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Sainte Thérèse d’Avila

Le chemin de la perfection - Chapitre III

Traduction de M. Arnauld d’Andilly

Date de mise en ligne : dimanche 10 juillet 2005

CHAPITRE 3

La sainte exhorte ses religieuses à prier continuellement Dieu pour ceux qui travaillent pour l’église. - Combien ils doivent être parfaits. - Prière de la sainte à Dieu pour eux.

Pour retourner au principal sujet qui nous a assemblées en cette maison, et pour lequel je souhaiterais que nous pussions faire quelque chose qui fut agréable à Dieu, je dis, que voyant que l’hérésie qui s’est élevée en ce siècle est comme un feu dévorant qui fait toujours de nouveaux progrès, et que le pouvoir des hommes n’est pas capable de l’arrêter, il me semble que nous devons agir comme ferait un prince, qui voyant que ses ennemis ravageraient tout son pays, et qu’il ne serait pas assez fort pour leur résister en campagne, se retirerait avec quelques troupes choisies dans une place qu’il ferait extrêmement fortifier, d’où il ferait avec ce petit nombre, des sorties sur eux, qui les incommoderaient beaucoup plus que ne pourraient faire de grandes troupes mal aguerries. Car il arrive souvent que par ce moyen on demeure victorieux : et au pis aller on ne saurait périr que par la famine, puis qu’il n’y a point de traîtres parmi ces gens-là.

Or ici, mes soeurs, la famine peut bien nous presser ; mais non pas nous contraindre de nous rendre. Elle peut bien nous faire mourir, mais non pas nous vaincre.

Or pourquoi vous dis-je ceci ? C’est pour vous faire connaître que ce que nous devons demander à Dieu est qu’il ne permette pas que dans cette place où les bons chrétiens se sont retirés, il s’en trouve qui s’aillent jeter du coté des ennemis ; mais qu’il fortifie la vertu et le courage des prédicateurs et des théologiens qui sont comme les chefs de ces troupes, et fasse que les religieux qui composent le plus grand nombre de ces soldats, s’avancent de jour en jour dans la perfection que demande une vocation si sainte. Car cela importe de tout, parce que c’est des forces ecclésiastiques et non pas des séculières que nous devons attendre notre secours.

Puisque nous sommes incapables de rendre dans cette occasion du service à notre roi, efforçons-nous au moins d’être telles que nos prières puissent aider ceux de ses serviteurs qui n’ayant pas moins de doctrine que de vertu, travaillent avec tant de courage pour son service. Que si vous me demandez pourquoi j’insiste tant sur ce sujet, et vous exhorte d’assister ceux qui sont beaucoup meilleurs que nous. - Je réponds que c’est parce que je crois que vous ne comprenez pas encore assez quelle est l’obligation que vous avez à Dieu de vous avoir conduites en un lieu où vous êtes affranchies des affaires, des engagements et des conversations du monde. Cette faveur est plus grande que vous ne le sauriez croire ; et ceux dont je vous parle sont bien éloignés d’en jouir. Il ne serait pas même à propos qu’ils en jouissent, principalement en ce temps, puisque c’est à eux de fortifier les faibles, et d’encourager les timides. Car à quoi seraient bons des soldats qui manqueraient de capitaine ? Il faut donc qu’ils vivent parmi les hommes ; qu’ils conversent avec les hommes, et qu’entrant dans les palais des grands et des rois, ils y paraissent quelquefois pour ce qui est de l’extérieur semblables aux autres hommes.

Or pensez-vous, mes filles, qu’il faille peu de vertu pour vivre dans le monde, pour traiter avec le monde, et pour s’engager dans les affaires du monde ? Pensez-vous qu’il faille peu de vertu pour converser avec le monde, et pour être en même temps dans son cœur non seulement éloigné du monde, mais aussi ennemi du monde : pour vivre sur la terre comme dans un lieu de bannissement ; et enfin pour être des anges et non pas des hommes ? Car s’ils ne sont tels ils ne méritent pas de porter le nom de capitaines ; et je prie notre seigneur de ne pas permettre qu’ils sortent de leurs cellules. Ils feraient beaucoup plus de mal que de bien, puisque ce n’est pas maintenant le temps de voir des défauts en ceux qui doivent enseigner les autres ; et que s’ils ne sont bien affermis dans la piété, et fortement persuadés combien il importe de fouler aux pieds tous les intérêts de la terre, et de se détacher de toutes les choses périssables pour s’attacher seulement aux éternelles, ils ne sauraient empêcher que l’on ne découvre leurs défauts, quelque soin qu’ils prennent de les cacher. Comme c’est avec le monde qu’ils traitent ils peuvent s’assurer qu’il ne leur pardonnera pas ; mais qu’il remarquera jusqu’à leurs moindres imperfections, sans s’arrêter à ce qu’ils auront de bon ; ni peut-être même sans le croire.

J’admire qui peut apprendre à ces personnes du monde ce que c’est que la perfection. Car ils connaissent, non pour la suivre, puisqu’ils ne s’y croient point obligés, et s’imaginent que c’est assez d’observer les simples commandements ; mais pour employer cette connaissance à examiner et à condamner jusqu’aux moindres défauts des autres. Quelquefois même ils raffinent de telle sorte qu’ils prennent pour une imperfection et pour un relâchement ce qui est en effet une vertu. Vous imaginez-vous donc que les serviteurs de Dieu n’aient pas besoin qu’il les favorise d’une assistance toute extraordinaire pour s’engager dans un si grand et si périlleux combat ?

Tachez, je vous prie, mes sœurs, de vous rendre telles que vous méritiez d’obtenir ces deux choses de sa divine majesté : la première, que parmi tant de personnes savantes et tant de religieux il s’en trouve plusieurs qui aient les conditions que j’ai dit être nécessaires pour travailler à ce grand ouvrage, et qu’il lui plaise d’en rendre capables ceux qui ne le sont pas encore assez, puisqu’un seul homme parfait rendra plus de service qu’un grand nombre d’imparfaits : la seconde, que lorsqu’ils seront engagés dans une guerre si importante, notre seigneur les soutienne par sa main toute-puissante, afin qu’ils ne succombent pas dans les périls continuels où l’on est exposé dans le monde ; mais qu’ils bouchent leurs oreilles aux chants des sirènes qui se rencontrent sur une mer si dangereuse. Que si dans l’étroite clôture où nous sommes nous pouvons par nos prières contribuer quelque chose à ce grand dessein, nous aurons aussi combattu pour Dieu, et je m’estimerai avoir très-bien employé les travaux que j’ai soufferts pour établir cette petite maison, où je prétends que l’on garde la règle de la Sainte Vierge notre reine avec la même perfection qu’elle se pratiquait au commencement.

Ne croyez pas, mes filles, qu’il soit inutile de faire sans cesse cette prière, quoi que plusieurs pensent que c’est une chose bien rude de ne prier pas beaucoup pour soi-même. Croyez-moi nulle prière n’est meilleure et plus utile. Que si vous craignez qu’elle ne serve pas à diminuer les peines que vous devez souffrir dans le purgatoire ; je vous réponds qu’elle est trop sainte pour n’y pas servir. Mais quand vous y perdriez quelque chose en votre particulier : à la bonne heure. Et que m’importe quand je demeurerais jusqu’au jour du jugement en purgatoire si je pouvais par mes oraisons être cause du salut d’une âme : et à plus forte raison si je pouvais servir à plusieurs et à la gloire de notre seigneur ?

Méprisez, mes soeurs, des peines qui ne sont que passagères lors qu’il s’agit de rendre un service beaucoup plus considérable à celui qui a tant souffert pour l’amour de nous.

Tachez à vous instruire sans cesse de ce qui est le plus parfait, puisque pour les raisons que je vous dirai ensuite j’ai à vous prier instamment de traiter toujours de ce qui regarde votre salut avec des personnes doctes et capables. Je vous conjure au nom de Dieu de lui demander qu’il nous accorde cette grâce, ainsi que je le lui demande toute misérable que je suis, parce qu’il y va de sa gloire et du bien de son église qui sont le but de tous mes désirs.

J’avoue que ce serait une grande témérité à moi de croire que je pusse contribuer quelque chose pour obtenir une telle grâce. Mais je me confie, mon Dieu, aux prières de vos servantes avec qui je suis, parce que je sais qu’elles n’ont autre dessein ni autre prétention que de vous plaire. Elles ont quitté pour l’amour de vous le peu qu’elles possédaient, et auraient voulu quitter davantage pour vous servir.

Comment pourrais-je donc croire, ô mon créateur, qu’étant aussi reconnaissant que vous êtes, vous rejetassiez leurs demandes ? Je sais que lorsque vous étiez sur la terre non seulement vous n’avez point eu de mépris pour notre sexe, mais vous avez même répandu vos faveurs sur plusieurs femmes avec une bonté admirable. Quand nous vous demanderons de l’honneur, ou de l’argent, ou du revenu, ou quelqu’une de ces autres choses que l’on recherche dans le monde : alors ne nous écoutez point. Mais pourquoi n’écouteriez-vous pas, ô père éternel, celles qui ne vous demandent que ce qui regarde la gloire de votre fils, qui mettent toute la leur à vous servir, et qui donneraient pour vous mille vies ? Je ne prétends pas néanmoins, seigneur, que vous accordiez cette grâce pour l’amour de nous : je sais que nous ne la méritons pas. Mais j’espère de l’obtenir en considération du sang et des mérites de votre fils.

Pourriez-vous bien, ô Dieu tout-puissant, oublier tant d’injures, tant d’outrages, et tant de tourments qu’il a soufferts ? Et vos entrailles paternelles toutes brûlantes d’amour, pourraient-elles bien permettre que ce que son amour a fait pour vous plaire en nous aimant comme vous le lui aviez ordonné, soit aussi méprisé qu’il l’est aujourd’hui dans le très-saint sacrement de l’eucharistie par ces malheureux hérétiques qui le chassent de chez-lui en abattant les églises où on l’adore ? Que s’il avait manqué à quelque chose de ce qui était le plus capable de vous contenter. Mais n’a-t-il pas accompli parfaitement tout ce qui pouvait vous être agréable ? Ne suffit-il pas, mon Dieu, que durant qu’il a été dans le monde il n’ait pas eu où pouvoir reposer sa tête, et qu’il ait été accablé par tant de souffrances, sans qu’on lui ravisse maintenant les maisons où il reçoit ses amis, et où connaissant leur faiblesse il les nourrit et les fortifie par cette viande toute divine pour les rendre capables de soutenir les travaux où ils se trouvent engagez pour votre service ? N’a-t-il pas suffisamment satisfait par sa mort au péché d’Adam ? Et faut-il donc que toutes les fois que nous péchons, ce très-doux et très-charitable agneau satisfasse encore pour nos offenses ? Ne le permettez pas, ô souverain monarque de l’univers : apaisez votre colère : détournez vos yeux de nos crimes : considérez le sang que votre divin fils a répandu pour nous racheter : ayez seulement égard à ses mérites, et à ceux de la glorieuse Vierge sa mère, des martyrs, et de tous les saints qui ont donné leur vie pour votre service.

Mais hélas ! Mon seigneur, qui suis-je pour oser au nom de tous vous présenter cette requête ? Ha, mes filles, qu’elle mauvaise médiatrice pour faire une telle demande pour vous, et pour l’obtenir. Ma témérité ne servira-t-elle pas plutôt d’un sujet très juste pour augmenter l’indignation de ce redoutable et souverain juge dont j’implore la clémence ? Mais seigneur puis que vous êtes un Dieu de miséricorde ayez pitié de cette pauvre pécheresse, de ce ver de terre ; et pardonnez à ma hardiesse. Ne considérez pas mes péchés : considérez plutôt mes désirs et les larmes que je répands en vous faisant cette prière. Je vous en conjure par vous-même. Ayez pitié de tant d’âmes qui se perdent : secourez, seigneur, votre église : arrêtez le cours de tant de maux qui affligent la chrétienté ; et faites luire votre lumière parmi ces ténèbres.

Je vous demande, mes sœurs, pour l’amour de Jésus-Christ et comme une chose à quoi vous êtes obligées, de prier sa divine majesté pour cette pauvre et trop hardie pécheresse qui vous parle, afin qu’il lui plaise de me donner l’humilité qui m’est nécessaire. Quant au roi et aux prélats de l’église, et particulièrement notre évêque, je ne vous les recommande point, parce que je vous vois si soigneuses de prier pour eux, que je ne crois pas qu’il en soit besoin. Mais puisqu’on peut dire que celles qui viendront après nous seront saintes si elles ont un saint évêque : comme cette grâce est si importante, demandez-la sans cesse à notre seigneur. Que si vos désirs, vos oraisons, vos disciplines, et vos jeûnes ne s’emploient pour de tels sujets, et les autres dont je vous ai parlé, sachez que vous ne tendez point à la fin pour laquelle Dieu nous a ici assemblées.

P.-S.

Texte établi par Abréactions Associations d’après la traduction de M. Arnauld d’Andilly.

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