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Clinique psychanalytique

Le cas de Marie : une névrose obsessionnelle

« J’ai toujours peur que mon fils prenne froid et qu’il tousse »

Date de mise en ligne : samedi 19 février 2005

Auteur : Jean-Pierre BÈGUE

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« J’ai toujours peur que mon fils prenne froid et qu’il tousse »

Poussée par son mari qui menace de divorcer, Marie, une jeune femme d’une quarantaine d’années, s’est décidée à entreprendre une psychanalyse pour se débarrasser de l’obsession qui lui gâche la vie et celle de sa famille.
Les séances qui vont suivre, choisies pour leur intérêt clinique, montrent que l’obsession de Marie a un sens mais que ce sens lui est difficilement accessible dans la mesure où le symptôme obsessionnel dont elle souffre a pour fonction de lui éviter la reconnaissance et la confrontation avec des sentiments inconscients inadmissibles pour sa conscience morale.

Lors de notre premier entretien, Marie m’explique longuement ce qu’elle ressent. Elle a toujours peur qu’il arrive quelque chose à son fils mais surtout qu’il prenne froid et tousse. Comme elle redoute en permanence une atteinte de ses poumons, elle met tout en œuvre pour lui éviter de prendre froid.
Le matin, dès qu’elle se lève, elle regarde la température extérieure et la vérifie plusieurs fois pour ne pas se tromper ; la veille elle regarde les prévisions météo à la télévision pour connaître l’évolution de la température au cours de la journée du lendemain.
Elle impose à son fils de prendre un pull supplémentaire dans son sac au cas où la température viendrait à chuter ; il sait que s’il avait froid, il doit impérativement l’appeler sur son portable. Par ailleurs elle lui demande sans arrêt s’il n’a pas froid ; si la fenêtre est entrebâillée elle lui demande s’il ne sent pas l’air sur lui. La nuit elle se réveille plusieurs fois pour écouter s’il ne tousse pas, il lui arrive même de se lever pour aller vérifier qu’il n’est pas découvert dans son lit.
Quand la famille séjourne à la montagne dans sa maison l’été, elle est toujours aussi inquiète et elle ne parvient pas à se détendre même quand il fait beau et chaud, elle pense aux écarts de température importants entre le matin et le soir, et entre l’extérieur et l’intérieur dans la journée. Elle oblige son fils à mettre un pull quand il rentre dans la maison, son mari lui dit qu’elle est folle, il lui montre le thermomètre qui marque 25 degrés.
Un été où son fils avait pris froid et avait toussé plus que d’habitude, elle était tellement inquiète qu’elle lui avait fait un maillot en fourrure pour mettre sous sa chemise.
J’apprends, pendant cet entretien, que son fils a 10 ans, qu’elle a une fille de 12 ans et que son mari informaticien est peu présent en raison de son travail. Quant à elle, elle s’occupe des enfants. Elle me parle également de sa famille d’origine : son père pharmacien, sa mère chimiste et son frère âgé de 8 ans de plus qu’elle.

Après quelques séances consacrées aux inquiétudes relatives à son fils, Marie évoque son enfance au cours de laquelle il y a eu une période où elle a souhaité être un garçon comme son frère parce qu’elle le trouvait fort et beau et aussi parce qu’il était plus avantagé qu’elle : sa mère lui trouvait toujours des excuses quand il faisait des bêtises et elle ne lui demandait jamais de participer aux tâches ménagères. Quant à son père, il considérait implicitement son frère comme plus intelligent parce qu’il était très fort en maths, il avait toujours des très bonnes notes, ce qui n’était pas son cas, elle était rêveuse et attirée par les livres dans lesquelles elle trouvait une compensation au manque d’amour qu’elle ressentait. Elle aimait beaucoup son frère et aurait voulu qu’il s’intéresse à elle mais il se moquait d’elle et la repoussait la plupart du temps quand elle voulait jouer avec lui, les rares fois où il avait bien voulu, elle avait été vraiment heureuse. Elle rapporte un rêve dont elle se souvient : elle est au jardin d’acclimatation, elle marche avec son frère, il la tient par la main, ils sont assis dans la barque de la rivière enchantée, puis elle est sur un cheval de bois avec lui, le manège tourne vite, elle mange de la barbe à papa.
Elle me parle abondamment de ce rêve qui correspond à une situation réelle dont elle garde le souvenir émerveillé d’un moment de bonheur avec son frère dont elle me dit sentir encore sa main dans la sienne.

A une autre séance, elle me parle de son fils et de son comportement. Elle le décrit comme gentil et obéissant ; il fait bien attention de ne pas prendre froid ; il lui demande toujours comment il doit s’habiller. Elle met l’accent sur son problème de santé pour expliquer qu’il n’a pas beaucoup d’amis, qu’il est craintif et que ses résultats scolaires sont irréguliers. Quand son fils est malade ou quand il a des mauvaises notes, son mari dit qu’elle est très proche de lui, mais que par contre quand il va bien ou quand il lui arrive d’avoir une bonne note elle le critique, elle n’est pas gentille avec lui comme si elle n’était pas contente. Son mari l’accuse d’être injuste avec son fils et de ne pas s’en rendre compte.
Après quelques instants de silence, elle me parle d’un appel téléphonique de sa mère la veille pour lui annoncer que son frère doit subir une intervention chirurgicale sans gravité. Nouveau silence puis elle me dit qu’elle a fait un drôle de rêve. Elle a rêvé de son frère, il avait disparu, sa mère et elle le cherchaient puis elles avaient pris un taxi pour aller chez lui, il n’y avait plus sa plaque professionnelle sur la porte...des inconnus chuchotaient des phrases inintelligibles, elle s’était réveillée très inquiète et n’avait pas pu se rendormir.

A une séance ultérieure, Marie croise mon chat dans l’entrée, elle me demande, à peine installée sur le divan, s’il est « coupé », puis elle associe sur les chats abandonnés dans le village où elle va en vacances. Elle préconise de castrer tous ces animaux pour éviter leur prolifération, elle me parle aussi des arbres de son voisin qui montent jusqu’au ciel et bouchent la vue, elle voudrait lui faire couper mais ce dernier refuse. Elle a aussi la préoccupation de l’herbe du pré devant la maison qu’elle ne supporte pas de voir pousser, son mari doit la couper régulièrement sous peine de violentes critiques de sa part. Elle ajoute que ses amies lui disent qu’elle est toujours en train de parler de couper ou de castrer, elle reconnaît qu’elle a horreur de tout ce qui se dresse, elle prétend que ça gêne la vue et que ça fait pas net. Un jour, son mari et son fils avaient planté un tilleul près de la maison, il grandissait trop vite d’après elle et comme elle ne voyait plus que cet arbre pousser de jour en jour, elle l’avait fait périr en cachette.

Dans une autre séance elle me dit qu’elle rêve souvent de guerre et elle me raconte le rêve de la nuit précédente : c’est la guerre, il y a des soldats partout, elle s’est réfugiée avec ses parents et son frère dans la cave. Dans cette cave il y a des canalisations qui forment des sortes de tunnels par lesquels ils s’échappent, arrivés dans un champ, il y a des mines éparpillées sur le sol qui se sont transformées en carottes qu’ils doivent manger. Ils se retrouvent à regarder des soldats défiler, son frère fait partie de la troupe, elle se demande ce qu’il fait là.

A la séance qui suit, elle me dit qu’elle a encore rêvé de guerre : son frère est envoyé en mission dans un pays mais juste à ce moment la guerre éclate, le monde est divisé en 2. Elle est sur un bateau, elle a le choix d’aller sur une île en sécurité ou de s’impliquer dans la guerre mais le capitaine refuse de partir à la recherche de son frère. Il règne une atmosphère étrange car en fait on leur avait demandé de garder la déclaration de guerre secrète, ils étaient les seuls à être au courant.

Quelques semaines plus tard Marie me raconte un autre rêve : elle a rêvé qu’elle découvrait qu’elle était une sorcière, elle avait le pouvoir de transformer les personnes en les touchant, elle avait peur de toucher son fils car il aurait pu se transformer en un animal ou en son frère et son secret aurait été découvert. Elle s’est réveillée en nage car elle devait constamment faire attention à ne pas toucher son fils. Cela lui rappelle quand son fils était bébé, elle avait du mal à le toucher car elle avait toujours peur de ne pas savoir s’y prendre ou de lui faire du mal, il avait souvent de l’eczéma, il manquait d’appétit ou alors il rejetait ce qu’elle lui donnait à manger puis très vite, vers l’âge de 2 ans et demi, il y a eu cette toux qui l’inquiète sans cesse.

Un jour, je la vois arriver l’air maussade. Une fois allongée, elle garde, pendant de longues minutes, un silence pesant que je ressens comme très hostile. Je lui dis qu’elle a l’air mécontente. Elle me répond qu’elle est très en colère après moi ; je ne veux rien lui donner ; elle sait que je ne l’aime pas ; elle me haït parce que quand elle me demande de l’aide, je ne dis rien, je suis dans mon fauteuil silencieux ; elle me dit que je me fous pas mal d’elle puis elle ajoute :
« J’avais besoin d’une main tendue que j’aurais pu serrer mais il n’y a rien. »
Je lui réponds sans réfléchir : « Une main comme celle de votre frère au jardin d’acclimatation ? »
Elle éclate alors en sanglots et murmure : « oui, c’est ce que j’ai toujours voulu... si vous saviez tout ce qu’il m’a fait, ce salaud. »
Après un long moment de pleurs, elle exprime tous les griefs accumulés et la haine qu’elle éprouve à l’égard de ce frère qui non seulement la dédaignait mais la repoussait lorsqu’elle allait vers lui.

Au travers de ces séances, nous comprenons progressivement le sens du symptôme et sa fonction dans l’économie subjective du sujet. Marie surprotège son fils mais cette surprotection dont nous percevons bien le caractère excessif et obsessionnel masque en réalité une très forte agressivité dont l’objet n’est pas son fils mais l’image de son frère refoulée dans l’inconscient. Nous pouvons imaginer que, dans l’inconscient, une substitution s’est opérée : le fils a été mis à la place du frère et les sentiments inconscients liés à la représentation du frère se sont déplacés sur le fils. Marie ne peut accepter ses sentiments agressifs (dont elle n’a pas conscience), elle a donc mis en place, à son insu, un comportement de surprotection qui est le contraire d’un comportement d’agression afin de combattre et de ne pas reconnaître la haine qu’elle éprouve inconsciemment.

L’investissement hostile varie d’intensité selon les circonstances extérieures. Lorsque son fils est malade ou lorsqu’il a de mauvaises notes, il représente beaucoup moins son frère, la surprotection est suffisante pour empêcher l’agressivité de se manifester au grand jour, par contre quand il réussit, quand il est en bonne santé, il devient davantage l’image du frère, le garçon beau et fort qu’elle haït inconsciemment parce que cette image se trouve associée dans l’inconscient au rejet qu’il lui manifestait, dans ce cas la surprotection cède le pas à la critique et à des comportements agressifs remarqués par l’entourage.

D’autre part, Marie n’a sans doute jamais accepté que son frère en ait un, (un phallus), elle exprime clairement sa position psychique par rapport à la castration dans la séance où elle parle des chats et des arbres. Le fils malade ou en échec symbolise aussi pour Marie la castration dans l’inconscient ; si son fils n’en a pas, il est beaucoup moins dans l’inconscient le frère jalousé à cause de son identité sexuelle, elle peut alors se montrer tendre avec lui en le surprotégeant.

L’agressivité refoulée à l’encontre du frère se manifeste au travers des rêves de disparition, de guerres. A l’état de veille, les sentiments d’agressivité sont maintenus dans l’inconscient par la censure morale inconsciente du surmoi, par contre dans le relâchement du sommeil, les sentiments interdits peuvent apparaître a minima dans les images du rêve.

Le rêve de la sorcière est tout à fait explicite car il révèle le secret inconscient de Marie sans que celle-ci ne puisse encore établir le lien entre son fils et son frère ; les 2 représentations avec les affects qui y sont attachés demeurent isolées l’une de l’autre.

Le transfert de Marie sur moi marque une étape importante car c’est à partir de cette séance et au travers de celles qui vont suivre qu’elle va pouvoir exprimer et reconnaître la haine qu’elle porte à son frère. Progressivement, Marie pourra accepter ses sentiments vis à vis de son frère ce qui aura pour effet de rendre moins forte l’isolation entre la représentation du frère et du fils jusqu’au moment où elle pourra enfin reconnaître consciemment le lien qui s’est établi à son insu entre son frère et son fils. A partir de ce moment là Marie comprendra le sens de son symptôme et pourra se libérer de son obsession.

En revanche, son fils habitué à complémentariser depuis son plus jeune âge les inquiétudes de sa mère devra probablement être aidé psychologiquement pour pouvoir prendre de l’assurance et abandonner le symptôme dont sa mère avait besoin inconsciemment pour l’aimer.

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