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Séminaire « RSI ou pire... »

Initiation (botanique) à l’objet petit a

Lecture de la leçon 9 du séminaire de J. LACAN (RSI, 1974-1975)

Date de mise en ligne : samedi 12 mars 2005

Auteur : Guy MASSAT

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L’inconscient est dynamique, dit Freud. C’est une palpitation temporelle, dit Lacan. La source de l’Œdipe comme celle de la mythologie, est l’inconscient. Sur le borroméen le Réel (l’inconscient) est sous l’Imaginaire comme s’il appartenait au monde sub-atomique. Comme dit Lacan le corps traduit les informations de l’inconscient en hormones. C’est que le monde su-atomique, nous dit Niels Bohr, n’est fait que d’ondes et non de substances, d’où la mécanique ondulatoire. « Les écrits passent la parole reste » soutient Lacan. La matière passe, les ondes, pareilles aux la paroles, ne cessent de devenir. J’ai appris que Niels Bohr avait horreur d’écrire. Il paraît qu’il n’a même pas écrit sa thèse de doctorat, il l’a dictée à sa mère. Plus tard, c’est à sa femme qu’il dictait ses théories. Comme Lacan il privilégiait la parole, cette onde sonore. Sur le borroméen, cette invention de Lacan, le Réel est pardessus toute représentation symbolique de l’esprit, pardessus le S, et par dessous l’Imaginaire, le monde des corps, I. Le R est par dessous le I et pardessus le S. Le borroméen est une invention de Lacan parce que les comtes de Borromées n’en faisaient pas une bonne utilisation. Tantôt leurs blasons sont noués borroméennement, tantôt ils ne le sont pas. Certes, on trouve le nouage borroméen chez les viking, en Suède, près du pays de Niels Bohr, mais personne n’en fait rien. On le trouve aussi dans le Shinto japonais, mais personne ne semble en avoir tiré quelque application, si l’on excepte Ueshiba qui, shintoïste, a inventé l’Aikido. En Afrique, c’est pareil, on trouve des objets sculptés borroméennement mais pas d’utilisation.

« La cogitation reste engluée dans l’imaginaire du corps ». C’est par cette idée que commence la leçon 9 du RSI.

Mais avant de poursuivre la leçon par les différentes figures du borroméen que nous présente Lacan, nous devons faire un détour par l’objet petit a sans lequel le RSI perdrait son efficacité pour l’inconscient. Tout est dans ce que transfère l’objet a.

Métaphora, c’est le transport, le transfert en grec. Tout est dans ce « trans-itoire », dit Lacan.

Initiation à l’objet petit a

Lacan nous dit que l’objet a relève du nombre d’or. Le nombre d’or nous pouvons le figurer comme le faisait Euclide, Pythagore, Vinci et beaucoup d’autres par l’étoile à cinq branche. Dans la nature on trouve souvent des illustrations de la suite de Fibonacci où le cinq a la vedette. C’est le cas de la pousse en spirale des feuilles d’arbre.

Dans une étoile à cinq branches l’écart entre deux branches sur l’écart entre la troisième est le nombre phi = 1,618. Il existe un grand nombre de fleurs à cinq pétale. Les fruits issus de ces fleurs comme les pommes ou les poires montrent une forme en étoile lorsqu’ils sont coupés selon leur équateur. Les pépins sont logés dans ces cinq branches.

Avec quatre éléments on peut constituer une étoile à cinq branches. L’art des origami sait le faire. On peut faire aussi une étoile à cinq branches à partir d’un rond comme dans le jeu du rond de ficelle.

Donc à partir du sein, des fèces du regard et de la voix on peut réaliser l’étoile à cinq branche pour figurer le nombre d’or. Mais qu’elle est cette cinquième branche ? C’est le rien !

Le petit a est l’os à moelle du borroméen. Lacan le nomme aussi « agalma ». L’étymologie d’agalma est briller, briller comme une étoile.

L’agalma, chez les anciens, désigne « un objet dont on s’enorgueillit », une statue, une image « même une image informe » (Bailly). L’agalma est cet objet précieux qui serait caché dans ce silène grotesque auquel Socrate est comparé, dit Lacan.

Le Silène est laid, ventru, le nez camus, la lèvre épaisse. On ouvre la tête d’une statue de silène et on y découvre un paysage céleste. C’est comme un os à moelle qu’on doit briser pour pouvoir déguster quelque chose de sublime. Le petit a est l’os a moelle des choses.

Cependant, dans l’inconscient l’agalma est marqué du signe moins (-phi). L’objet agalma, petit a est l’objet du désir. L’agalma est l’objet précieux « summum de l’obscurité ». Le Bo est une sorte de roue qui s’appuie quand elle tourne tantôt sur le R, le S ou le I. Une roue ne s’appuyant jamais que sur un seul point. Mais pour toute roue c’est le trou central, qui leur permet de tourner. Comme dit Lao tseu :

« Trente rayons convergents, réunis au moyeu, forment une roue ; mais c’est son vide central qui permet l’utilisation du char. Les vases sont faits d’argile, mais c’est grâce à leur vide que l’on peut s’en servir. Une maison est percée de portes et de fenêtres, et c’est leur vide qui la rend habitable. Ainsi, l’être produit l’utile ; mais c’est le rien qui le rend efficace ».

Le sein, les fèces, le regard et la voix évoquent les quatre éléments de la pensée antique :
 L’eau, le feu, la matière et l’air. Les fèces correspondent à la matière, la voix à l’air, le regard au feu et le sein à l’eau.

Rien

Rien : « aucune chose, nulle chose », comme négation, ou rien comme abondance et richesse.

Il s’agit toujours pour Lacan de faire accéder le sujet à ce point d’évanouissement où se révèle à lui qu’il n’est rien, rien de ce qu’il est, ni corps ni esprit.

Ainsi fait-il de l’objet a l’identification ultime du sujet, c’est-à-dire le rien : pure identification à l’in-identifiable, le parfait dasein, le pur être-là du vide.

Cependant le rien présente des problématiques opposées que figurent les cinq formes de l’objet a.

Ainsi le concept de rien, ou de néant - la philosophie les confonds - peut être conçu comme le manque de quelque chose de concret ou d’abstrait. Il y a un rien imaginaire et un rien symbolique. Et troisièmement le rien réel, conçu comme antérieur à toute chose. Ce concept de rien est le principe du devenir. Sans ce rien pas de devenir possible pour aucune chose ni pour aucune idée.

Le rien comme manque, concret (I) ou abstrait (S) est le principe de la souffrance. Le patient nous dit : j’ai perdu mes forces, je suis toujours fatigué, j’ai perdu le sommeil, je n’ai plus d’appétit alimentaire et sexuel, j’ai perdu ma bonne humeur, j’ai perdu ma mémoire, je ne m’intéresse à rien, j’ai perdu mon boulot, et je n’ai plus de goût à travailler, je ne crois plus en rien. Je pense me suicider. Le psychanalyste pensera qu’il a perdu sa tétine, le sein comme objet petit a.

Le psychanalyste sera l’incarnation dynamique, dans le transfert inconscient, de l’objet a (sein) du fantasme de l’analysant. Mais le psychanalyste cassera cette identification dans laquelle le sujet se fascine lui-même, s’hypnotise, dit Lacan (S. XI, 245) sur un objet comblant.

Comment l’analyste opère-t-il pour ce faire ? En séparant l’objet a (sein, fèces, regard ou voix) de l’identification, en le faisant littéralement éclater de l’image de soi. Le sujet s’hypnotise sur ces mystérieux objets inconscients. L’analyste les néantisera pour révéler enfin le vide :

« Le ressort fondamental de l’opération analytique c’est le maintien de la distance entre le I “idéalisant de l’identification” et le petit a en tant que rien. L’analyste isole le a (rien), il le met à la plus grande distance du I que lui, l’analyste, est appelé par le sujet à incarner. C’est de cette idéalisation que l’analyste a à se déchoir pour pouvoir être le support de l’a (rien) séparateur » (S. XI, 245).

Donc il nous faut apprendre à se servir de ces « objets » (sein, fèces, regard, voix) à les faire jouer par le rien. Car nous ne sommes qu’un trou dans l’image, et c’est dans ce trou que nous devons nous absorber, les yeux grands crevés, ou tout au moins fermés, et la langue coupée ou du moins silencieuse. Nous ne sommes l’objet perdu d’aucun Autre. Il n’y a pas plus de sein que de fèces.

« Comment un sujet qui a traversé le fantasme radical peut-il vivre la pulsion ? » (S. XI, 246). Lacan donne la réponse : « Ce franchissement du plan de l’identification est possible. Tout un chacun de ceux qui ont vécu jusqu’au bout avec moi, dans l’analyse didactique, l’expérience analytique sait que ce que je dis est vrai » (S. XI, 245).

La vraie et authentique parole de révélation est celle du rien. Le rien performatif qui ne crée les choses qu’en parlant, ce qui n’est, enfin de compte, que le dévoilement du vide et donc la création à partir de rien. « La Bible commence par un B, c’était pour que je puisse utiliser le a » dit Lacan dans Encore.

Le rien à la lumière du borroméen distingue trois sens du rien qui sont liés entre eux et toutefois parfaitement distincts. Le rien comme manque d’objet (I), le rien comme manque de valeur (S), et le rien comme non-être (R). Avec ce dernier nous quittons sur ce point Pascal, Bergson et Sartre. Voici, par exemple ce que dit Pascal :

« Il y en a qui prétendent que deux néants d’étendue peuvent aussi bien faire une étendue que deux unités, dont aucune n’est nombre, font un nombre par leur assemblage. Il faut leur répartir que mille maisons font une ville, quoi qu’aucune ne soit une ville. Quoiqu’une maison ne soit pas une ville, elle n’est pas néanmoins un néant de ville ; il y bien une différence entre ne pas être une chose et en être un néant ».

C’est dans « De l’esprit géométrique ». Mais justement nous nous trouvons dans l’espace de l’esprit, bien dit, et non dans la topologie du temps. Kant avec ses divisions du rien va plus loin, même s’il ne tire pas toutes les conséquences de sa réflexion, comme le lui reproche Lacan. Pour Kant il y a :
 le rien comme concept vide sans objet actuellement donné (ens rationis) ;
 le rien comme absence d’une qualité déterminée, négation (nihil privativum), par exemple l’ombre, le froid, etc. ;
 le rien comme forme de l’intuition sans substance qui permet de se représenter cette forme (ens imaginarium : l’espace, le temps, etc.) ;
 et enfin le rien comme concept contradictoire (nihil negativum). Kant donne pour exemple un polygone rectiligne de deux côtés. Ce qui est une figure impossible.

Si dans les trois premières catégories kantiennes le néant ne peut être posé que comme pensée, puisqu’on ne peut penser le néant de quelque chose qu’en le posant d’abord à titre d’objet de pensée, avec le nihil negativum, il est « non-penser », réel en tant qu’impossible, c’est le wu-nien des Chinois, l’inconscient.

Mais c’est seulement avec l’inconscient de Freud et surtout de Lacan que nous retrouvons l’inconscient comme premier, comme nihil negativum, et non comme relatif à quelque conscience perdue. Le rien est l’objet de la pulsion rythmique. Nous retrouvons par là Le traité du non-être de Gorgias, et le Logos d’Héraclite. « Il n’y a rien, et même pas rien ». Il y a rien et même pas de rien comme négation. Là on entre dans une autre dimension, plus pure, plus haute, plus immédiate. Il n’y a que ce rien qui donne la sérénité, qui fait passer par de là toute souffrance, au delà des succès et des honneurs. Cette sagesse du rien est une jouissance sans objet, toutes les autres jouissances sont perverses, c’est la sagesse du vide. Dans la perspective de ce rien il n’y a plus d’obscurité mentale et ce faisant aucune peur. Sans ce rien pas de devenir possible.

Il n’y a pas de sens du sens, soutient Lacan, pas d’Autre de l’Autre, pas de transfert du transfert (Logique du fantasme). C’est sur cette négativité absolue que se fonde la psychanalyse. Il n’y a pas de sujet supposé savoir pour la parole qui pourrait se supposer en instance primitive. « L’être du langage est le non-être des objets » (Écrits, p. 627). C’est encore le non-être des idées. « L’objet a (en tant que rien) est le pivot dont se déroule chaque tour de phrase, en sa métonymie. » Donc, « l’objet a, (sous ses cinq formes) est l’objet de la psychanalyse » (Écrits, p. 9).

« Le désir de l’homme est le désir de l’autre ». Mon désir est votre désir, votre désir est mon désir. Comme nous sommes beaux et gentils dans la conscience, dans la bonne conscience. Mais cette phrase, ce mot, l’Autre, désigne chez Lacan, l’inconscient. Voilà que nous quittons le confort niais de la conscience et sautons du père au pire.

« Nous enseignons, dit Lacan, suivant Freud, que l’Autre est le lieu de cette mémoire qu’il a découverte sous le nom d’inconscient (Écrits, p. 575). L’inconscient est son propre langage. Commençons par là, l’autre c’est l’inconscient, après seulement nous comprendrons peut-être le signifiant, la loi, le langage, le désir qui détermine le sujet. Le grand Autre c’est l’inconscient, ce n’est pas une référence ou un interlocuteur important comme ce serait dans la réalité. L’Autre spéculaire, par exemple, ce n’est pas du tout ce que je vois, fusse La Joconde. Le discours de l’Autre ce n’est pas la langue chinoise ou hébraïque, c’est le discours de l’inconscient. L’Autre donc ce n’est pas le prochain mais bien plutôt le l’hétéros, le tout autre, le barbare, celui qui ne parle pas comme les autres, le paraphasique. L’étymologie nous donne Alter l’autre de deux, opposé à l’un, comme dit Lacan : « moins-un désigne le lieu de l’Autre » ou encore « l’Autre manque » ou « le lieu de l’autre n’est pas à prendre ailleurs que dans le corps », c’est-à-dire le sexe, ou encore « l’Autre n’existe pas » et c’est le témoin de la vérité.

Quand l’atome était encore indivisible, et qu’on n’imaginait même pas ce que pouvait être le langage de l’ADN, n’était-il pas pardonnable de confondre l’esprit et l’inconscient ? Même, si à cette époque, Hartmann et Freud en construisaient méthodiquement l’opposition.

Après tout, Christophe Colomb appelait l’Amérique les Indes et ses habitants les Indiens. De nos jours même si tout le monde sait rectifier Colomb personne ne prend le Génois pour un crétin. Il en va, en revanche, tout autrement si l’on confond aujourd’hui l’inconscient et l’esprit comme le font « Le Nouvel Observateur » et « Libération » dans un dénigrement systématique de la profession de psychanalyste, une atteinte à la dignité de cette praxis, un détournement parasitaire de ces concepts en faveur des neurosciences. Pour quelle raison tentent-ils de faire croire que l’inconscient est l’esprit ?

Avec la divisibilité de l’atome « il n’y a plus de choses », nous a fait remarquer Bachelard, c’est-à-dire, en suivant sa remarque, que nous n’avons plus de corps, plus de terre sous nos pieds, plus de ciel ni d’étoiles lointaines au-dessus de nous. Il n’y a plus que du vide et de la parole, mais quelle parole ?

S’il n’y a plus de substance que reste-t-il ? L’esprit ? L’esprit s’oppose depuis toujours à la matière, aux corps et aux choses. Mais s’il n’y a plus de choses n’est-ce pas le triomphe de l’esprit ? Avec la désubstantialisation de l’univers physique l’esprit ne jouit-il pas d’une puissance absolue comme il n’en a jamais connu dans toute l’histoire des hommes ? C’est la déconstruction des oppositions, pour reprendre un concept de Derrida, puisqu’il n’y a plus de corps, une déconstruction des oppositions en faveur de l’esprit. Des tenants du matérialisme - comme se révèlent les neurosciences - essayent de dire qu’il y a d’abord le cerveau dont dépendrait l’esprit, combat perdu d’avance puisqu’il faut de l’esprit pour dire qu’il y a du cerveau et que la source du cerveau comme celle de l’esprit est l’inconscient.

Hartmann, Freud, Lacan et quelques autres, ont trouvé quelque chose au-delà de l’esprit : l’inconscient, un dépassement à la fois de l’idéalisme et du matérialisme. L’esprit se révèle dès lors n’être plus qu’une métaphore de l’inconscient, et le cerveau dont on fait si grand cas, une de ses métonymies. Notre corps se réduit à une sorte de main que se forge l’inconscient pour plus de jouissance.

Vide, parole et inconscient sont trois synonymes, pareils au trois pointes du trident de la lettre psy, attribut de Poséidon, dieu de l’impermanence océanique.

Un peu de métaphysique

En regardant le borroméen on peut voir qu’il y a une métaphysique du corps (I), celle de la phusis des Grecs qui était leur métaphysique. Une métaphysique de l’esprit (S), et une métaphysique de l’inconscient (R), comme le disait Hartmann dans « Métaphysique de l’inconscient » et « Phénoménologie de l’inconscient ».

C’est Parménide qui fonde la métaphysique en disant ce que la philosophie pense encore aujourd’hui : « l’être et le non être n’est pas. Du non être on ne peut rien dire ni penser ». Démocrite disait que l’univers n’est fait que d’atomes, d’atomes et de vide, mais enfin que d’atomes. Aujourd’hui avec le scission de l’atome et la découverte de l’inconscient ces propositions ont changées : Il y a du non être et non de l’être. De l’être il n’y a que des songes, tissu de songes et de mensonges. L’univers est fait de vide et non pas d’atomes. Sur le modèle de l’atome on avait l’individu. Mais l’individu s’avère aujourd’hui divisible aussi bien que l’atome. « Pourquoi y a-t-il quelque chose et non pas plutôt rien », interroge Leibniz. Mais la plus grande question métaphysique c’est aujourd’hui inversée : « Pourquoi n’y a-t-il rien et non pas quelque chose ? ».

L’objet « petit a », version bo-tanique : La graine, la tige, la feuille, la fleur et le fruit

Voici ce que dit le psychanalyste Vandermersch (de la Fondation Européenne pour la psychanalyse) dans le dictionnaire de la psychanalyse sur l’objet a :

« Objet cause du désir. Encyclopédiquement : L’objet a n’est pas un objet du monde. Non représentable comme tel, il ne peut être identifié que sous forme “d’éclats” partiels du corps, réductible à quatre : l’objet de la succion ( le sein), l’objet de l’excrétion (fèces), la voix, le regard ».

Abordons le problème autrement, c’est-à-dire avec le satanique nœud Bo, comme bo-tanique. (« Bo » désigne le nœud borroméen et « tanique » vient de tanin qui est une substance qui rend imputrescible...).

Qu’est-ce qu’un objet ? Un objet est une chose concrète perceptible par la vue et le toucher. Quelle chose ? Le sexe ? L’objet, de ob-jectum, est ce qui est jeté devant. Il est ce qui affecte l’un de cinq sens. Puis il y a aussi, dans un sens abstrait cette fois, des objets de l’esprit. Il y a donc des objets (I) et des objets (S). Mais il y a encore un objet plus important c’est l’objet de l’inconscient, l’objet petit a, l’objet réel. Étant dans l’inconscient, au centre même du RSI, il faut entendre le mot objet différemment qu’à l’ordinaire. Ici l’objet est un ob-jet, comme dit Heidegger.

L’objet petit a, peut-on dire en portant l’accentuation sur le « jet » est le jaillissement (ob-jet) infiniment bref (petit) du commencement (a).

Il est infiniment bref parce que l’inconscient dynamique a une vitesse infinie. Dans Télévision (p. 38) l’objet a, Lacan l’appelle abjet :
« Fonder (la psychanalyse), dis-je, de cet abjet comme je désigne maintenant plutôt mon objet a ».

Le phonème « Ab » marque la séparation. « Ob » indique l’opposé. Abjet, c’est la séparation, la bifurcation, l’angoisse inaugurale.

« L’objet a ne peut être identifié que sous formes d’éclats partiels du corps... ». Qu’est-ce qu’un « éclat » ? À le lire comme c’est écrit dans les dictionnaires on pourrait penser qu’un éclat est un morceau de quelque chose, un morceau du corps, une chose concrète perceptible par la vue et le toucher comme le seins ou les fèces dans la réalité. Non, s’éclater c’est « se séparer de ». Ces éclats sont « séparés » du corps et c’est pourquoi ils ne sont pas représentables en tant que tels.

Sans le borroméen je dis qu’on ne peut pas comprendre ce qu’est l’objet a. En regardant le borroméen, utilisé dans le conscient, l’objet a peut être physique (I), appartenir à l’esprit (S) ou désigner la cause du désir inconscient (R). Ce n’est que là qu’il intéresse le psychanalyste. Leur confusion relèverait d’une pathologie dont les psychanalystes ne sont pas toujours exempts. Le sein ne désigne donc pas ici la poitrine d’une femme ou le milieu de quelque chose. C’est un sein inconscient. Il ne produit aucune nourriture concrète. Les fèces ne sont pas non plus ici les excréments solides de l’homme ou des animaux ou des détritus quelconques. Ce sont des excréments inconscients, sont-ils plus puants que les autres ? Le regard n’est pas l’expression de nos globes oculaires, c’est le regard inconscient. La voix n’est pas le son produit par nos cordes vocales. C’est la voix de l’inconscient. Ainsi que disait le Vieux Maître : « La voix véritable est autre que la voix énoncée » (Lao-tseu).

Les quatre éclats, les quatre séparations, sont réductibles à quatre : sein, fèces, voix regard, nous dit Vandermersch. Il cite bien son Lacan. Mais il ne nous dit pas que l’objet a relève du nombre d’or. Certes on peut faire avec quatre signes une étoile à cinq branche qui figure le nombre d’or. L’art des origami au Japon, c’est le faire. On plie une feuille de papier selon un ordre savant et l’on arrive à réaliser une étoile à cinq branche. Comment va-t-on appeler la cinquième branche ? Le Rien. Qu’est-ce que le rien ? C’est la cinquième forme de l’objet petit a. L’objet petit a cinq formes, comme vous pouvez le lire dans le séminaire sur l’angoisse : les cinq formes de l’objet petit a. Dans son « Que sais-je » sur Lacan P.-L Assoun nous dit que l’objet a est identifié au nombre d’or, « dans la mesure où celui-ci porte à l’expression chiffrée un certain incommensurable. » « Mais l’essence paradoxale de l’objet a se révèle quand on l’identifie au “rien” ». C’est donc, dit-il, citant Lacan, « l’objet qui foire » (Écrits, p. 858). Ce que l’on peut dire de plus précis de l’objet a c’est donc que c’est le rien. Mais Lacan parle aussi « d’une certaine immunité à la négation » de l’objet a : « Ce qui porte l’instauration de l’acte analytique ».

Concernant le « rien », le Pic des Vautours vaut le détour. C’est sur ce sommet d’une montagne du Népal, selon la tradition, que Bouddha réunit ses disciples pour leur annoncer : « Voilà, je vais vous dire le secret de ce que j’enseigne ». Tous les moines, « iciiens » et « icissiènnes » , « maintenandiens » et « maintenandiennes » se rassemblèrent pour écouter. « Issiens » signifie d’ici, et « maintenandiens », de maintenant. L’Eveil en effet ne relève que du hic et du nunc, de l’ici et du maintenant. L’éveil n’est jamais pour demain ou pour une autre vie. Bouddha signifie éveillé. La doctrine du Bouddha est la doctrine de l’éveil. Mais de quel éveil s’agit-il ? De l’éveil du corps ? De l’éveil de l’esprit ou de l’éveil à l’inconscient. Àl’étonnement général, Bouddha ne prononça pas le moindre mot. Il montra seulement une fleur. Tout le monde observa attentivement l’objet avec une gravité solennelle : pétale, corolle, pistil, étamine, anthère, ovaire, tige et couleur, nombre des pétales etc., etc. Ils ne voulaient rien perdre du plus petit détail. On pourrait dire qu’ils figuraient les ancêtres de tous les savants de l’histoire. Seul un certain Mahakasiapa ferma alors les yeux et sourit. Quand Bouddha prit la parole il annonça : « Mahakasiapa peut désormais prêcher à ma place ». Bouddha avait montré la fleur du rien. Ce n’était pas une fleur de ce monde. « L’objet a » n’est pas un objet du monde. Ce fut la première « transmission » du Zen. La première transmission de « de ce qui perdure de perte dure ». Avec le temps toutes les choses ne produisent jamais que les fleurs du rien. Tout ce qui apparaît disparaît. L’extinction est la fleur du rien. Si cela ne ressemble pas à la transmission en psychanalyse, d’inconscient à inconscient, ça lui ressemble beaucoup : une transmission spéciale, en dehors des écritures, aucune dépendance à l’égard des mots et des lettres. C’est comme la passe en psychanalyse. Il s’agit moins de rendre compte de son analyse devant un jury de psys que de montrer ce qui pour nous « perdure de perte pure » dans notre praxis et comment nous avons pu parier du père au pire et passer au répit ? La passe est d’une certaine manière la passe du rien. C’est à partir de ce rien que la parole devient semblable à cette « roue qui se meut d’elle-même », selon l’expression de Nietzsche.

Une roue qui roule ne s’appuie jamais sur le même point, nous dirons concernant la parole, la pas-role, qu’il s’agit de ne jamais s’appuyer sur le même point de vue.

Qu’est-ce que cela à faire avec l’objet petit a, l’objet cause du désir ? C’est qu’une fleur est un organe sexuel, donc de plaisir et de jouissance. L’éclat du « rien » peut donc être cause d’un plaisir sublime, apparition-disparition : tout apparaît et disparaît. C’est le manque qui ne manque jamais. Car quand le manque vient à manquer, comme dit Lacan, c’est l’angoisse qui apparaît.

Le mot « zen » est de nos jours utilisé par des membre important du gouvernement, ou par la publicité des grands magasins et les enfants des écoles. C’est devenu un terme courant dans la langue française. Le Robert nous en donne la signification : calme sans réaction affective apparente. « Zen ! du calme ». Cependant le Robert en présente une fausse étymologie. Le mot viendrait du sanscrit « dyâna », méditation. Or, le Bouddha ne parlait pas sanscrit mais Pâli. C’est le pali Jhana (prononcé Djana) qui a donné en Chine le Tchanna (prononciation chinoise) et par apocope Tchan dont l’idéogramme se prononce Zen en japonais. Le Bouddhisme et la pensée grecque se sont confondus dans le Gandhara au VIème siècle. Zen : absorption en pâli, et zen, infinitif présent de zao en grec, croisent leurs signifiés dans leurs signifiants.

Dans psychanalyse il y a anal. Anal, dans le langage courant, signifie relatif à l’anus, mais les psychanalystes n’emploient pas les mots dans leur sens ordinaire. Anal, étymologiquement, c’est anneau. Un anneau est un nœud trivial. C’est le rond topologique.

L’objet a est identifié par Lacan, dès 1967, par le nombre d’or. Ce nombre irrationnel chiffre l’incommensurabilité désignant une partie n’ayant aucune commune mesure avec le Un de la totalité. Cette identification au nombre d’or (La logique du fantasme), Lacan l’appelle la « métaphore de la division harmonique », qui est en fait inharmonique puisque c’est un partage inégal : 1, 618. Puisque l’objet petit a relève du nombre d’or nous pouvons représenter ses cinq éclats par une étoile à cinq branches qui est une de ses figurations. Vous trouverez sur Internet les fleurs à cinq pétales construites sur le nombre d’or, les fruits comme la pomme et l’ananas.

Pourquoi Lacan nous présente plusieurs figures du Borroméen ? C’est parce que ces figures du Réel de l’Imaginaire et du Symbolique dépendent dans l’inconscient de notre objet petit a. Alors que dans la réalité consciente le RSI est toujours le même. Il présente (p. 132) plusieurs figures du borroméen dont une est fausse. Il la corrige (p. 136).

Les trois discours le discours du maître, le dicours universitaire et le discours hysérico-diabolique étouffe le discours inconscient (p. 133). Lacan rencontre Heidegger : ce n’est que parce qu’il y a du verbe qu’il y a de l’être (p. 134).

L’être pour Heidegger est un carrefour, une croix. Qu’est-ce que ça veut dire une auto-route ? Une route en soi ou une route pour soi ? Aragon avait imaginé qu’il n’y aurait plus de carrefours mais seulement des routes. Il n’en a pas tiré toutes les conséquences (p. 135). « En somme, nous en sommes toujours à être, comme me le disait Heidegger », conclut Lacan. Il y a du monde (du Welt), de l’environnement (Umwelt) et du monde intérieur (Innenwelt). On peut regarder ça avec le borroméen.

P. 136 : Pour Freud « l’univers a un trou ». Le monde est troué, l’homme est troué. Il corrige l’erreur de dessin (p. 132) : « et je dois vous dire que je me trompe tout le temps, il n’y a pas que Jacques-Alain Miller ». Un trou ça fait tour, mais ça ne se définit pas dans l’inconscient.

P. 137 : Le nœud borroméen à quatre est présenté de la façon suivante (p.137). C’est une autre présentation que celle du dictionnaire de psychanalyse où il est dit que ce nœud n’est pas borroméen. Nous en avons déjà parlé.

P. 138 : « Toute droite infini fait clôture ». C’est un hommage à Désargue, qui est plus important ici que Descartes lequel n’a rien fait de l’usage du fil de tissage dont il nous recommandait l’observation.

P. 139 : Le cycle c’est ce qui fait tourner, le mot vient de « quenouille ». C’est une séquence de transformation. C’est le cycle, c’est-à-dire le mouvement, qui boucle le trou. L’accent mis sur le corporel justement c’est ce qui « bouche le trou ». Qu’est-ce que le trou ? Même si on dit que le trou c’est la mort, ça bouche encore le trou ! Parce que la mort on ne sait pas ce que c’est.

P. 140 : Le refoulement (du trou) est le refoulement originaire. L’Urverdrangt. La paranoïa, ce n’est pas d’avoir trouvé le dernier mot. « C’est pas ça, la parannoïa c’est un engluement imaginaire. C’est la voix qui sonorise, le regard qui devient prévalent, c’est une affaire de congélation d’un désir. Ce que démontre la paranoïa de Schreber, c’est qu’il n’y a de rapport sexuel qu’avec Dieu ».

P. 141 : Il n’y a pas de rapport sexuel parce qu’il y a le vide, le rien. « Mais il n’y a de rapport sexuel qu’avec Dieu ». Le plus de jouir provient de la père-version, de la version a-per-itive du jouir. « Le parlêtre n’aspire qu’au bien, d’où il s’enfonce toujours dans le pire ». Jean d’Ormesson titre anthologie poétique « Et toi mon cœur pourquoi bâts-tu ? » - Ce qui fait assez midinette lorsqu’on l’extrait du poète d’Apollinaire : « Et toi mon cœur pourquoi bats-tu, comme un guetteur mélancolique j’observe la nuit et la mort ». Ce qui est quand même autre chose. Son livre se termine par la parole d’un rabbin : « Le plus important, c’est Dieu - qu’il existe ou qu’il n’existe pas ». Nous voilà toujours dans le parlêtre de l’être. On n’a jamais porté la poésie aussi bas. Normal pour un académicien. Le concept de poésie doit être regardé ave le borroméen, ça évitera de se tromper. Il y a une poésie du corps, une de l’esprit et une de l’inconscient. C’est celle-là qui compte évidemment, sinon elle conduit au pire. Tout le monde c’est ça.

P. 142 : Dieu est pervers. « Dieu est père, tiret, vers, c’est un fait rendu patent par le juif lui-même. Mais on finira... à remonter ce courant, on finira bien par inventer quelque chose de moins stéréotypé que la perversion ». « Il ne faut pas chariter ! » « La viologie, la logie de la violence a avec le parlêtre beaucoup d’analogie ». C’est qu’on ne se bât jamais sérieusement que pour des mots !

P. 143 : « J’affirme, que s’il y a un rond qu’on transforme en droite infini » - c’est-à-dire si l’on introduit le concept d’infini -, « il y a deux nœuds orientés ». Il contredit là ce que Soury et Thomé soutiennent : À partir du moment où de l’un des trois nous faisons une droite infinie, en tant que la droite est définie comme non-orientable, il y a trois centrifuges, allant vers l’extérieur, et trois centripètes. Dessin p. 145 : « Le mot orientable veut déjà dire qu’il y a deux orientations ». La dernière phrase de la leçon est : « Il y a moyen de démontrer qu’il y a deux nœuds, et non pas un seul orienté, deux nœuds borroméens à trois orientés ».

Ce qui nous engage a montré que l’objet petit a, l’étoile, présente deux orientations principales : le désir en tant que cause de la souffrance et le désir en tant que délivrance de la souffrance, en tant qu’abondance et richesse et créativité comme la pensée antique le disait. Ce que nous comprenons dans l’après-coup de la psychanalyse.

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En nous demandant ce que peut bien être le RSI nous avons à cristalliser l’extime de la séparation en subvertissant la métrique du proche et du lointain. Heidegger a montré combien ce qui nous était le plus proche était en fait ce qu’il y avait de plus lointain. L’inconscient, à ne pas le nommer. Ça se figure très bien par l’usage de portables. « Je suis où je ne pense pas », c’est-à-dire dans l’inconscient, et « je pense où je ne suis pas », c’est-à-dire dans l’inconscient. C’est assez remarquable pour différencier l’esprit de l’inconscient. Le nœud Borroméen permet de se retrouver et de bien s’orienter dans les concepts. Prenons par exemple les trois dimensions de l’homme chez Platon : le noos, l’esprit, l’épithumos, le plaisir (de boire et d’engendrer), et le thumos, la colère. Nous voyons comment les placer sur le Borroméen. Thumos, la colère, c’est le réel, épithumos, l’imaginaire et noos le symbolique : l’inconscient le corps et l’esprit.

L’inconscient, ça met en colère. Témoin l’article de Pommier dans Libération du 24 janvier qui nous présente une belle confusion entre les noms du père, biologique, symbolique et inconscient.

La terre est une erreur, une bévue de Chaos, comme toutes les sphères et toutes les mères. Il nous incombe de casser cette sphère comme le poussin brise la matrice-coquille où il s’est développé.

L’homme, le monde et l’univers sont troués. Le nœud Bo est le nouage de trois vacuités. Le dit (de l’objet a) le dit (de l’inconscient) peut (l’œdipe) peut nous sortir de l’œdipe. C’est le super diplôme, « l’œdipe l’homme » de la psychanalyse. Là où meurt Oedipe, nous dit la mythologie, cet endroit, qui n’est que nous même, connaîtra la prospérité. Œdipe est mort à Colone dans les faubourgs d’Athènes lieu de prospérité pour la philosophie, les sciences et les arts.

Voir en ligne : J. LACAN : Séminaire RSI. Leçon du 8 avril 1975 (gaogoa.free.fr)

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