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Séminaire « L’Acte analytique »

Du cogito à la solution par l’a sous transfert

Sexe-poser à l’EPSa (8 février 2006)

Date de mise en ligne : samedi 27 mai 2006

Auteur : Paul PAPAHAGI

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Texte de l’intervention à l’École Psychanalytique de la Salpêtrière (EPSa) : Sexe-poser du mercredi 8 février 2006.

1) LA QUESTION DE L’EXISTENCE (en guise d’introduction)

Ça commence fort cette sixième leçon du séminaire sur l’acte : par la question de la spécificité de l’acte du psychanalyste. Mais d’abord y a-t-il du psychanalyste et comment en vient-il à être ?

En passant par la subversion du carré logique d’Aristote et par les cadrans de Pierce ? Mais Lacan avait déjà, auparavant, subverti le Cogito de Descartes par sa négation, en introduisant le vel de l’aliénation (ou-ou) à la place du donc : ou je ne pense pas ou je ne suis pas. Il y fait aussitôt retour donc... donc ça passe par l’Autre.

Le sujet supposé naïf ne sait pas que c’est du sujet supposé savoir qu’il tire transfert. Il est appelé à prendre la mesure de l’indéfini et de l’in-serré de son symptôme (nous verrons de quelle insertion, longue ou courte, il s’agit).

2) HISTOIRE DE L’ACTE

L’acte psychanalytique interroge l’acte tout court et son trajet dans l’histoire. Comme tout acte il est un dire qui fait oublier « qu’on dise » et cela « derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend » (L’Étourdit). Il y avait une rumeur à l’âge classique du plutarquisme « qui n’est pas sans résonance » avec l’éloge de la vertu (arete ; pas l’arrêt au mûr mais l’arrêt sur le fruit de l’acte).

3) LE SUJET GRAMMATICAL

En serrant l’appui du sujet sur le sujet grammatical, Lacan nous rappelle que dans le séminaire sur La Logique... qui précède celui de L’Acte..., il avait marqué la place du sujet par écornure de « je ne pense pas ». Inutile d’ajouter que dans « Ein Kind Wird Geschlagen » qu’on traduit par « On bat un enfant », la dimension grammaticale est patente.

Lacan se place sur un bord plus « disciplinaire », lorsqu’il énonce qu’il n’y a pas de « métalangage », puisque c’est du langage que la logique est à extraire et ce n’est pas sans risque que tel le devin, il inscrit sur son tétraèdre un groupe de Klein sous la forme d’une triade dirigée : aliénation, vérité et transfert ; triade à ne pas confondre avec son RSI (hérésie) qui culmine avec la structure boroméenne du transfert dont je pense être en mesure de vous apporter une contribution inédite, la fois prochaine.

4) FONCTION DE L’ACTE

Selon Lacan, la fonction de l’acte est à reprendre à partir de la subversion du sujet ; et assurément celui qu’on appelle psychanalysant, à tort ou à raison, n’est pas sans quelque dialectique du désir dans sa besace, désir qui n’est pas sans l’encombrer.

Si l’acte psychanalytique consiste à supporter le transfert, qui le fait cet acte ? Qui fait le porte manteaux pour le sujet supposé savoir ? Indéniablement c’est l’analyste qui avait le choix forcé entre se faire le lieu d’une pulsion plutôt mythique ou le servant d’un Dieu trompeur (mais j’anticipe), ce qui est un vilain défaut de psychanalyste divisé par l’objet a, comme quelques autres.

Le sujet supposé savoir est à l’œuvre dans tout progrès de savoir, affirme Lacan. Une idée un peu hâtive irait à conclure que « du moment qu’il y a savoir, il y a sujet » dit-il ; c’est ne pas compter sur l’efficacité du refoulement.

5) L’INCONSCIENT

Dans l’inconscient, les signifiants, bien qu’articulés, n’impliquent aucun sujet ; un savoir acéphale, articule Lacan ailleurs.

L’inconscient est un lieu où le sujet n’est pas « représenté par un signifiant pour un autre signifiant ». Même si dans la bouche de Lacan, cela avait pris une dimension humoristique, lorsqu’il parlait du structuralisme de Pavlov, qui lui, n’implique pas d’inconscient ; celui-ci ne sait pas qu’il fait du structuralisme d’obédience lacanienne, alors que l’analyste n’est pas sans savoir, quand il en est un, que son dire est articulé au faire du psychanalysant à la tâche.

L’analyste n’est pas sans savoir ce qu’il advient du sujet supposé savoir en fin de partie et il va tomber dans le trou d’a que son acte a contribué à produire ; en fin de partie il l’aura appris à ses dépens non sans que cela lui ait coûté beau-coût.

6) L’OBJET a

C’est côté analyste que l’objet a produit par la cure analytique frappe de caducité le sujet supposé savoir. La pratique analytique est, de ce fait, poussée du côté de la dialectique de la frustration. Livré au jeu du faire, par la parole analysante à la tâche, il ne doit pas oublier la distinction du faire à l’acte. Le sujet supposé savoir, il supporte sans l’être mais pas sans savoir.

Ce psychanalysant naïf que l’analyste sait du côté aliéné du « je ne pense pas », il va le mettre à la tâche d’un penser. Qu’il associe librement, sans crainte ni tremblement de dire des conneries, à ceci près qu’en énonçant cette règle, dite fondamentale, l’analyste n’est pas sans savoir qu’il s’embarque avec son analysant sur la même galère puisque la règle fait retour sur lui en tant que : attention flottante et règle d’abstinence (on se croirait chez les jésuites).

Encore faut-il savoir qu’il n’a pas à prendre en charge la vérité, même si c’est la vérité insu qui est visée par la cure. La vérité, elle, se mi-dit comme elle peut côté analysant, même lorsqu’il raconte un bobard à son analyste.

L’analyste dirige la cure, pas le sujet, dit Lacan dans la « Direction de la cure ». Son interprétation, qui est insertion signifiante dans la tâche analysante est son grain de sel à lui, et en tant qu’équivoque signifiante elle est « acte en porte à faux », remarque Lacan.

Et ça l’amène où, ce psychanalysant, la drôle d’expérience ? Où l’acte de cet atopique l’entraîne-t-il ? Est-ce l’atypique vérité d’a qui cause par la bouche à faire ?

Freud le dit et redit : à la castration où selon Lacan il se réalise comme sujet du manque (- fi).

En fin de partie l’analysant est comme avant sujet divisé, ce qui lui fait verser sur le compte de l’Autre le fruit de la tâche : a.

L’usage de la lettre permet de ne pas se tromper à condition de savoir s’en servir. Passer du signifiant de transfert au signifiant quelconque n’est pas donné à tous.

Par cet-a-là, il aura accès à la jouissance des saints qui décharitent, qui ne peut pas être la jouissance du corps de l’Autre, mais un plus de jouir typique, le désir de l’analyste, pas sans rapport avec la jouissance dite féminine, désir de rien qui cause la parole analysante chez un autre.

7) MATHÉMALOGIQUE

Tâchant de serrer l’objet a par le nombre d’or dans le séminaire sur La logique..., Lacan marche sur les plates bandes des mathématiciens, ce dont Agnès Sofiyana, l’année dernière, nous avait assuré ne lui tenir aucun grief, bien au contraire. Elle était ravie par l’hommage.

La division harmonique du un par l’incommensurable a démontre l’asymétrie de jouissance de l’Un à l’Autre dans l’acte sexuel, qui de son « insu que sait » est condamné à se répéter. L’objet a est un bout de jouissance, ce qui n’est pas sans rappeler à Lacan, en train de distribuer à l’assistance de son séminaire, le huit intérieur de l’a voix, dans cette année d’angoisse où son nom aura été raturé sur la liste. À certains de ses élèves, tel César, il aurait très bien pu dire « tuque mi filii », toi aussi mon fils, ce à quoi Granoff répond, côté frère, par un « je persiste et signe », comme Caïn.

Dans le séminaire sur L’Envers..., il ajoutera que parfois il leur fait honte (aux psychanalystes, car c’est à eux que ce discours s’adresse). Je cite Lacan en train de nous entretenir de cet incommensurable :

« ... du fait qu’il est du registre mathématique, cette incommensurabilité, ce rapport du petit a, puisque c’est le petit a que j’ai repris, non sans intention, pour le symboliser sous le nombre d’or [ce rapport - c’est moi qui ajoute] du a au 1, voilà où se joue ce qui apparaît comme réalisation subjective au bout de la tâche psychanalytique... »

8) UNE SPÉCULATION SUR LE VIVANT

... Un peu plus loin je cite :

« ... L’organe et la fonction sont deux choses différentes, si différentes, que l’on peut dire que... le vrai problème de l’adaptation du vivant c’est que plus il y a d’organes, plus il est empêtré ». Je ne sais pas ce que ça vous évoque, mais chez votre serviteur ça actionne le clignotant de « l’au-delà »... Jenseits, de Freud.

La castration symbolique du ministre, qui n’a plus la lettre que vous savez, améliore la fonction, le rendant apte à aimer la reine alors que sa possession de la lettre le féminisait.

Le père agent, pas agent de la paix, mais de la castration, opération symbolique dont l’objet est le phallus imaginaire (- fi) souvenez-vous (pour ceux qui aiment les petites... lettres), rend possible l’usage de l’organe avec une autre, maman a pris de l’âge.

Mais du point de vue du vivant qu’est-ce que la vérité ? je vous laisse méditer le temps d’une parenthèse.

9) PASSE ET DÉSIR D’ÉCOLE

La diagonale du transfert croise l’autre, qui va du je sans pensée à la pensée sans je, diagonale de la castration par où un objet, même uni vers cythère... à qui ?... mais à ma mère bien sûr a chance de passer analyste... de qui ? .... De l’école par bleu.
Rester en éveil, oh ! toi ! psychanalyste dépend de quelques autres qui, par le dispositif vont nouer a.e. et désir d’école, en passant par le symptôme qui identifie le style d’un analyste.

Ce dispositif qui est d’écriture, ne vient d’ailleurs que du signifiant - écriture topologique dont Jean Fortunato nous a apporté témoignage ; et Lacan, comme le ministre du conte de Poe, est allé dérober la lettre chez reine-Duras, qui sait sans lui ce qu’il enseigne, sans que celle-ci, ravie de cet hommage anticipé (il est de 65 alors que la proposition arrive en 67, se révélant prématurée même chez les psychanalystes qui se hâtent lentement jusqu’en 69), lui fasse procès pour vol d’idée.

Je me souviens à l’occasion de la présentation du livre d’Éric Porge, à propos de stécriture qui ne vient d’ailleurs que du signifiant : une Dame psychanalyste était en train de défendre, bec et ongle, la complétude du symbolique à l’acte ; pourtant du trou, elle aurait pu en savoir un bout, la Dame (pas sa Dame à l’autre « Rattenmam » - « L’homme aux rats » - pour les non germanophones, ni celui qu’on juge en ce moment pour trous contre l’humanité, imprescriptibles pour faire valoir ce que de droit).

Ce « ravissement... » entre cet-a-là, S. Tahla, Stala et Stretter, pendant qu’elle l’écrivait (les cris turent), c’est peut-être sa passe à elle.

Si je fais cartel sur le passé, selon le vœu du « Directoire », ce S2 de gai savoir, ce sera à partir de Duras, c’est à dire à partir du féminin.

10) LE SCHÉMA DE CETTE AVENTURE SUBJECTIVE

Mon intitulé cite Lacan de L’acte..., qui fait tâche. Je réponds à la question sur laquelle je vous avais laisser méditer, que cette logique comme « lieu de la vérité » est du point de vue du vivant...un « artefact ».

Que du sujet l’essence est le manque, quelques fois, et que de l’homme, c’est le désir qui est l’essence, encore, Lacan nous enseigne.

Le manque réalise « un progrès logique (- fi) » qui est progrès d’articulation chez ce « tramway nommé... » psychanalysant.

Toutefois, la perte d’objet, c’est dans le transfert qu’elle se réalise, par le désêtre du sujet supposé savoir, chez celui qui par son acte l’a rendu possible, côté psychanalyste, comme on dit côté femme.

À la fin de la voie aliénée qui se démontre opération logique, en toute honneur, le sujet remet à l’Autre son objet perdu d’où, « selon la genèse s’origine toute structure ».

La place de l’analyste était déjà là, de structure, et cette structure se révèle être le transfert. D’où il appert que, de ce petit a lui, le sujet, est devenu la vérité.

Par cette opération logique, - fi se sépare irrémédiablement de petit a, mais de ce fait le sujet ne prend plus des vessies pour des lanternes.

Je cite Lacan :

« ... La tâche, le chemin parcouru par le psychanalysant... sujet naïf... sujet aliéné à cette réalisation de manque... à la place du je ne suis pas, ce manque était déjà là depuis le départ... »

Par anticipation, encore une, il est permis d’affirmer que ce schéma tétraédrique démontre la disjonction entre Ça et inconscient par les opérations d’aliénation et de vérité. L’inconscient est coté S2 alors que Ça préfère S1 (plus on est de saints et plus on rit plaisante Lacan dans la Troisième).

D’une structure à trois (R.S.I.) nouée boroméennement par le transfert, la tâche analysante va déboucher sur son ouverture ; mais c’est une tâche hors transfert qui consiste à faire passer ce symptôme de fin de cure au nœud Bo à quatre ronds.

Si Lacan se sert du Cogito de Descartes pour faire avancer sa réflexion sur l’acte psychanalytique c’est qu’il y voit « quelque chose de très propice à reloger le retour freudien. »

11) D’ACTES EN ACTES EN PASSANT PAR LES PHILOSOPHES

Dans tout progrès philosophique c’est d’un retour d’acte dont il s’agit. Chez Descartes c’est un acte qui, par un rejet de tout savoir, fixe la place du sujet. Chez Hegel, « la mise en suspens du sujet supposé savoir » va mener, au « terme de l’aventure », au « savoir absolu » qui se révèle être « un savoir de la MORT ».

Son objet petit a, Lacan le situe à la même place que le rejet de savoir chez Descartes et le « savoir de la MORT » de hegel. C’est à dire qu’il n’est pas si désirable que ça, ce désir. Lacan ajoute : « renonçant à un acte décisif à la jouissance pour se faire sujet de la mort... » le maître s’institue donc par une « Aufhebung » (renoncement) de la jouissance. C’est entre rejet de savoir et rejet de jouissance que l’acte psychanalytique est appelé à se faufiler. C’est un steak caché, comme le disait un petit garçon de ma connaissance, que stécriture du nœud Bo entre des trois côtés transfert et des quatre côtés passe. Qui a dit que Lacan n’en n’a cure de l’affect. Le voilà en train de se lamenter :

« Bien des fois nous avons demandé : et pourquoi ? Pourquoi si c’est pour ne pas renoncer à la jouissance que l’esclave devient esclave ? Pourquoi ne la garde-t-il pas ? Pourquoi revient-elle au Maître dont c’est le statut que d’avoir renoncé, sinon dans une forme dont peut-être nous pouvons exiger un peu plus que le tour de passe-passe de la maestria de Hegel pour nous rendre compte ? »

Quel est donc ce savoir qui vient dans la boule d’un analysant qui à la hâte s’installe... dans le fauteuil nommé désir du psychanalyste ?

Allons trouver un bout de savoir en passant par chez Lacan :

« Ce n’est pas un mince test si nous pouvons toucher dans la dialectique freudienne, un maniement plus rigoureux, plus exact et plus conforme à l’expérience de ce qu’il en est du devenir de la jouissance après la première aliénation. »

Y en aurait-il une seconde ? Laquelle ? Quelle jouissance promet-elle à l’heureux gagnant que le trou de la nomination aura craché ? Il m’a semblé que Fortunato nous en touchait un mot l’autre jour.

12) FIN DE TÂCHE À L’ÉPREUVE DE TÉTRAÈDRE

Tout le monde s’accorde que, pour devenir psychanalyste, il faut avoir mené à son terme sa psychanalyse, que Lacan situe du côté du faire. Faire une psychanalyse plutôt qu’être en psychanalyse. Psychanalysant actif plutôt que psychanalysé passif, recevant de la mamelle du fauteuil le bon lait, le miel, tout ce que vous voulez.

En désaccord avec Freud, Ferenczi - et Lacan lui emboîte le pas -, estime que la psychanalyse d’un psychanalyste doit être plus poussée. La didactique plus poussée que la thérapeutique, encore que la guérison reste un souci latéral du psychanalyste et du reste elle se produit de surcroît. À cela, Lacan répond que toute psychanalyse est peu ou proue didactique, au même titre qu’il avait affirmé qu’il n’y a pas de cure type. L’analyste reste un atopique atypique.

Plutôt que de justifier « la jonction » divan-fauteuil, Lacan se contente de la soumettre à l’épreuve du schéma tétraédrique.

Il y a un paradoxe entre le terme logique et cette expérience subjective et le caractère incurable de la vérité obtenue « pas sans savoir », mais suivons Lacan lorsqu’il énonce :

« ... Le sujet qui a accompli la tâche au bout de laquelle il s’est réalisé comme sujet en tant que défaut fait à la jouissance de l’union sexuelle... » va se retrouver à la position de départ, à ceci près, que le fruit de la tâche est un savoir sur « ce qu’il est advenu de celui dont l’acte se trouve responsable du chemin parcouru ». Le psychanalysant en bout de tâche sait, en effet, « le désêtre du sujet supposé savoir » qui par transfert interposé a rendu possible ce cheminement.

Une ambiguïté subsiste de savoir si c’est ce sujet, en fin de partie, qui joue à cloche mouton sur le tétraèdre ou si c’est le tétraèdre qui, tel les tables, se met à tourner.

Qu’en est-il pour ce sujet en fin de tâche, lorsque s’ouvre pour lui le nœud du transfert ? Qu’en est-il pour lui de cet acte en « porte à faux » ?

Lacan répond, non sans ambiguïté :

« Puisque, de cet acte en tant qu’il a parcouru le chemin qui permet cet acte, il est d’ores et déjà lui même la vérité. »

Une vérité qui ne peut que se mé-dire, il est bon de le rappeler.

Nous trouvons là, la mesure de l’espoir, pour utiliser un mot de Fabio Landa, que mettait Lacan dans un dispositif qui, là encore il est bon de le rappeler, a été institué dans son école en janvier 69, donc plus d’un an après la proposition d’octobre 67.

Voilà une crise qui a été traversée avec succès, mais non sans laisser des traces, qui vont faire retour au moment de la dissolution.

Cette « vérité conquise pas sans savoir », j’insiste, se révèle incurable comme la vie.

Nous arrivons à l’ambiguïté sus-mentionnée et, là encore je cite Lacan, tout en m’excusant par avance de la longueur de cette citation car il me paraît bon de suivre les méandres de cette parole analysante. Comme ce qu’il y est de votre serviteur, on ne fait séminaire que dans une position d’analysant.

« Car si nous suivons ce qu’il résulte de cette bascule de toute la figure qui est celle, seule où puisse s’expliquer le passage de la conquête, fruit de la tâche, à la proposition de celui qui franchit l’acte d’où cette tâche peut se répéter, c’est ici que vient le S qui était là au départ dans le ou-ou du ou je ne pense pas ou je ne suis pas et effectivement, pour autant qu’il y a acte qui se mêle à la tache qui le soutient, ce dont il s’agit est proprement d’une intervention signifiante, ce en quoi le psychanalyste agit si peu que ce soit, mais où il s’agit proprement dans le cours de la tâche, c’est d’être capable d’une immixtion signifiante qui à proprement parler n’est susceptible d’aucune généralisation qui puisse s’appeler savoir. »

Il est remarquable que Lacan parle de « conquête » et de « fruit de l’acte » pour définir cet acte minimal qui consiste en une « immixtion signifiante » dont la singularité « interdit toute généralisation ».

13) LE PARADOXE

Aussitôt il bute sur un paradoxe qui le fait aller de « cette sorte d’acte » à ce qu’il appelle une « clé universelle ». Au point du paradoxe Lacan perd son latin dans les questions qu’il énonce :

« Comment diable la concevoir ? Qu’est-ce que c’est que de s’offrir comme celui qui dispose de ce qui d’abord ne peut se définir que comme un quelconque particulier ? »

Le « quelconque » de son propos n’est pas sans évoquer le signifiant quelconque, introduit dans le mathème du transfert avec la « proposition... » que vous savez.

Pour amorcer la question : « que faut-il qu’il soit possible pour qu’il y ait un analyste ? », il introduit une scansion : « telle est la question que je laisse ici, seulement amorcée de ce qu’il en est du statut de celui qui, au point de ce sujet, S, peut faire qu’il existe quelque chose qui répond dans la tâche, et non pas dans l’acte fondateur, au sujet supposé savoir... »

Tel que c’est dit, cela suppose deux actes, l’un fondateur, hors cure, qui rend possible le démarrage de la tâche analysante et un autre, aussi minimal soit-il, qui constitue « l’immixtion signifiante » dans la tâche. Mais, de ce dire minimal du psychanalyste, est-il vrai que l’analysant n’y est pour rien, voilà ce qui me paraît indécidable. Toujours est-il que ce dire de l’analyste doit si possible intervenir au bon moment.

En cela, l’analyste se fait semblant d’objet a, ce fruit de la tâche analysante qui, en fin de partie, provoquera le désêtre du sujet supposé savoir. Cela l’analyste le sait, « d’avoir parcouru le chemin analytique ». Serait-ce la le « particulier » qui fait fonction de clef universelle ? C’est peut-être la question de Lacan à son dispositif.

14) UN ACTE QUI EXCLUT TOUT ACTE

Un acte qui exclut de l’expérience tout acte qu’est-ce alors ?

Et qu’est-ce qui dans la tâche rend propice à cette « immixtion signifiante » ? Serait-ce que dans son faire le psychanalysant à partir d’un symptôme prêt à porter, en fabrique un autre, sur mesure pour l’analyste ? Je ne vais pas me hâter à répondre à cette question que je tiens pour cruciale, réservant son traitement à une élaboration du cartel. Car l’élaboration de savoir dans l’école rend possible le renouvellement de ce tramway nommé... « désir du psychanalyste ».

Toujours est-il que l’hypothèse Lacanienne est, qu’en ce point, c’est le statut de l’acte tout court qui sort renouvelé.

Ce qui va occuper la fin de cette leçon six... térie, encore un tour qui me joue ma propre division par l’a c’est de lire l’acte dans l’histoire avec la clef freudienne de « Wo es war, soll ich werden » et Lacan de s’avancer comme (j’allais dire tout passant), vers petit a dire :

« ... S’il y a quelque part où le psychanalyste à la fois ne se connaît pas, et, c’est aussi le point où il existe, c’est en tant qu’assurément il est sujet divisé, et jusque dans son acte, et que la fin où il est attendu, à savoir cet objet a, en tant qu’il est non pas le rien, mais celui que de lui comme Autre requiert le psychanalysant, pour qu’avec lui il soit, de lui rejeté. »

15) INTERROGATION TRAGIQUE

Mai en ce temps là, dans l’antiquité, il y avait « d’autres traces qui orientaient l’acte ». Il s’agissait d’un bien qui dans L’éthique à Nicomaque était, par Aristote, désigné comme « le souverain bien ». C’était à sa façon « une sorte d’acte... dit philosophique ».

Dans « l’interrogation tragique » qui avait cours à l’époque transparaissait l’antique « ... incarnée par ces sortes de fous furieux qu’étaient les Dieux ». Il faudrait demander à Aristote si c’était possible, Tuchê ou Automaton ?

Lacan envisage l’histoire de la philosophie comme une suite d’actes articulés à l’Autre. Du côté de chez Kant, il situe l’acte dans sa portée universelle, comme « impératif catégorique » ; non sans intention bouffonne, il croit le reconnaître dans la règle qui s’énonce à travers la « fantasmagorie de Sade ».

16) ENTRE DEUX EXTRÊMES UN PEU DE COMIQUE

Entre ces deux « extrêmes », Aristote et Kant, se situe cette cocasse référence à l’Autre - que par les temps qui courent il faudrait dire du bout des lèvres, on ne sait jamais, Monseigneur Lefèvre ou d’autres fondamentalistes du même acabit pourraient crier au blasphème -, cette drôle de référence à l’Autre, disais-je, propre à la direction religieuse, « qu’on appelle intention droite ».

C’est là ce qui donne la mesure de l’acte « aux yeux de Dieu », ce qui n’est pas sans faire tiquer Lacan, à travers ses références à Freud et à Hegel, concernent la « loi du cœur ». Comme délire de présomption, cette dernière tombe sous la critique de Hegel, qui sonne comme une mise en garde. Je cite Lacan citant Hegel :

« ... Il ne suffit pas de s’élever contre le désordre du monde pour ne pas, de cette protestation même s’en faire le plus permanent support. »

Lorsque dans « la pensée... qui a succédé à l’acte du cogito... l’ordre surgit de la loi du cœur est détruit par la critique de la Phénoménologie de l’esprit que voyons nous sinon le retour...offensif de la ruse de la raison. »

17) PSYCHANALYSE ET TOTALITARISME

De ce pas, Lacan débouche sur l’acte politique, non sans inclure « la spéculation de Marx » dont la révolution communiste a été « la mise en acte ».

Récemment le Conseil de l’Europe s’est résolu, avec un étonnant retard, à condamner les crimes du communisme, dans la ligne des positions qu’Hannah Arendt, élève de Heidegger, défend dans son éminent ouvrage Les origines du totalitarisme, que vous pouvez consulter avec profit si l’envie vous venait.

Le moins qu’on puisse dire est que la psychanalyse n’est pas soluble dans le totalitarisme et la tentative de Jones de sauver la psychanalyse en pactisant avec Goering, proche parent du dignitaire de Hitler, du même nom, a été une tâche qui a marqué le destin ipéiste.

Il m’est, dans la même veine, apparue tout à fait bien venue la dénonciation, par Philippe Julien, de la pratique de Lobo, « psychanalyste », brésilien et tortionnaire, mêlant ainsi la torture diurne et l’écoute vespérale. L’acte analytique est un dire non à la jouissance du corps de l’Autre.

18) EN GUISE DE CONCLUSION EN PASSANT PAR LE « WO ES WAR... » DE FREUD

Lacan conclut par une interrogation de l’acte psychanalytique par le biais du « mot d’ordre de Freud », à savoir « wo es war soll ich werden ». Il va jusqu’à le subvertir en « wo S tat » où le sujet barré acte du verbe acter, « ...ich werden ». De ce nouvel ordre du monde, le psychanalyste doit devenir le déchet. Parole forte à l’accent augustinien du « sicat palea », comme du fumier, ce qui est sa façon à lui de déchariter.

Que la psychanalyse soit aussi une pratique de la lettre expose au même titre le poète et le psychanalyste à ce mot d’ordre de Joyce : « letter is litter », la lettre est ordure.

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