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La lettre du Président

La Psychanalyse, l’Inconscient & l’Internet

Date de mise en ligne : jeudi 1er août 2002

Auteur : Christophe BORMANS

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Si les moyens de communication de l’époque de Freud, et notamment l’échange épistolaire, ont indéniablement joué un rôle fondamental dans l’invention et les développements considérables de la psychanalyse au siècle précédent, les nouveaux outils et moyens de communication sont aujourd’hui appelés à jouer un rôle de premier plan pour l’investigation de l’inconscient et le développement de la psychanalyse pour le siècle à venir. C’est de cette simple observation que nous sommes partis pour construire le site de ABRÉACTIONS ASSOCIATIONS sur ce nouveau réseau de communication qu’est l’Internet.

« Ce qui caractérise la psychanalyse » écrit Freud en 1917, c’est avant tout « la technique dont elle se sert ». Cette technique, Freud la défini clairement et simplement. La psychanalyse utilise, d’une part, le procédé de la libre association accompagné du respect de la règle fondamentale et, d’autre part, le transfert comme instrument, et ce dans l’unique objectif d’amener le patient à surmonter ses propres résistances et de venir ainsi à bout du refoulement. En outre, précise Freud, le « seul but » et la « seule contribution » de la psychanalyse consistent à « découvrir l’inconscient dans la vie psychique » (Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse [1917], Payot, Paris, 1961, p 366).

Il y a plus d’un siècle Freud a inventé, à son insu, la psychanalyse, et à l’aide de cette technique, est parti à la découverte des lieux du refoulé, de l’Inconscient. Comme son nom l’indique, la psychanalyse est donc une technique d’analyse de la psyché. C’est-à-dire une technique d’investigation de l’Inconscient au sens dynamique du terme à savoir, l’Inconscient qui se manifeste au travers des rêves et des symptômes, des lapsus et des actes manqués, des mots de l’esprit et des souvenirs de l’enfance. L’Inconscient, c’est le lieu de la parole en tant qu’énigme (l’énigme de la sphinge), énigme de la parole qui, à la fois, nous détermine et nous rend imprévisibles. C’est à cette énigme de la parole, et à elle seule, que s’intéresse la Psychanalyse.

Cependant, cette « invention » ne s’est pas faite du jour au lendemain. Il a d’abord fallu à Freud, vaincre ses propres résistances. Il y a réussi grâce à son génie particulier et à sa ténacité sans doute, par sa pratique assidue et aux nombreux patients qu’il recevait régulièrement et quotidiennement en analyse bien sûr, mais surtout, comme pour n’importe quel autre analysant, grâce à ses nombreux transferts qui se sont notamment réalisés et résolus au travers d’une abondante correspondance que les moyens de communication de son époque lui ont permis d’entretenir.

 D’abord, comme chacun sait, Freud a pu surmonter ses propres résistances au travers de sa correspondance avec son vieil ami, Wilhelm Fliess. Dans une lettre à ce dernier, datée du 21 septembre 1897, Freud en rend compte explicitement :

« Il y eut d’abord les déceptions répétées que je subis lors de mes tentatives pour pousser mes analyses jusqu’à leur véritable achèvement, la fuite des gens dont le cas semblait le mieux se prêter à ce traitement (la psychanalyse), l’absence du succès total que j’escomptais et la possibilité de m’expliquer autrement, plus simplement, ces succès partiels, tout cela constituant un premier groupe de raisons ».

Sans la possibilité matérielle de pouvoir écrire et d’entretenir une correspondance régulière, comment Freud aurait-il pu surmonter ses propres résistances ?

 Ensuite, au fur et à mesure que sa pratique et sa théorie s’enrichissaient, des quatre coins du monde, des personnes anonymes lui ont écrit, lui demandant d’analyser leurs rêves, lapsus, actes manqués, souvenirs d’enfance, etc. L’œuvre de Freud est parsemée de ce type matériel, notamment ses deux ouvrages fondamentaux : L’Interprétation des rêves et Psychopathologie de la vie quotidienne.

« Au cours de cette période, écrit-il dans sa Révision de la théorie du rêve, quelque trente ans après la rédaction de l’Interprétation du rêve, j’ai reçu un nombre considérable de lettres dont les auteurs proposent leurs rêves à l’interprétation ou demandent des renseignements sur la nature du rêve » (Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, p. 15).

Bien sûr, cette correspondance lui a également permis de mesurer la relative « incompréhension » dont faisaient preuve ses lecteurs et ses adeptes vis à vis de sa propre théorie. Mais nous savons également que Freud tenait particulièrement à ce matériel profane.

Dans Psychopathologie de la vie quotidienne, le second oubli de mot qu’il analyse (juste après celui du fameux maître des fresques représentant le « Jugement dernier » de la cathédrale d’Orvieto, Signorelli), est celui d’un jeune homme brillant et ambitieux, dont Freud ne tarde pas à s’apercevoir qu’il était au courant de quelques-unes de ses publications psychologiques. Si Freud lui rétorque sur le moment, « est-il bien vrai que tu désires si vivement avoir une postérité à toi ? », il nous explique cependant pourquoi il a toutes les raisons « d’attacher une grande valeur à cette petite analyse » :

« En premier lieu, il m’a été possible, dans ce cas, de puiser à une source qui m’est généralement refusée. Je suis, en effet, obligé le plus souvent d’emprunter à mon auto-observation les exemples de troubles fonctionnels d’ordre psychique, survenant dans la vie quotidienne et que je cherche à réunir ici. Quant aux matériaux beaucoup plus abondants que m’offrent mes malades névrosés, je cherche à les éviter, afin de ne pas voir m’opposer l’objection que les phénomènes que je décris constituent précisément des effets et manifestations de la névrose. Aussi suis-je heureux d’une santé psychique parfaite et qui veut bien se soumettre à une analyse de ce genre » (Psychopathologie de la vie quotidienne, p. 19).

Ce type de matériel est également, abondamment utilisé dans l’ouvrage fondateur : L’Interprétation des rêves. Comme le recense Didier Anzieu [1], sur les 160 rêves environ cités par Freud, la grande majorité émane de la parenté, d’amis ou d’élèves, et d’écrits allemands ou étrangers sur le rêve. Freud, on le sait, souhaitait avant tout convaincre et c’est à cet effet, qu’il se sentait obligé d’écarter quelque peu son propre matériel psychique et celui de ses patients, afin de persuader son auditoire de la validité de ses propres vues. C’est la raison pour laquelle il semblait particulièrement tenir à ce type de matériel neutre que lui fournissaient ses nombreuses lectures ou correspondances.

 Enfin, aucun lecteur de Freud ne peut oublier l’un de ses plus célèbres cas, celui du petit Hans, qui s’est déroulé, comme il le met lui-même en évidence dès son introduction, au cours d’une longue correspondance épistolaire :

« L’histoire de la maladie et de la guérison d’un très jeune patient, qui sera décrite dans les pages suivantes, n’émane pas, à proprement parler, de ma propre observation. J’ai, à la vérité, donné les grandes lignes du traitement et je suis même, une seule fois, intervenu personnellement au cours d’un entretien avec le petit garçon » (PUF, p. 93).

Chacun d’entre nous se souvient comment s’est déroulée l’analyse menant à la guérison du petit Hans. C’est au travers d’une correspondance épistolaire régulière entre Freud et le père du petit, le premier mettant à la disposition du second, son expérience du transfert et de l’inconscient, en échange de la rigoureuse observation du matériel psychique du fils, que l’analyse s’est dénouée. Bien entendu, ce cas demeure exceptionnelle et la guérison a notamment été permise par le lien particulier qui unissait Freud au père d’Hans.

Si les moyens de communication de l’époque de Freud, et notamment l’échange épistolaire, ont indéniablement joué un rôle fondamental dans l’invention et les développements considérables de la psychanalyse au siècle précédent, les nouveaux outils et moyens de communication sont aujourd’hui appelés à jouer un rôle de premier plan pour l’investigation de l’inconscient et le développement de la psychanalyse pour le siècle à venir. C’est de cette simple observation que nous sommes partis pour construire le site de ABRÉACTIONS ASSOCIATIONS sur ce nouveau réseau de communication qu’est l’Internet.

Pourquoi en serait-il ainsi ? Pourquoi l’Internet est-il appelé à jouer un rôle important pour les développements de la psychanalyse dans le siècle à venir ?
Essentiellement pour deux raisons. D’une part, parce qu’à l’instar du « système d’expression » du rêve, il constitue un moyen de communication destiné à être interprété par la psychanalyse, et d’autre part, parce qu’en tant qu’outil de communication quotidien, la psychanalyse est appelée à l’investir, au risque de laisser ce champ même du quotidien à ses rejetons, et de se voir ainsi « perdre le contact avec la réalité et s’engager dans des voies latérales » [2].

L’Internet est, en effet, un système d’expression qui présente beaucoup de résonances avec le système d’expression du rêve. Pour le profane des nouvelles technologies tout comme pour l’analyste profane, l’Internet tout comme le rêve semble, à première vue, se proposer de ne rien dire à personne et, loin d’être des moyens de communication, semblent être tous deux destinés « à rester incompris » [3]. Or il se trouve pourtant, que de plus en plus d’âmes se mettent quotidiennement à « rêver » sur, et au travers du réseau Internet.

Tout comme la psychanalyse a su relever le défi auquel s’était heurté, depuis Aristote, toute la pensée philosophique et mystique, elle se doit aujourd’hui, d’occuper et d’analyser ce nouveau champ du quotidien.

Nous savons que la théorie du rêve occupe une place particulière, caractéristique et singulière dans l’histoire de la psychanalyse, puisqu’elle y marque un tournant, la naissance même de notre technique d’investigation de l’Inconscient. C’est selon l’expression même de Freud, « une portion de terre nouvelle, gagnée sur la croyance populaire et mystique ». Au travers du réseau Internet, c’est justement ce champ du quotidien que la psychanalyse se doit de réinvestir et de reconquérir, au prix d’abandonner définitivement ce champ à ses rejetons. Freud le savait déjà en 1933, et, à la veille de la montée du nazisme en Allemagne, semblait, face à ce phénomène, ne pas souhaiter mâcher ses mots :

« Si vous me demandez cependant ce qu’ont retiré de l’interprétation du rêve des personnes plus éloignées [de nos milieux], les nombreux psychiatres et psychothérapeutes qui font bouillir leur petite soupe à notre feu - sans d’ailleurs nous être particulièrement reconnaissants de notre hospitalité -, les gens prétendument cultivés, qui ont coutume de s’approprier les résultats spectaculaires de la science, les littérateurs et le grand public, alors la réponse est peu satisfaisante ».

« Quelques formules », précise-t-il, sont devenues célèbres, « avec, parmi elles, certaines que nous n’avons jamais avancées », tandis que ce sont « en revanche », les « choses » les plus « importantes » et les plus fondamentales qui semblent « encore à peu près étranger à la conscience générale qu’il y a trente ans » (Révision de la théorie du rêve, dans Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Gallimard, Folio, Paris, p. 15).

Il n’est pas de notre propos de juger ou de débattre ici de l’efficacité des thérapies d’inspiration psychanalytiques ou se réclamant des découvertes freudiennes. On y rappellera juste, ce que Lacan écrivait à ce propos, dans la conclusion même de l’article que la plupart de ceux qui feignent d’y entendre quelque chose, les philanthropes, les idéalistes et les pédagogues, se complaisent à citer :

« La psychanalyse seule reconnaît ce nœud de servitude imaginaire que l’amour doit toujours redéfaire ou trancher. Pour une telle œuvre, le sentiment altruiste est sans promesse pour nous, qui perçons à jour l’agressivité qui sous-tend l’action du philanthrope, de l’idéaliste, du pédagogue, voire du réformateur. Dans le recours que nous préservons du sujet au sujet, la psychanalyse peut accompagner le patient jusqu’à la limite extatique du "Tu es cela", où se révèle à lui le chiffre de sa destinée mortelle, mais il n’est pas en notre seul pouvoir de praticien de l’amener à ce moment où commence le véritable voyage. » (Jacques Lacan, « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je - telle qu’elle nous a été révélée dans l’expérience psychanalytique », [1949], Écrits, Seuil, Paris, 1966, p. 100).

Car force est de reconnaître en effet, que d’une part, les thérapies d’inspiration analytique ont su choisir leurs références (et bien les choisir !), et que d’autre part, la psychanalyse - et peut-être surtout les psychanalystes eux-mêmes - ont su pour leur part, leur abandonner leur propre champ, celui du quotidien, et que celles-ci en ont profité pour affirmer et clamer haut et fort que la psychanalyse était morte, enterrée ou pire, tout simplement dépassée.

Fort heureusement, le discours n’est pas nouveau ! « J’ai souvent eu l’occasion, au cours des ces dernières années, écrivait déjà Freud en 1914, d’apprendre, en lisant les comptes rendus de certains congrès ou de séances de sociétés scientifiques ou de certaines publications psychanalytiques, que la psychanalyse était morte, définitivement terrassée et réfutée ».

Il est temps - et ce temps est logique -, de suivre l’exemple que Freud citait à cette occasion, celui de « Mark Twain, qui ayant lu dans un journal l’annonce de sa mort, adressa au directeur un télégramme pour lui faire savoir que : "la nouvelle de ma mort est fort exagérée" » (S. Freud, Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique [1914], dans : 5 leçons sur la psychanalyse, Payot, Paris, 1966, p. 107).

Ce temps est justement permis par ce système d’expression qu’est l’Internet.

L’enjeu est de taille. Car un tel outil, d’abord si simple et si efficace, peut également renforcer les résistances à l’Inconscient. Nous savons ce qu’il en est pour la compréhension du rêve : « plus la chaîne d’associations est longue et pleine de détours, plus la résistance est grande » (Nouvelles conférences, p. 22), et nous sommes bien entendu portés à penser que plus ce réseau est vaste et étendu, plus la résistance à l’inconscient s’en trouvera sans aucun doute renforcée. Mais gageons un siècle après Freud répondant avec beaucoup d’attention, de rigueur et de sérieux à ses lecteurs et correspondants lui écrivant des quatre coins du monde, que si cet espace est, lui aussi, attentif, rigoureux et sérieux, qu’un même souffle pourra à nouveau dynamiser la psychanalyse et l’investigation de l’Inconscient.

Notes

[1" Table d’hôte ", Préface à S. Freud, Sur le rêve, Gallimard, Paris, 1988, p. 10-11

[2« Lorsque les séances sont trop espacées, l’on court le risque de ne pas marcher du même pas que les incidents réels de la vie du patient et de voir l’analyse perdre le contact avec la réalité et s’engager dans des voies latérales » (S. Freud, La technique psychanalytique, Chapitre IX : " Le début du traitement " [1913], PUF, Paris, 1953, p. 86)

[3« […] Le rêve ne se propose de rien dire à personne et, loin d’être un moyen de communication, il est destiné à rester incompris » (Freud, Introduction à la psychanalyse, [1917], Payot, Paris, 1966, p. 217).

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