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Benjamin BALL

L’Excitation sexuelle : formes hallucinatoire, aphrodisiaque et obscène

La folie érotique, Librairie J.-B. Baillère et fils, Paris, 1888.

Date de mise en ligne : samedi 4 octobre 2003

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Benjamin BALL, La folie érotique, Librairie J.-B. Baillère et fils, Paris, 1888.
 Chapitre II : L’Excitation sexuelle (Section I, II, III & IV).

Dans la conférence précédente, je vous ai tracé le tableau de l’amour chaste, où les plus grandes extravagances demeurent enfermées dans les limites du sentiment et ne sont jamais profanées par l’intervention des sens ; je vous ai montré des exemples de ce délire poussé jusqu’aux dernières limites de l’insanité, sans qu’il s’y mêlât jamais une idée étrangère au domaine de l’amour platonique.

Il me reste maintenant à vous parler d’un état bien différent, dans lequel l’élément physique vient usurper la prédominance et se placer sur le devant de la scène.

Mais, avant d’aller plus loin, une distinction est nécessaire.

Nous ne sommes point des moralistes ni des philosophes, mais des aliénistes et des médecins ; nous n’avons pas à vous montrer le tableau du vice, mais celui de la folie. Il s’agit pour nous d’étudier des faits dans lesquels l’élément morbide joue un rôle prépondérant et où le sujet peut être considéré comme un véritable aliéné, c’est-à-dire comme un malade dont la liberté est compromise et dont la responsabilité par conséquent est tout au moins atténuée.

Ces données une fois établies, nous entrons en matière.

Je vous rappelle la classification que nous avons formulée dans la leçon précédente. En dehors de la folie de l’amour chaste (érotomanie), nous avons l’excitation sexuelle que nous distinguons de la perversion sexuelle, dont nous ferons le sujet de la conférence prochaine.

Dans l’excitation sexuelle, nous avons admis trois formes. Ce sont :
 La forme hallucinatoire ;
 La forme aphrodisiaque ;
 La forme obscène.

I. Forme hallucinatoire

Le jeune homme dont nous allons nous occuper aujourd’hui, présente un délire très complexe, sur lequel des hallucinations sexuelles se détachent en relief. C’est un garçon de vingt et un an, d’un beau développement physique et d’un extérieur agréable.

Ses antécédents héréditaires nous sont absolument inconnus, mais nous savons que se destinant à la prêtrise, il a été élevé au séminaire, où il a reçu une éducation très supérieure. Il est bachelier ès lettres et ès sciences. Entré au grand séminaire, il y a préparé simultanément la licence ès lettres et le doctorat en théologie. Il s’y est probablement livré à des excès de travail cérébral, qui ont produit les plus déplorables effets ; c’est une victime du surmenage que je vous présente.

Il nous est impossible de préciser la date à laquelle ont débuté les désordres intellectuels. Nous n’avons pas assisté en effet à l’aurore de sa maladie. Mais nous le voyons déjà entré dans l’aliénation mentale, à une époque bien nettement déterminée.

Le cardinal Guibert venait de mourir. Notre malade se présente à l’archevêché pour recueillir la succession du défunt ; il déclare que le Pape lui a formellement promis le chapeau de cardinal et le siège archiépiscopal de Paris, après la mort de Monseigneur Guilbert. Quant à Monsieur Richard, ce n’est qu’un usurpateur.

Je n’ai pas besoin de vous dire que, transféré immédiatement au Dépôt, il est entré, peu de jours après, à la Clinique des Maladies mentales.

Les manifestations délirantes varient considérablement chez ce sujet.

En premier lieu, il est ambitieux ; il se promet le chapeau de cardinal, il se croit appelé aux plus grands honneurs, il se croit destiné à recueillir l’admiration des générations futures.

En second lieu, il est persécuté ; il a des ennemis qui, non contents de lui barrer le chemin, lui font subir des outragés indignes. Il semble donc que chez lui les idées ambitieuses, contrairement à la règle habituelle, aient précédé le délire des persécutions.

Mais ce n’est pas tout. Notre malade est, en troisième lieu, un hypocondriaque des plus convaincus.

Il se lamente sur les déformations de son corps, dont la beauté le rendait si fier. Il se plaint que son front s’abaisse, que le charmant ovale de sa figure s’efface, que ses mâchoires remontent. Il a un ramollissement des os du crâne, et même une perforation dont on profite, comme de tous les orifices de son corps, pour le profaner par d’indignes souillures.

Nous vous présentons ici quelques extraits de sa correspondance, qui suffiront pour caractériser l’état de son esprit.

« Monsieur,

Une chose en apparence insignifiante, mais qui cependant me désole, c’est le changement affreux qu’on fait subir à ma personne. Je veux qu’on me conserve le front comme par le passé. J’aime mieux savoir mon crâne rempli d’eau, que mon front baissé et mon crâne amoindri.

Pourquoi me rend-on le nez si gros à moi qui l’avais si fin ? Pourquoi ne pas me restituer l’ovale si beau et si gracieux de mon visage ? Pourquoi me rend-on le crâne si mou, de sorte que les insanités qu’on me met dans la tête sortent par le cuir chevelu ? »

Ces divagations nous montrent bien que l’hypocondrie règne en maîtresse chez lui.

Mais ce qu’il nous importe surtout de signaler, ce sont les hallucinations sexuelles qui donnent à son délire une orientation toute spéciale, et le font entrer dans la classe des folies érotiques.

À chaque instant, il se croit victime de tentatives de pédérastie. Il emploie à cet égard les expressions les plus singulières et les plus marquées.

« Je suis, dit-il, la proie des bêtes brutes, compliquées de l’esprit de Pourceaugnacs ».

Il faut entendre par là, qu’il éprouve des sensations spéciales localisées à la marge de l’anus. Il prétend que ses ennemis ont poussé l’outrage jusqu’à le faire changer de sexe. Ses persécuteurs ont réussi à le rendre femme.

« Je suis, écrit-il, la prostituée de tous les fous de Sainte-Anne, dont pas un seul n’est noble » (il se trompe à cet égard).

Il ajoute :

« Le moyen d’avoir de l’appétit quand j’arrive à table, le nez, la bouche, les intestins, gorgés de sperme ! »

Il croit aussi que la perforation crânienne dont il se plaint est utilisée par ses persécuteurs, pour lui projeter du sperme dans le cerveau. Il lutte de toutes ses forces mais inutilement contre ces profanations, qui le rendent le plus malheureux des hommes.

Notre malade est donc un aliéné des plus complexes, mais il appartient surtout à la folie érotique à forme hallucinatoire.

Rien n’est plus commun en pathologie mentale que les accidents de ce genre. On les rencontre dans un grand nombre de psychoses : dans la folle puerpérale, dans l’hystérie, dans l’alcoolisme, dans la manie aiguë ou chronique ; presque tous les sujets atteints de folie religieuse en sont victimes ; enfin, ce délire, peut occuper à lui seul tout le terrain pathologique.

Dans le célèbre mémoire de M. Baillarger sur les hallucinations [1], nous trouvons l’observation extrêmement remarquable d’une jeune fille, habile ouvrière, femme intelligente, ayant une conduite parfaitement régulière, mais obsédée perpétuellement par des hallucinations de ce genre. Elle éprouvait toutes les sensations imaginables à cet égard, depuis les attouchements les plus légers jusqu’au rapprochement sexuel le plus complet. Il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’au point de vue physique elle était absolument vierge. Cette jeune femme faisait de ses hallucinations le sujet presque unique de ses discours ; elle en parlait aux personnes de sa connaissance, avec un tel luxe de détails qu’elle finit par scandaliser toutes ses amies, et perdre toutes ses relations de société. Après plusieurs années de maladie elle parait avoir été complètement guérie par le mariage.

Je viens de vous présenter cette fois un cas dans lequel les hallucinations sexuelles constituaient tout le délire. Mais ces troubles sont bien plus fréquents chez les malades dont l’esprit est dérangé sous d’autres rapports, comme le jeune homme qui fait le sujet de cette conférence.

Je vous en citerai deux exemples, que j’ai eu l’occasion d’observer moi-même.

Vers la fin du règne de Napoléon III, un persécuté, séquestré dans une maison de santé, s’imaginait que le gouvernement, pour le punir de ses opinions politiques, faisait entrer clandestinement dans l’établissement et jusque dans sa chambre des hommes destinés à lui faire subir les plus infâmes outrages. « Ils viennent perpétuellement me césariser, disait-il ».

Voici maintenant un type fort différent.

Un alcoolique que j’ai eu dans mon service, à l’hôpital Saint-Antoine, s’imaginait que des persécuteurs, qu’il appelait des pompiers, s’acharnaient à chaque instant sur ses organes sexuels ; il se plaignait qu’on venait perpétuellement lui pomper la sève et tarir chez lui les sources de la vie. Ces hallucinations le rendaient extrêmement dangereux, car, dès qu’il les éprouvait, il se précipitait sur le premier venu, le prenant pour un pompier. Un jour il s’est élancé presque nu dans la cour de l’hôpital, à la poursuite d’une religieuse, qui eut toutes les peines du monde à lui échapper.

La forme de délire dont je viens de vous parler, peut quelquefois se produire sous forme épidémique [2]. On l’a vu sévir dans toutes les réunions nombreuses de femmes et surtout dans les couvents. On connaît l’histoire des religieuses de Cologne, qui recevaient presque toutes les nuits la visite de Satan. Leurs doléances créèrent un grand émoi dans la ville ; mais il se trouva des sceptiques, comme Jean de Wier, pour prétendre que certains jeunes gens de la ville escaladaient les murs du couvent pour usurper le rôle du diable.

Les choses allèrent bien plus loin dans les c6lèbres épidémies des religieuses d’Aix-en-Provence et des Ursulines de Loudun, qui aboutirent comme vous le savez à des procès en sorcellerie qui se terminèrent par le supplice de plusieurs prétendus sorciers. Les accusations partaient de certaines religieuses évidemment hystériques, qui prétendaient avoir eu des relations intimes avec les malheureux qu’elles dénonçaient.

Il est extrêmement important de se rappeler que même à notre époque sceptique, où les sorciers ne peuvent plus aspirer à la couronne du martyre, les accusations de ce genre sont extrêmement graves et peuvent donner lieu aux suites les plus déplorables.

Une hallucinée de bonne foi accuse son médecin, ses amis, ses domestiques, d’avoir commis sur elle des attentats criminels ; elle parvient à se faire écouter, la justice intervient et souvent il est difficile à l’accusé de démontrer son innocence ; mille circonstances les plus triviales en apparence peuvent donner une couleur de vraisemblance à l’accusation et motiver quelquefois une condamnation qui sera la ruine définitive d’un honnête homme.

En pratique, il ne faut jamais visiter de telles malades qu’en présence de témoins.

II. Forme aphrodisiaque

Parlons maintenant de la forme aphrodisiaque de l’excitation sexuelle.

Il est des sujets chez lesquels il existe à l’état normal une exagération des appétits sexuels. Ce sont des libertins, des débauchés, des satyres ; ce ne sont point des aliénés.

Il existe chez un grand nombre d’aliénés une surexcitation très marquée de l’instinct génésique. On rencontre ce phénomène au début de la paralysie générale ; on le voit survenir très souvent dans la folie puerpérale ; il est très fréquent chez les imbéciles.

Mais il est d’autres individus chez qui l’excitation sexuelle, poussée jusqu’aux limites de l’insanité, constitue à elle seule la maladie. Ils sont raisonnables et corrects à tous les autres égards ; mais leurs appétits sont de nature à compromettre leur position sociale et obligent leurs familles à les séquestrer.

Je ne saurais vous donner un exemple plus démonstratif que celui que Trélat a consigné dans son intéressant ouvrage sur la Folie lucide qui, s’il laisse à désirer sous le rapport des idées générales, renferme une précieuse collection de faits.

« Madame V... d’une stature ordinaire, mais de forte complexion, ayant une expression de physionomie très convenable, beaucoup de politesse dans le dialogue, une grande retenue dans le maintien, nous a été confiée le 17 janvier 1854.

Interrogée, elle répond parfaitement à toutes les questions qui lui sont faites, se met à l’ouvrage, et travaille, malgré ses soixante-neuf ans, avec autant d’activité que de perfection, toujours d’humeur avenante, toujours assidue, ne se dérangeant jamais que quand on lui dit qu’il faut se lever pour aller table ou en récréation. Rien sur la figure ni dans ses actes n’ont jamais pu, pendant son séjour dans l’asile, nous faire soupçonner le moindre désordre. Pendant quatre ans, pas une parole obscène, pas un geste, pas le plus petit mouvement d’agitation, de colère ou d’impatience.

Elle est parfaite tant qu’elle est enfermée, mais absolument incapable d’user de la liberté.

Toute sa vie, dès son jeune âge, elle a recherché les hommes, et s’est abandonnée à eux. Jeune fille, elle les provoquait, et désolait et humiliait ses parents par son avilissement. Du caractère le plus docile, le plus aimable et le plus enjoué, rougissant quand on lui adressait la parole, baissant les yeux toutes les fois qu’elle était en présence de plusieurs personnes, aussitôt qu’elle était parvenue à se trouver seule avec un homme jeune ou vieux, même avec un enfant, elle était subitement transformée, relevait ses jupes et attaquait avec une énergie sauvage celui qui devenait l’objet de ses amoureuses fureurs. Dans ces moments, c’était Messaline, et quelques instants auparavant on l’eût prise pour une vierge.

Elle trouva quelques fois de la résistance et reçut même de fortes corrections, mais il lui arriva plus souvent encore de rencontrer beaucoup de bonne volonté.

Malgré plus d’une aventure de ce triste genre, ses parents la marièrent dans l’espoir de mettre un terme à ses désordres. Le mariage ne fut pour elle qu’un scandale de plus.

Elle aimait son mari avec rage, mais elle aimait avec une rage égale tout homme avec lequel elle parvenait à être seule, et elle y mettait tant de persévérance et tant d’habileté, qu’elle déjouait toute surveillance et en venait souvent à ses fins. C’était un ouvrier occupé à travailler, un passant qu’elle interpellait dans la rue et qu’elle parvenait à faire monter chez elle sous un prétexte improvisé ; c’était un jeune homme, un apprenti, un domestique, un enfant revenant de l’école ! Elle mettait tant d’innocence extérieure en leur adressant la parole que chacun la suivait sans défiance.

Plus d’une fois elle fut battue bu volée, ce qui ne l’empêchait pas de recommencer.

Devenue grand-mère, elle continuait le même genre de vie.

Un jour elle introduisit chez elle un petit garçon de douze ans, lui disant que sa mère allait y venir. Elle lui donna des bonbons, l’embrassa, le caressa, puis, comme elle voulut le déshabiller et lui faire des attouchements obscènes, l’honnête enfant se mit en révolte, la frappa, et alla tout raconter à son frère, jeune homme de vingt-quatre ans, qui monta dans la maison désignée par le plaignant et battit à outrance cette vilaine femme, en lui disant :

"En pareilles aventures, on fait ses affaires soi-même pour ne point laisser son nom en si mauvaise compagnie. J’espère qu’après cette correction, vous ne recommencerez pas avec d’autres".

Pendant cette scène, le gendre survint, devina tout avant qu’on eut le temps de lui rien dire, et se mît de lui-même du côté de celui qui se faisait si prompte justice.

Elle fut enfermée dans un couvents où on la trouve si bonne, si douce et si docile, si rose et d’une innocence si virginale, qu’on ne voulait pas croire qu’elle eût jamais commis la moindre faute, et qu’on se porta caution pour elle en la rendant aux siens. Elle avait édifié tous les habitants de cette maison par la ferveur avec laquelle elle s’était livrée aux pratiques de la religion.

Une fois libre, elle reprit le cours de ses scandales, et toute son existence se passa ainsi.

Après qu’elle eut fait le désespoir de son mari et de ses enfants, ceux-ci espérèrent enfin que l’âge venant à leur aide tempérerait le feu qui la dévorait. Ils se trompaient. Plus elle commettait d’excès, et plus elle prenait d’embonpoint, plus elle avait d’éclat et de fraîcheur. Comment est-il possible que des penchants si bas et des habitudes si dégradées puissent laisser à la physionomie tant de douceur, à la voix tant de jeunesse, au maintien tant de calme et au regard une sécurité si limpide ?

Elle était veuve. Ses enfants qui n’avaient pu la garder chez eux et pour lesquels elle était un objet d’horreur, l’avaient reléguée hors des barrières, où ils lui servaient une rente.

Étant devenue vieille, elle était obligée de rétribuer les hommages qu’elle se faisait rendre et comme la petite pension qu’elle recevait était insuffisante pour cet usage, elle travaillait avec une ardeur infatigable pour pouvoir se payer un plus grand nombre d’amoureux.

À voir cette femme âgée si alerte au travail d’aiguille, s’en acquittant sans lunettes à soixante-dix ans et au-delà, toujours propre et soignée dans ses vêtements, mais d’une propreté sans recherche, ayant l’apparence simple et honnête, le visage ouvert, jamais nous n’eussions deviné toutes ces turpitudes. Après qu’on nous les eut révélées, nous n’y eussions pas ajouté foi, si des preuves trop convaincantes ne nous eussent été fournies. Nous avons vu plusieurs de ces misérables hommes qui recevaient d’elle le prix de leur abjecte industrie. Ils venaient nous dire combien elle était laborieuse ; ils nous affirmaient et nous cautionnaient sa moralité, espérant lui faire rendre la liberté et retrouver ainsi leur salaire. Nous n’avons pu nous contenir, et dans notre indignation nous sommes parvenu à arracher à l’un d’eux l’aveu et les détails de ses amours infâmes.

Cette femme avilie, ce monstre, a conservé jusqu’à la fin son calme, sa douceur inaltérable et toute son apparence d’honnêteté.

Dans les premiers jours de mai 1858, elle a été prise d’engourdissement dans les membres du côté droit, et malgré une saignée promptement faite et le traitement indiqué, elle est morte le 17 du même mois, à la suite d’une hémorragie cérébrale dont l’autopsie nous a fourni la preuve. »

Deux points importants nous paraissent surtout devoir être notés dans cette observation.

Malgré ses appétits effrénés, cette malade n’a jamais présenté aucun autre désordre intellectuel.

Malgré ses habitudes dépravées, cette femme n’a cessé de jouir d’une excellente santé jusqu’au dernier jour de son existence.

Nous pourrions facilement multiplier les exemples de ce genre. On en trouve de nombreuses observations dans les auteurs et plusieurs personnages historiques ont présenté des dispositions analogues.

Il est aussi des malades chez qui cette forme peut se représenter à des intervalles plus ou moins longs sous forme d’accès périodiques tout à fait analogues aux accès de dipsomanie.

Mais il me suffira de vous avoir offert un type parfaitement pur de folie érotique à forme aphrodisiaque absolument indépendant de toute autre maladie physique ou mentale.

III. Forme obscène

L’excitation sexuelle à forme obscène se rencontre chez des sujets dont le langage, l’attitude et les gestes sont constamment lubriques ; mais l’état physique ne répond point à cette excitation purement physiologique. Ce sont des fanfarons de vice et le plus souvent ils sont absolument impuissants. Ces phénomènes se rencontrent chez les paralytiques généraux, chez certains vieillards et chez et un grand nombre d’excités maniaques.

On peut dire d’une manière générale, que chez ces sujets il existe un désaccord entre les centres cérébraux et le centre génito-spinal.

Dans l’ordre des choses, à mesure que les aptitudes sexuelles diminuent et s’étaignent avec l’âge, les désirs correspondants s’émoussent et l’équilibre s’établit entre les deux pôles opposés. C’est la marche de la nature, qui n’offre aucun inconvénient au point de vue de la santé, soit physique soit mentale.

Il en est bien autrement chez ceux qui, malgré l’extinction du pouvoir sexuel conservent les excitations cérébrales qui correspondent à des fonctions disparues. Chez eux, comme le dit J.-J. Rousseau, la volonté parle encore, quand les sens se taisent. Il s’efforcent souvent de remédier à cet état de choses par des excitants nuisibles et l’équilibre de leur esprit est troublé par des préoccupations insensées et qui ne peuvent jamais aboutir à une satisfaction normale.

Il est cependant des sujets qui, sans être atteints d’impuissance, ont un langage tellement révoltant qu’il ne peut être attribué qu’à un état d’aliénation mentale. On rencontre souvent cette tendance chez les aliénés, et plus spécialement chez les femmes atteintes de folie hystérique, ou de manie puerpérale.

IV. Les exhibitionnistes

Nous rangerons auprès des sujets de cette espèce ceux que Lasègue appelait des exhibitionnistes [3]. Sans être réduits à l’impuissance, ces individus, qui sont quelquefois des hommes encore jeunes, prennent un plaisir étrange à exhiber aux yeux des femmes et des jeunes filles leurs parties sexuelles sans autre résultat que celui de choquer la pudeur publique.

Tel insensé se cache derrière les piliers d’une église pour scandaliser, pendant le culte, les femmes occupées à leurs dévotions.

Tel autre, dans les corridors d’une maison habitée, guette au passage les jeunes filles pour se montrer à leurs yeux dans une attitude indécente.

Un troisième se cache dans les endroits peu fréquentés du bois de Boulogne ou des jardins publics pour offrir aux personnes qu’il rencontre un spectacle obscène.

On s’expose ainsi à de graves pénalités, sans l’ombre d’une jouissance et c’est bien certainement une aberration d’esprit qui mène à des actes tellement insensés des hommes raisonnables en apparence.

L’hôpital de la Charité était autrefois entouré par des hôtels dont les fenêtres avaient vue sur l’intérieur des bâtiments. Un employé que ses fonctions appelaient à se rendre dans cet hôpital pour les épreuves cliniques du doctorat, avait l’habitude, pendant que les examinateurs et les candidats étaient aux prises, de choisir une attitude indécente dans un endroit d’où il pouvait être vu par les jeunes personnes qui se mettaient aux fenêtres. Et là il s’efforçait à plusieurs reprises de leur montrer ses organes génitaux purement et simplement sans autre provocation. Il fut dénoncé, poursuivi et condamné ; il perdit naturellement sa place. Ainsi, pour se donner un plaisir ridicule, il sacrifia de la manière la plus inepte sa réputation, son honneur et ses intérêts.

Nous avons encore, en ce moment même, à la Clinique, un malade que l’on pourrait considérer comme un type classique d’exhibitionniste.

C’est un homme de trente-cinq ans, de taille moyenne, mais d’intelligence très médiocre.

Dès l’âge de neuf ans, il se masturbait ; à dix-huit ans, il fut arrêté et condamné à trois mois de prison pour avoir montré ses organes génitaux en plein jour à des dames qui passaient dans la rue de Richelieu.

Quelques temps après sa mise en liberté, pendant un repas, chez ses parents, son père le surprit se masturbant à table.

Depuis cette époque, il fut arrêté plusieurs fois dans les rues pour outrages à la morale publique.

Il s’est toujours contenté d’exhiber ses organes génitaux dans les rues, sur les places publiques, sans autre provocation que cet acte stupide et insensé.

C’est encore pour un délit de ce genre qu’il vient d’être arrêté et c’est de l’infirmerie du Dépôt qu’il nous vient.

Des faits de ce genre ne peuvent relever que de l’aliénation mentale. Ces actes sont tellement dépourvus de sens commun, de réflexion intelligente qu’on ne peut donner à ces malades d’autre excuse.

Notes

[1Baillarger, Des hallucinations, des causes qui les produisent, et des maladies qu’elles caractérisent. Paris, 1846.

[2Voyez Calmell, De la Folie considérée sous le point de vue pathologique, philosophique, historique. Paris, 1845.

[3Lasègue, Études médicales

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