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Théophile Gautier

Spirite (IX)

Nouvelle fantastique (1866)

Date de mise en ligne : mercredi 9 août 2006

Mots-clés :

Théophile Gautier, Spirite, Nouvelle fantastique, Éd. Charpentier, Paris, 1866.

IX

Il arrive souvent, lorsqu’au bout d’un certain temps on confronte le souvenir avec l’image, que l’imagination a travaillé comme un peintre qui poursuit un portrait en l’absence du modèle, adoucissant les méplats, fondant les teintes, estompant les contours, et ramenant malgré lui le type à son idéal particulier. Je ne vous avais pas vu depuis plus de trois ans, mais mon coeur avait gardé exactement la mémoire de vos traits ; seulement vous ressembliez moins que mon souvenir à ce que vous étiez alors. Votre physionomie avait pris de la fermeté et de l’accent, et le hâle des voyages avait donné à votre teint une couleur plus chaude et plus robuste. L’homme se dessinait davantage dans le jeune homme, et vous aviez cet air d’autorité tranquille et de force sûre d’elle-même qui plaît peut-être plus aux femmes que la beauté. Je n’en gardai pas moins précieusement au fond de mon âme ce premier dessin, ce croquis léger, mais ineffaçable, de l’être qui devait exercer tant d’influence sur moi, comme on conserve une miniature du jeune âge à côté du portrait actuel. Mes rêves ne vous avaient pas nul, et je ne fus pas obligée, en vous renvoyant, de vous dépouiller d’un manteau de perfections fantastiques.

Je songeais à tout cela, pelotonnée dans mon lit et regardant trembloter le reflet de la veilleuse sur les roses bleues du tapis, en attendant le sommeil qui ne venait pas, mais qui descendit vers le matin sur mes yeux, mêlé de songes sans suite et de vagues harmonies.

À quelques semaines de là, nous reçumes une invitation pour un grand bal que donnait la duchesse de C... C’est une importante affaire pour une jeune fille qu’un premier bal. La chose prenait pour moi d’autant plus d’intérêt qu’il était probable que vous assisteriez à cette fête, car la duchesse était fort de vos amies. Les bals sont nos batailles, perdues ou gagnées. C’est là que la jeune fille, sortie des ombres du gynécée, brille de tout son éclat. L’usage, pendant ce court espace de temps, lui donne, sous prétexte de danse, une sorte de liberté relative, et le bal est pour elle un foyer de l’Opéra où les dominos ont le visage découvert. Une invitation à un quadrille, à une mazourka, permet de l’approcher et de lui adresser quelques mots pendant les figures de la contre-danse ; mais bien souvent le petit carnet où elle inscrit les invitations qu’on lui a faites, parmi une longue liste, ne contient pas la seule qu’elle eût désirée.

Il fallut s’occuper de ma toilette ; une toilette de bal est tout un poème ; celle d’une jeune fille présente de vraies difficultés. Elle doit être simple, mais d’une simplicité riche, qualités qui s’excluent ; une robe légère, d’une entière blancheur, comme dit la romance, ne serait pas de mise. Je me décidai, après bien des hésitations, pour une robe à double jupe en gaze lamée d’argent, relevée par des bouquets de myosotis, dont le bleu s’harmonisait à merveille avec la parure de turquoises que mon père m’avait choisie chez Janisset ; des poinçons de turquoises, imitant la fleur dont ma robe était semée, formaient ma coiffure. Ainsi armée, je me crus capable de paraître sans trop de désavantage parmi les toilettes splendides et les beautés célèbres. Vraiment, pour une simple fille de la terre, j’avais assez bonne façon.

La duchesse de C... habitait un de ces vastes hôtels du faubourg Saint-Germain bâtis pour les existences grandioses d’autrefois, et que la vie moderne a peine à remplir ; il faut la foule et le luxe d’une fête pour leur rendre leur ancienne animation. Du dehors, on était loin de soupçonner l’étendue de cet hôtel quasi princier ; un haut mur resserré entre deux maisons encadrant une porte cochère monumentale, qui portait à son attique, en lettres d’or sur une tablette de marbre vert : Hôtel de C..., était tout ce qu’on voyait de la rue. Une longue allée de tilleuls centenaires taillés en arcade, à la vieille mode française, et que l’hiver avait effeuillés, conduisait à une immense cour, au fond de laquelle s’élevait l’hôtel, de pur style Louis XIV, avec ses hautes fenêtres, ses pilastres à demi engagés et ses combles à la Mansart, rappelant l’architecture de Versailles. Une marquise de coutil rose et blanc, soutenue par des hampes de bois sculpté, se projetait en avant des marches du perron, recouvertes d’un riche tapis. J’eus le temps d’examiner tous ces détails à la clarté que répandaient des ifs de lampions, car l’affluence, quoique choisie, était si nombreuse qu’il fallait prendre la fille, comme à une réception de cour. La voiture nous déposa devant le perron, et nous jetâmes nos pelisses sur le bras de notre valet de pied. Auprès de la porte vitrée, dont il ouvrait et refermait les battants, se tenait un suisse gigantesque, de l’encolure la plus authentique. Sous le vestibule, on passait entre une haie de laquais en grande livrée, poudrés à blanc, tous de haute taille, tous immobiles et d’un sérieux parfait ; on eût dit les cariatides de la domesticité. Ils semblaient sentir l’honneur d’être laquais d’une telle maison. Toute la cage de l’escalier, dans laquelle un palazzino d’aujourd’hui eût tenu à l’aise, était tapissée d’immenses camélias. À chaque palier, une grande glace permettait aux femmes de réparer, tout en montant, ces petits désordres que causent à une toilette de bal les manteaux, si légers qu’ils soient, et que trahissait la vive lumière d’un lustre qui descendait, au bout d’un câble doré, d’un plafond en coupole, où, parmi l’azur et les nuages, le pinceau de quelque élève de Lebrun ou de Mignard avait fait voltiger en raccourci une allégorie mythologique dans le goût du temps.

Aux entre-deux des fenêtres on voyait des paysages de forme oblongue, d’un style sévère et d’une couleur rembrunie, qu’on aurait pu attribuer à Poussin, ou tout au moins à Gaspard Dughet. C’était l’opinion d’un peintre célèbre qui gravissait l’escalier à côté de nous, et qui avait encadré son lorgnon dans son oeil pour les mieux voir. Aux retours de la rampe, sur les socles où s’accrochait la balustrade, merveille de serrurerie, des statues de marbre, de Lepautre et de Théodon, portaient des candélabres dont la clarté soutenait celle du lustre, et qui, par la gaieté de la lumière, faisaient commencer la fête dès l’escalier.

À la porte de l’antichambre, tapissée de tentures des Gobelins d’après les cartons d’Oudry, et boisée de vieux chêne, se tenait un huissier en noir, la chaîne d’argent au col, qui, d’une voix plus ou moins retentissante, d’après l’importance du titre, jetait au premier salon le nom des arrivants.

Le duc, grand, mince, ne présentant que les lignes allongées comme un lévrier de race, avait l’air parfaitement noble, et malgré son âge il gardait des vestiges de son ancienne élégance. Dans la rue, sa qualité n’eût été un doute pour personne. Placé à quelques pas de l’entrée, il accueillait les invités d’un mot gracieux, d’une poignée de main, d’un salut, d’un signe de tête, d’un sourire, avec un sentiment exquis de ce qui était dû à chacun et une grâce si parfaite que tous étaient satisfaits et se croyaient spécialement favorisés. Il salua ma mère d’une façon respectueusement amicale, et comme c’était la première fois qu’il me voyait, il me tourna en peu de mots un madrigal semi-paternel, semi-galant qui sentait sa vieille cour.

Près de la cheminée se tenait la duchesse, fardée avec une complète insouciance de toute illusion, portant une perruque visible et étalant sur une poitrine maigre, intrépidement décolletée, des diamants historiques. Elle était comme consumée d’esprit, et sous ses larges paupières bistrées ses yeux brillaient encore d’un feu extraordinaire. La duchesse était vêtue d’une robe de velours grenat foncé, avec de grands volants de point d’Angleterre, et une baguette de diamants au corsage. D’une main distraite elle s’envoyait de temps à autre à la figure quelques ondes d’air frais au moyen d’un large éventail dont la feuille avait été peinte par Watteau, tout en parlant aux groupes qui venaient lui rendre leurs devoirs. En faisant ce manège, elle avait fort grand air. Elle échangea quelques phrases avec ma mère, qui me présenta à elle, et comme je m’inclinais, elle effleura mon front de ses lèvres froides et me dit : « Allez, mignonne, et surtout ne manquez pas une seule contredanse. »

Cette cérémonie accomplie, nous entrâmes dans le salon voisin, d’où l’on débouchait dans la salle de danse. Sur le damas rouge des parois, dans des cadres magnifiques et de l’époque des peintures, ressortaient des portraits de famille qui n’étaient pas mis là par orgueil nobiliaire, mais seulement comme chefs-d’oeuvre d’art. Il y en avait de Clouet, de Porbus, de Van Dyck, de Philippe de Champagne, de Largillière, tous dignes de la tribune d’un musée. Ce qui me plaisait dans le luxe de cette maison, c’est que rien n’y semblait récent. Les peintures, les ors, les damas, les brocarts, sans être fanés, étaient éteints et n’agaçaient pas les yeux par l’éclat criard de la nouveauté. On sentait que cette richesse était immémoriale et que cela avait toujours été ainsi. Le salon de danse était d’une dimension qu’on ne trouve guère que dans les palais. De nombreuses girandoles et des torchères, placées dans les trumeaux des fenêtres, y causaient avec leurs milliers de bougies une sorte d’embrasement lumineux à travers lequel les peintures azurées du plafond, où s’élançaient des guirlandes de nymphes et d’amours, apparaissaient comme à travers une vapeur rose. Malgré cette multitude de feux, la pièce était si vaste que l’air n’y manquait pas et qu’on respirait à l’aise. L’orchestre était placé dans une sorte de tribune, au fond du salon, au centre d’un massif de plantes rares. Sur des banquettes de velours disposées en amphithéâtre s’étageaient des lignes de femmes éblouissantes de parures, sinon de beauté, quoiqu’il y en eût de très jolies. Le coup d’oeil était magnifique. Nous étions entrés précisément dans l’intervalle d’une danse à l’autre. Assise près de ma mère, sur un bout de banquette qui s’était trouvé libre, je regardais ce spectacle nouveau pour moi avec un étonnement curieux. Les hommes, après avoir reconduit leurs danseuses, se promenaient dans le milieu du salon, lorgnant à droite et à gauche, et passaient une sorte de revue des femmes pour faire leur choix. C’était la partie jeune du bal, les hommes un peu arrivés ne se permettant plus de danser. Il y avait là de jeunes attachés d’ambassade, des secrétaires de légation, des auditeurs au Conseil d’État en expectative, de futurs maîtres des requêtes encore imberbes, des officiers à leur première campagne, des membres du Moutard-Club d’un sérieux diplomatique, des sportsmen en herbe rêvant une écurie, des élégants dont les favoris en nageoires n’étaient guère qu’un duvet, des fils de famille ayant l’aplomb précoce d’un grand nom et d’une grande fortune. Il se mêlait même à cette jeunesse quelques personnages graves, chamarrés de décorations, dont le crâne poli luisait comme de l’ivoire à la lumière des lustres ou se dissimulait sous une perruque trop noire ou trop blonde. En passant, ils adressaient quelques mots de politesse aux douairières contemporaines de leur jeune temps, puis, se détournant, ils examinaient en connaisseurs émérites et désintéressés le sérail féminin étalé sous leurs yeux chaussés de binocles. Les premiers sons de l’orchestre les fit refluer aussi vite que leurs pieds goutteux le leur permettaient vers les salons plus calmes, où, sur des tables éclairés par des chandeliers coiffés d’abat-jour verts, se jouaient la bouillotte ou l’écarté.

Comme vous le pensez bien, je ne manquais pas d’invitations. Un jeune Hongrois, en costume de magnat tout soutaché, tout brodé, tout constellé de boutons en pierreries, s’inclina gracieusement devant moi et me requit d’une mazourka. Il avait une figure régulière, d’une pâleur romantique, avec de grands yeux noirs un peu sauvages et des moustaches effilées comme des aiguilles. Un Anglais de vingt-deux ou vingt-trois ans, qui ressemblait à lord Byron, sauf qu’il n’était pas boiteux, un attaché d’une des cours du Nord, et quelques autres, vinrent s’inscrire sur mon carnet. Bien que le vieux maître de danse du couvent me vantât comme une de ses meilleures élèves et qu’il louât ma grâce, ma souplesse et mon sentiment de la mesure, je n’étais pas, il faut l’avouer, tout à fait à mon aise. J’éprouvais, comme disent les journaux, l’émotion inséparable d’un début. Il me semblait, ainsi que se l’imaginent les gens timides, que tous les yeux étaient fixés sur moi. Heureusement mon Hongrois était un excellent danseur ; il soutint mes premiers pas, et bientôt, soulevée par la musique, enivrée de mouvement, je me rassurai et me laissai entraîner dans ce tourbillon de jupes flottantes avec une sorte de plaisir nerveux ; mais cependant je n’oubliais pas ma pensée habituelle et le but qui m’avait fait venir au bal. En passant près des portes, d’un regard rapide je cherchais à vous découvrir dans les salons voisins. Je vous aperçus enfin dans une embrasure, causant avec un personnage à face brune, à long nez, à large barbe noire, coiffé d’un fez rouge, vêtu de l’uniforme de Nizam, portant la plaque de Médjidieh, quelque bey ou quelque pacha. Quand l’évolution de la danse me ramena devant, vous étiez encore là, parlant avec animation à ce Turc d’une placidité orientale, et vous ne daigniez pas jeter un coup d’oeil sur les jolies figures qui passaient devant vous, rosées par la danse, dans un papillotement de lumière.

Je ne perdis cependant pas tout espoir, et, pour le moment, je me contentai de la satisfaction de savoir que vous étiez là. D’ailleurs la soirée n’était pas finie, et quelque heureux hasard pouvait nous rapprocher. Mon danseur me reconduisit à ma place, et de nouveau les hommes se remirent à circuler dans l’espace circonscrit par les banquettes. Vous fîtes quelques pas avec votre Turc parmi cette foule mouvante, regardant les femmes et les toilettes, mais du même oeil dont vous auriez considéré des tableaux et des statues. De temps à autre vous communiquiez vos réflexions à votre ami le pacha, qui souriait gravement dans sa barbe. Je voyais tout cela à travers les branches de mon éventail, que je refermai, je l’avoue, lorsque vous approchâtes de l’endroit où nous étions assises. Le coeur me battait violemment, et je me sentais rosir jusqu’aux épaules. Il était impossible, cette fois, que j’échappasse à votre examen, car vous rasiez les banquettes d’aussi près que le permettait la frange étincelante de gazes, de dentelles, de volants qui débordait sur le chemin ; mais le malheur voulut que deux ou trois amis de ma mère s’arrêtassent devant nous et lui fissent des compliments dont j’avais ma part. Ce paravent d’habits noirs me masquait entièrement. Il vous fallut contourner le groupe, et je restai encore inaperçue, quoique j’eusse un peu penché la tête dans l’espérance que vous me verriez. Mais vous ne pouviez deviner que ces fracs inclinés respectueusement vous cachaient une jeune fille assez jolie dont vous étiez la pensée unique, et qui n’était venue à ce bal que pour vous. Je vous vis sortir du salon de danse par l’autre extrémité, la calotte rouge du Turc me servant de point de repère pour ne pas vous perdre dans ce fourmillement d’habits sombres qui servent pour la fête comme pour le deuil. Toute ma joie tomba, et je me sentis profondément découragée. Le Destin semblait s’amuser avec une taquinerie ironique à vous écarter de moi. Je m’acquittai des danses promises, et me prétendant un peu fatiguée, je n’acceptai plus d’invitations. Le bal avait perdu son charme ; les toilettes me semblaient fanées, et les lumières pâlissaient. Mon père, qui jouait dans un salon voisin et qui avait perdu une centaine de louis avec un vieux général, vint nous prendre pour faire le tour des appartements et nous montrer la serre sur laquelle s’ouvrait la dernière pièce et dont on disait des merveilles. Rien, en effet, n’était plus magnifique. On aurait pu se croire dans une forêt vierge, tant les bananiers, les pamplemousses, les palmiers et les plantes tropicales s’y épanouissaient vigoureusement au sein d’une chaude atmosphère saturée de parfums exotiques. Au fond de la serre, une naïade de marbre blanc épanchait son urne dans une gigantesque coquille de la mer du Sud, entourée de mousse et de plantes d’eau. Là, je vous aperçus encore une fois ; vous donniez le bras à votre soeur, mais vous marchiez devant nous et nous ne pouvions nous rencontrer, car nous suivions dans le même sens l’étroit sentier sablé de poudre jaune et bordé de verdure qui contournait les massifs d’arbustes, de fleurs et de végétaux.

Nous fîmes encore quelques tours à travers les salons, où l’on circulait plus librement, car danseurs et danseuses, pour reprendre des forces, s’étaient dirigés vers le buffet, servi avec une élégante profusion dans une galerie boisée d’ébène rehaussé d’or et ornée de tableaux de Desportes représentant des fleurs, des fruits, du gibier d’une splendide couleur que le temps n’avait fait qu’enrichir. Tous ces détails, regardés d’un oeil vague, ont été fidèlement retenus par ma mémoire, et je m’en souviens encore dans ce monde où la vie ne semble plus que le rêve d’une ombre ; ils se lient pour moi à des sensations si vives, qu’elles m’ont forcée à revenir sur la terre. Je retournai à la maison aussi triste que j’étais partie joyeuse et je mis mon air d’abattement sur le compte d’une pointe de migraine. En échangeant contre un peignoir de nuit cette toilette qui n’avait servi à rien, puisque je ne désirais être belle que pour vous, je me disais avec un soupir : « Pourquoi ne m’a-t-il pas invitée à danser comme l’ont fait ce Hongrois, cet Anglais et ces autres gentlemen dont je ne me souciais nullement ? c’était pourtant bien simple. Quoi de plus naturel au bal ? Mais tout le monde m’a regardée, excepté le seul être dont je souhaitais l’attention. Décidément mon pauvre amour n’a pas de chance. » Je me couchai, et quelques larmes roulèrent de mes cils sur l’oreiller...

Là s’arrêta la première dictée de Spirite. Depuis longtemps déjà la lampe s’était éteinte, faute d’huile, et Malivert, comme les somnambules qui n’ont pas besoin de lumière extérieure, écrivait toujours ; les pages s’ajoutaient aux pages sans que Guy en eut la conscience. Tout à coup, l’impulsion qui guidait sa main cessa, et sa propre pensée, suspendue par celle de Spirite, lui revint. Les premières lueurs du jour filtraient à travers les rideaux de la chambre. Il les ouvrit, et la clarté blafarde d’une matinée d’hiver lui montra sur la table plusieurs feuillets couverts d’une écriture fébrile et rapide, ouvrage de sa nuit. Quoiqu’ils les eût écrits de sa main, il en ignorait le contenu. Avec quelle ardente curiosité, avec quelle émotion profonde il lut les naïves et chastes confidences de cette âme charmante, de cet être adorable dont il avait été innocemment le bourreau, il n’est pas besoin de le dire. Ce tardif aveu d’amour venu de l’autre monde et soupiré par une ombre le jetait dans des regrets désespérés et d’impuissantes rages contre lui-même. Comment avait-il pu être assez stupide, assez aveugle, pour passer ainsi à côté de son bonheur sans l’apercevoir ? Mais il finit par se calmer, et, levant par hasard les yeux vers le miroir de Venise, il vit le reflet de Spirite qui lui souriait.

Voir en ligne : Lire la suite (Spirite X)

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après la nouvelle fantastique de Théophile Gautier, Spirite, Éd. Charpentier, Paris, 1866.

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