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Lacan, l’Inconscient et les Mathématiques

Variations sur la logique de l’inconscient

Aristote, Peirce, Lacan... et La Femme

Date de mise en ligne : lundi 20 mars 2006

Auteur : Agnès SOFIYANA

Base de travail des interventions des jeudis 1er et 22 décembre 2005 au cartel « Jouissance féminine et mystique ».

Aristote (384-322 av. J-C.) était étudiant à l’Académie de Platon et il s’était fait remarqué par le maître qui l’avait surnommé « intelligence ».

Il se distinguait particulièrement en logique, où il surpassait son maître. La logique, à l’école de Platon, était définie comme l’art de raisonner. Que ce soit dans le domaine des mathématiques ou dans celui de la rhétorique, la logique était utilisé comme un art de convaincre par le discours.
Comme le disait Leibniz, « la démonstration est un raisonnement par lequel une proposition devient certaine ». L’art d’Aristote consistait déjà à explorer les formes de pensées susceptibles d’aboutir à une proposition dont on ne puisse mettre en doute la véracité.

Devant le talent d’Aristote, Platon le chargea d’enseignement de la rhétorique et de la culture générale. Au fil des ans, Aristote se détacha du maître allant parfois jusqu’à le critiquer ouvertement. Peut-être peut-on y voir là le meurtre du père symbolique ?

Plus tard, Aristote s’installe sur l’île de Lesbos - l’île de Sappho - et fonde sa propre école où il enseigne les sciences et la philosophie. Il consacre la majorité de son temps à l’étude de la biologie, et des animaux en particulier, et met au point une méthode de recherche efficace et rigoureuse. Il prône l’observation systématique des faits avant toute réflexion. Ainsi, il dissèque, vivisectionne, découpe, tripatouille, etc. de petits cadavres d’animaux.

C’est dans son ouvrage intitulé plus tard par Diogène Laërce (poète et doxographe grec - début 3ème siècle) Traités de logique ou Organon (instrument, méthodologie du savoir) qu’Aristote expose de manière systématique les formes de la pensée et de la démonstration comme conditions de la science. Ce traité est resté la référence occidentale de la logique jusqu’au 19ème siècle.

L’idée d’Aristote est d’expliciter la syntaxe constitutive du langage humain, ainsi que les structures de phrases indépendamment des unités et des mots qui le composent. Ce qui fait donc d’Aristote l’inspirateur de Ferdinand de Saussure, des linguistes et de manière générale, du mouvement du struscturalisme du début du 20ème siècle.

Car, c’est déjà une première tentative d’abstraction. Au sens où abstraction signifie séparer, isoler, discriminer, extirper. Ce qui est laissé de côté, ce qui est omis dans l’abstraction mathématique est le temps, et donc le mouvement. L’ambition d’Aristote rejoint cette définition de l’abstraction, en ce sens qu’il laisse de côté la signification des mots et des phrases pour ne s’occuper que de l’agencement et de l’articulation de ces mots dans les phrases. Ce qui l’intéresse, ce sont donc les règles de combinaisons qui forment la syntaxe et autorisent la preuve, c’est à dire par quelles règles les mots donnent-ils accès à la vérité.

Son propos est de mettre en lumière l’ordre de la logique. Pour lui, les démonstrations et les raisonnements doivent être fondés sur des principes et des règles conduisant la raison. On l’aura compris, pour Aristote, la rhétorique est basée sur la logique.

Afin d’analyser les syllogismes concluants, Aristote construit l’ensemble des propositions selon un schéma simple :

Une proposition s’écrit S (sujet) est (copule) P (prédicat)

À cela s’ajoute une modalité de quantité : la proposition est universelle ou particulière ; et une modalité de qualité : la proposition est affirmative ou négative.

Ces deux modalités sont inspirées d’un traité d’Apulée. Et c’est précisément ces deux modalités que C.S. Peirce réinterprète dans son article « Le quadrant » (in collected papers, 1960).

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Poursuivons.

Aristote forme ainsi quatre familles de propositions :

Les affirmatives universelles, notées A (tous les hommes sont mortels)

Les négatives universelles, notées E (aucun homme n’est immortel ou tous les hommes ne sont pas mortels ou il n’existe pas d’homme non mortels)

Les affirmatives particulières, notées I (quelques hommes sont peintres)

Les négatives particulières, notées O (quelques hommes ne sont pas peintres)

Un moyen mnémotechnique pour se souvenir des lettres A, E, I, O : AffIrmo & nEgO (j’affirme et je nie)

Par la suite, Aristote fait un catalogue de tous les syllogismes concluants. Il y a 4 x 4 x 4 = 256 syllogismes possibles, parmi lesquels 19 seulement sont concluants.
Le plus connu « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel » est du type A A A.

Par ailleurs, Aristote forme ce qu’on appelle le carré logique, permettant de visualiser les relations entre les différentes propositions A, E, I et O :

Dans ses Cours de Logique (philosophique) de l’année 1866-1867, Jules Lachelier analyse le carré logique aristotélicien (leçon 8 : de la déduction).

Pour Lachelier, une proposition se compose de termes : celui dont on affirme quelque chose, le sujet, et celui qu’on affirme, l’attribut. « Le verbe représente l’acte même d’affirmer. Le vrai verbe est le verbe ’’être’’, contenu dans tous les autres, implicitement ou explicitement », dit-il.
Il ajoute plus loin que « la logique [...] procède comme si l’idée de l’attribut était toujours contenue dans celle du sujet ; toujours elle fait exprimer au verbe un rapport d’identité. »
Je souligne ici le terme d’identité, avec lequel Lacan commence son séminaire sur l’Identification (leçon du 15 novembre 1961).

Jules Lachelier dénombre trois espèces de termes : « le substantif, qui exprime des choses générales et des choses particulières ; l’adjectif, qui exprime la qualité des choses ; le verbe, ou pour mieux dire, les participes des verbes, qui expriment un état. »

Encore une fois, « la logique fait abstraction de ces différences » - notez le terme ’’abstraction’’, la logique met de côté, omet, passe sous silence, ou encore enlève, retire, coupe, sectionne, castre quelque chose ! Je n’ai pas dit que la logique avait un pouvoir castrateur...

Continuons. « Ce qu’elle [la logique] considère c’est la possibilité ou l’impossibilité d’affirmer un terme, quel qu’il soit, d’un autre terme. »

Alors, que faut-il retenir du carré aristotélicien ? Les rapports qui s’inscrivent entre les quatre propositions.

Tout d’abord, l’universelle affirmative et la particulière négative sont opposées l’une de l’autre, c’est à dire que la vérité de l’une entraîne la fausseté de l’autre et réciproquement. On dit aussi que A et O sont contradictoires. Il en est de même de la proposition universelle négative et de la particulière affirmative : E et I sont contradictoires l’une de l’autre.

On peut dire aussi que A est équivalent à (non O) et que E est équivalant à (non I).

Ensuite vient le rapport des subalternes. Jules Lachelier nous éclaire :

« On peut distinguer quatre rapports et en tirer quatre conclusions :

1) La première c’est que si l’universelle est vraie, la particulière est vraie. Si tout S est P, quelquefois S est P.

2) Si l’universelle est fausse, la particulièr peut quelquefois être vraie. Il est faux que tous les hommes soient déraisonnables et il est vraie que quelques-uns le soient.
Et si l’on remonte de la proposition particulière à la générale, on trouve que :

3) La particulière peut être vraie, sans que pour cela la générale le soit : si quelquefois S est P, il ne s’ensuit pas que tout S est P. Si quelques hommes sont malheureux, il ne s’ensuit pas que tous les hommes le soient.

Mais

4) Si la particulière est fausse, la générale l’est aussi. S’il est faux que quelquefois S soit P, il est faux a fortiori que tout S soit P. S’il est faux que Pierre ou Paul soient vertueux, il l’est bien plus que tous les hommes le soient. » (Jules Lachelier, Cours de Logique, 1866-1867)

Le dernier exemple donné par Lachelier n’est peut-être pas évident pour tous. Donnons ici un éclairage : s’il est faux de dire qu’il existe une femme obsessionnelle, a fortiori il est faux de dire que toutes les femmes sont obsessionnelles. En d’autres mots, si l’on ne parvient pas à discriminer un individu de la collection ayant la caractéristique choisie, alors aucun individu de la collection ne possède cette caractéristique.

Les quatres rapports que Lachelier vient d’exposer peuvent se symboliser ainsi :

1) A vraie

I vraie ; E vraie

O vraie

2) A fausse (non

) I fausse ; E fausse (non

) O fausse

3) I vraie (non

) A vraie ; O vraie (non

) E vraie

4) I fausse

A fausse ; O fausse

E fausse - qui sont en fait les contraposées des implications présentées dans 1).

Jules Lachelier continue son exposé en enchaînant les propositions et les résultats liés aux rapports pré-existants entre elles :

A vraie

O fausse

E fausse

A fausse

O vraie (non

) E vraie

DONC A et E ne peuvent pas être vraies simultanément mais A et E peuvent être fausses simultanément. Voilà qui fait de A et E des propositions contraires.

I fausse

E vraie

O vraie

I vraie

E fausse (non

) O fausse

DONC I et O ne peuvent pas être fausses simultanément mais I et O peuvent être vraies simultanément. Voilà qui fait de I et O des propositions subcontraires.

Maintenant le carré logique aristotélicien n’a presque plus de secret pour vous ...

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Dans la leçon du 17 janvier 1962 (L’identification, 61-62, éd. AFI, p. 105-120), Lacan reprend ce carré logique (j’ai failli écrire magique !) pour aboutir au « pas-tout ».

Il commence par remarquer le fait suivant : « Dans l’enseignement classique de la logique formelle, il est dit [...] que le sujet est pris sous l’angle de la qualité et que l’attribut que vous voyez ici incarné par le terme mendax est pris sous l’angle de la quantité. » (p. 115)
Je crois que là, la tapeuse de Lacan a fait une erreur - de frappe, vu la conconmittence des termes - car, dans la logique classique aristotélicienne, le sujet est pris sous l’angle de la quantité et l’attribut sous l’angle de la qualité. Et c’est précisément cette distinction qui ne permet pas, dans la logique d’Aristote, le « pas-tout » que Lacan va pourtant extirper du carré logique !!

Pour commencer, Lacan part de la proposition universelle affirmative A : « tout homme est menteur » = « omnis homo mendax » qui est contradictoire avec la proposition O : « il existe des hommes qui ne mentent pas », donc A est équivalent à la négation de O, c’est à dire « nullus homo non mendax » = « aucun homme n’est pas menteur ».

Ensuite, il nie l’attribut de A, mendax, pour obtenir l’universelle négative E : « omnis homo non mendax » = « tout homme n’est pas menteur » = « quel que soit un homme, il n’est pas menteur ».
Lacan saute alors un pas, fait un demi-tour, sans nous en informer. E est équivalent à (non I) donc E peut se dire aussi « il n’existe pas d’homme menteur » = « aucun homme n’est menteur » = « nullus homo mendax ».

Lacan développe correctement puisque A et E sont contraires - non vraies simultanément mais pouvant être fausses simultanément)

Poursuivons.

Pour la proposition particulière négative O, Lacan propose : « aliquis homo non mendax » = « il y a des hommes qui ne sont pas menteurs », or O et A sont contradictoires, donc dire O revient à nier A, donc O peut se dire aussi : « non omnis homo mendax » = « ce n’est pas tout homme qui est menteur » ou encore, nous dit Lacan, « non nullus homo non mendax » = « pas aucun homme n’est pas menteur ».

Enfin, pour l’affirmative particulière I, Lacan propose : « aliquis homo mendax » = « quelques hommes sont des menteurs ». Or, I est contradictoire à E, donc affirmer I équivaut à nier E, Lacan propose donc pour I : « non omnis homo non mendax » = « pas tout homme n’est pas menteur »

Enfin, il résume les propositions dans un tableau, que j’ai complété avec les écritures introduisant les quanteurs :

Lacan fait enfin remarquer l’introduction d’une négation portant sur la quantité, donc sur le sujet. Ainsi est né le « pas-tout », que l’on rencontre dans les propositions particulières O : « non omnis homo mendax » et I : « non omnis homo non mendax ».

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Dans la suite de la leçon du 17 janvier 1962, Lacan reprend le quadrant de Peirce. Celui-ci a l’avantage d’introduire quelque subtilité dans les rapports entre les propositions A, E, I, O.

Reprenons depuis le début et suivons Peirce.

Peirce propose de nommer la distinction émise en terme de quantité, entre universel et particulier, LEXIS, et celle émise en terme de qualité, entre affimatition et négation, PHASIS.

Peirce nous dit que Lexis est le mode de la désignation et de la narration et Phasis sur celui du discursif, du dire affirmatif ou négatif.

Peirce nous dit : « [Aristote] devait comprendre ’’quelques pierres philosophales sont rouges’’ comme n’affirmant pas l’existence de quelque pierre philosophale que ce soit... De la même manière que la distonction entre les porpositions universelles et particulières concerne le sujet, de même la distinction entre affirmative et négative devrait, à des fins de symétrie, porter sur le prédicat ; de sorte que la différence entre affirmer et ne pas affirmer l’existence du sujet devrait être la distinction entre universelles et particulières, et non pas entre affirmatives et négatives. Les porpositions universelles n’impliquent pas contrairement aux particulières, l’existence de leurs sujets. »

Et pour nous démontrer cette subtilité, Peirce va utiliser un quadrant divisé en quatre sections, contenant ou non des traits verticaux :

En effet, Peirce applique les propositions A, E, I, O à un cas particulier, un quadrant divisé en quatre sections dans lesquelles sont dessinées ou non des traits horizontaux, verticaux ou obliques.

Q 1 : tous les traits sont verticaux

Q 2 : quelques traits sont verticaux et d’autres non (le cadran 2 ci-dessus devrait donc contenir des traits verticaux et obliques, par exemple)

Q 3 : aucun trait n’est vertical

Q 4 : il n’y a aucun trait.

Lecture du quadrant :

La proposition A : « tous les traits sont verticaux » est vraie pour les quadrants 1 et 4 et fausse pour les quadrants 2 et 3.

La proposition E : « Aucun trait n’est vertical », I : « quelques traits sont verticaux » et O : « quelques traits ne sont pas verticaux »....

Peirce fait ensuite appel aux rapports entre les propositions, selon le carré logique d’Aristote. Pour l’anecdote, il précise que les termes contradictoires, subcontraires et subalternes furent introduits postérieurement par Anicius Manlius Severinus, dit Boethius ( 475-524, Italie) qui fut un grand traducteur d’Aristote et auteur du célèbre De Consolatione Philosophiae.

Peirce remarque tout d’abord que : « C’est une erreur de la part d’Aristote que d’appeler contraires les porpositions A et E simplement parce qu’elles peuvent être toutes les deux fausses mais pas toutes les deux vraies. » Peirce propose de les appeler plutôt incongrues (contraires aux usages, déplacés) ou disparates (sans harmonie, en désaccord avec le reste, le tout ?).

Pour ce qui est des propositions subcontraires (I et O) et des propositions subalternes, Peirce conserve les termes et concernant les propositions contradictoires, il fait remarquer qu’elles « se nient précisément l’une l’autre », ce qui légitime les demi-tour que Lacan exécute pour arriver à son « pas-tout ».

Par contre, Peirce relève que dans son système, « aucune des relations montrées dans le diagramme d’Apulée [le carré des oppositions] n’est préservée, excepté les deux paires de contradictions. Toutes les paires de propositions peuvent être vraies ensemble ou fausses ensemble. »

En effet, dans le quadrant, A et E peuvent être vraies ensemble quand aucun trait n’existe (quadrant 4).

Le quadrant 2 montre que I et O peuvent être vraies ensemble (ce qui est autorisé par la propriété des subcontraires), et si l’on prend la négation du quadrant 2, comme l’expose Peirce, en renversant le diagramme selon sa diagonale gauche, on se trouve dans le quadrant 4, où A et E sont vraies ensemble. A et E étant les conditions opposées de I et O, on peut donc en déduire que I et O peuvent être fausses ensemble.

De même, A et I peuvent être vraies ensemble, comme dans le quadrant 1, et fausses ensemble, comme dans le quadrant 3, par effet de négation.

Enfin, E et O sont vraies ensemble dans le quadrant 3 et fausses ensemble dans le quadrant 1, par effet de négation.

Que peut-on retenir de ce que nous dit Peirce ?

Alors que dans le carré logique d’Aristote, A et E ne pouvaient être vraies ensemble, le cas est pourtant possible dans le quadrant de Peirce.

Idem pour I et O, qui ne pouvaient être fausses ensemble chez Aristote et qui le peuvent chez Peirce.

Enfin, les propositions subalternes A et I, d’une part et E et O, d’autre part peuvent être vraies ensemble ou fausses ensemble.

Ce que nous amène Peirce contredit-il la logique aristotélicienne ?
Il nous faut nuancer.

Tout d’abord, les relations entre les propositions du carré aristotélicien sont principalement des relations d’implication - en effet, sur les propositions subalternes, Aristote nous dit que si I est fausse, alors on ne peut pas conclure que A soit fausse aussi ; mais cela n’exclut pas d’avoir A et I fausses ensemble, puisque le cas peut se présenter. On peut donc dire, avec Peirce, et en suivant le carré logique d’Aristote que A et I peuvent être vraies ensemble et fausses ensemble.

Ce qu’il nous faudra retenir et qu’Aristote n’avait pas voulu voir en son temps, c’est la question de l’existence de ce sur quoi porte le prédicat d’une proposition. Peirce fait intervenir cette subtilité en faisant remarquer qu’affirmer la véracité d’une proposition universelle (affirmative ou négative) n’entraîne pas nécessairement l’existence de sujets vérifiant cette proposition. La proposition « tous les traits sont verticaux » est vraie, quand bien même il n’y a aucun trait du tout !
Pour Peirce, la seule proposition susceptible d’affirmer l’exsitence de ce sur quoi porte le prédicat est la proposition existentielle (affirmative ou négative).

Mystère et jouissance de l’Autre

Gardons ces quelques résultats en réserve et ouvrons le séminaire XX de Lacan, intitulé Encore, à la date du 13 mars 1973, que les éditeurs titre Une lettre d’âmour, séance au cours de laquelle Lacan dessine le tableau des quanteurs logiques de la sexuation.
Ce tableau fait énigme... sur la question de l’Autre, qui, comme le dit Lacan, ne peut être que l’Autre sexué, l’Autre du couple sexuel.

La question de l’Autre porte mystère.

Petit brève étymologique...
Le mot mystère vient du latin mysterium, dérivé du grec mustêrion, de mustês, inité. L’idée de secret était déjà présente dans la racine grecque. Le mot apparaît en latin, en 1167, sous le signifiant mistere = manière intime de penser. Au 13ème siècle, le mystère était un rite secret, et il devint deux siècles plus tard un terme religieux définissant ce qui n’a pas d’explication.

La semaine dernière, Christophe nous parlait de La Cène de Léonard de Vinci, tableau magistral dans lequel se glissait un mystère, une énigme, qui interrogeait le mystique. Le mot mystique est dérivé du latin mysticus, qui signifie relatif aux mystères, il est un dérivé du mot grec musticos, de mustês, initié. Mystique se disait au 14ème siècle de ce qui avait une signification cachée.

Or, Christophe s’est bel et bien transformé en mystagogue, du latin mustagogus, du grec mustagôgos, qui conduit dans les lieux réservés aux initiés. Il a été pour nous l’initiateur, le guide, en nous montrant que dans le tableau de La Cène, le mystère était porté par une absence, qui n’en est en fait pas une, puisque ce qui semblerait manquer à la scène du dernier repas de Jésus, ne manque pas, mais n’est pas à la place où l’on s’attend à l’y voir. Le mystère est porté par La femme, qui ne peut exister dans le tableau, et qui s’y trouve pourtant, sous l’imago d’un V formé par des corps.

La question de l’Autre porte mystère, que l’on peut entendre comme la manière intime de penser... et un mystère est porté par La femme qui n’existe pas. C’est ce que nous rappelle Freud lorsqu’il s’interroge : Was will das Weib ?

L’Autre a à voir avec la différence sexuelle. Mais au-delà de la différence sexuelle, cet Autre, qui est-il ? Quelle est sa jouissance ? Voilà peut-être aussi ce que Freud cherchait à découvrir derrière son Was will das Weib ?

Lacan pose la question : « Qu’en est-il de cet Autre ? Qu’en est-il de sa position au regard de ce retour de quoi se réalise le rapport sexuel, à savoir une jouissance, que le discours analytique a précipitée comme fonction du phallus dont l’énigme reste entière, puisqu’elle ne s’articule que de faits d’absence ? » (16 janvier 1973, Encore)

C’est donc dans le rapport sexuel, dont Lacan nous dit qu’il n’y en a pas, que se réalise la jouissance comme fonction du phallus, fonction énigmatique car fonction d’une variable absente - ce qui en analyse mathématique poserait la fonction comme constante.

Mais cela ne nous renseigne qu’à moitié sur les différents visages ou masques que porte cette jouissance, chez l’homme, mâle ou femelle, comme dit Lacan.

Qu’en est-il de la jouissance de l’Autre ? Lacan nous dit que « la jouissance de l’Autre, que j’ai symbolisé par le corps, n’est pas un signe de l’amour. », l’amour étant ce qui « vise l’être, à savoir ce qui, dans le langage, se dérobe le plus - l’être qui, un peu plus, allait être, ou l’être qui, d’être justement, a fait surprise. »

Dans Ou pire..., Lacan propose une version de la jouissance de l’Autre :
« L’Autre dont il s’agit, l’Autre est celui du couple sexuel, celui-là même, et c’est bien pour cela qu’il va nous être nécessaire de produire un signifiant qui ne peut s’écrire que de ce qu’il le barre ce grand A : A. On - c’est pas facile - on - je souligne sans m’y arrêter, car je ne ferai pas un pas - on ne jouit que de l’Autre.

[...] Avancerai-je qu’on n’est joui que par l’Autre ? [...] L’important, quand je dis qu’on ne jouit que de l’Autre, est ceci : c’est qu’on n’en jouit pas sexuellement - il n’y a pas de rapport sexuel - ni n’en est-on joui - vous voyez que ’’lalangue’’, " lalangue " que j’écris en un seul mot, " lalangue ", qui est pourtant bonne fille, ici résiste, elle fait la grosse joue. On en jouit, il faut bien le dire, de l’Autre, on en jouit ’’mentalement’’ » (8 mars 1972).

Qu’est-ce à dire ? Que l’un ne jouit pas de l’autre sexuellement et vice-versa, mais que cette jouissance de l’un comme de l’autre est ’’mentale’’. Mais qu’est-ce qu’une jouissance dite ’’mentale’’ ?
Cela me rappelle que C.B. m’avait dit un jour : « le neurone est une zone érogène comme les autres »... ça pourrait expliquer la jouissance dite ’’mentale’’, non ?

Lacan disait : « le savoir, en la matière, le savoir peut-être s’enseigne, mais ce qui se transmet, c’est la formule. » (Ou pire ... 8 mars 1972)
Alors, quittons la jouissance de l’Autre pour un moment - pour y revenir plus tard - et essayons de pénétrer les formules que Lacan nous a léguées, et qui recèlent nécessairement des mystères, peut-être réservés aux initiés.

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