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Variantes de la cure-type

L’analyse sur Internet : une analyse virtuelle ?

Quelle est la part du Virtuel et du Réel dans toute analyse qu’elle soit sur le divan ou derrière l’écran de l’ordinateur ?

Date de mise en ligne : samedi 11 septembre 2004

Auteur : Jean-Pierre BÈGUE

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À l’instar des mondes virtuels qui n’existent pas, l’analyse sur Internet ne serait qu’un avatar de plus des nouvelles technologies, pourtant l’analyse en ligne, loin d’être une version abâtardie en “.com” de la psychanalyse inventée par Freud, s’efforce de se définir dans sa spécificité sans renier sa filiation, mais en s’adaptant à son époque pour se rendre accessible d’un clic de souris au plus grand nombre. D’aucuns parlent d’une analyse virtuelle à laquelle ils dénient toute valeur en lui opposant l’analyse réelle du patient allongé sur le divan dans le cadre traditionnel du bureau de l’analyste, analyse qui serait la seule légitime et pertinente à leurs yeux. Qu’en est-il “réellement” de cette opposition ? Est-elle fondée ou non ? Quelle est la part du Virtuel et du Réel dans toute analyse qu’elle soit sur le divan ou derrière l’écran de l’ordinateur ?

Mais avant d’aller plus avant, il convient de voir comment se déroule une séance sur le net et de définir les termes : Réel signifie ce qui existe effectivement et Virtuel ce qui est seulement en puissance et qui n’a pas d’effet actuel.

Actuellement quelques psychanalystes proposent des analyses en utilisant des caméras numériques (webcams) pour des séances en direct avec leurs patients internautes qu’ils peuvent voir et entendre grâce à la transmission par haut débit (ADSL).

Le rendez-vous a lieu au jour et heure fixés sur l’aire de rencontre de Yahoo ou de Messenger pour une séance dont la confidentialité est tout autant protégée que derrière les portes capitonnées d’un bureau puisque patient et analyste sont les seuls à utiliser cet espace qui leur est réservé. Une fois le contact établi sur le net et les webcams mises en marche, la séance commence par un échange de bonjour en se voyant, puis l’analyste interrompt la télétransmission de sa caméra afin que le patient ne le voit pas. Par contre le patient reste sous son regard par le biais de la caméra pendant les 45 minutes que dure la séance. L’analyste écoute son analysant dont les paroles lui parviennent par ses écouteurs ; le micro dont il dispose lui donne la possibilité d’intervenir quand il le juge opportun tout comme il le ferait dans son cabinet. À la fin de la séance, l’analyste rebranche sa caméra et redevient visible pour son patient, il échange quelques mots avec lui avant de lui dire au revoir.

Cette manière de procéder apparaît à l’expérience tout à fait adéquat, si Freud avait vécu à l’époque de l’Internet sa curiosité intellectuelle l’aurait amené sans aucun doute à pratiquer l’analyse sur le net ou du moins à l’essayer.

L’absence de proximité physique de l’analyste n’est pas un obstacle au déroulement de la cure puisque dans la séance à son cabinet, l’analyste se tient à l’abri du regard de son patient assis derrière le divan (sur le net l’analyste est derrière son écran), le patient n’ayant un contact visuel et physique (poignée de main) qu’en début et fin de séance tout comme dans l’analyse sur net où la présence de l’analyste est matérialisée via la webcam par son image animée à ces deux moments.

L’analyse par le net n’efface pas la présence réelle de l’analyste, elle aurait même la propriété de créer un continuum pouvant se représenter dans les deux sens par : la voix dans le micro, l’ordinateur, la ligne téléphonique, le réseau, l’arrivée dans les écouteurs de l’analyste. Même si je ne le vois pas, l’analyste est toujours là puisque je peux l’entendre. Par contre, les éléments physiques de l’analyste (son apparence physique, ses habits, ses habitudes) ainsi que son environnement (bureau, mobilier, objets familiers) sont virtualisés, c’est-à-dire que je peux les imaginer mais ils ne viennent pas me distraire ou induire des pensées parasites ; ils sont effacés au profit de la parole.

L’écran joue également un rôle, il présente l’aire de rencontre par le biais de laquelle le contact a pu s’établir, mais il peut également servir de support dans la mesure où le patient imagine derrière l’analyste sujet supposé savoir le pourquoi du symptôme, sujet supposé l’aimer ou le haïr et de ce fait sujet support du transfert.

Le patient, invité à dire tout ce qui lui vient à l’esprit, doit pouvoir se laisser aller ; il travaille sur des objets de perceptions internes que l’on peut qualifier de virtuels. Les perceptions psychiques ne concernent pas les objets réels mais leur image, leur représentation. Ce sont ces représentations et les sentiments / émotions qui y sont attachés qu’il dira ou non car, malgré la consigne de tout dire, la pensée fait le tri entre ce qui est acceptable par le sujet ou ce qui est inacceptable pour lui compte tenu de sa morale personnelle ou de l’éthique de la société dans laquelle il vit. Tant qu’une représentation ou un sentiment n’est pas encore réel, i.e. tant qu’il est virtuel, le sujet peut choisir de le dire ou non, de le nier, de le refouler ou de forclore son existence s’il pense que cette représentation peut lui être nuisible. Une grande partie de ce travail se fait inconsciemment dans le sujet dans une zone de virtualité inaccessible à la conscience ; le surmoi rejette certaines représentations ou émotions, permet à d’autres d’accéder à la conscience, une partie inconsciente du moi met en œuvre des mécanismes de défense visant à les rendre acceptables en les modifiant à l’insu du sujet, en les transformant ou en les présentant selon des modalités de son “moralement correct”. Ce n’est qu’une fois ce travail endogène réalisé qu’il y a passage du virtuel à l’énoncé oral du dire. Les différents mécanismes de défense du moi permettent de deviner certaines exigences pulsionnelles présentes dans le discours et constitutives des résistances à la règle fondamentale de tout dire.

Toutefois, il est un mécanisme de défense plus important que tous les autres : c’est la projection. Par la projection, le sujet expulse de soi et localise dans l’autre une personne de son passé, un type de relation infantile au père ou à la mère, des qualités, des sentiments, des désirs qu’il refuse en lui. Cette réalité psychique déplacée inconsciemment sur l’analyste va constituer le transfert qui est une actualisation sur la personne de l’analyste d’éléments du passé (conservés virtuellement) que le sujet répète et rejoue inconsciemment dans le réel. Il convient de noter que, tout comme l’agir, le dire du patient et la manière de le dire peut être un mode relationnel du passé en œuvre dans la relation transférentielle et qu’à ce titre, il doit être analysé tout comme un comportement le serait.

On peut donc dire que dans la situation analytique sur le net, il y a une situation bien réelle : un patient et un analyste derrière son écran et un champ de communication sur lequel les mots constituent même s’ils ont une réalité sonore des éléments virtuels tant qu’ils ne se concrétisent pas dans des actions, c’est à dire du réel. Cette virtualité autorise l’énonciation des choses les plus intimes, la révélation des désirs les plus cachés, la possibilité de se montrer sous différentes facettes, la possibilité de rejouer des événements du passé dans la relation avec l’analyste sans que ces dires ou ces mouvements entraînent des conséquences pour le sujet dans ses relations avec l’extérieur ; c’est une affaire entre lui et l’analyste ; il peut virtualiser par le truchement de ses dires son réel interne (ce qu’il pense, ce qu’il éprouve), une méthode commode d’expérimenter préalablement différents scenarios pour ne retenir que ce qui lui convient ou pour tester de nouvelles modalités relationnelles.

En définitive, l’analyse sur le net serait une situation bien réelle dans laquelle se déroulerait une expérience virtuelle sur des représentations, des sentiments, des émotions qui passeraient du virtuel au réel ou qui une fois réels pourraient être renvoyés à l’état virtuel. La personne ne conservant que ce qui lui est utile pour la reconstruction de son passé, l’acceptation de son désir ou pour faire au mieux avec la vie réelle. La relation analytique se révèlerait être une sorte de cabine de simulation où le moi apprendrait à connaître et à piloter virtuellement ses émotions, ses désirs, à intégrer des éléments de son inconscient dans un processus d’acquisition sans danger pour aller ensuite à la rencontre des personnes et du monde réel.

Il n’y a donc pas, à mon sens, de différence entre une analyse sur le net et une analyse en cabinet, la théorie est la même, la pratique respecte les règles fondamentales, l’analyste est bien présent même s’il se trouve à des milliers de kilomètres. N’aurait-on pas là une version “épurée” de l’analyse, version dans laquelle la parole serait le seul indicateur de la présence réelle de l’analyste et de l’analysant : deux parlêtres en interaction.

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