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L’inconscient et le Livre noir (VI)

La psychanalyse est une invention grecque

Texte de l’intervention au Café « Lounge Bar » (30 mars 2006)

Date de mise en ligne : samedi 22 avril 2006

Auteur : Guy MASSAT

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Texte de l’intervention de Guy Massat au Café le « Lounge Bar » (1, bd de la Bastille), le jeudi 30 mars 2006.

Nous le savons maintenant le Livre noir de la psychanalyse est une tentative de rejet de l’inconscient, de l’inconscient freudien. Ce n’est pas la première ; ce ne sera pas la dernière. Il y en a eu d’autres, au temps de Lacan comme à l’époque de Freud. Cet inconscient serait-il le démon du mal, incarné dans ce mot bizarre pour mieux étendre son pouvoir pervers et sa méchanceté perfide sur le monde ? Quel est ce démon ? Quel est cet étranger ? Serait-ce le nouveau visage de la peste ? Ou plus simplement ne serait-ce pas qu’un daimôn, comme disaient les Grecs. C’est-à-dire, un génie qui parle « attachée à chaque homme et qui personnifie son destin » ?

Car, après Freud, le daimôn des Grecs s’est révélé être le génie inconscient opposé à la rationalité de la conscience et non pas la puissance du mal. Si l’histoire a transformé le daimôn en démon, le daimôn fait son retour avec la psychanalyse. C’est ce que Freud a nommé inconscient. Quelle différence entre les démons et le daimôn ? Les démons sont interchangeables, alors que le daimôn, lui, est irremplaçable. Toutefois régulièrement l’inconscient freudien est réassimilé à l’ange déchu, au diable, au mauvais message, à la puissance du mal qui doit être combattue par les tenants du bon sens et de la soi-disant bonne conscience.

Le mot daimôn vient de la racine Da, partager ; c’est la puissance qui donne en partage, principe de division qui caractérise justement l’inconscient.
 « Ne veux-tu rien savoir du destin que te fait l’inconscient ? », demande Lacan. « Mais, précise-t-il, je n’y encourage personne dont le désir ne soit pas décidé » (« Télévision », p.67).

Le comble c’est que certains ne s’intéressent à l’inconscient freudien que pour mieux le discréditer et le réduire à l’inconscient des psychologues, c’est-à-dire simplement à ce dont on n’aurait pas conscience et qui serait dénué de dynamisme et de toute autonomie. Or comment, à rejeter le daimôn, pourrions-nous être, par exemple, simplement des démocrates authentiques puisque démocrate et daimôn ont la même étymologie ?

Je vous rappelle qu’au colloque de Bonneval en 1960 Lacan faisait remarquer : « ... à cette date dans le monde, les psychanalystes ne s’appliquent qu’à rentrer dans le rang de la psychologie... notamment une fraction des psychanalystes présents » (Colloque de Bonneval, p.160). Rentrer dans le rang de la psychologie signifie rentrer dans le rang conformiste du conscient et de sa pensée unique, de son livre unique, au détriment du génie inspirateur de l’inconscient. C’est s’enliser dans les marécages des thérapies cognitivo-comportementalistes, sans en avoir la rigueur.

Nous pouvons appeler ce rejet historiquement récurrent de l’inconscient « la tentation platonicienne ». Platon, on s’en souvient, est ce philosophe qui voulait exclure les poètes de sa société idéale, les poètes et les artistes. Selon lui, seule la sphère de l’intelligible, c’est-à-dire celle du conscient, possède le monopole et la totalité des vertus. Platon est le philosophe du conscient et l’ennemi objectif de l’inconscient. Or l’inconscient c’est la vie. Pas étonnant qu’on lise dans le Phédon : « les philosophes authentiquement philosophes sont avides de mourir ». Dans le monde des idées pures c’est toujours la vie qui est rejetée. Mais, comme d’aucun peut facilement le constater, avec tous les cyniques de l’Antiquité, le concept de chien n’a jamais aboyé. Il ne mord pas. Il n’existe pas. Platon a détourné la dialectique au profit du monologue conscient.

Le mot dialectique, est composé de deux termes : logos, parole, et dia, à travers ; à travers la parole. Dialectique signifie qu’à travers la parole il y a toujours un autre discours. Le mot dialectique si on prenait son sens au sérieux prouverait à lui seul l’origine grecque de la psychanalyse.

Le philosophe Michel Onfray souligne avec une pertinente acuité dans sa « contre-histoire de la philosophie » que « l’historiographie dominante dans l’Occident libéral est encore et toujours platonicienne... dans cette ambiance, souligne-t-il, la pensée majeure du sophiste Antiphon - l’inventeur de la psychanalyse - est passée sous silence ».

Malgré la physique moderne, malgré Freud et Lacan, nous sommes toujours enfermés dans la sphère parménidéenne, dans la coquille d’œuf de la conscience.

« Le système du monde jusqu’ici a toujours été sphéroïdal, on pourrait peut-être le changer ! » proposait Lacan (L. « de l’Une bévue », p.21).

Ne voulez-vous pas respirer ?

Rappelons donc, encore une fois, ce qu’est la psychanalyse à l’heure même où elle est minimisée, caricaturée, négligée, refoulée par le Livre noir et quelques autres fantômes coquillards néoplatoniciens :

La psychanalyse est l’art d’échapper à la violence, aux caprices, à la dépression, à la neurasthénie, à l’affliction.

C’est - nous l’affirmons ici et pour faire court - la retrouvaille ou la reconstitution exacte du traité perdu il y a quelque 2400 ans du sophiste Antiphon de Corinthe intitulé : « L’art d’échapper à la dépression ».

Sur les agora, Antiphon portait à la connaissance publique cette annonce définissant exactement la méthode psychanalytique :
 « On peut guérir par la parole et l’interprétation de rêves ».

Nous remarquerons qu’Antiphon ne dit pas guérir par l’éthique ou la morale, c’est-à-dire par le comportement, par quelque TCC (thérapie-cognitivo-comportementale) comme le feraient certains philosophes ou psychiatres d’aujourd’hui, mais par la parole, laquelle possède inévitablement plusieurs dimensions. C’est qu’on arrive à d’étonnants résultats seulement en faisant bouger, en faisant chaoter les mots et les lettres. Les réalités comme les rêves ne résistent pas à l’interprétation libre.

1) interprétation des refoulements, 2) des transferts, 3) des répétitions, 4) des culpabilités et des coupabilités, c’est le même mot, ainsi que 5) l’interprétation de soi-disant bénéfices.

Plutarque nous rapporte qu’Antiphon « écrivit aussi un discours contre Hippocrate le médecin, qu’il fit condamner par défaut ». Antiphon savait, en excellent sophiste, retourner en tous sens tous les arguments vraisemblables ou non. Si l’on peut résumer la psychanalyse moderne à trois fonctions elles sont principalement celles-ci : les résistances, les cinq résistances définies par Freud, les pulsions et leur cinq destins et l’interprétation libre. Antiphon, qui fut avocat, connaissait, à fond l’art des interprétations de l’intelligible.

Si Freud ne cite pas Antiphon c’est parce qu’il ne le connaissait pas. Il y avait à son époque un rejet culturel inimaginable contre les sophistes. Nous savons pourtant que Freud tenait en haute estime Artémidore d’Ephèse (2ème siècle ap. J.-C.) pour son « Interprétation des Rêves ». Cependant cet ouvrage, qui date du deuxième siècle de notre ère, ne mentionne pas le nom d’Antiphon. Les sophistes, ces philosophes qui prétendent que le monde se réduit au langage, n’étaient déjà pas spécialement à l’honneur.

En tout cas, la psychanalyse, qui soigne par le langage, a pour effet de rendre plus fort, plus rentable, plus efficace. Elle engage l’analysant à se réapproprier son autonomie et développer sa responsabilité.

La psychanalyse conduit à une subjectivité heureuse même dans les situations où dominent les négativités les plus dépressives. La psychanalyse est l’art de rendre la vie heureuse. À ceux qui disent que la vie est un mal elle répond à la manière de Diogène le cynique : Ce n’est pas la vie qui est le mal, c’est simplement que vous vivez mal. L’analyse consiste à distinguer les plaisirs qui aliènent de ceux qui libèrent. Son éthique est grecque. C’est peut-on dire l’eudémonisme, « ce qui concerne le bonheur ». Le mot eudémonisme est composé de heureux (hédoné), et de daimôn la voix de l’inconscient.

Socrate écoutait son daimôn, c’est-à-dire la voix de son inconscient :
 « Comme vous me l’avez maintes fois, et en maints endroits entendu dire, dit Socrate, se manifeste à moi quelque chose de divin. Les débuts en remontent à mon enfance. C’est une voix qui lorsqu’elle se fait entendre me détourne toujours de ce que je vais faire et qui jamais ne me pousse à l’action ». C’est ce que nous rapporte Platon. Mais, chez Xénéphon, Socrate dit justement le contraire : « C’est une voix qui se fait entendre pour m’indiquer ce que je dois faire » (Les Mémorables).

Le daimôn est donc le conseiller secret de nos pensées et de nos actes comme l’est l’inconscient. C’est l’inconscient qui prend les bonnes décisions. La psychanalyse a pour objet de nous réconcilier avec le langage de notre propre daimôn.

« Ne veux-tu rien savoir du destin que te fait l’inconscient, demande Lacan. Mais, précise-t-il, je n’y encourage personne dont le désir n’est pas décidé » (Télévision, p.67).

Pour entreprendre une analyse il faut donc en avoir le désir. À partir de là qui peut le plus peut le moins. C’est que l’inconscient est un langage, mais ce n’est ni le langage savant ni le langage ordinaire. L’inconscient pourrait-on dire est le langage qui dynamise toutes les langues. C’est le langage qui utilise le vide. Paraphrasant Démocrite je dirais que l’univers n’est fait que de vide et de signifiants, de vide et de mots. Le signifiant, par lui-même ne signifie rien, il ne représente quelque chose que par un autre signifiant et pour un autre signifiant. Ici, aucune essence ni aucune chose ne hantent le monde puisqu’il n’existe que des signifiants en mouvements qui forment ce langage tiers permettant de métamorphoser le sens des mots et des choses. Grâce à lui nous avons la capacité d’agir sur toutes représentations ou phénomènes pour en infléchir le cours. En fait, tout le monde utilise ce langage ne serait-ce qu’en riant. Le rire est le propre de l’inconscient. Le changement ne passe que par lui ou plutôt il est le changement lui-même. Sa fonction est de créer la jouissance. Cependant, il sécrète aussi de la souffrance et toutes sortes de toxines quand il est refoulé systématiquement au nom de la raison.

Ce sont les excès de la raison qui établissent la folie

Pour paraphraser Esope, ce langage est la meilleure des choses, mais il peut devenir la pire quand on le refoule. Et cependant nul ne peut éviter son usage. Le bon usage de l’inconscient qui consiste à soulager la souffrance - on peut le limiter à cela - est une méthode mise au point par Freud et par Lacan sous le nom grec de psychanalyse. Mais son usage remonte à l’antiquité la plus lointaine comme nous l’avons vu avec Antiphon. Ce sont les Grecs qui ont inventé les voyelles et l’alphabet qui a permis à toutes les langues de pouvoir s’écrire. Ce qui démontre leur sens authentique de l’Autre. Si l’on relit les Grecs à la lumière de Freud et de Lacan, nous verrons que ce sont eux, les Grecs, qui ont inventé la psychanalyse qui permet de traverser les fantasmes du même. C’est elle qui permet d’aimer ce qu’il advient et de ne plus se perdre ni dans le passé ni dans le futur, ou de se s’aliéner à des addictions de plaisirs quand leur satisfaction entraîne plus de désagréments que de satisfactions.

L’hypothèse de la psychanalyse est que tout est langage. L’inconscient est un langage qui parle à rebours dans les autres langages. Il paraît que Saussure disait à la fin de sa vie que les anagrammes révélaient le véritable sens des mots. Notons que le linguiste pouvait s’exercer à des anagrammes dans la vingtaine de langues mortes et vivantes qu’il pratiquait. En tout cas on peut dire qu’il valorisait à sa façon la méthode freudienne de « l’association libre » qui caractérise la psychanalyse. Diogène est pour nous un parfait exemple. Il pratiquait la parrhèsia, le franc parler, la liberté de langage, « le tout dire » freudien. Tout cela n’étant fait que dans une perspective thérapeutique, même quand il traversait la place du marché en traînant derrière lui un hareng ou un pot de lentille. Quand ils voyaient approcher Diogène les gens s’écartaient prudemment tant il est peu agréable de s’entendre dire la vérité sous formes de persiflages. On évitait Diogène comme on évite l’inconscient.

Comment considérer que tout est langage ? Il suffit de remarquer que toute affirmation, soit, par exemple, que les idées sont éternelles, que la matière est éphémère ou au contraire que la matière est éternelle et que les idées sont éphémères, ou que la matière comme les idées sont éternelles ou qu’elles sont éphémères l’une et l’autre selon le point de vue. De toute façon on ne pourra faire l’économie du langage. Toute réalité est soumise à la parole. Comme disait Gorgias et tous les sophistes qui réduisaient l’univers au discours : « les savants et les ignorants se servent des mêmes mots et leur donnent, selon les circonstances des significations contraires ».
 « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit », résume Lacan.

Les physiciens réduisent l’homme à un brouillard éphémère de particules. Mais plus profondément, et puisque particule n’est qu’un mot, l’homme est un chaos de mots et de lettres, de sens et de contre sens, un alphabet dans le désordre, pareil à un livre ou une liberté toujours inédite.

C’est le devenir que rien n’arrête, qui devient, qui divise, qui devise, qui parle et qui dit. Dans cette perspective du devenir nous remarquerons que la mort est au service de la vie. Il faut bien que les choses cessent d’être ce qu’elles sont (c’est-à-dire mourir) pour devenir ce qu’elles ne sont pas (à savoir la vie qui change). La cause de la souffrance est dans ce langage et ce langage peut nous délivrer de la souffrance. Ce langage, ou inconscient, pratique l’oxymoron, cette formule de rhétorique qui consiste à allier des mots contradictoires pour produire des figures de style. Ce langage se moque des principes de la logique formelle. Ce langage permet de nous désidentifier de ce qui nous fait inconsciemment souffrir pour nous identifier à ce qui nous réussit, pour trouver enfin comment se faire heureux.

« Tuer son père et épouser sa mère » ne se réfère pas à la réalité consciente mais à l’inconscient. Il n’y a ni mère ni père dans l’inconscient. Ce sont des mots. La mère c’est le mot, le père c’est le sens. Le mot c’est la matière, c’est la mère, « l’âme à tiers », comme dit Lacan, c’est-à-dire l’accès à une logique ternaire et non plus binaire.

Rébus

L’inconscient est un langage, pourrait-on dire avec Héraclite, un langage qui « aime à se cacher ». Comme les rêves, et les oracles des pythies, il affectionne le rébus.

Le mot rébus vient de l’expression latine Rébus quae geruntur c’est-à-dire « au sujet des choses qui changent ». Pour Rabelais il s’agissait de mots pris dans un sens qui ne leur est pas naturel. Le mot rébus se réfère à bévue selon les linguistes. On se souvient de la traduction de Lacan de l’Unbewusst, l’inconscient en allemand, par le jeu de mots « l’une bévue » : « L’inconscient, ça n’a rien à faire avec l’inconscience. Alors pourquoi ne pas le traduire tout tranquillement par une bévue ? » (séminaire XXIV), proposait-il. Le français rébus serait, nous disent les linguistes, une forme volontairement équivoque de « rebours », c’est-à-dire contre-pied, contraire de ce qui devrait être. Exemple de rébus : « G, grand, a petit », qu’on peut interpréter par « j’ai grand appétit ».

C’est que « l’articulation homophonique d’une représentation en permet la perte au profit d’une ou plusieurs autres : ainsi réalise-t-elle le passage de l’univocité visuelle à l’équivocité phonématique où s’articule le signifiant », explique Lacan. Les représentations de choses se réduisent en fin de compte à des représentations de mots.

Avec le langage inconscient nous pouvons quitter sans dommage le matérialisme et l’idéalisme. Nous cessons d’être manipuler par eux. Bien au contraire nous pouvons en faire alors le meilleur usage, c’est-à-dire exploiter une morale de la joie et du « plus de jouir ».

Pulsions et destin des pulsions selon Freud figurent le destin des mots :
1) Un mot peut refouler tous les autres ou être refoulé par tous les autres.
2) Il peut être actif ou passif.
3) Il peut englober ou refuser tous les autres en se retournant sur lui même.
4) Il peut se renverser en son contraire.
5) Il peut se sublimer dans le devenir.

Le langage inconscient possède ses propres refoulements, ses propres transferts, ses propres répétitions, ses propres culpabilités, ses propres bénéfices, que Freud recouvre du terme de résistances et que l’analyse permet de vaincre jusqu’à ce qu’elles nous soient satisfaisantes. La psychanalyse est en quelque sorte une morale d’artiste. (Si vous avez des questions...)

L’inconscient, nous dit Freud, s’exprime par condensation et déplacement. Et comme il est langage Lacan a montré que la métaphore correspond à la condensation et la métonymie au déplacement. Bref, le langage de l’inconscient est bien la capacité de changer le sens des mots et des choses.

Zeus parle

Avec Onomacrite, poète athénien du 6ème siècle av. J.-C., la mythologie nous rapporte que Zeus envoya son père (Cronos) au enfers. Puis fit un enfant à sa mère (Rhéa). Lui aussi, le souverain suprême des dieux et des hommes, a fait comme Œdipe. Mais qu’est-ce que cela signifie sinon que la vie (Zeus), la vie du langage, consiste à changer de sens (tuer son père) pour mieux définir les mots (épouser sa mère, la matière, « l’âme à tiers ») ?

Contre la sagesse excessive

Nous avons vu la dernière fois les douze étapes du mythe d’Œdipe. Elles notent des situations humaines que nous pouvons reconnaître partout, dans la littérature, le cinéma, l’histoire et notamment dans l’histoire de notre propre vie.

Dans La naissance de la Tragédie Nietzsche, remarque que « c’est à cause de sa sagesse excessive qui lui fit deviner l’énigme du sphinx qu’Œdipe fut précipité dans un tourbillon affolant de crimes ». Ajoutons aussi la quatrième étape de l’Œdipe où celui-ci refuse - là aussi par sagesse excessive - le destin qui lui est annoncé.

Je voudrai vous montrer ce soir qu’on peut retrouver toutes les étapes de l’Œdipe dans l’histoire de Jésus Christ qui domine notre culture.

Comparaison entre le mythe d’Œdipe et celui de Jésus Christ.

1) Première étape : L’abandon - Œdipe est abandonné dans la forêt comme Jésus qui naît dans une étable.

2) Deuxième étape : L’aide - Le roi de Corinthe adopte Œdipe. Les rois mages apportent des présents à Jésus et des anges le protègent.

3) Troisième étape : Le doute - Œdipe doute de sa naissance. Jésus aussi : Est-il simplement le fils du charpentier Joseph ?

4) Quatrième étape : Le refus du destin - Œdipe refoule le destin qui lui est annoncé par la Pythie. Jésus aussi : il ne sera pas, il ne peut pas être charpentier.

5) Cinquième étape : Le changement de sens (ou meurtre du père) - Œdipe tue son père (Nous avons vu que « tuer son père », dans l’inconscient, qui n’est que langage, signifie changer de sens). Jésus se dira fils de Dieu. Ce qui est un changement extrême de sens.

6) Sixième étape : L’interrogation - Œdipe répond au sphinx. Jésus répond à toutes les questions des rabbins.

7) Septième étape : L’identification à un nom (ou épouser sa mère) - Œdipe épouse sa mère (Dans l’inconscient, qui n’est que langage, « épouser sa mère » signifie se faire un nom. Jésus devient célèbre.

8) Huitième étape : Le code ou savoir faire - Œdipe fait quatre enfants à sa mère (dans l’inconscient, qui n’est que langage, faire quatre enfants, c’est trouver son discours, son code, son savoir faire. Tous les gens célèbres ont leur propre code. Quatre est le chiffre minimum de tout langage comme le code ACGT de l’ADN. Jésus enseigne selon son code, rapporté précisément par les quatre évangiles. « Quatre ne donne accès que d’être puissance », dit Lacan dans Télévision (p. 43).

9) Neuvième étape : La situation d’épouvante - La peste tombe sur Thèbes. Les rabbins font un procès à Jésus.

10) Dixième étape : La culpabilité - Œdipe découvre qu’il est coupable. Jésus prend sur lui tous les péchés du monde.

11) Onzième étape : La mort - Œdipe meurt à Colone. Jésus sur la croix.

12) Douzième étape : La prospérité - Selon l’oracle le lieu où meurt Œdipe connaîtra la prospérité. Ce qui fut démontré par la prospérité d’Athènes dans tous les domaines. Selon ce que rapporte les évangiles Jésus est ressuscité. Conséquence : le succès de la religion chrétienne.

Sans les Grecs il n’y aurait donc pas eu de christianisme et sans doute il n’y aurait pas eu Freud.

Freud nous dit que : « Chaque nouvel arrivant dans le monde est mis en devoir de venir à bout de son Œdipe. » Ce qui veut dire que tant que nous n’approfondissons pas dans notre vie individuelle, l’histoire d’Œdipe, nous aurons beaucoup de mal à savoir nous rendre heureux.

Nous pouvons donc utiliser les douze étapes de l’histoire oedipienne que je vous ai présentées pour comprendre et nous libérer des désirs qui causent notre souffrance.
 Dans quelle « crèche » suis-je né ?
 Dans quelle famille ai-je connu mes premières détresses ?
 Qui m’a aidé dans la vie ?
 Quels sont mes doutes essentiels ?
 Quels destins ai-je refusés ?
 Combien de fois ai-je véritablement changé de sens ?
 Quels furent mes examens, mes grandes interrogations ?
 Quelle est ma situation véritable ?
 Qu’est-ce que je sais faire ?
 Quelles sont les moments d’épouvantes que j’ai traversés ?
 De quoi suis-je vraiment coupable ?
 Combien de fois ai-connu la mort ? Qui sont mes meurtriers ? « L’angoisse de mort, comme le fait remarquer Freud, est issue de la culpabilité » (étape 10). Remarquons que lorsqu’on accepte l’idée qu’on est déjà mort, on n’a plus peur de rien, ce qui est assez avantageux dans les bagarres pour la vie. Dans le devenir la mort est au service de la vie (12ème étape).
 Quelle est pour moi le sens de la prospérité, de la joie, du bonheur et de l’action ?

Ces douze questions ne constituent pas un interrogatoire psychologique mais bien douze portes pour entrer dans la dimension de l’inconscient, pour connaître notre Réel, notre Imaginaire et notre Symbolique inconscients.
 « Je reconnais tout, disait Villon, l’âne du cheval etc. je reconnais tout sauf moi-même ». Le ça est bon c’est le Surmoi qui le déforme.

Narcissisme

Nous avons vu aussi la dernière fois le Narcissisme secondaire, qui correspond au Surmoi, à l’esprit, le narcissisme primaire qui correspond au moi, au corps et le narcissisme anobjectal qui correspond au ça. Sur le Borroméen, il s’agit du Réel (ça, anobjectal) du Symbolique (Surmoi, ou langage) et de l’Imaginaire (moi ou corps).

Voici un texte indien illustrant le Narcissisme secondaire qui dissimule le narcissisme primaire. Ce que Céline résumait en une formule célèbre :
 « N’importe quel trou du cul se voit en Jupiter dans la glace ».

Voici ce que dit cet Upanisad :

« En vérité, ce n’est pas pour l’amour de son mari qu’on chérit un mari ; mais c’est pour l’amour de soi qu’on chéri un mari. Ce n’est pas pour l’amour de sa femme qu’on chérit une femme ; mais c’est pour l’amour de soi qu’on chérit une femme. Ce n’est pas pour l’amour de ses fils qu’on chérit ses fils ; c’est pour l’amour de soi qu’on chérit ses fils. Ce n’est pas pour l’amour des richesse qu’on chérit les richesses ; c’est pour l’amour de soi qu’on chérit les richesses. Ce n’est pas pour l’amour de Brahmâ qu’on chérit Brahmâ ; c’est pour l’amour de soi qu’on chérit Brahmâ » (Aranyaka Upanisad).

Ainsi, sous le narcissisme secondaire, ce cache le narcissisme primaire. Et sous le narcissisme primaire nous trouvons le narcissisme anobjectal. C’est un investissement pulsionnel qui ne se fixe sur aucune image ni sur aucun mot. Un narcissisme du devenir. Il permet de sortir des narcissismes réprouvés, des narcissismes statiques, des narcissismes de mort. Il est possible de se rendre sans forme, anobjectal, de perdre toute forme pour devenir n’importe laquelle qui nous conviendrait et nous ferait heureux. Il faut savoir, comme Ulysse avec le Cyclope, dire qu’on est personne. C’est par là que le sujet advient à lui-même, plus vivant que jamais comme Ulysse. Les métamorphoses que permet le langage forment la puissance de la vie. Il convient de savoir ne s’arrêter nulle part. Le narcissisme anobjectal, que nous appelons dionysiaque, est l’investissement des pulsions nécessaires à la vie subjective, nous dit Freud. C’est une donnée non pas pathologique, cette fois, mais essentielle à la dynamique de l’inconscient. C’est revenir où nous étions avant nous-mêmes. C’est retrouver le visage que nous avions avant notre naissance.

Le narcissisme anobjectal rend heureux. Le bonheur est affaire de subjectivité. Le sujet de l’inconscient est non seulement heureux mais il devient de plus en plus heureux. Il correspond à la douzième étape de l’Œdipe. Il permet d’être heureux dans les moments d’abandon comme la première étape de l’Œdipe, ou dans les moments de doute comme l’étape trois, ou par gros temps comme l’étape neuf quand « la peste tombe sur Thèbes » ou dans les moments de culpabilité mortelle comme l’étape dix et onze.

Voici un poème du Moyen-Age allemand qui illustre le narcissisme anobjectal :

« Je viens je ne sais d’où,
Je suis je ne sais qui,
Je meurs je ne sais quand,
Je vais je ne sais où,
Et je m’étonne d’être
toujours aussi joyeux » (Poème de Martinus von Biberach, Moyen Age).

Ce qui soutend qu’il n’y a pas d’origine. L’origine est sans origine autre que le langage. Nous n’avons ni père ni mère, ni aucune descendance, nous sommes seulement libres et responsable que de ce que nous disons. « Il n’est éthique que du Bien-dire », affirme Lacan (Télévision, p. 39). Il n’y a d’éthique que du bien dire de l’inconscient, du bien dire de notre daimôn. L’inconscient est la condition de toutes les langues.

« Ce sont les Grecs qui ont inventé la psychanalyse »

La psychanalyse est une invention grecque. Qui dit ça ? C’est Freud, c’est Lacan, et de nos jours c’est le philosophe Michel Onfray.

Michel Onfray, est ce jeune savant qui travaille à « La contre histoire de la philosophie », l’œuvre sans doute la plus salutaire de notre temps. C’est grâce à Freud que nous pouvons soutenir que la psychanalyse est une invention des Grecs et le démontrer, nous psychanalystes du XXIème siècle.

La psychanalyse parle grec puisque le mot est composé de deux termes helléniques prestigieux : analusis, libération et psyché, la parole (le souffle vital). La cure par la parole et par l’interprétation des rêves était déjà pratiquée par les Grecs cinq siècles avant notre ère, comme, par exemple, à Amphiaraion, à la frontière de Thèbes, ce qu’a révélé l’archéologie. Le patient ne disait pas j’ai rêvé mais « j’ai vu en rêve » et à partir de l’interprétation du rêve et de séries de rêves, le médecin orientait son traitement. Toute la littérature grecque, depuis Homère, nous confronte au récit des rêves. Leur interprétation tenait compte des particularités personnelles du rêveur.

L’inconscient n’est pas un métalangage au sens où méta signifie ce qui vient après, comme dans le mot métaphysique, qui veut dire ce qui vient après la physique. Ce qui impliquerait qu’il y a d’abord la physique, d’abord les choses et puis seulement après la parole. Non, il importe de sortir de cette coquille narcissique, de cette Bastille, de cette grotte platonicienne, pourrait-on dire, pour atteindre le logos inconscient.

Dans la perspective que permet ce langage, l’inconscient selon Freud et Lacan, nous pouvons revisiter la mythologie grecque ainsi que les textes de certains philosophes antiques considérés comme marginaux par les livres de la pensée conformiste. Cela nous permettra de comprendre plus profondément les concepts de la psychanalyse et de savoir les utiliser plus habilement.

Mythologie

Freud a privilégié la mythologie grecque parce qu’elle est la moins religieuse de toutes. En fait c’est une athéologie. Déjà à son époque on avait découvert que les dieux et les déesses grecs n’étaient que des figurations de mots désignant les pulsions humaines (Max Müller, Michel Bréal). Les personnages de la mythologie figurent des sensations, des sentiments, des pulsions à proprement humaines. Non pas qui caractérisent la vie consciente des humains, mais bien leur vie inconsciente. Ces dieux de la mythologie ne son pas ce qu’on nous a fait croire des dieux, c’est-à-dire des êtres personnels et inacessibles. Il n’y a pas à en avoir peur. Ils n’existent pas. Ils ne relèvent pas des monothéistes. Nous sommes avec les Grecs dans une psychamythologie, dans une mythologie des pulsions de l’inconscient. « La théorie des pulsions est notre mythologie », explique Freud. Et il en va de la mythologie comme de la pensée de Freud. C’est-à-dire, comme l’explique Lacan, « un refus de tout système... une pensée en mouvement... la plus perpétuellement ouverte à la révision » (Séminaire I).

Théos, en grec, exprime l’idée d’émergence, d’apparition que l’on retrouve dans les mots, théorie, théâtre, théâtralité, « coup de théâtre ».

Les rêves, nous dit Freud, sont des rébus, il ont un contenu manifeste et un contenu latent. C’est de cette façon qu’il convient aujourd’hui d’aborder la mythologie grecque. C’est ce que faisaient les Grecs de l’Antiquité qui, comme nous dit Heidegger, « ne croyaient pas à leurs dieux ».

Quand Freud, dans un entretien avec Charles Baudouin, dit qu’il a deux dieux, c’est évidemment dans le sens de théorie. Nous remarquerons qu’il ne dit pas je n’ai qu’un dieu. « J’ai deux dieux, affirme Freud : Logos et Ananké ». Logos c’est le langage et ananké ses conséquences, lesquelles peuvent provoquer les névroses que l’on sait. Il n’y a donc que le langage et son destin. « Nul ne peut se soustraire au destin du langage, c’est-à-dire à l’inconscient » (« Au delà du principe de plaisir »)

On ne pourra donc véritablement comprendre la mythologie que si l’on utilise l’inconscient et la méthode des associations libres.

Par où commencer l’abord de la Mythologie ? Par la fin, c’est-à-dire par Zeus, « le souverain suprême des dieux et des hommes », c’est-à-dire la parole. Il marque la dernière génération des dieux : les Olympiens. Z, la dernière lettre de l’alphabet français, la première lettre de Zeus, est « la lettre de la castration », fait remarquer Rolland Barthes.

Tout d’abord précisons que Zeus n’a rien à voir avec le monothéisme des Hébreux auquel certains le compare étourdiment, pas plus qu’au monothéisme d’Akénaton. En effet, Zeus a un père et une mère, des frères et des sœurs, un grand père et une grand mère. Il enverra son père aux enfers. Sa grand mère, à laquelle il doit la vie, ne le ménage pas. C’est après un combat qui durera dix ans qu’il arrive a triompher de ses difficultés et de ses résistances. C’est un modèle de vie qui demande les qualités d’endurance, d’espérance, et de courage.

Avant son mariage sacré avec Héra, Zeus a déjà l’expérience de six autres mariages. Quant à ses aventures avec des mortelles elles sont aussi innombrables que celles de Casanova.

Plutarque rapporte que Zeus lâcha deux aigles l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest pour voir quand ils se rencontreraient. Ce qui sous-entend que Zeus savait que l’espace est courbe. Avait-il rencontré Einstein ? En tout cas les deux aigles se rencontrèrent à Delphes qui fut considéré dés lors comme le centre du monde. Voilà pour le contenu manifeste de l’anecdote.
Y a-t-il comme pour un rêve un contenu latent à cette histoire que nous pourrions découvrir à l’aide de la méthode freudienne des associations libres ?

Que signifie les aigles de Zeus ? et que signifie Delphes ? Les aigles sont les valeurs les plus hautes, ils figurent le feu, la lumière, la passion. La vie (Zeus) lance ses feux passionnés (les aigles) vers l’Est, le passé, et vers l’Ouest, l’avenir qui se rencontrent dans l’insaisissable présent. Là où se confondent l’Est et l’Ouest c’est la ligne centrale et ouverte du monde. Le mot Delphes, delphus, signifie matrice, c’est-à-dire l’organe sexuel de la femme. C’est bien le centre du monde. L’homme comme la femme sont d’abord fascinés par leur mère, c’est cette fascination que la psychanalyse a appelé l’Œdipe.

Dans cette matrice de Delphes il y a l’Omphalos. Omphalos signifie « point central », « bouton », « partie bombée ou bosse », qu’est-ce que cela désigne sinon le clitoris ? Dans l’organe sexuel de la femme on trouve le clitoris le seul organe humain qui n’a pour unique fonction que la jouissance. Donc le centre du monde est delphique, c’est le sexe de la femme avec son clitoris, l’omphalos.

Voilà que nous retrouvons des éléments essentiels pour reconstruire la signification profonde du temple de Delphes. Le mot nombril signifie le centre d’une chose. La seule chose qui vaille à savoir la jouissance qu’on appelle aussi orgasme est l’épicentre vital, « la seconde qui justifie à elle seule le reste de l’univers », comme dit Nietzsche.

La science nous dit aujourd’hui que l’orgasme ne sert à rien. La thèse selon laquelle l’orgasme féminin produirait des contractions permettant l’aspiration du sperme s’est avéré fausse, comme les vingt autres théories attribuant à l’orgasme une fonction utilitaire. L’orgasme chez la femme ne produit aucune fatigue. On croyait que l’orgasme produisait chez la femme une certaine fatigue qui la poussait à rester allongée sur le dos afin que le sperme puisse être retenu pour accroître les chances de fécondation. On a constaté au contraire que les contractions orgasmiques expulsaient le sperme. De plus, on a observé que les femmes parvenaient plus facilement à l’orgasme quand elles chevauchaient leur partenaire, or justement, dans cette position, la gravité n’est pas en faveur de la fécondation. De plus les femmes parviennent en général plus rapidement à l’orgasme en se masturbant qu’au cours du rapport coïtal. Bref, comme la vie, comme l’inconscient, l’orgasme n’a d’autre but que lui-même. (Dr Elisabeth Lloyd de l’Institut Kinsey : « The case of female orgasm »). C’est quand on est sans but qu’on est capable de devenir ce que l’on veut, comme lorsqu’on a les mains vides qu’on peut saisir les choses.

Castration

La première chose que fait Apollon en arrivant à Delphes c’est de tuer le serpent Python. Le serpent python symbolise l’imaginaire phallique qu’Apollon transforme en signifiant. Le signifiant du désir se confond, à partir de cet acte, avec la loi séparatrice de la castration. Parce que c’est un signifiant personne n’a le phallus ou tout le monde l’a. Comme dit Lacan : « la femme n’est pas sans l’avoir », ou encore : « Les femmes sont plus hommes que l’homme » (« L’une bévue », p. 123).

La castration et donc cette opération symbolique qui détermine la structure subjective. Celui qui est passé par la castration est normé en vue de l’acte sexuel. C’est parce qu’il n’y a que du langage que l’être humain doit d’abord être castré pour parvenir à la maturité génitale. L’assomption de la castration crée le désir, « un désir, enseigne Lacan, qui cesse enfin d’être soumis à l’idéal paternel ».

Voilà ce que met en acte Apollon, Apollon sonore, comme dit Dumézil, en tuant le serpent Python et en instituant les jeux pythiques du théâtre, de la poésie et de la danse, en donnant aux femmes, nommées Pythies le pouvoir d’exprimer le langage de l’inconscient sous forme d’oracles.

C’est Phémonoé, fille d’Apollon, qui fut la première Pythie. On lui doit d’avoir inventé le vers hexamètre et la fameuse maxime qui figurait au fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même ». Le gnosis seauton, le « connais-toi toi-même » dont Socrate fit la devise de la philosophie ne signifie pas « connais-toi toi même » dans le conscient, ce qui n’avancerait pas à grand chose, mais « connais-toi toi-même » dans l’inconscient. Car il y a dans l’inconscient un autre que toi-même, qui nous dit Freud mène une vie indépendante. Le connais-toi toi-même a été détourné et vidé de toutes créativité par les philosophes idéalistes.

Le temple d’Apollon dont il ne reste que des ruines était fait de quadrangles, de triangles, de ronds et d’hémisphères, c’est-à-dire des quatre formes représentant les quatre éléments : quadrangles, la terre (la solidité de la matière), les ronds, l’eau, les hémisphères ou croissants, l’air, et les triangles, le feu. Ces quatre formes sont issue du sexe féminin : triangle du clitoris, croissants des grands lèvres, carré des petites lèvres et rond, l’orifice vaginal.

La fente du Dauphin

Certes, le mot Delphes se réfère aussi à dauphin. Depuis la plus haute antiquité les Hellènes ont vénéré cet animal qui fut terrestre avant d’être marin. Eros lui-même, disait-on, chevauche un dauphin quand il voyage. Mais ce qui est remarquable chez le dauphin c’est que ses organes génitaux sont des fentes dites génitales. Mâle et femelle chez les dauphins possèdent une fente génitale entre le nombril et l’anus. C’est comme si cette fente était un euphémique hommage au sexe féminin.

Cependant Apollon est le dieu de la mesure. Son adage « rien de trop », doit être compris comme une limitation aux excès de la sagesse.

Si vous avez des questions...

Le Chaos est heureux

Quand Anaxagore (qui fut un des Maître de Socrate) nous dit : « Au commencement est le chaos puis vient l’intelligence qui débrouille tout... », il importe de ne pas confondre « début » et « commencement ». Le début est quelque chose qui est dépassé par ce qui le suit. On peut oublier le début. Le commencement, au contraire, accompagne les choses jusqu’à leur fin.

C’est-à-dire que le chaos est toujours là. C’est comme si nous disions au commencement il y a l’inconscient puis vient le conscient qui débrouille tout, et on n’aurait plus rien à faire de l’inconscient qu’on pourrait oublier.

L’inconscient comme le chaos est toujours là. C’est par lui qu’on peut débrouiller les impasses où se heurte la raison. Le chaos est heureux et son langage produit toujours de plus grandes joies.

« Les dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes », nous dit Hésiode dans Les travaux et les jours. Qu’est-ce donc qu’ils ont caché et qui nous fait vivre, sinon le langage inconscient ? « Parfois on se demande pourquoi on vit, dit Nietzsche, et pourtant on vit. » L’inconscient est ce qui précède et fait vivre le conscient et c’est ce que les dieux ont caché.

Donc il n’y a ni mère ni père dans l’inconscient. Il n’y a pas non plus de fils où de fille qui les auraient produits ; puisque père et mère sont des titres qui ne sont engendrés que par leurs enfants.

« D’abord fut chaos », nous dit Hésiode. Le chaos de quoi ? Le chaos du langage. Le langage est le gage du temps. « Gage » désigne le jeu et « l’an » c’est le temps. Le jeu du temps : voilà le langage. C’est kasma « la bouche béante ».

« La parole est l’abîme », enseigne Heidegger. Et l’abîme est parole. L’abîme se dit Chaos en grec. Le mot parle lui-même. Il est formé par X, khi, notre x, qui figure un carrefour et se termine par os, qui en latin désigne la bouche, la voix, et la prononciation. Chaos est le carrefour abyssal du langage. C’est l’abîme sans fond ni rien de sacré. Il peut être, comme toute parole, être passif ou actif, il peut refouler ou être refoulé, s’inverser en son contraire, se retourner sur lui-même ou se sublimer.

La mythologie est un langage. Le mot mythologie est composé de muthos, parole et de logos qui signifie aussi parole. C’est la parole dans la parole. À travers la parole il y a toujours une autre parole qui parle. Comme dit Lacan : « C’est ce qu’on appelle précisément la dialectique » (Séminaire I)

Tout commence par trois

Hésiode nous apprend que Gaïa, Eros et Nix sortent tous trois ensemble du Chaos. Tout commence par trois dans la mythologie, c’est-à-dire dans l’inconscient. Trois est le chiffre de la puissance et de la dynamique, position et vitesse, quand on a l’une on manque l’autre. La parole est triple : elle est présente, elle vient du passé et produit l’avenir. Même les mots terre et matière viennent de ter, « trois fois ». Tout commence à trois. Le poète et historien Ion de Chio, en 484 av. notre ère nous dit :
« Le commencement de mon discours est que : toutes choses sont trois ». Il parle donc du devenir du discours inconscient.

Arrivent donc ensemble la Terre, la matière, Eros, le désir, et Nix la Nuit pareils à l’intelligible sortant du Chaos, comme nous disait Anaxagore. Un point c’est un nœud formé de trois croisements. Et un nœud c’est ce qui est consistant. C’est ce qui résiste. L’intelligence est le nouage de trois signifiants, la Terre, Eros et la Nuit.

Grand S et petit s

Comment lire le mathème de Lacan : grand S, le signifiant, sur petit s, le sens ? S désigne le mot, c’est-à-dire la matière c’est-à-dire la mère. Petit s désigne le sens, le Père, Eros. Quand nous changeons de sens nous tuons, en quelque sorte, notre père. La barre qui les sépare est la Nuit, c’est-à-dire nous-mêmes. La nuit que nous sommes à nous mêmes. Plus le sentiment de notre réel est intense plus il est indescriptible et obscur : Nix. Comme dit Nietzsche : « La nuit est ma solitude d’être enveloppé de lumière » (« Le Chant de la Nuit », Dithyrambes pour Dionysos).

Comment dit-on langage en grec ? Cela se dit logos. Certes, jusqu’à Freud et Lacan, le mot logos a été a été limité abusivement à la philosophie du conscient, à la philosophie de l’esprit. Mais Freud et Lacan vont libérer le logos de cet emprisonnement :
 « Il est indispensable de cesser de surestimer la conscience », dit Freud.
 « Les activité de pensées les plus compliquées et les plus parfaites peuvent se dérouler sans que la conscience y prennent part » (L’interprétation des rêves, pp. 504-520).
 La voie ouverte par Freud, dit Lacan, n’a pas d’autre sens que celui que je reprends : l’inconscient est langage, ce qui est maintenant acquis... » (Écrits, p. 866).

Le langage ça se dit Logos en grec. C’est même très précisément, pareil au discours de Ion de Chios, le logos d’Héraclite, le langage de l’inconscient. Je vais donc vous présenter un autre psychanalyste : Héraclite d’Ephèse qui a précédé Antiphon de Corinthe.

Héraclite est né a Ephèse, colonie grecque d’Asie Mineure en 576. Il est mort en 480 à 96 ans. Antiphon est né justement l’année de sa mort. L’œuvre d’Héraclite a été détruit par Erostrate dans l’incendie du temple d’Artémis (Artémis est la sœur jumelle d’Apollon). Il ne nous reste de l’enseignements d’Héraclite que 140 fragments qui nous sont parvenus à travers les textes des philosophes et des historiens qui l’ont cité.

Héraclite est-il un philosophe ? Non si l’on considère que les philosophes (les platoniciens) ne s’occupent que de la raison, que de l’esprit. Héraclite est bien plutôt un psychanalyste. En tout cas son logos est celui de l’inconscient. Nous en voulons pour preuve ce qu’il en dit lui-même.

Voici son premier et plus long fragment que l’on trouve dans l’ouvrage de Sextus Empiricus « Contre les mathématiciens » (VII, 132, p. 32) :

« Le logos que je dis, (dès ces premiers mots nous voyons qu’il ne s’agit pas du langage ordinaire ou savant). Le logos que je dis, le langage dont je parle, échappe continuellement à la saisie intelligible des hommes (voilà qui définit précisément, un langage étranger, qui ne relève pas de l’intelligible du conscient). Le langage que je dis échappe continuellement à la saisie intelligible des hommes aussi bien avant qu’après l’avoir entendu (C’est-à-dire qu’à peine les hommes ont-ils entendu le langage inconscient qu’ils le refoulent). Bien que les toutes choses arrivent conformément à ce langage (toutes les choses arrivent de l’inconscient), les hommes s’y montrent inexpérimentés (face au discours inconscient les hommes paraissent sans expérience), alors qu’ils ne cessent d’expérimenter des mots et des actes (les hommes qui parlent ne cessent de faire des lapsus linguae, des lapsus calami, des actes manqués et des actes involontaires, qui sont la matière même de la psychanalyste) d’expérimenter des mots et des actes que moi (Héraclite, pareil au psychanalyste) je relève en isolant chacun selon sa nature et en mettant à jour ce qu’il renferme (à savoir leur sens refoulé).

Quant aux hommes ordinaires, ce qu’ils font à l’état de veille leur échappe de la même façon qu’ils oublient ce qu’ils produisent dans leur sommeil. (Ce que font les hommes à l’état conscient leur échappe parce qu’ils refoulent l’inconscient, de la même façon qu’ils refoulent les rêves qu’ils produisent en dormant). »

Reprenons ce texte essentiel :

« Le logos que je dis échappe continuellement à la saisie intelligible des hommes, aussi bien avant qu’après l’avoir entendu. Bien que toutes les choses arrivent conformément à ce langage, les hommes s’y montrent inexpérimentés alors qu’ils ne cessent d’expérimenter des mots et des actes que moi je relève en isolant chacun selon sa nature et en mettant à jour ce qu’il renferme. Quant aux hommes ordinaires, ce qu’ils font à l’état de veille leur échappe de la même façon qu’ils oublient ce qu’ils produisent dans leur sommeil. »

Je sais que vous entendez tous ici la contemporanéité de ce texte écrit il y a de 2500 ans. Héraclite, Freud et Lacan disent la même chose : « Le langage dont nous parlons échappe à la saisie intelligible des hommes... »

C’est à peine si l’on a besoin de le paraphraser pour expliquer aux auteurs du Livre noir ce que fait le psychanalyste. Nous devons leur dire :

« L’inconscient est ce langage qui échappe continuellement à la saisie intelligible des thérapies qui se cantonnent au conscient. Les psychanalystes isolent les mots ordinaires, les lapsus linguae, les lapsus calami et les actes manqués, ils les relèvent en isolant chacun selon sa nature et en mettant à jour ce qu’ils refoulent. Quant aux thérapies cognitivistes, aux TCC, ce qu’elles font leur échappe de la même manière qu’elles oublient ce qu’elles produisent en dormant. »

Le un d’Héraclite et de Lacan

Un chez les Grecs ça s’écrit par un trait. Reste à savoir si ce trait est une fente ou une fermeture. Généralement on le considère comme une fermeture sur soi : je suis un. Le sujet peut-être barré, c’est-à-dire fermé par son fantasme. Mais on peut aussi voir le un comme une fente, une ouverture. « Tout est un », dit Héraclite, traduisons : « tout est fendu ». L’un c’est la fente. Sinon comment Héraclite pourrait-il soutenir son pantha rhei : « tout s’écoule ». S barré chez Lacan signifie le sujet est fendu, fendu par l’inconscient.

Conclusion

Le Livre noir de la psychanalyse rassemble quarante auteurs qui affirment que les TCC sont supérieures à la psychanalyse. L’Anti-livre noir de la psychanalyse, qui vient de paraître, rassemble, lui, quarante auteurs qui affirment le contraire à savoir que la psychanalyse serait supérieure aux TCC. C’est tout. En quoi et pourquoi ? Cela n’est pas dit. C’est de la vérité contre de la vérité, de l’affirmation contre de l’affirmation, du conscient contre du conscient. C’est la guerre du conscient contre lui-même. Ce n’est en rien de la psychanalyse, ou plus comiquement c’est la preuve que la plus grande partie des psychanalystes de renommées, ceux qui sont « supposés savoir » sont entrés frileusement dans le rang de la psychologie dont ils revendiquent des droits de propriété.

Le seul mérite de ce conflit est d’illustrer le nœud du fantasme de Lacan : un huit enlacé alternativement par un rond et qui peut s’inverser : le rond peut devenir le huit et le huit le rond. Supposons que le rond soit le conscient et le huit l’esprit. Tirez sur les ficelles et le huit prend la place du rond et le rond la place du huit : C’est le même nœud. On a rien changé, c’est le même nouage du conscient et de l’esprit. Il n’y a pas d’alternative.

Comme disait Lacan : « le psychanalyste a horreur de son acte. » Il a horreur de l’inconscient. Il se prend pour Platon.

C’est à constater cette situation que je propose de revenir aux sources hellénistiques de la psychanalyse : les anti-platoniciens, les cyniques, les sophistes, les cyrénaïques, les épicuriens, les hédonistes, les ioniens, etc., revisités dans la perspective de l’inconscient. Il s’agit d’une sorte de retour plus vivifiant, drôle et pratique aux enseignements de Freud et de Lacan.

Je vous rappelle encore fois et pour finir ce que disait Lacan lors à l’introduction de son premier séminaire :

« La pensée de Freud est la plus perpétuellement ouverte à la révision. C’est une erreur de la réduire à des mots usés. Chaque notion y possède sa vie propre. C’est ce qu’on appelle précisément la dialectique. »

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