deux poissons, multipliés indéfiniment par la vertu de sa propre substance ; parce qu’il a institué la régénération dans l’eau, le baptême, ou parce qu’il porte et conduit la barque de l’Église. Toutes ces explications ne valent évidemment rien et s’entre-détruisent ; les auteurs chrétiens étaient en présence de faits rituels qu’ils ne comprenaient pas et luttaient vainement de subtilité pour en rendre compte.

Mais ce qui est particulièrement digne de remarque, c’est que le Poisson divin, ancêtre de ses fidèles qui se désignent d’après lui, sert également de nourriture sacramentelle à ses fidèles. « Manger le poisson, écrivait il y a longtemps l’abbé Martigny, signifie se nourrir de la chair du Christ. » Cela est attesté par des peintures des Catacombes où un gros poisson symbolise le repas eucharistique [61], mais nous avons aussi à ce sujet deux textes épigraphiques, dont l’antiquité et l’autorité sont incontestables. L’inscription de Pectorios d’Autun s’adresse à un chrétien qualifié de « descendance divine du poisson céleste » ; on y lit à la fin : « Prends la douce nourriture du sauveur des saints, rassasie ta faim en tenant dans tes mains le poisson » ([…] [62]). Il n’est pas question de la cuisson du poisson, à laquelle font allusion des textes postérieurs, par exemple le mot célèbre de saint Augustin Piscis assus Christus passus, et l’on a le droit de supposer que ce silence implique une omophagie. La même conclusion semble ressortir de l’inscription d’Abercius : « La foi me montra partout ma route et me fournit partout ma nourriture : un poisson d’une fontaine, très grand et pur, que saisit une vierge chaste » ([…]). Évidemment, l’auteur parle par images [63], mais il fait allusion à un fait réel, connu de ses lecteurs asiatiques, à la capture rituelle d’un poisson d’eau douce élevé dans un étang sacré, exactement comme les poissons syriens dont parle Lucien [64]. C’est un très grand poisson, […], comme il convient à celui qui sert de nourriture à tout un groupe de fidèles [65] ; il ne peut être capturé, c’est-à-dire retiré de l’eau que par une vierge sans tache. Ceux qui traduisent […] par « le poisson qu’a porté la Vierge pure », en entendant par là la mère du Sauveur [66], font un contresens grossier sur la signification du verbe dont […] est l’aoriste ; ce verbe ne peut signifier que « prendre » ou « saisir » et toute allusion à la Sainte Vierge est inadmissible. L’auteur de l’inscription indique seulement le rite de la pêche ou de la capture, et nous n’avons aucune raison de croire que ce rite ait été inventé par les chrétiens.

Ainsi, dans l’Église du second Siècle [67], nous trouvons, si l’on peut dire, à l’état complet le schéma d’un culte sacrificiel : les fidèles prenant le nom de la victime et la mangeant, pour se sanctifier et s’identifier à elle. Il est inutile de fermer les yeux devant une évidence aussi manifeste, devant un ensemble de textes dont la précision ne laisse rien à désirer. Assurément, aucun homme raisonnable ne voudrait chercher l’origine du christianisme dans le culte sacrificiel du poisson ; mais ce culte existait en Syrie, il était bien antérieur au christianisme et il est sûr, de toute certitude historique, que nous l’y retrouvons, comme nous y trouvons aussi les survivances de deux autres cultes zoomorphiques, celui de la colombe — Palcestino sacra columba Syro, écrit Properce — et celui de l’agneau dont le nom désigne à la fois les fidèles et le Sauveur. Ce qui s’est produit dans le domaine des langues se constate avec non moins d’évidence dans celui des religions. De même que les langues romanes ne dérivent pas du latin de Cicéron ou de Sénèque, mais de celui de leurs fermiers et de leurs esclaves, la religion qui est devenue celle des nations dites romanes se rattache par mille liens non à celle des pontifes et des théologiens de la Rome impériale, non à celle des prêtres de Jérusalem ou d’Alexandrie, mais aux croyances obscures et d’autant plus vivaces des hommes simples, illettrés et de foi vive que pontifes et prêtres regardaient dédaigneusement ou qu’ils ignoraient. Quand une langue ou une religion commence à manifester son existence par des textes littéraires, elle a déjà derrière elle un long passé d’évolution et de syncrétisme, dans les couches profondes que la littérature n’éclaire pas.

Après Constantin et le triomphe de l’Église, on ne trouve plus le poisson comme image du Christ, mais seulement l’agneau ; le motif de cette simplification du symbolisme est peut-être que, dans les Évangiles, Jésus est bien qualifié d’agneau, mais non de poisson. Toutefois, un souvenir de la sainteté du poisson paraît s’être conservé dans l’usage de manger du poisson les jours d’abstinence, en particulier aux anniversaires hebdomadaires et annuels du sacrifice que commémore et renouvelle l’Eucharistie [68]. Au commencement du Ve siècle, un texte de l’historien Socrate [69] prouve que c’était une habitude répandue, mais non générale, de substituer, à certains moments, le poisson aux viandes. « Quelques-uns, dit-il, mangent des oiseaux aussi bien que des poissons, parce qu’ils ont été pris des eaux selon le témoignage de Moïse. » C’est déjà une tentative d’explication savante qui, bien que souvent répétée depuis et accréditée dans l’Église, n’a évidemment été imaginée que pour expliquer l’usage et ne saurait en constituer le point de départ. La distinction du gras et du maigre n’est fondée ni sur un principe scientifique, ni sur la tradition religieuse ; ce n’est qu’une affaire de discipline ecclésiastique, qui varie d’ailleurs suivant les pays. Les versets de la Genèse sur la création n’y sont pour rien. Il est bien plus simple d’admettre que l’usage du poisson eucharistique [70] s’est maintenu, à certains jours de l’année, par suite des idées que ces jours éveillent et que les fidèles de notre temps suivent encore, sans comprendre pourquoi, l’exemple donné par Abercios d’Hiérapolis et Pectorios d’Autun.

Après ce long excursus, que justifie peut-être l’importance exceptionnelle du sujet, revenons au mythe grec dont nous n’avons pas encore terminé l’explication.

VI

Le clan des femmes qui célébraient le culte d’Actéon se disaient et se croyaient, avant et pendant le sacrifice rituel, des biches ; le sacrifice consistait dans le déchirement et l’omophagie d’un grand cerf. Mais, dans tous les cultes de ce genre, après la mascarade, la « prise de nom » et l’orgie sanguinaire, il y a un troisième acte qui ne saurait manquer, comprenant les lamentations sur la victime, les honneurs rendus à ses restes, le deuil qui prélude à sa joyeuse résurrection. En effet, dans les cultes totémiques, la résurrection de la victime est certaine, puisqu’elle n’est pas un individu, mais le représentant d’une espèce ; on peut croire qu’il ne manquait pas de cerfs sur les collines boisées de la Béotie.

Les rites d’expiation et de deuil, après la mort de l’animal divin, nous sont surtout connus dans le culte d’Adonis à Byblos, où Adonis représente un sanglier ; mais j’ai montré qu’on en a trouvé des traces certaines dans ceux de Zagreus, d’Orphée et de Penthée [71]. Elles ne font pas non plus défaut dans le culte d’Actéon. Sa mère Autonoé, fille de Cadmos, recueille ses membres épars et leur donne la sépulture [72] ; la ville d’Orchomène lui élève un tombeau et célèbre annuellement des rites funéraires en son honneur [73] ; les cinquante chiens d’Actéon (lisez : les Ménades béotiennes) cherchent partout leur maître en poussant des hurlements et parviennent ainsi jusqu’à la caverne de Chiron qui les apaise en leur montrant une image du chasseur fabriquée par lui [74]. Cette image, c’est un nouvel Actéon, c’est Actéon ressuscité ; le centaure Chiron, habile chasseur, a pris un nouveau dix-cors qui sera le protecteur du clan des biches avant de devenir, à son tour, leur aliment. Interprété ainsi, le texte d’Apollodore est d’un grand intérêt : il répond à ceux des écrivains grecs qui parlent du désespoir et des cris des femmes de Byblos après le sacrifice annuel du beau chasseur Adonis, au passage de Plutarque sur les femmes d’Orchomène, qui cherchent Dionysos après l’avoir sacrifié aux Agrionia [75]. Même à l’époque de Pausanias, alors que le sacrifice annuel du cerf est oublié, ou ne se célèbre plus qu’en secret, les Orchoméniens pleurent annuellement la mort d’Actéon comme les Syriens pleurent la mort d’Adonis. Les hommes ne pleurent pas ainsi les victimes des dieux, mais leurs propres victimes ; si l’on a pleuré Actéon et Adonis, c’est qu’Adonis et Actéon, sous les espèces du sanglier et du cerf, ont été immolés par des hommes qui ont cherché et trouvé longtemps, dans leurs chairs pantelantes, un aliment de force et de sainteté.

Voici donc comment on pourrait restituer l’évolution du mythe : 1° un clan de femmes en Béotie, ayant pour totem le cerf, se disent la grande Biche et les petites biches ; elles ont coutume de dépecer, de dévorer et de pleurer tous les ans un cerf ; 2° le panthéon grec se constitue et recueille les débris épars des cultes totémiques ; la déesse Biche prend le nom d’Artémis ; les femmes s’appellent désormais « Artémis et ses nymphes », comme les fidèles de Bacchus s’appellent Bacchoi et Bacchantes ; 3° le rite s’humanise et se transforme ; on sacrifie, dans le culte officiel, des biches à Artémis ; mais le souvenir du sacrifice primitif de communion demeure et le rite lui-même se conserve peut-être dans les mystères, qu’on accusa Eschyle d’avoir révélés dans une pièce où paraissait précisément Actéon [76] ; 4° comme une époque civilisée ne peut admettre que la déesse et ses compagnons aient dépecé et dévoré un cerf, la légende fait intervenir à cet effet des chiens furieux ; 5° pour justifier le supplice infligé au cerf, on raconte qu’un homme fut transformé en cerf pour avoir offensé Artémis ; 6° la légende se précise, s’embellit et l’on imagine différentes histoires, dont l’une d’un caractère galant et badin, pour motiver la colère de la déesse contre le chasseur.

VII

Je n’ai pas encore abordé une question difficile, celle de l’étymologie du nom d’Actéon. Il faut d’abord écarter l’étymologie adoptée par le duc de Luynes d’après Fulgence [77] : […], « le rayonnant », d’abord parce qu’il n’existe pas de verbe […], puis parce que […], au génitif […], ne pouvait être à l’origine un participe [78]. Moins vraisemblable encore est le rapprochement institué par le Danois Broensted entre Actéon et le mot […], signifiant « pauvre », sous prétexte qu’Actéon, au dire des mythologues évhéméristes de la basse Antiquité, était un prodigue que la passion de la chasse avait ruiné. Lenormant et de Witte interprètent Actéon par le « grand possesseur », « celui qui enrichit », de à augmentatif et de […] pour […], participe présent de l’inusité […], enrichir [79] ; cela n’a pas le sens commun. Otfried Müller et Vinet après lui ont rappelé l’épithète d’[…] attribuée à Zeus, à Apollon et à Pan. Il semble, en effet, que le nom […] dérive du substantif […] ; mais ce dernier mot ne signifie pas seulement « rivage » et « promontoire » ; il désigne une « élévation », une « colline », et ce sens, qui est nettement indiqué dans un vers d’Antigone (1133), est peut-être la signification primitive, non pas, comme le veulent les lexiques, une acceptation dérivée. Actéon serait donc « le montagnard », celui qui fréquente les escarpements et les collines, épithète qui convient aussi bien à un chasseur qu’aux cervidés qu’il poursuit. Artémis chasseresse est dite « montagnarde » […] [80], montivaga, de même que Pan, qualifié ailleurs d’[…], est dit […] et montivagus [81].

Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de cette étymologie, l’idée que nous avons essayé de nous faire du rite d’où est sorti le mythe d’Actéon est indépendante de la confiance que peut inspirer l’explication de son nom. Comme le rite sauvage remonte à une époque extrêmement ancienne, antérieure à la naissance de l’anthropomorphisme grec, il y a toujours quelque témérité à interpréter le nom du héros par un vocable de la langue grecque classique. L’essentiel, c’est que les données éparses et contradictoires de la fable nous permettent de restituer, avec une ressemblance voisine de la certitude, l’état d’esprit et les moeurs des temps lointains où les éléments de cette fable ont pris naissance. Le caractère hypothétique de cette restitution paraîtra singulièrement atténué si l’on réfléchit qu’elle se fonde, d’une part, sur une analyse rigoureuse des données littéraires et, de l’autre, sur la connaissance de faits religieux analogues, attestés par des témoignages formels, soit à l’état de survivances dans l’Antiquité classique elle-même, soit à l’état de réalités presque tangibles chez certaines tribus arriérées de notre temps [82].

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article de Salomon Reinach, « Actéon », Cultes, Mythes et Religions, Tome III, Éd. Ernest Leroux, Paris, 1906, pp. 24-53.

Notes

[1Conférences faites au musée Guimet, Paris, 1906, p. 99-149.

[2Müller-Wieseler, Denkmoeler, pi. XVII, 186.

[3Élite céramographique, pl. 103 B ; Vinet, art. « Actéon », dans le Dictionnaire des antiquités.

[4Lenormant et de Witte, Élite des monuments céramographiques, t. II, p. 323.

[5Callimaque, V, 110 et les nombreux textes cités dans Pauly-Wissowa, art. « Actaion », p. 121.

[6Ovide, Les Tristes, II, 105.

[7Cf. Élite des monuments céramographiques, t. II, p. 324-325.

[8Euripide, Bacch., 339.

[9Diodore, IV, 8, 4.

[10Pausanias, IX, 2, 3 (d’après Stésichore).

[11Müller-Wieseler, Denkmoeler, pl. XVII, 184.

[12Revue archéologique, 1848, p. 100 ; Élite, t. II, pl. 103 A.

[13Callimaque, Hym. in Dian., 101.

[14Ch. Lenormant et J. de Witte ont déjà tiré cette conclusion de la peinture du vase Santangelo (Élite, t. II, p. 345).

[15Cf. Cultes, t. II, p. 85, 165, 170.

[16Exode, XXXIII, 20-23.

[17Actes des Apôtres, IX, 9.

[18Cf. l’article « Meridianus Deus » dans le Lexikon de Roscher.

[19Plutarque, De mulier. virt., 19 ; cf. Revue celtique, 1896, p. 244 et suiv.

[20Callimaque, Lavacr. Pallad., 75. — Aepytos devint aveugle pour être entré dans le temple de Poséidon à Mantinée (Pausanias, VIII, 5) ; la cécité est, d’une manière générale, un des châtiments de la violation d’un tabou visuel.

[21Nouvelles Annales, t. I, p.71.

[22Revue archéologique, 1848, p. 466.

[23Élite des monuments céramographiques, t. II, p. 329.

[24Decharme, Mythologie de la Grèce antique, p. 430.

[25Vase à figures rouges. Actéon est assailli par ses chiens en présence d’Artémis et d’un Pan (Élite des monuments céramographiques, t. II, pl. 100).

[26Pausanias, IX, 38, 5.

[27Archceologische Zeitung, 1864, p. 133.

[28Un assez bon exemplaire de cette pièce est reproduit par la phototypie dans le catalogue du British Museum (Peloponnesus, p. 190, pl. XXXV, 15). On voit Artémis agenouillée, vêtue d’un chiton court, un pétase pendant sur le dos, un arc dans la main, un chien derrière elle ; au revers, Callisto assise, tombant à la renverse, percée d’une flèche ; auprès d’elle, le jeune Areas étendant les bras.

[29Bas-relief d’un sarcophage du Louvre (Clarac-Reinach, I, p. 4), qui représente, d’une part, Artémis au bain, de l’autre, Actéon attaqué par ses chiens et Autonoé pleurant sur le corps de son fils.

[30Plutarque, Aristide, XI, 3.

[31Voir d’autres exemples cités dans l’Élite des monuments céramographiques, t. II, p. 330.

[32Plutarque, Quaest. Rom., 112 ; Quaest. Symp., 8.

[33Cf. Lobeck, Aglaophamus, p. 696, 710.

[34Photius, s. v. […].

[35Cf. Batiffol, Études d’histoire et de théologie, 1902, p. 21.

[36Cf. Cultes, t. II, p. 95 ; Plutarque, Quaest. Graec., 38 et l’article « Agrionia » de Preller dans la 2e éd. de la Real-Encyclopedie de Pauly.

[37Cultes, t. II, p. 90.

[38Cultes, t. II, p. 96.

[39Cultes, t. I, p. 58.

[40Stephani, Compte rendu pour 1868, p. 17-30 ; Journal of Hellenic Studies, t. XIV (1894), p. 134 ; Bulletin de correspondance hellénique, t. XV (1891), p. 3.

[41Pausanias, VIII, 37, 4. La peau de cerf joue un certain rôle dans la légende d’Actéon. Dès le Ve siècle, pour ne pas admettre la métamorphose, les rationalistes disaient qu’Artémis avait jeté sur Actéon une peau de cerf. Dans la Nekyia de Polygnote, Actéon était assis sur une peau de cerf (cf. Wentzel, art. « Aktaion », dans Pauly-Wissowa, p. 1207).

[42Schreiber, art. « Artemis » dans le Lexikon de Roscher, p. 582.

[43Il importe peu que Phérécyde (fragm. 32, Sturz) fasse d’Hécate la soeur d’Actéon, ni que Stace (Theb., VII, 273) appelle « gouffre d’Hécate » la fontaine de Gargaphie. Ces rapprochements sont dus au syncrétisme ; Lenormant et J. de Witte, qui leur attribuent à tort de la valeur, ajoutent que les noms d’Actéon et d’Hécate présentent « une exacte ressemblance » (Élite, t. II, p. 327) — ce qui est manifestement absurde. Dans le même article, d’ailleurs, ils rattachent le nom d’Actéon au grec […], signifiant « rivage » et encore au même mot pris dans le sens de « farine ». On n’y comprend rien.

[44Schreiber, loc. laud., p. 608.

[45Je rappelle, comme exemple, les stigmates de saint François d’Assise et d’autres saints personnages qui, par une grâce particulière, ont été ainsi assimilés à Jésus.

[46Cultes, t. I, p. 20.

[47M. Pischel, indianiste, a récemment attribué à ce culte une origine indoue (cf. Journal des savants, 1906, p. 176) ; c’est un retour à l’ancienne méthode d’exégèse, qui méconnaît le caractère spontané et local des cultes d’animaux.

[48Menant, Glyplique, t. II, p. 53.

[49Lucien, De dea Syria, 54 ; Mnaseas, op. Athen., VIII, 37.

[50S. Reinach, Traité d’épigraphie grecque, p. 53.

[51Diodore, V, 3.

[52Cf. Achelis, Des Symbol de Fisches, p. 6.

[53Hygin, Astron., 11, 41.

[54Xénophon, Anab., 1, 4, 9. Cf. l’article « Fish » dans l’Encyclopaedia biblica, p. 1530.

[55Encyclopaedia biblica, d’après Sachau.

[56Bulletin de la Société des antiquaires, 1898, p. 121.

[57Voir Perdrizet, Revue des études grecques, t. XVII, p. 355. En Italie, vers 1860, le nom de Verdi était devenu un signe de ralliement parce que les lettres de ce mot sont les initiales de la phrase Vittorio Emmanuele Re d’Italia ; mais aucun historien n’a prétendu que le maestro Verdi ait dû sa popularité à cet acrostiche !

[58Voir les textes dans Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, à l’article « Poisson ».

[59Tertullien, De baptism., I.

[60Hieron, Epist. 7. Achelis a vu justement que Jérôme, dans ce passage, cite les paroles de son correspondant.

[61Marucchi, Éléments d’archéologie chrétienne, t. I, p. 286.

[62Éléments d’archéologie chrétienne, t. I, p. 286 (contesté à tort par Achelis).

[63La « Vierge pure », dans la pensée du poète, peut être, comme l’a vu M. Paton, l’Église ou la Foi.

[64Comment des savants considérables peuvent-ils voir dans […] une allusion au baptême de Jésus dans le Jourdain ? C’est là une illusion que je ne parviens pas à m’expliquer.

[65Piscis magnus dans Prosper d’Aquitaine, De promissis, II, 39.

[66Pératé, dans l’Histoire de l’art, dirigée par A. Michel, t. I, p. 37 : « Le Poisson tiré de l’unique fontaine, très grand et pur, qu’a porté la Vierge chaste. » Le mot unique n’est pas plus dans le grec que le mot porté. — L’idée du rite de capture a été justement reconnue par A. Dieterich, Die Aberkiosinschrift, p. 40 ; cf. Rauschen, Florilegium patristicum, III, p. 41.

[67L’inscription d’Autun est certainement postérieure à cette date, mais inspirée d’un texte plus ancien.

[68« Le jeûne… est une expression de la douleur de l’Église dans le temps qu’elle a perdu son Époux… L’affliction et le jeûne sont le caractère des jours où l’Église pleure la mort et l’absence de Jésus-Christ » (Bossuet, édition Gaume, t. X, p. 769).

[69Socrate, Hist. ecclés., V, 22.

[70L’obligation religieuse de manger du poisson le vendredi est si bien antérieure au christianisme qu’elle s’est conservée chez les juifs orthodoxes. Je lis dans un rapport récent sur les juifs de Galicie que les plus pauvres ne croient pas pouvoir se soustraire à ce devoir : au besoin, ils se contentent d’un unique goujon.

[71Cultes, t. II, p. 87, 88.

[72Nonnos, XLVI, 326. Voir cette scène sur un sarcophage du Louvre (Clarac, Musée, pl. 113 ; Froehner, Sculpture antique du Louvre, p. 120).

[73Pausanias, IV, 38, 5.

[74Apollodore, III, 4, 4.

[75Plutarque, Quaest. Symp., VIII, 1.

[76C’est la tragédie intitulée […] ; voir Nauck, Fragm. trag. graec., p. 77-79.

[77Fulgence, Mythol., I, 11 : Actaeon splendens dicitur. Un des chevaux du soleil s’appelait Actéon (cf. Élite, t. II, p. 329).

[78Le génitif d’un participe en […] serait en […].

[79Élite des monuments céramographiques, t. II, p. 327.

[80Schreiber, art. « Artemis » dans le Lexikon de Roscher, p. 563 ; Théod. Prodr., Cathom., 207 ; Stace, Achill., 1, 450.

[81Nonnus, XXVII, 28 ; Nemesianus, Ill, 17. Cf. l’interprétation du nom d’Oreste « der Bergmann », ap. Wide, Laconische Kulte, p. 169. Oreste est une « hypostase » de Dionysos (ibid., p. 116, 120).

[82Je fais allusion aux mascarades rituelles et aux « prises de nom », n’ignorant point que le type complet du sacrifice totémique ne se trouve pas, ou ne se trouve guère, chez les tribus totémistes de nos jours.

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