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Henri Legrand du Saulle

Le satyriasis

La folie devant les tribunaux (Chapitre XIII - § III)

Date de mise en ligne : mercredi 20 juin 2007

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Henri Legrand du Saulle, La Folie devant les tribunaux, (Chapitre XIII : « L’Érotisme »), Éd. F. Savy, Paris, 1884, pp. 485-534.

Du Satyriasis. — En général, les cas de satyriasis sont peu communs. L’homme est loin d’être placé, comme la femme, sous la dépendance de ses attributs sexuels : moins sensible, plus maître de lui, libre de donner à sa guise un libre cours à ses appétits et de s’affranchir de cette exquise réserve qui s’appelle pudeur et sans laquelle la femme est un être grossier et vil, voué enfin à une vie de labeurs, il se soustrait par cela même aux désirs tumultueux, aux impératives sollicitations que le sens génital pourrait développer en lui.

Le climat, la vie molle, sédentaire, l’abus des excitants, l’onanisme, la polygamie, les habitudes des harems et le
début de la phtisie pulmonaire, sont susceptibles de provoquer le satyriasis, mais la continence en est souvent l’origine première. Buffon a consigné l’observation du curé de Cours, prés la Réole, homme d’une stature vigoureuse, élevé par des parents rigides dans les préceptes d’une chasteté immuable, et qui, après avoir victorieusement lutté contre les ardeurs viriles, vint à prononcer ses serments solennels. La crainte de trahir sa parole lui fit éloigner de son imagination tous les objets capables de l’impressionner et de l’émouvoir, mais lorsque le sommeil avait annihilé une volonté aussi énergique, la nature, revendiquant des droits méconnus par devoir, ouvrait une issue à la sécrétion spermatique. L’abbé diminua alors la quantité de ses aliments, redoubla de précautions et finit par se réduire à un état de maigreur extrême. Vains efforts : à l’âge de trente-deux ans, de voluptueuses images l’obséderont, et un feu jusqu’alors inconnu s’empara de ses sens. Une sensibilité hyperesthésiée, des illusions lascives et des hallucinations provocatrices le plongent dans des transports furieux, lui font ressentir les plaisirs les plus doux ou le précipitent dans une sorte d’extase délicieuse. La vue, l’ouïe, le goût et l’odorat eurent tour à tour leurs vicissitudes. Le tact fut asservi le dernier, et « une catastrophe qui alarme la pudeur, étonne la nature et déconcerte la religion, » vint clore la scène névropathique. L’abbé dont a parlé Buffon a recouvré la raison et la santé.

Nous avons connu et observé dans les maisons d’aliénés trois satyriaques ; deux d’entre eux avaient été frappés par des condamnations judiciaires, puis mis un peu plus tard en traitement. Le troisième, âgé de soixante ans, avait été arrêté à la suite d’outrage public à la pudeur dans un wagon de chemin de fer, et comme l’on reconnut sans peine qu’il ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés, il avait été dirige immédiatement sur un établissement spécial, où il mourut dans un état avancé de paralysie générale.

Une autre fois, et dans notre pratique urbaine, nous avons vu survenir du satyriasis chez un paralysé général âgé de soixante-quatre ans. Pendant trois jours il se livra à l’onanisme avec une salacité qui dépasse toute vraisemblance.

Marc a rencontré dans une maison de santé un homme de trente-six à quarante ans, petit et contrefait, fortement coloré, d’un tempérament sec et irritable, ayant de belles dents, des cheveux tirant sur le roux, et qui, après de grande excès de libertinage, perdit la raison. Il se livrait à des actes d’un cynisme dégoûtant, ne parlait que de ses prouesses passées et futures, dans les termes les plus orduriers ; assurait avoir obtenu les haveurs des femmes les plus haut placées de Paris, et se complaisait à raconter les scènes les plus lubriques, qu’il affirmait s’être passées entre lui et les actrices les plus célèbres de nos théâtres, dont cependant plusieurs sont connues par leur sagesse. Comme, bien à tort, il se croyait comblé de tous les dons de la fortune, aucune femme ne lui résistait, et, comme il avait résolu de posséder même sa sœur, parce qu’elle avait la plus belle jambe qu’il eût jamais vue, il comptait obtenir du pape une dispense qui lui permettrait de consommer l’inceste. La police avait été obligée de le confiner provisoirement dans une maison de santé et de l’y laisser à la disposition de sa famille, à cause du scandale que sa conduite avait occasionné dans les promenades et autres lieus publics.

Chez les satyriaques, le désir se laisse à peine contraindre : il s’exprime avec emportement et va souvent jusqu’à la violence. En même temps, les organes génitaux sont excités, chauds et en action continuelle. Il est des hommes qui, dans cet état, répètent l’acte vénérien dans des proportions prodigieuses. « J’ai soigné un malade, dit M. Sandras, qui toutes les nuits recommençait avec sa femme le coït au moins douze ou quatorze fois ; et, quand elle se refusait obstinément à tant de fatigues, il suppléait aux rapports sexuels en se masturbant à ses côtés… Les exemples de cinquante, soixante et même soixante et dix coïts complets en vingt-quatre heures, que les auteurs ont rapportés, ont tous été des cas de satyriasis aigus, mais celui que je viens de rappeler peut, à bon droit, passer pour un exemple de satyriasis chronique [1]. »

Examen médico-légale des satyriaques. — Lorsque le satyriasis sert de prétexte à quelques criminels, et que l’inculpé persiste à s’abriter derrière l’irrésistibilité, il faut bien distinguer si l’acte incriminé a été la résultante fatale d’une lésion de la volonté, on s’il n’a été, au contraire, que l’oeuvre du plus vicieux libertinage. Le satyriasis, à moins de l’usage d’une préparation cantharidienne, n’éclate pas soudain, et, pour qu’un fait soit digne d’atténuation, il faut qu’il y ait eu continence forcée, absolue, et trouble des facultés de l’intelligence. Les instincts charnels, en effet, sont placés sous l’empire de la raison : Castitae est virtus sub jugo rationis impetum libidinis refrenans [2]. Si, comme cela se voit quelquefois, on a devant soi un individu doué d’aptitudes viriles d’une ardeur exceptionnelle, il convient de ne point s’en laisser facilement imposer : on fait d’abord camisoler le prévenu, et l’on établit ensuite autour de lui une surveillance intelligente et continue.

« La première question à se poser, dit M. Tardieu, dans des cas semblables, qui confondent à la fois le sentiment et la raison, c’est de savoir s’ils ne sont pas l’effet d’un dérangement des facultés intellectuelles et morales, de cet affaiblissement sénile qui transforme en une sorte de délire érotique les mouvements des sens et ne laisse survivre dans les esprits éteints que des passions libertines. La constatation d’un état confirmé de démence peut restituer à ces faits leur véritable caractère [3]. »

Voir en ligne : La folie devant les tribunaux (Chapitre XIII - § IV) : La nymphomanie

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Henri Legrand du Saulle, La Folie devant les tribunaux, (Chapitre XIII : « L’Érotisme »), Éd. F. Savy, Paris, 1884, pp. 485-534.

Notes

[1Traité pratique de maladies nerveuses.

[2Saint Augustin, de Finibus.

[3Des Attentats aux mœurs.

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