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Les Signifiants de la Psychanalyse

Développement de la fonction sexuelle

Érotisme oral et érotisme anal

Date de mise en ligne : mardi 8 avril 2003

Auteur : Christophe BORMANS

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Pour Freud, lorsque nous utilisons le verbe "aimer", nous entendons rendre compte d’une relation du Moi à son objet sexuel. En ce sens, un emploi adéquat de ce mot ne devrait commencer "qu’avec la synthèse de toutes les pulsions partielles de la sexualité sous le primat des organes génitaux et au service de la fonction de reproduction" (Pulsions et destins des pulsions, p. 40). Si nous souhaitons tous, toujours plus démêler l’amour de la haine, il nous faut donc d’abord analyser les premiers stades du développement de la fonction sexuelle.

Le développement de la fonction sexuelle

Si l’on se rappelle les principales conclusions auxquelles nous avons abouti dans l’étude du concept de pulsion et, notamment dans l’étude des pulsions sexuelles, on se souviendra des deux principales qualités des pulsions : d’abord elles sont partielles, ensuite elles présentent une extraordinaire capacité à se condenser et à se déplacer.

Que les pulsions soient partielles, veut d’abord dire qu’elles apparaissent par vagues successives, et que si elles peuvent en venir à s’associer harmonieusement, ce n’est qu’à partir d’une reconnaissance de leur caractère profondément partiel :

« On pourrait décomposer la vie de toute pulsion en vagues isolées, séparées dans le temps, homogènes à l’intérieur dune unité de temps et ayant entre elles à peu près le même rapport que des éruptions successives de laves. On peut alors se représenter approximativement les choses ainsi : l’éruption pulsionnelle première, la plus originaire, se perpétuerait sans changement et ne subirait absolument aucun développement. Une vague suivante serait soumise, dès le début, à une modification, par exemple le retournement en passivité, et s’ajouterait alors, avec ce nouveau caractère, à la vague antérieure et ainsi de suite » (Pulsions et destins des pulsions, p. 30).

Les pulsions sont nos mythes, aimait à rappeler Freud : "la théorie des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie" (Nouvelles Conférences, p. 128-129). L’on pourrait également soutenir que c’est de la reconnaissance de leur caractère partiel et de la chronologie de leurs apparitions, en vagues successives, que s’ancre notre rapport au temps.

L’érotisme oral

Le premier temps sexuel, à proprement parler, est celui où le petit d’homme expérimente la séparation d’avec l’objet premier qui semblait le compléter, le sein :

« Au début, la satisfaction de la zone érogène était sans doute associée à la satisfaction du besoin alimentaire. L’activité sexuelle s’étaye tout d’abord sur une des fonctions servant à la conservation de la vie et ne s’en affranchit que plus tard. Lorsqu’on voit un enfant rassasié quitter le sein en se laissant choir en arrière et s’endormir, les joues rouges, avec un sourire bienheureux, on ne peut manquer de se dire que cette image reste le prototype de l’expression de la satisfaction sexuelle dans l’existence ultérieure » (Trois essais, p. 105).

L’action de suçoter peut donc déjà être qualifié, à part entière, de sexuelle, dans la mesure où s’effectuant dans la "recherche d’un plaisir déjà vécu et désormais remémoré" (Trois essais, p. 105), elle tend à se dissocier très nettement de la fonction digestive que l’on pourrait, en psychologie ou en philosophie, qualifier de besoin. Ce premier temps de la sexualité se retrouve d’ailleurs comme premier temps de la sexualité adulte, lorsque au stade dit "préliminaire" justement, l’on se sert de la bouche : le baiser.

Mais ce stade premier est déjà hautement ambivalent puisqu’il est également "compatible avec la suppression de l’existence de l’objet dans son individualité" (Pulsions et destins des pulsions, p. 41), lorsque par exemple, l’on en vient à dévorer la personne aimée, en parole ou en acte. Comme Freud le souligne merveilleusement bien, il ne s’agit pas ici de juger du caractère normal ou non de telle ou telle personne, ou de tel ou tel comportement sexuel, mais de comprendre que chacun d’entre nous à affaire avec ces pulsions. Si l’on souhaite les entendre, force est de reconnaître que la moralité ne saurait se confondre avec la normalité :

« Toute modification dans la proportion des pulsions unies l’une à l’autre a les retentissements les plus évidents. Un excédent d’agressivité sexuelle fait d’un amoureux un meurtrier sadique, une diminution notable de cette même agressivité le rend timide ou impuissant » (Abrégé, p. 9).

L’érotisme anal

Dans un deuxième temps, le petit d’homme aura à faire la même expérience avec ses excréments, c’est-à-dire qu’il devra s’en détacher tout comme il aura dû se détacher du sein maternel. C’est de la même manière qu’à chaque répétition de cette action, celle-ci présentera un caractère hautement sexuel, puisqu’elle lui fera se remémorer un plaisir déjà vécu, mais cette fois, de manière totalement détachée du besoin. De quel plaisir s’agit-il ici ? Freud nous le dit clairement à propos du nourrisson :

« Il n’éprouve au début aucun dégoût devant ses excréments qu’il considère comme faisant partie de son corps ; il s’en sépare à contrecœur et s’en sert comme premier "cadeau" pour distinguer les personnes qu’il apprécie particulièrement. Et après même que l’éducation a réussi à le débarrasser de ces penchants, il transporte sur le "cadeau" et l’"argent" la valeur qu’il avait accordé aux excréments » (Introduction à la psychanalyse, p 295).

Cette pulsion de possession, que l’on retrouve plus tard sous la forme d’une pulsion d’emprise sur le monde économique, par exemple, constitue tout à la fois une défense contre la sexualité, en ce que celle-ci nous coupe nécessairement de notre narcissisme primaire, et un moyen de répéter une excitation sexuelle première. La zone érogène est ici constituée autant par l’anus, que par la musculature corporelle que l’enfant mobilise afin d’expulser hors de lui les matières fécales. L’on retrouve, bien entendu, ces deux zones érogènes dans la sexualité adulte, lorsque par exemple, il s’agit d’étreindre ou de serrer contre soit avec plus ou moins de force, le partenaire amoureux. Là encore, il n’y a qu’un pas du normal au pathologique, puisque cette pulsion musculaire d’emprise peut, bien évidemment, aller jusqu’à la destruction de l’objet si l’on demeure fixé à cette organisation prégénitale que l’on a pris l’habitude de qualifier de sadique-anale. C’est le cas, par exemple, pour les étrangleurs, les adeptes du ligotage ("bondage") ou du bâillonnement. Rappelons ici encore avec Freud, qu’il ne s’agit pas tant de bien ou de mal, que d’une intime intrication, pulsionnelle et chaotique, à une époque infantile ou l’amour et la haine ne sont pas encore très bien distingués.

L’énergie sexuelle, la libido, passe nécessairement par tous ces points de passage obligés et chacun d’entre nous a connu et est capable de reconnaître encore, toute la force de ces pulsions. Comme Freud le souligne, ce n’est qu’avec l’établissement d’une certaine organisation de ces pulsions sexuelles, que "l’amour devient l’opposé de la haine" (Pulsions et destins des pulsions, p. 42). Si cette organisation, laquelle comme toute organisation repose sur une séparation, n’est pas du tout ou partiellement atteinte, la libido reste fixée à une sexualité désorganisée, laquelle n’effectue pas plus de différence entre les sexes qu’entre l’amour et la haine :

« Par suite de la force excessive de composantes isolées ou d’expériences de satisfaction prématurées, il peut se produire des fixations de la libido en certains points du parcours évolutif. La libido tend alors, au cas d’un refoulement ultérieur, à revenir vers ces points (régression) et c’est à partir d’eux que s’opère la percée aboutissant au symptôme. Une découverte ultérieure vint ajouter à cela que la localisation du point de fixation est également déterminante pour le choix de la névrose, pour la forme sous laquelle se présentera l’affection » (Freud par lui-même, p. 60).

Sans parler nécessairement de comportements meurtriers, les symptômes, lapsus, actes manqués et autres formations de l’inconscient, sont autant de formations trahissant nos fixations à des niveaux d’organisation sexuelle qui n’opère pas de différence entre la haine et l’amour et, surtout, à des formations trahissant notre refus d’opérer une différenciation entre les sexes, c’est-à-dire d’accéder à une organisation acceptant le caractère symbolique de la castration. Au contraire, ce sera sur la base d’une saisie anticipée d’une telle différenciation, que s’organisera le stade dit « phallique » du développement de la fonction sexuelle.

P.-S.

Illustration :
Roger de Le Pasture
Vierge à l’Enfant (Madone de Jean Gros) (détail)
Huile sur bois, 38x28 cm
(Tournai, 1399 - Bruxelles, 1464)
Dépôt de l’Etat
http://www.tournai.com/musees/beaux-arts2.html

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