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Raphaël Ledos de Beaufort

Histoire de la flagellation à travers les âges

Notice sur la Vie et l’Œuvre de Sacher Masoch (1902)

Date de mise en ligne : lundi 16 avril 2007

Mots-clés :

Raphaël Ledos de Beaufort, Extrait de la Notice sur la Vie et l’Œuvre de Sacher Masoch, dans Leopold von Sacher-Masoch, La Vénus à la fourrure, Éd. Charles Carrington, Paris, 1902.

Histoire de la flagellation à travers les âges

Sacher Masoch est loin d’être l’initiateur de la théorie dont il s’est fait le défenseur, à laquelle il a donné son nom et qui proclame que rien n’est si enviable que d’être frappé par l’être aimé : cette théorie de la jouissance dans la douleur, l’Algolagnie [1], comme l’appellent les Allemands, a de tout temps existé, de tout temps elle a eu des adeptes et des défenseurs.

Parfois la douleur infligée ou subie et purement morale, c’est l’abnégation de soi-même envers l’être aimé ; mais le plus souvent cette abnégation va jusqu’à solliciter l’infliction de souffrances physiques pouvant aller jusqu’à la mort. Cette forme d’érotisme n’est pas purement passive, elle et aussi active, car celui qui inflige la souffrance prétend souvent éprouver autant de jouissance que celui qui la subit.

L’histoire ancienne et les mythologies abondent en exemples semblables : Bacchus et les Ménades, Hercule et Omphale, Circé et les compagnons d’Ulysse, Attis et Cybèle, les sacrifices à Moloch et à Baal, Thomyris la reine des Massagètes, Sémiramis fouettant les princes captifs devenus ses amants, Samson et Dalila, Salomon lui-même et ses nombreuses femmes, qui en étaient réduites à le piquer pour exciter sa virilité ; Phéroras, le frère d’Hérode, se faisait attacher et frapper par ses esclaves femelles, si nous en croyons Josèphe.

Cet historien rapporte que Zorobabel emmené en captivité en Perse, où il occupa le poste de garde du corps à la cour de Darius Hystaspe, était un jour assis au milieu des princes et des satrapes auprès du trône royal, quand, tout à coup, Darius demanda : « Quel est le plus fort, du vin, du roi, de la femme ou de la vérité ? » Les trois gardes du corps répondirent. Le premier dit : « Rien n’égale le vin. » Le second : « Rien ne peut se comparer à la puissance du roi, car il commande sur la terre à toutes les créatures ! » Enfin vint le tour de Zorobabel qui dit : « Puissants certes sont le vin et le roi, mais la femme l’est bien davantage. Car c’est une femme qui a mis au monde et le roi qui a besoin d’une femme et le vigneron qui cultive la vigne. Il n’est rien au monde qui nous vienne de la femme : elle fait nos vêtements, surveille notre maison et la tient en ordre, et nous ne pouvons nous passer de la femme ; nous lui donnons notre or, notre argent et nos bijoux les plus précieux quand elle nous plaît ; pour posséder la femme qui nous charme, nous quittons notre père, notre mère, le pays qui nous a vu naître ; nous oublions tout, voire l’ami le plus cher. Nous donnons même notre vie pour cette femme. Il n’est pas en notre pouvoir de nous soustraire à la puissance de la femme. Tout ce que nous avons gagné à force de travail et qu’au prix des plus grandes peines, nous avons rapporté de loin par terre ou par mer, nous le portons avec joie aux pieds de la femme, notre dame et maîtresse. Je vois encore le roi à qui tout le monde est soumis, recevoir des coups de bâtons d’Apamé, la fille de Raberak, l’une de ses femmes ; je le vois lui permettre de retirer le diadème de son front et le poser sur le sien propre ; je vois encore comme il avait l’air heureux quand elle souriait, et désolé, quand elle était fâchée ; comme il flattait tous ses caprices et s’appliquait avec la plus profonde humilité à recouvrer ses bonnes grâces, chaque fois qu’elle lui paraissait irritée. »

La surprise du roi fut grande, comme bien on pense ; personne n’osait répliquer, et Darius lui-même demeura muet. Alors Zorobabel, comme il avait fait pour la femme, fit, en termes plus éloquents encore, l’éloge de la vérité, et chacun apprécia la justesse de son judicieux raisonnement.

Remarquons en passant qu’avant même de porter la tiare, Darius considérait le juif comme un ami ; ce qui explique pourquoi Zorobabel était instruit des détails intimes de la vie du prince, ce qui lui permit cet excès de franchise.

À Sparte, les jeunes garçons et les adolescents étaient, en quelque sorte, élevés d’après les principes du masochisme. Tous les ans, à la fête d’Artémise Orthosie, ils étaient fouettés en public. Ces flagellations avaient lieu sous forme de luttes dans le stade. Le jeune homme qui pouvait supporter le plus grand nombre de coups était le plus fêté et sortait vainqueur de la lutte. Debout devant l’hôtel de la déesse, une prêtresse présidait la fête, tenant en mains une petite statue d’Artémise ; lorsque les coups faiblissaient, cette statue devenait si lourde qu’elle entraînait le bras de la prêtresse.

À Aléa, aux fêtes de Dionysos, devant la statue du beau-fils de Sémélé, des femmes se prêtaient à des exercices semblables à ceux que nous rapportons au sujet des jeunes gens de la ville de Lycurgue.

Nous retrouvons des traces évidentes de cette recherche de jouissance dans la douleur, dans le culte de Cybèle à qui Athènes, Sparte, Corinthe, l’Asie Mineure, Rome même, sur le mont Palatin, ont érigé des temples. À ces orgies, c’était le premier des devoirs de se martyriser en honneur de la déesse. Jetés dans une sorte d’extase par l’usage du vin, le recours à des danses frénétiques et autres stimulants, les fidèles s’emparaient enfin de cailloux ou du glaive de la déesse et se mutilaient de leur propre main, au plus fort de leur délire.

De semblables manifestations accompagnaient le culte de Moloch, d’Astarté et de Baal. Fidèles et prêtres, emportés par leur zèle sacré, se mordaient mutuellement, se flagellaient les reins, se perçaient même les bras à coups de poinçon et se tailladaient les chairs à l’aide des glaives qu’ils portaient.

Les prêtresses de Milet s’armaient du fouet pour exciter en elles par ce moyen la soif de volupté dont elles brûlaient. Les mêmes coutumes se retrouvent aux fêtes d’Isis, dont Hérode nous a laissé une peinture si frappante. Tous les fidèles brandissaient fouets, verges ou poinçons ! Les hommes flagellaient les femmes, les femmes fouettaient les hommes jusqu’à ce que tous, poussés par la surexcitation de leurs sens, se laissassent tomber les uns sur les autres, couvrant le sol de leur corps.

À Rome, les fêtes des Lupercales — semblables à cet égard aux Bacchanales et aux infâmes Saturnales — étaient l’occasion d’orgies épouvantables : les prêtres, brandissant leurs fouets, hurlant et criant de joie, parcouraient les rues de la ville ; les femmes se précipitaient hors des maisons à leur rencontre, présentant leurs épaules et leur gorge et les invitant par leurs cris à les frapper. Par la pratique de ces superstitions, les femmes croyaient augmenter leur fécondité et être ainsi plus agréables à leurs maris ; elles étaient tellement pénétrées de cette croyance que l’usage de ces flagellations solennelles persista pendant tout l’empire romain et même jusque sous les papes.

La vie privée des Grecs nous présente divers exemples célèbres de ce genre de passion qui a nom aujourd’hui masochisme. Socrate se laissait maltraiter par Xantippe, et dit-on, par le bel Alcibiade ; Aristote lui-même par Phyllis. Chacun connaît l’histoire de Timagoras et de Mélès et le singulier amour dont ils étaient animés l’un pour l’autre. Quant aux Romains, Tacite, Suétone, Martial et Juvénal, nous ont initiés aux secrets intimes des Tibère, des Néron et des Caligula et fourni des détails révoltants sur le raffinement de leurs débauches. Qui de nous n’a lu le récit du mariage public de Néron et de son affranchi ? Qui ne connaît les orgies de Caprée ? Qui a oublié les scènes de dépravations que les historiens de l’époque nous rapportent sur Caligula et Héliogabale, ce Syrien prêtre du soleil ? À cette époque de décadence, la corruption la plus éhontée avait gagné toutes les classes de la société, et c’est peut-être à ce sensualisme outré qu’il faut attribuer l’indifférence avec laquelle les patriciens et les chevaliers romains se laissèrent froidement décimer.

Le peuple en était arrivé à ne vivre que pour les spectacles sanguinaires ; il se ruait au cirque : le sable des arènes était inondé du sang des gladiateurs et de celui des martyrs.

Le christianisme, lui aussi, pour établir son influence, dut avoir recours à l’antique usage du fouet, non plus pour éveiller des désirs érotiques, mais au contraire pour maintenir l’homme dans la voie du devoir.

Les cloîtres et les prisons employèrent le fouet, pour mater les novices se révoltant contre les règles de leur ordre, ou terrifier les malfaiteurs s’insurgeant contre la société.

Plus tard, des ordres se fondèrent imposant à leurs membres l’obligation d’une flagellation réciproque en vue de dompter les élans de leur chair, de même que le Christ avait été attaché à la colonne et frappé de verges pour l’expiation des péchés du monde. Avec le temps, ces flagellations cessèrent d’avoir un caractère disciplinaire et, chez de nombreux ordres, dès le moyen âge, prirent la forme d’une obligation purement religieuse, d’une expiation éminemment enviable des souffrances imméritées infligées à l’adorable corps du Maître. Tels les Flagellants et les Purificants, tels encore les Dominicains, parmi les ordres d’hommes, et les Franciscaines et les Clarisses parmi les femmes.

À ces ordres, dont la règle admettait la flagellation, il convient de rattacher l’ordre du « Saint Sauveur et de la Très Sainte Vierge », ainsi que l’ordre des Bénédictines de Fontevrault fondé par Brigitte de Suède au XIVe siècle. Moines et nonnes y vivaient ensemble sous la direction d’une abbesse, et les dérèglements les plus honteux suivirent une semblable promiscuité. Tel encore l’ordre des Bénédictins de Fontevrault, fondé en 1047 par Robert d’Arbrissel. Les moines et les nonnes y vivaient en commun, sous la juridiction d’une abbesse, dont la première fut Herlande de Champagne, veuve du seigneur de Montsoreau, proche parente du comte d’Anjou, et la seconde sa coadjutrice, Petronille de Craon, veuve du baron de Chemillé. Le fondateur lui-même se soumettait à ces abbesses. Cet ordre fut, par la suite, l’objet de nombreuses critiques. En 1610, l’auteur des Concilia antiqua Galliae, le Père Simond, jésuite, publia une lettre dans laquelle Geoffroy, abbé de Vendôme, avertissait Robert d’Arbrissel des bruits répandus sur sa conduite et de l’inconvenance de celle-ci. On l’accusait de partager le lit de ses religieuses, non, il est vrai, pour en mal user, mais pour s’exercer à combattre les plus vives tentations et à en triompher ensemble. La même accusation est portée par Marbodus, évêque de Rennes. Dans une lettre, retrouvée à la bibliothèque Saint-Victor, le prélat blâme, en outre, Robert d’avoir trop légèrement fait prendre l’habit de nonne à des jeunes filles fort peu vierges et lui rappelle les accidents qui s’ensuivirent [2].

Cette lettre témoigne aussi qu’on reprochait à Robert de se faire suivre en ses courses missionnaires de beaucoup de femmes et d’en distribuer un grand nombre dans les hôpitaux et dans les auberges, pour y servir les pauvres et les voyageurs. Cette charité avait produit assez d’enfants pour qu’on la jugeât coupablement imprudente. Il paraît même que, dans un concile tenu à Alby, les hérétiques invoquèrent l’exemple de Robert pour se justifier de mener des femmes avec eux : « Nous suivons en ceci les enseignements du Christ lui-même et de notre maître Robert, fondateur des couvents de vierges. »

Au XVIIIe siècle, la folie mystique s’empare des partisans de Jansénius, le fameux adversaire de Molina, le membre le plus autorisé de la célèbre congrégation fondée par Ignace de Loyola. La polémique ardente dure des années et se trouve ostensiblement close par la fermeture du cimetière de Saint-Médard ordonnée en ces termes, en 1760, par le lieutenant de police :

De par le Roy, défense à Dieu
De faire miracle en ce lieu.

Allusion aux scènes de désordres auxquelles donnaient lieu les partisans du diacre janséniste François de Paris. Ces derniers se réunissaient depuis la mort du diacre (1727) sur sa tombe et s’y livraient à toutes sortes d’excentricités : en proie à des convulsions rappelant la danse de saint Guy, ils exhortaient le peuple et prétendaient obtenir des miracles par l’intercession du diacre, d’où le nom de convulsionnaires de Saint-Médard que l’histoire leur a conservé.

En 1823, Marguerite Peter, de Widisbruch, se crucifia par fanatisme religieux, non toutefois sans avoir préalablement crucifié sa jeune soeur.

Chacun a entendu parler de la reine Margot, qui, après s’être divertie la nuit avec de jeunes galants, les faisait torturer et précipiter en Seine du haut de la tour de Nesles.

Brantôme, Boccace, Pogge, l’Arétin, Restif de la Bretonne, citent fréquemment des cas de flagellation. Quant au trop fameux marquis de Sade, son nom est, chez nous, le synonyme même de ce genre d’érotisme.

La belle princesse Lubomirski faisait mettre à mort ses amants, après leur avoir fait subir les plus cruels tourments, lorsque ces malheureux, accablés de jouissances, ne pouvaient plus répondre à ses séductions de sirène.

Sous Napoléon Ier, Contat, la célèbre actrice, était la grande prêtresse du « masochisme » de l’époque. Elle occupait un des palais les plus somptueux de Paris, portait les bijoux les plus riches et traitait ses amants comme des chiens, les fouettant sans pitié. Les hommes les plus considérables de son temps se disputaient ses faveurs, entre autres, Fouché, duc d’Otrante, le fameux ministre de la police de Bonaparte.

À Londres, comme à Paris, cette forme d’érotisme était fort répandue au XVIIIe siècle. Betty Carletz, entre autres, femme galante de Themsestadt, jouissait d’une grande notoriété sous ce rapport. C’est de cette femme que parle Fielding dans son Amélia. Elle était raffinée dans l’invention de toutes sortes de tortures qu’elle infligeait à ses amants. La principale épreuve consistait à leur proposer une énigme.

Le résultat le plus clair de cette énigmatique aventure amoureuse était que la plupart de ceux qui s’y étaient lancés, allaient finir leurs jours à Bedlam [3]. Deux autres célèbres beautés londoniennes : Mistress Nedham, de Park Place et Kate Hackabout, se délectaient aussi à ce genre de sport amoureux ; mais la mort de Thérèse Berkley, survenue en 1836, à la suite de leurs manoeuvres, mit prématurément un terme à leurs exploits ; parmi les instruments de supplice de toutes sortes trouvés chez elles, on découvrit un chevalet dont l’usage, paraît-il, procurait la plus grande jouissance. Leurs voluptueux clients leur avaient rapporté en huit ans — de 1828 à 1836 — la jolie somme de deux millions cent vingt-cinq mille francs.

Aujourd’hui encore, on trouve à l’ombre de l’abbaye de Westminster des maisons de rendez-vous, où des hommes et des femmes, appartenant à toutes les classes de la société, certains à la plus élevée, se rencontrent pour se flageller mutuellement.

En ces dernières années, l’affaire Peirce créa à Londres une certaine sensation. Depuis longtemps, le Standard, l’Evening Standard et le Morning Post faisaient paraître régulièrement des annonces, aux termes desquelles une dame s’offrait à corriger de jeunes garçons et de jeunes demoiselles d’un caractère opiniâtre.

Un des rédacteurs du journal Truth se mit en tête de visiter cette dame. Il la trouva, habitant en compagnie d’un vieillard l’un des pavillons de Lancers road, Hounslow, appelé Lime Cottage [4]. Le prix d’entrée était de cinq shillings et dès que le visiteur l’eut acquitté, Mistress Peirce s’expliqua franchement sur son système. Elle était fille d’un pasteur protestant et, comme telle, extraordinairement versée dans la Bible. Au début, elle n’avait exercé sa profession que sur des jeunes gens de l’un et de l’autre sexe, mais, dans les dernières années, elle s’était mise à flageller publiquement les hommes faits qui le lui demandaient. Arrivée sur ce chapitre, elle s’exprima sans équivoque, de façon qu’aucun doute ne pouvait subsister sur elle et sur sa clientèle.

À Paris, on a de tout temps pratiqué le « jeu de l’esclave ». Beaucoup de gens de la société s’y adonnent. Ce jeu consiste à se faire fouetter tout nu par une dégraffée, et il arrive fréquemment que le naïf patient se donne inconsciemment en spectacle à la galerie.

La profession de masseuse à Paris, à Londres, comme à Berlin, à Vienne ou à Hambourg, est, pour beaucoup de femmes, l’occasion d’exercer en même temps les fondions de prêtresses de Vénus.

En Russie, sous la grande Catherine, les hommes qui faisaient partie du « cercle physique », comme on l’appelait à Saint-Pétersbourg et à Moscou, étaient incités à l’acte vénérien à coups de knout. On dit même que la géniale tzarine, comme sa devancière Elisabeth Petrowna, ne se fâchait nullement lorsque la main d’un bel homme lui administrait une correction.

Golovine, parlant du tzar Nicolas Ier, dit qu’amateur de ce sport amoureux, il était devenu une vraie femme qu’on fouette.

Paulinus, dans sa Petite mère Wolga, écrite à la fin du XVIIe siècle, s’exprime ainsi : « Chez les Persans et les Russes, les femmes recherchent avec empressement la jouissance que leur procure une correction corporelle infligée par leurs maris. Elles estiment que c’est là le meilleur moyen pour ceux-ci de leur prouver leur affection ». Il ajoute que plus leurs maris les battent, plus les femmes russes leur sont dévouées et tendres, ainsi que le démontre la curieuse histoire suivante rapportée par jean Barcalajus : Un Allemand, nommé Jordan, vint à Moscou s’y établir et y prit femme. Il adorait cette dernière et mettait tout en oeuvre pour lui plaire ; mais sa femme, qui était Russe, paraissait toujours triste, baissant les yeux et poussant des soupirs. Fort intrigué, Jordan voulut en connaître la raison. S’il lui avait donné quelque sujet de plainte, c’était sans le vouloir. « Ah ! répondit-elle, si vous m’avez aimée, vous ne m’avez jamais donné aucune preuve de votre amour. » Jordan l’embrassa et lui demanda en quoi il avait bien pu la blesser, car s’il l’avait fait, c’était à son insu. « Je n’ai rien à vous reprocher, fit la femme, si ce n’est que vous ne vous conformez pas à nos coutumes, à ce que nous autres, femmes russes, considérons comme le véritable indice de l’amour. » Jordan s’enquit de la coutume, et à l’avenir s’y conforma de point en point, de telle sorte que, depuis, l’homme et la femme s’aimèrent cordialement.

La comtesse Landsfeld, amie du roi Louis Ier de Bavière, obtint, grâce à la facilité excentrique avec laquelle elle administrait des gifles et des coups de fouet, la réputation d’avoir été l’une des premières lionnes d’Europe. Elle tenait le vieux roi dans un état d’étroite dépendance. Sa volonté était toute-puissante pour lui. Comme cachée derrière une psyché, elle assistait à une audience que le roi accordait à ses ministres, avec lesquels elle était en désaccord, elle se contenta d’avancer la pointe du pied, et cela suffit pour que le monarque, qui, peut-être, était déjà disposé à partager l’avis de son conseil, se ravisât prudemment et se rendît aux voeux de la comtesse.

On pourrait à l’infini citer des exemples semblables de pré-masochisme, et bien que dans la Vénus à la fourrure, Léopold de Sacher Masoch ait, en quelque sorte, tracé une partie de son autobiographie, les personnages de Séverine et de Wanda ont eu, de tout temps, de nombreux précurseurs.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après la Notice sur la Vie et l’Œuvre de Sacher Masoch de Raphaël Ledos de Beaufort, dans Leopold von Sacher-Masoch, La Vénus à la fourrure, Éd. Charles Carrington, Paris, 1902.

Notes

[1Expression tirée des deux mots grecques : douleur et lascif.

[2Je ne parle pas de ces jeunes filles qui, ayant changé de vêtements, sont entrées en religion sans avoir été éprouvées quant à leur morale et leur vocation, et que tu as enfermées en diverses cellules. Le résultat prouve la témérité de pareils faits. Car les unes, prêtes à accoucher, se sont évadées de leurs cloîtres, tandis que les autres ont accouché dans ces mêmes cloîtres.

[3La maison des fous.

[4Pavillon des Tilleuls.

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