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Hippolyte Bernheim

L’Hystérie : Doctrine de Breuer et Freud

L’Hystérie, Paris, Octave Doin et fils éditeurs, 1913

Date de mise en ligne : samedi 24 juillet 2004

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Je conclus en me répétant. Le mot hystérie ne doit pas être détourné de son sens primitif pour être appliqué aux innombrables psychonévroses d’origine émotive et suggestive ; il doit être réservé aux seules crises que certains sujets subissent par certaines influences émotives d’origine externe ou interne, et qu’ils sont aptes à reproduire par suggestion ou autosuggestion.

L’hystérie est une psychonévrose. Mais toutes les psychonévroses ne doivent pas être appelées hystérie.

Un mot encore sur la conception doctrinale de BREUER et FREUD de Vienne qui a fait grand bruit, en Allemagne, puisqu’elle implique une méthode thérapeutique spéciale.

Ces auteurs comme presque tous les médecins englobent sous ce nom d’hystérie toutes les psychonévroses. Elle est due toujours à un choc moral ou traumatisme psychique ; le traumatisme physique n’agit pas par lui-même, mais par le choc moral qui l’accompagne. Ce sont les réminiscences émotives du choc hystérogène qui réveillent les crises. C’est l’émotion attachée au souvenir, ce n’est pas l’idée elle-même qui les réveille : l’idée est impuissante, si elle n’est pas émotive. En cela, on le voit, nous sommes d’accord.

Les émotions s’accompagnent de réactions constituées par des réflexes volontaires ou involontaires. Or BREUER et FREUD admettent que la conservation des souvenirs émotifs tient, surtout à ce que la réaction a été insuffisante ; le sujet ne s’est pas suffisamment déchargé, l’émotivité n’a pas été dégagée par ces phénomènes de réaction, trop faibles chez lui ; elle persiste alors liée au souvenir et l’entretient.

Elle peut d’ailleurs être corrigée plus tard par l’influence d’autres représentations mentales résultant de nouveaux événements, de nouvelles idées, créant une autre appréciation des faits, du retour de la confiance, etc.

L’insuffisance de la réaction, éliminatoire de l’élément émotif, peut être due, soit à ce que l’émotion elle-même ne comportait pas de réaction, tel le chagrin dû à là mort d’une personne chère ; soit à ce que le malade, obéissant à un sentiment de fausse honte ou de vanité, arrive à oublier volontairement et à refouler son émotion ; soit enfin à ce que le choc émotif hystérogène a eu lieu dans un état de conscience spéciale quelquefois même déterminé par lui, sidération par la frayeur, obnubilation semi-hypnotique dans l’état de veille, auto-hypnose, état rendant toute réaction impossible. D’ailleurs les phénomènes hystériques ont toujours lieu dans un état de conscience anormal, analogue à l’hypnose, que ces auteurs appellent état hypnoïde. Ces états existent chez nous tous à un certain degré ; les rêves du jour, à l’état de veille, sont des états hypnoïdes. Quand ces états sont très développés, ils constituent une prédisposition à l’hystérie. Ils peuvent être créés par le choc émotif lui-même et constituent alors l’hystérie acquise.

Cette conception de l’hystérie (les auteurs donnent ce nom à toutes les psychonévroses) est basée sur ce fait observé par eux : les symptômes divers de l’hystérie disparaissent sans retour, si on arrive à réveiller chez le sujet les souvenirs très nets des faits qui ont déterminé la première crise, avec l’émotion corrélative, et que le malade raconte ces faits d’une façon aussi explicite que possible et laisse parler son émotion. C’est la psychanalyse. Cette méthode est curative, parce qu’elle permet au sujet de dégager par la réaction de parole l’émotivité du choc hystérogène qui n’a pas été primitivement dégagée par une réaction suffisante, elle permet de plus la correction, par d’autres associations, de la représentation mentale hystérogène, en l’évoquant dans l’état de conscience normal, dans lequel ces associations peuvent se produire. Telle est la conception des auteurs.

Si j’admets avec eux que c’est le souvenir émotif qui fait la suggestion hystérogène, je ne puis pas admettre que ces souvenirs persistent parce que la réaction primitive a été insuffisante.

Quand un sujet, à la suite d’une grande colère, pousse des clameurs, suffoque, se débat et finalement fait une violente crise convulsive, c’est bien là une réaction réflexe exagérée qui s’est développée tout entière ; et c’est précisément cette réaction psychodynamique exagérée qui constitue la crise. Cette crise peut se répéter par une nouvelle émotion ou par simple réminiscence émotive ; ce n’est donc pas l’absence de réaction qui a maintenu l’émotion du souvenir.

Si au contraire le sujet avait pu se modérer et inhiber la réaction dans ce qu’elle a d’exagéré, ou s’il apprend plus tard par l’éducation suggestive à inhiber sa réaction, comme la mère l’apprend aux enfants, alors qu’arrive-t-il ? La réminiscence émotive pourra ne plus produire de crises ; car cette émotivité a été disciplinée par la précédente expérience ; et le sujet saura instinctivement, dans le plus grand nombre des cas, réprimer comme la première fois cette émotivité qui ne sera plus hystérogène.

Je ne conteste pas que la psychanalyse, en obligeant le sujet à se concentrer en lui-même pour évoquer les souvenirs du processus psychique émotif du début de la maladie, et en l’obligeant aussi à relater tous les incidents de ce processus, à mesure qu’ils réapparaissent dans le champ de la conscience, je ne conteste pas que cette méthode thérapeutique ne soit souvent efficace, puisque cette efficacité a été constatée par de nombreuses observations.

Mais est-ce, comme le disent BREUER et FREUD, parce que la parole constitue une réaction qui laisse l’émotivité concentrée se faire libre jour, alors que cette réaction a été primitivement insuffisante ? Ou est-ce encore, parce qu’en extrayant du domaine du subconscient pour les rendre à la conscience normale, les souvenirs émotifs du processus primitif, elle permet à cette conscience raisonnante et maîtresse d’elle-même de faire par association d’idées la correction de cette émotivité impulsive hystérogène ?

Sans doute la parole du sujet peut atténuer les manifestations émotives. Mais ce n’est pas parce que ou lorsque elle constitue elle-même une réaction réflexe intense. Au contraire, lorsqu’un individu affligé d’une grande douleur morale ou en proie à une violente colère, laisse cette douleur ou cette colère se dramatiser par une parole impulsive, automatique, incohérente, souvent il exalte sa passion ; il exagère son émotivité. Sa parole est réflexe, psychonerveuse, comme son âme ; elle agit comme les grands mouvements, les grandes convulsions, qui peuvent continuer longtemps avec frénésie, ainsi que la parole nerveuse, qui font écho à l’émotion et la renforcent par consonnance, au lieu de l’atténuer.

Sans doute après cette crise réactionnelle de paroles ou de mouvements une détente a lieu comme à la suite des orages. Mais le malade n’est pas guéri ; le retour de la psychonévrose n’est pas conjuré.

Les sujets qui dans le délire hallucinatoire de leur crise d’hystérie extériorisent à grand orchestre de paroles et d’actions leurs souvenirs hystérogènes, ne les effacent pas pour cela ; ils semblent, au contraire, amplifier, en la dramatisant, l’émotion de leurs réminiscences.

Autrement en est-il quand je fais raconter à un hystérique toutes les impressions de son âme, depuis le début de sa maladie, et que je l’oblige à exhumer ses souvenirs du fond de sa conscience.

Il est obligé de se concentrer, de scruter sa mémoire, d’extraire petit à petit ce qu’elle recèle ; c’est un travail d’élaboration lente et patiente qui s’accompagne bien d’émotion, à mesure que les faits émotionnants reviennent à la mémoire ; mais ce n’est plus l’émotion concentrée qui éclate, comme à la suite d’une réaction impulsive brusque ; c’est de l’émotion à petite dose qui accompagne son récit, à mesure que les faits se déroulent de nouveau dans son imagination. C’est la mémoire du fait et la parole qui sont actionnées par l’analyse psychique interrogative, plutôt que l’émotivité. Une émotion trop concentrée inhibe la parole et reste muette ; ou bien elle déborde en paroles nerveuses incohérentes ; elle est incompatible avec un récit descriptif ordonné.

Ainsi tandis que les clameurs violentes et tumultueuses qui ne sont pas la parole, mais une convulsion de la parole, exaltent les mouvements de l’âme, la parole lente, mesurée, raisonnable, explicative est une diversion, une soupape de sûreté qui discipline l’émotivité, ne la laisse pas s’échapper à jet violent, mais la dégage progressivement à petites doses ; elle oblige le sujet à l’inhiber dans une certaine mesure, par la nécessité de traduire les souvenirs en paroles, plus qu’en émotions. Les grandes douleurs, les grandes passions se soulagent, lorsqu’elles sont confessées au médecin, au confesseur, à l’ami.

On conçoit ainsi que l’hystérique, appelé par la psychanalyse médicale à explorer lui-même ses impressions et ses souvenirs, apprenne par ce labeur cérébral, à modérer son émotivité impulsive ; il prend connaissance de ses impressions à mesure qu’elles renaissent, continue à en rechercher l’évolution ; et cette initiative active du cerveau modère l’automatisme émotif. Ce n’est donc pas parce que sa parole est une réaction vive qu’elle peut contribuer à guérir la psychonévrose, c’est parce qu’elle implique un travail du cerveau psychique, une diversion, une dispersion de l’émotivité qui ne se concentre plus ; c’est parce qu’elle empêche une réaction psychodynamique trop vive.

Le sujet dont l’initiative actionnée par la suggestion a pu explorer une fois sans danger et sans réaction maladive ses anciens souvenirs hystérogènes a subi une véritable éducation suggestive qui peut le cuirasser contre tout retour agressif ; car il a subi ces souvenirs sans crises ; il sait qu’il peut les affronter ; il ne les craint plus ; ils ne sont plus hystérogènes.

Il en est de lui comme des cas suivants.

Une jeune fille qui, traversant certain chemin, s’était crue poursuivie, n’osait plus passer par ce chemin sans avoir une angoisse mortelle avec défaillance ; rien que d’y penser, l’angoisse l’étreignait. Il suffit de lui faire traverser lentement ce chemin, à plusieurs reprises, en l’accompagnant et lui montrant que sa terreur était vaine, pour qu’elle pût désormais le faire seule, sans peur.

Un naturaliste ne pouvait voir une souris sans être saisi d’horreur, avec tremblements, battements de cœur, et respiration haletante. Un jour vint cependant où pour ses études d’anatomie comparée, il dut disséquer une souris, étudier ses organes, fouiller sa structure. Cette étude scientifique d’exploration anatomique l’habitue peu à peu à maîtriser cette émotivité spéciale et à affronter les souris sans réaction psychonerveuse.

Dans tous ces cas, c’est une éducation qui apprend aux sujets à dominer l’émotion de leurs réminiscences.

C’est ainsi que je comprends l’efficacité thérapeutique de la méthode de BREUER et FREUD.

On verra dans le chapitre thérapeutique que, sans recourir à la psychanalyse longue et laborieuse, j’arrive par un procédé plus simple d’éducation suggestive à apprendre au sujet à inhiber ses crises.

P.-S.

Cet article est extrait de l’ouvrage de H. Bernheim, L’Hystérie, Chapitre VIII, Stigmates moteurs et accidents, Section IX : « Doctrine de Breuer et Freud », Paris, Octave Doin et fils éditeurs, 1913.

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