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Dr A. Marie et Dr M. Pelletier

Perversions par insuffisance sexuelle

Archives d’anthropologie criminelle (1906)

Date de mise en ligne : samedi 3 mars 2007

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Dr A. Marie et Dr M. Pelletier, « Sur quelques perversions par insuffisance sexuelle », Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. XXI, Éd. Masson et Cie, Paris, 1906, pp. 241-255.

SUR QUELQUES PERVERSIONS PAR INSUFFISANCE SEXUELLE

Parmi les pervertis sexuels, il En est certainement un grand nombre qui doivent leurs perversions à une exagération du sens génital. Parfois l’exagération porte sur l’instinct lui-même (centre génito-spinal excité) ; on a alors le satyriasique qui, ne trouvant pas de partenaires pour satisfaire d’une façon suffisante ses désirs incessants, y supplée en se livrant à l’onanisme, à l’exhibitionnisme ou à d’autres pratiques lubriques plus complexes.

Chez un de nos malades, Kur…, dix-neuf ans, fils d’un alcoolique épileptique, les diverses perversions sexuelles que nous avons constatées semblent relever de l’hyperexcitation génitale plutôt que d’une insuffisance. Avant d’entrer à l’asile, il avait été arrêté pour racolage pédérastique réitéré et exhibition dans les urinoirs des Champs-Élysées.

Entré dans le service pour affaiblissement des facultés intellectuelles, il a présenté des périodes alternes d’excitation et de dépression.

Au début de son internement, alors qu’il était excité, il se présentait à la visite la verge à la main. Il courait également après les autres malades en se masturbant et en cherchant à les provoquer à la masturbation réciproque. La verge est longue et volumineuse, avec érections fréquentes.

Un autre malade atteint de confusion mentale post-traumatique, consécutivement à une chute de motocyclette de course, a eu pendant une phase d’automatisme inconscient un véritable priapisme qui le poussait à se jeter sur les femmes qui l’approchaient, même sur sa mère qu’il ne reconnaissait pas.

Mais déjà, dans ces cas, on peut se demander si l’éréthisme spécial ne résulte pas d’un amoindrissement, d’une suspension même de l’action des centres supérieurs nécessaires à l’orientation normale et à l’adaptation sociale sexuelle. Réduits à leur centre génito-spinal exalté, ces malades sont comparables à la grenouille décapitée dont les réflexes spinaux s’exagèrent. Ils n’en sont pas moins des insuffisants, au point de vue de l’adaptation sexuelle supérieure. Ils se rapprochent dès lors accidentellement de l’état des dégénérés purement spinaux, des idiots réduits à leurs centres inférieurs, capables seulement de masturbation automatique, ou tout au plus de viol et de pédérastie impulsive.

Entre les priapismes des hypersexuels vrais et ceux-ci, on peut rencontrer tous les intermédiaires, et il importe de distinguer les ruptures de coordination cérébro-spinale par déchéance psychique primitive (exagération secondaire du dynamisme spinal) des exagérations primitives d’actions médullaires inhibant secondairement les fonctions frénatrices supérieures normales.

Les états d’éréthisme local dus à l’absorption d’excitants artificiels, cantharide par exemple, peuvent encore se rapprocher des états d’amoindrissement psychique, par exagération du dynamisme spinal, inhibant les fonctions modératrices et coordinatrices corticales. Le même point de vue s’appliquerait aux anomalies sexuelles inconscientes périodiques de certains épileptiques, que ces aberrations génitales incidentes soient des équivalents psychiques de crises ou un automatisme inférieur, inconscient, par irritation purement spinale post-comitiale.

« On croit généralement, dit Lasègue, que les exhibitionnistes et les onanistes sont des hommes chez lesquels le sens génital est très développé. On a la plus grande tendance à considérer ce vice comme le résultai d’une ardeur exubérante qui ne trouve pas à se satisfaire par des procédés normaux. C’est une erreur. »

La plupart du temps, en effet, une plus exacte appréciation des cas permet de ramener ces faits à une insuffisance sexuelle véritable, tantôt psychique, tantôt physique ou même tout à la fois psychique et physique.

Dans tes trois cas, l’insuffisance sexuelle peut être acquise ou congénitale, parfois cependant une insuffisance sexuelle psychique et congénitale peut se compliquer et s’accentuer du fait d’une insuffisance sexuelle physique acquise, réalisant la quadruple combinaison de causes physiques, psychiques, congénitales et accidentelles.

Les cas d’insuffisance sexuelle psychique congénitale sont ceux déjà décrits tant de fois par Magnan et ses élèves.

L’insuffisance sexuelle psychique se manifeste par les syndromes épisodiques ou stigmates psychiques de dégénérescence, en rapport avec la sphère génitale.

Ici les perversions multiples les plus complexes peuvent, jusqu’à un certain point, s’expliquer par le besoin d’excitation supplémentaire en vue d’obtenir la détente génitale dont les voies réflexes centrales manquent ou sont en déficit.

Les cas d’insuffisance sexuelle physique également congénitale se réfèrent aux stigmates par anomalie de conformation, empêchant plus ou moins les rapports sexuels complets et normaux, d’où les aberrations et perversions dues aux détours divers qu’entraînent des organes périphériques insuffisants.

Les deux ordres d’arrêt de développement périphérique et central de la même sphère génitale sont possibles, et alors a fortiori leur insuffisance sexuelle devient évidente.

L’examen des dégénérés prouve la fréquence chez eux d’insuffisant développement des organes de la génération soit dans leurs parties externes : vagin, verge, testicules, etc., ou dans leurs parties profondes : utérus, ovaires, vésicules spermatiques, etc. — Nous avons observé une dégénérée privée congénitalement d’ovaires et d’utérus avec atrésie vaginale ; elle avait cependant des instincts qu’on pourrait appeler parasexuels, puisqu’elle fut mariée deux fois et eut des amants. Un réflexe pseudo-génital voluptueux s’était développé par et pour les attouchements clitoridiens et le colt anal, seuls possibles en la situation anatomique de cette femme en dépit d’une opération tentée par le professeur Pozzi pour établir un canai vaginal.

Ainsi que nous le disions plus haut, le traumatisme cérébral accidentel peut susciter des troubles génitaux satyriasiques qu’on peut considérer comme dus a un amoindrissement psychique.

Dans l’amoindrissement psychique aigu isolé comme dans la démence paralytique, précoce ou tardive (démences secondaires, séniles, etc.), nous voyons surgir les perturbations sexuelles acquises parallèlement à l’insuffisance psychique progressive.

Généralement ici, l’insuffisance sexuelle est précédée d’une dynamie fonctionnelle préalablement suivie d’impuissance plus ou moins complète, mais alors survient un érotisme qui prend les voies de satisfaction détournées les plus diverses pour suppléer à l’impuissance sexuelle sous-jacente.

M. Marandou de Montyel a étudié les troubles de la sphère génitale dans la paralysie générale ; nous avons porté nos recherches sur ce point et nous trouvons la succession de deux phases :

1° Hypersexualité ;
2° Hyposexualité. Quand l’érotisme psychique survit chez l’hyposexuel, on voit apparaître des perversions par insuffisance. Dès la période préparalytique d’excitation sexuelle, on pourrait même souvent déjà la considérer comme correspondant bien plutôt à une faiblesse irritable qu’à une hyperkynésie réelle.

« La multiplication même de l’acte génital, dit en effet Lasègue, ne prouve nullement l’aptitude génitale exagérée. Un homme qui urine toutes les cinq minutes n’est pas un homme qui urine bien, un homme qui mange souvent n’est pas un homme qui mange bien.

« Il en est de même du fait de répéter d’une manière abusive l’acte génital ; cela implique une erreur, une aberration du sens génital, bien plus qu’une supériorité de ce sens. Et cela n’est pas vrai seulement de la masturbation, tout homme qui peut impunément avoir des rapports nombreux avec un femme n’a pas un sens génital normal, il a une infirmité.

« Cette infirmité présente deux caractères. L’éjaculation se fait en quelque sorte immédiatement et sous l’influence de l’excitation la plus légère ; en outre, si l’érection est fréquente, elle est rarement complète ; c’est une demi-érection. »

À première vue il peut sembler étrange que l’insuffisance sexuelle puisse conduire au perversions génitales et on tendrait plutôt à penser que les hyposexuels dussent rester des chastes. Mais c’est que le sens génital est un phénomène très complexe dans lequel le cerveau entre comme un facteur puissant. Lorsque l’insuffisance est congénitale et due par exemple à la cryptorchidie ou à toute autre anomalie des organes génitaux, l’individu a plus de chances de ne pas tomber dans les perversions ; encore que très souvent il y verse poussé par le milieu et cherche dans la pédérastie passive un succédané au satisfactions dont il est privé.

Mais les pervertis dont nous avons à nous occuper ne sont pas de cet ordre. Ce sont des gens qui pendant une période plus ou moins longue de leur existence ont été en possession de leurs facultés génésiques et qui pour une cause quelconque, sénilité, hémiplégie, hernie volumineuse, etc., les ont perdues.

Chez ces malades le désir purement cérébral survit à la perte ou à l’affaiblissement du sens génésique et ils cherchent à se procurer au moins des demi-satisfactions, en montrant leurs organes aux passants, en se masturbant en public ou en frottant leur verge contre les fesses des personnes de l’autre sexe.

Un malade de M. Magnan, qui se livrait à ce dernier genre d’exercice qui a reçu un nom particulier, « la frotte », était en réalité complètement frigide.

« À la tombée de la nuit, dit M. Magnan, ii se dirige vers les rassemblements, aux stations d’omnibus, auprès des bateleurs ; il s’approche et se place derrière une femme, cherchant de préférence la plus grosse, puis il retire sa verge qui reste flasque (depuis deux ans il n’a plus d’érections) et se frotte contre les fesses de sa voisine. C’est pour des actes de ce genre qu’un agent des moeurs l’arrêta à la station d’omnibus de la place Clichy. Une fois déjà il avait été condamné à quatre mois de prison pour frottage. Sa femme tenant une crémerie, c’est lui qui parfois dirige la boutique ; or, à plusieurs reprises, ii n’avait pu s’empêcher de tremper ses organes génitaux dans le lait qu’il distribuait au clients. »

On a signalé également les masturbateurs par insuffisance sexuelle, quoique chez eux cette insuffisance fût plutôt une psychasthénie qu’une véritable infériorité organique. Ces malades éprouvent, lorsqu’il s’agit d’accomplir l’acte sexuel, une émotion analogue au trac des orateurs, et cette émotion inhibe complètement le phénomène de l’action rendant ainsi le coït impossible. Naturellement la timidité des sujets est encore accrue par leurs échecs et, à la fin, ils en viennent à préférer à l’acte sexuel les pratiques solitaires. Lorsqu’il est seul, en effet, le malade ne redoute plus rien et, comme il n’est pas émotionné, toutes les phases de l’acte, érection, éjaculation, s’accomplissent très bien.

Les exhibitionnistes ont été étudiés par de nombreux auteurs tant au point de vue psychiatrique qu’au point de vue médico-légal. Tardieu, Legrand du Saulle, Lasègue, Moreau de Tours, Magnan, Féré, en ont cité des exemples ; mais c’est surtout Lasègue qui s’en occupa spécialement le premier ; l’expression d’exhibitionniste est de lui.

Lasègue fait remarquer que presque toujours l’exhibitionniste se contente de cette manifestation platonique et ne cherche pas à entrer en relations plus directes avec les personnes auxquelles il montre ses organes. Cela s’explique par ce fait que ces individus sont le plus souvent des impuissants ; s’ils se bornent à montrer leurs organes, c’est qu’il leur est impossible de faire plus.

L’exhibitionnisme est à peu près exclusif à l’homme ; chez la femme, il est très rare, et les auteurs en signalent quelques cas concernant la femme paralytique générale. Cette rareté tient surtout à ce que l’impuissance sexuelle est bien plus rare chez la femme en raison de son rôle plus passif et physiologiquement indépendant de tout éréthisme extérieur.

Les quelques femmes qui se livrent à l’exhibitionnisme, car il y en a cependant, y sont amenées non par suite d’insuffisance sexuelle, mais, au contraire, par hyperexcitation des désirs vénériens.

L’exhibitionnisme féminin s’observe à l’intérieur des asiles ; des malades atteintes d’excitation maniaque ou de paralysie générale au début relèvent leurs jupes au passage du médecin en lui faisant des propositions de coït. Mais, dans la vie extérieure, le fait est plus rare ; l’éducation développe chez la femme le sentiment de la pudeur dans des proportions beaucoup plus fortes que chez l’homme, aussi faut-il qu’elle devienne tout a fait aliénée pour être amenée au point d’exhiber ses organes génitaux dans un but de lubricité.

On peut diviser, avec le Dr Colin, les détenus pour attentats à la pudeur proprement dits en deux grandes catégories :

Dans la première, la principale, viennent se ranger les infirmes, les gens mal bâtis au physique, les vieillards. À côté de leur infirmité, ces détenus présentent le pus souvent des anomalies sexuelles, petitesse de la verge, monorchidie, etc., etc.

Dans la seconde catégorie se placent les faibles d’esprit, les débiles, chez lesquels, comme on le sait, les tares physiques et en particulier les anomalies des organes sexuels sont également très fréquentes, puisqu’elles font partie des stigmates physiques des dégénérés.

Au premier abord, il peut paraître paradoxal d’affirmer que les attentats à la pudeur sont en général le fait d’individus mal bâtis, âgés ou tarés au point de vue de la conformation des organes génitaux. Et, cependant, rien n’est plus exact. Toutes choses égales d’ailleurs, il y a lieu d’attribuer, avec M. le Dr Colin, une importance capitale à une sorte de crainte, de timidité bien naturelle chez des gens ayant conscience de leur infériorité physique. Cette même timidité, accrue encore par les moqueries plus ou moins spirituelles, mais cependant de règle, auxquelles ces malheureux se sont trouvés exposés de la part de leurs camarades ou des femmes auxquelles ils se sont adressés, explique aussi le fait que les victimes des attentats à la pudeur sont en général des enfants et le plus souvent de tout petits enfants. Dans beaucoup de cas, les individus condamnés ont eu peu de rapports normaux avec les femmes et souvent ils n’en ont pas eu du tout.

Chez les vieillards, cette crainte, cette timidité ou cette impossibilité de s’adresser ailleurs se complique souvent d’avarice, et l’on sait qu’il leur suffit de sous plus ou moins intelligemment distribués pour obtenir ce qu’ils désirent de leur petite victime.

Le Dr Coillu a publié neuf cas d’attentats aux moeurs par insuffisance sexuelle chez les détenus, insuffisance consistant en infantilisme et difformités physiques diverses ; tous ces individus étaient microphales avec ou sans cryptorchidie et présentaient des signes évidents de puberté incomplète (absence de poils au pubis, au visage, voix aigu, aspect grêle, débilité intellectuelle).

Dans certains cas, dit Tardieu, les actes qui ont paru outrageants pour la pudeur publique ne sont, en réalité, que la conséquence d’une infirmité acquise qu’il appartient au médecin de reconnaître et d’expliquer. Des vieillards qu’un séjour prolongé en certains endroits de la voie publique, que certains attouchements en apparence immoraux, avaient désignés à l’attention des agents de l’autorité, cédaient simplement aux nécessités d’une affection chronique des voies urinaires, unique cause de l’émission lente de l’urine et des mouvements propres à solliciter et à hâter la miction. De telles conditions physiques sont de nature, on le comprend, à enlever aux faits tout caractère de criminalité, et c’est le médecin qui peut seul arrêter les poursuites commencées.

Le perverti sexuel fétichiste, dit Gamier, se dépense génitalement et par une sorte d’ectopie amoureuse, dans un culte bizarre, illogique, absurde, où l’on peut reconnaître comme un onanisme psychique, si l’on peut ainsi dire, onanisme psychique qui ne fait que doubler et entretenir l’onanisme réel ou matériel auquel tous ces déviés s’adonnent avec passion.

Timide dans les choses de l’amour normal, le fétichiste, bien loin d’être un excité au point de vue des plaisirs vénériens, est bien plutôt un insuffisant que rien n’attire vers l’union des sexes ; le plus souvent, génitalement, il pèche bien plus par défaut que par excès.

Les vices de conformation, dit Moreau de Tours, doivent être rangés dans deux grandes classes, suivant qu’ils sont acquis ou congénitaux, tels que l’hermaphrodisme, le phimosis, l’hypospadias, l’atrophie ou arrêt de développement, tels qu’on les trouve chez les eunuques par exemple.

Nous n’avons pas à rechercher ou à discuter ici la question de savoir si les individus atteints congénitalement de vices de conformation des organes de la génération, bien que parfaitement conformés sous les autres rapports, peuvent ressentir de l’amour. Il est hors de doute que le sentiment amoureux, l’amour charnel peut exister chez ces disgraciés de la nature aussi bien que chez les hommes… complets ; il y a chez eux réciprocité de l’instinct sur l’intellect, et de l’intellect sur l’instinct, ou en d’autres termes, des organes sur le cerveau et du cerveau sur les organes. Mais l’imperfection dans la réalisation de leurs désirs, les déboires, les affronts auxquels ils sont fatalement exposés, l’impuissance enfin qui est le résultat obligé de leur vice de conformation réagissent sur les facultés intellectuelles. Rappelons aussi la remarque faite par Legrand du Saulle, dans une communication à la Société médico-psychologique, sur la fréquence des anomalies des organes génitaux et des perversions génésiques de l’ordre le plus inattendu chez les aliénés raisonnants.

Les organes génitaux, dit Féré, sont souvent, chez les épileptiques, comme chez les dégénérés en général, le siège d’anomalies morphologiques. Ces anomalies peuvent coïncider avec des troubles physiologiques ou psychiques afférents à la fonction de ces organes.

Tandis que les perversions constitutionnelles s’accompagnent le plus souvent d’hyperexcitabilité sexuelle, les perversions acquises dans la débauche coïncident plus souvent avec un certain degré d’impuissance qui accentue l’anomalie.

Chez les déments en régression, les impotences organiques et fonctionnelles dues à la démence réalisent une insuffisance sexuelle qui replace le malade dans des conditions comparables à celles de l’enfant ; c’est l’enfance sexuelle par régression, si l’on peut ainsi dire, s’accompagnant, comme chez l’enfant, des tâtonnements indécis et maladroits des premiers pas de la sexualité incomplète.

Le débile congénital arrêté dans son développement sexuel à cette première phase se rapproche ainsi du dément qui y revient. Ils offrent les mêmes réactions sexuelles frustes (exhibition, onanisme, etc.).

Chez d’autres, ou les perversions sexuelles se compliquent par survivance d’une mentalité active malgré une insuffisance des organes de la génération, on voit alors se développer des équivalents psychiques de la sexualité empêchée réalisant les à-côtés de la sexualité comme chez les eunuques ou les mujirados.

Nous avons pu observer dans le service un certain nombre de malades atteints de perversions sexuelles variées. La plupart étaient atteints, pour des raisons variables, d’insuffisance physique acquise ou congénitale constatable â chacun des organes sexuels.

OBSERVATION I. — La première observation concerne un nommé R…, âgé de vingt-huit ans, bijoutier.

R… est un débile. Ses antécédents héréditaires sont chargés. Fils naturel, sa mère est morte la Salepêtrière, sa grand-mère également, toutes deux de cardiopathies. Sa mère était sujette â des crises nerveuses.

Il présente des stigmates psychiques de dégénérescence. II a la phobie de la rougeur. Au point de vue génital, il était très ardent de bonne heure, et connut ainsi plusieurs femmes. Mais il n’éprouvait pour elles aucun sentiment amoureux. Bien au contraire, il avait, au cours du coït, avant et après cet acte, des désir, sadiques de les brutaliser, de les faire souffrir. C’est une tendance que nous retrouverons dans sa perversion sexuelle ultérieure. Est-ce déjà une perversion ? En tout cas il ne paraît pas avoir passé du désir l’acte.

De plus, il était inquiet, susceptible, pointilleux à l’extrême. Il avait des tendances marquées, vers les idées de persécution. Il interprétait mal et croyait dirigées contre lui les paroles qu’on prononçait dans les ateliers où il travaillait. Chantait-on ou riait-on, autant de moqueries dirigées contre lui. Il réagissait d’abord par un silence obstiné, puis, lorsqu’il était agacé par l’excès de ce qu’il prenait pour des moqueries, il avait de violentes idées de meurtre dirigées en particulier contre les femmes par qui il se croyait surtout persiflé. Par deux fois il fît des tentatives de meurtre contre des Jeunes filles de son atelier. Mais la raison dominante de ces tentatives de meurtre résidait surtout dans sa susceptibilité exaspérée, et n’était pas due, il nous l’a affirmé à plusieurs reprises, à des excitations génitales sadiques.

À l’égard des hommes, il n’avait pas au même degré des sentiments de défiance, du moins à ce moment-là, mais très rapidement mis en colère par les injures que lui attirait son attitude silencieuse et dédaigneuse, il se battait avec eux, et les corps à corps n’étaient pas sans lui apporter des sensations génitales voluptueuses.

C’est en 1896 que lui arriva l’accident origine de sa malformation. Cet accident fut un chancre phagédénique contracté dans un coït normal, dont il guérit très lentement et dont il conserva une cicatrice fort apparente : perte de substance de toute la partie gauche du gland, jusqu’à l’urètre qui n’est pas touché. Cette malformation n’empêche pas l’érection, n’est pas douloureuse, mais elle est très visible. Le malade eut désormais honte de cette petite difformité, et s’y joignant la crainte d’une nouvelle contagion vénérienne, il cessa tout rapport avec les femmes.

Il fut rapidement amené à chercher un dérivatif pour la satisfaction de ses désirs sexuels et de l’instinctif besoin de tendresse. Il s’entoura d’animaux, de chats, de rats blancs, de singes, qu’il se procurait à grand prix et qu’il conservait dans sa chambre. Il les affectionnait beaucoup, nous dit-il. Ce qui n’était pas pour leur bien.

Son état mental était resté tel que nous l’avons décrit, susceptible et violent dans ses tendances réactionnelles. Lorsqu’à l’atelier il était mis de mauvaise humeur par ce qu’il croyait des moqueries, il ressentait le besoin impulsif de tuer la personne qui se moquait de lui et luttait contre cette idée tout en conservant sa rancune, jusqu’au moment où, de retour chez lui, il se trouvait au milieu de ses bêtes.

Si alors l’une d’entre elles, en particulier un chat, le regardait, il sautait sur elle, crispait ses mains autour de son cou, faisait sortir la langue rouge de l’animal qu’il coupait entre ses dents et qu’il dévorait. Ou bien, si l’animal, en se défendant, le griffait, il lui broyait les pattes en les mordant. Au moment où les dents pénétraient, il avait une érection bientôt suivie d’un orgasme voluptueux.

Alors survenait le regret de l’action, la honte de ce qu’il avait fait et il soignait la bête agonisante ou l’achevait par pitié, si elle avait l’air de trop souffrir.

C’étaient spécialement les chats qui étaient ses victimes, car la torture spéciale de ces bêtes provoquait le maximum de plaisir, bien plus que le massacre des rats blancs, qu’il écrasait, pendait ou jetait dans le feu, et que celui des singes, massacre plus rare en raison du prix de ces animaux, auxquels il infligea deux fois l’horrible supplice de les brûler vifs dans leur cage, avec de journaux successivement enflammés.

Ce n’est pas cette perversion sexuelle qui l’amena à l’asile, mais un meurtre commis sur un ouvrier de son atelier et dû à ses idées de persécution.

Dans ce cas, on voit nettement la perversion sexuelle : sadisme sur les animaux, survenue après et à l’occasion d’une malformation chez un individu normal jusque-là du point de vue du contentement de ses désirs sexuels. Il existait bien auparavant des tendances sadiques, mais elles n’ont eu leur expression que lorsque le coït normal ne fut plus, ou ne parut plus possible au malade. Le terrain dégénératif sous-jacent est en outre évident.

OBSERVATION II. — Mme de Z…, mariée en premières noces à un mari qui s’est suicidé, n’a jamais eu d’enfants, et pour cause.

Elle est atteinte d’imperforation du vagin. Cette anomalie a motivé après son mariage une intervention chirurgicale du Dr Pozzi qui n’a pu trouver de cavité vaginale autre ni d’utérus complet et n’a pu que réaliser artificiellement un cloaque périnéal au voisinage du méat urinaire. Cette cavité artificielle permet à peine l’introduction de la moitié de l’index.

Aussi l’atrésie congénitale du vagin jointe à l’absence d’organes génitaux complets a-t-elle entraîné l’absence de menstrues et un retard de la maturité sexuelle vraie. À la pension elle aurait cependant essayé de se livrer à la masturbation clitoridienne par imitation, mais sans excès, n’ ayant pas trouvé d’attrait.

Mariée, elle apprit faute de mieux à se prêter aux rapports sexuels à rebours et y prit goût, la sexualité s’éveilla ainsi et elle a eu dès lors des paroxysmes d’ardeurs amoureuses d’un rythme irrégulier, tantôt mensuellement, tantôt à plus longs intervalles. Elle aurait eu alors des frénésies de masturbation clitoridienne et cherchait à se livrer au coït anal. Elle eut aussi divers amants outre son mari.

La mort de celui-ci lui produisit néanmoins un choc moral considérable, d’autant plus que cette perte se compliqua de la misère relative.

Elle qui avait occupé une situation mondaine en vue avec hôtel, réceptions brillantes, elle fut réduite à une vie très modeste.

Elle se remaria quelque temps après et n’ayant pas trouvé dans cette union l’amélioration attendue de sa situation matérielle ni les satisfactions génitales désirées, elle tomba dans une dépression avec idées de suicide et de culpabilité, hallucinations de l’ouïe et interprétations fausses. Elle entend les cris des siens qu’on tue, on prépare son supplice, on va la tuer, elle le mérite, etc.

Cet état est coupé de mustime et sitiophobie avec raptus impulsifs à frapper ou à se tuer. Elle insulte les siens, dit qu’ils ne sont plus eux, qu’on les a changés, que les vrais sont morts, etc.

Puis atténuation de ces signes et persistance d’un état rappelant la démence précoce paranoïde.

OBSERVATION III [1]. — O…, quarante-deux ans, condamné à deux ans de prison.

Pas de condamnation antérieures. Domestique. O… a commis plusieurs attentats à la pudeur consommés ou tentés sans violence sur deux soeurs, une de neuf, l’autre de sept ans.

Ces enfants étaient confiées à sa garde pendant l’absence de leurs parents.

O… est boiteux, il présente une coxalgie droite avec abcès froids. La verge est petite et très courte et mesure environ 7 centimètres à l’état d’érection, soit à peine la moitié de la longueur normale. O… n’a eu de rapports avec les femmes que très rarement, une fois par an à peine. Il n’y tenait pas et se rendait compte de son état d’infériorité.

OBSERVATION IV. — P…, dix-neuf ans condamné à deux ans de prison.

Deux condamnations antérieures pour mendicité et vol. Attirait un jour la jeune X… âgée de six ans, sa voisine, dans un petit bâtiment situé à l’extrémité d’une cour, il relevait les jupons de l’enfant et s’efforçait d’introduire sa verge dans les parties sexuelles. Il renouvelait cette tentative le même jour dans sa propre chambre sur son lit.

P… est doué d’une intelligence au-dessous de la moyenne, il a eu rarement des rapports sexuels. La verge et les testicules sont d’un volume très inférieurs à la normale.

OBSERVATION V. — R…, vingt-cinq ans, condamné à deux ans de prison.

Une condamnation antérieure. Pendant l’absence d’une de ses voisines, il a porté la fillette de celle-ci, âgée de onze ans et demi, sur un lit, et a consommé avec elle, dit le rapport, un rapprochement sexuel complet. L’enfant a été déflorée, mais l’expertise a permis de constater qu’elle a dû l’être à une date antérieure. Or, R…. avait, cinq ou six semaines auparavant, enivré les quatre enfants de cette même voisine.

R… est borgne de l’œil droit. La verge est petite, l’intelligence est au-dessous de la moyenne.

OBSERVATION VI. — E… vingt-cinq ans. Condamné à quatre ans de prison, pas de condamnation antérieure. Le 31 juillet 1895, dit l’extrait judiciaire, E… se rendit à deux heures de l’après-midi au domicile des époux X… pour prendre livraison d’un sommier et d’un bois de lit. Il monta dans la chambre où étaient ces objets, suivi par les petites filles X… Comme il tardait à redescendre, la femme X… alla lui dire de se hâter ; une seule des petites filles se trouvait dans la chambre ; E… était assis sur le sommier. Il s’en alla et peu après les époux X… constatèrent la disparition de leur fille aînée, âgée de quatre ans et demi. Ils se rendirent dans le jardin, et là ils virent leur fille debout contre le mur, et agenouillé devant elle E…, qui d’une main lui relevait ses vêtements et de l’autre lui faisait des attouchements. Il a avoué qu’une première fois dans la chambre, il avait essayé d’introduire sa verge dans les parties sexuelles de l’enfant mais il n’y était arrivé que la deuxième foie dans le jardin.

E… est d’une taille au-dessous de la moyenne ; il mesure 1 m 42. C’est un individu très borné, ne sachant ni lire ni écrire, se rendant difficilement compte de sa situation. Il présente de l’asymétrie faciale et une rétraction de l’aponévrose palmaire des deux côtés.

OBSERVATION VII. — N…, cinquante-huit ans. Condamné à cinq ans de prison, pas de condamnation antérieure. A commis des attentats à la pudeur sur deux petites filles, une de sept ans et demi, l’autre de six ans et demi. N… est un être d’aspect répugnant, mal conformé, avec cyphose des plus prononcée. La taille est de 1 m 40. La verge est très petite.

OBSERVATION VIII. — D…, soixante-deux ans. Condamné à quinze mois de prison, deux condamnations antérieures. D’une laideur peu commune, D… attirait dans une écurie une petite fille de huit ans, et se livrait sur elle à des attouchements obscènes.

OBSERVATION IX. — F…, vingt-deux ans. Condamné à treize mois de prison, cinq condamnations antérieures pour vagabondage. A été surpris par la mère d’une enfant de quatre ans ; il avait la braguette de son pantalon ouverte ; la verge était apparente. L’enfant était posée sur lui à califourchon.

F… est un faible d’esprit ; il présente de l’asymétrie faciale et crânienne ; les dents sont mauvaises et mal rangées. Il s’exprime avec difficulté et se rend imparfaitement compte de sa situation.

La verge est d’aspect et de volume infantiles ; l’individu est monorchide et il y a absence absolue de poil au pubis et aux aisselles. F… dit n’avoir jamais eu de rapports sexuels.

OBSERVATION X. — G…, seize ans. Condamné à quinze mois de prison, pas de condamnation antérieure. S’est livré, en 1894 et 1895, avec sa mère, publiquement, à des actes répugnants d’obscénité ; devant la fenêtre sans rideaux, il se montrait presque nu et se livrait à des attouchements obscènes.

La mère de G…, complice, dit l’extrait du jugement, a été déclarée irresponsable par le médecin expert. Il y aurait peut-être à ce point de vue une surveillance à exercer sur le fils.

G… est d’une taille très au-dessous de la moyenne ; il mesure 1 m 45, asymétrie crânienne et faciale, dents mauvaises, dent d’Hutchison. Absence presque complète du nez. Figure bestiale. Pas de poils au pubis et aux aisselles. Verge et testicules infantiles.

OBSERVATION XI. — D…, seize ans. Condamné à deux ans de prison, pas de condamnation antérieure. Domestique de ferme, D… a attiré une enfant de six ans et demi dans un endroit isolé, lui déboutonna son pantalon, lui embrassa le derrière à plusieurs reprises et tenta d’introduire sa verge dans le vagin, sans succès du reste. Huit jours plus tard, il renouvela le même attentat et l’extrait du jugement porte qu’il aurait réussi cette fois.

De son côté, D… le nie absolument et dit n’avoir jamais eu d’érections jusqu’à présent. La verge est infantile, les testicules sont du volume d’une grosse noisette.

Ce détenu est en observation depuis deux ans et son état ne s’est pas modifié, bien qu’il ait maintenant dix-huit ans. II y a absence totale de poils au pubis et aux aisselles. La taille est très au-dessous de la moyenne, D… mesure 1 m 40. L’intelligence est moyenne. Il y a en somme un arrêt de développement des plus marqués. La voix est celle d’un enfant.

OBSERVATION XII. — T… cinquante et un ans.

T… est un débile mental très prononcé. Mais il avait jusqu’à présent pu vivre en dehors des asiles, menant une vie un peu misérable de journalier, alcoolique, mais normal au point de vue de ses besoins génitaux.

En 1898, T… fut atteint, à la suite d’un effort, d’une hernie double scrotale volumineuse, comme on peut le voir sur la photographie du malade. La présence dans le scrotum d’une masse intestinale relativement considérable empêcha le malade de se livrer dorénavant au coït normal : la verge elle-même n’existe plus à l’intérieur de son fourreau qui seul existe en dehors de la tumeur intestinale.

Privé de son moyen habituel de satisfaire ses désirs sexuels, ce débile songea aux seuls moyens qui lui restait dès lors. Il pratiqua avec une fillette de quinze ans, fille d’un chiffonnier du voisinage, des attouchements mutuels. Il fut surpris au bout d’un mois de ce commerce, et arrêté pour attentat à la pudeur.

L’excuse que donne actuellement ce débile de l’acte qu’il a commis indique bien que l’origine de la perversion réside dans sa malformation : il ne pouvait plus, dit-il, faire autre chose, cause des douleurs résultant de ses essais de coït, et les attouchements, il les avait pratiqués avec une fillette, parce qu’à cet âge, elle ne lui en demandait pas davantage, et qu’il n’avait pas, avec elle, à redouter de moqueries touchant à sa difformité.

OBSERVATION XIII. — Gin…, paralytique général. Ce malade avait, aux dires de sa femme, été d’abord très passionné (trois coïts en moyenne chaque nuit).

À la première phase de la maladie, l’excitation sexuelle se caractérisa par des aberrations spéciales, et voici le certificat de M. Gamier à ce propos :

« Paralysie générale. Excès alcooliques. Affaiblissement global des facultés intellectuelles. Hallucinations visuelles et idées de persécution d’origine alcoolique. Tendances érotiques très accusées. Il battait ces jours derniers sa femme pour l’obliger à se soumettre à ses caprices lubriques, voulant happer ses matières fécales à la sortie de l’anus, et boire le champagne versé dans la cavité vaginale. Il a des mignons et des fillettes de sept ans à son service, par milliers, il placera des brillants dans leurs organes sexuels. Il a des milliards. Embarras de la parole. Défaut de réaction pupillaire. Le malade aurait eu la syphilis à vingt et un ans, à Saint-Cloud, après la guerre.

Parallèlement, ce malade avait présenté des perversions sexuelles multiples. Il se livrait à des attouchements avec des petites filles et des petits garçons. Il voulait se débarbouiller avec les linges souillés de sa femme.

Il cherchait à se masturber à la fenêtre, afin d’être vu des voisins. Lorsque, couché sur son lit, il se livrait à l’onanisme, ii prétendait que le sperme allait jaillir de sa verge jusqu’au plafond, à la manière d’un feu d’artifice, mais n’arrivait pas â l’éjaculation. Des l’époque initiale, nous dit sa femme, toute cette excitation sexuelle correspondait à une impuissance réelle, qui débuta avec ses perversions génitales et progressa comme elles.

OBSERVATION XIV. — Le malade Lal… est atteint de démence organique, à la suite d’hémiplégie en 1901, il y a cinq ans. Avant l’attaque on ne s’était pas aperçu qu’il eût des aberrations sexuelles.

C’est à la suite qu’il commença à amener chez lui, en l’absence de sa femme, des prostituées et des petits garçons.

En avril 1903, ii fut surpris avec un homme dans un urinoir ; on l’arrêta, mais il fut relâché pour manque de discernement.

Depuis, il fut surpris, à deux reprises, avec des enfants.

En réalité, ce malade était hyposexuel selon tonte probabilité ; depuis plusieurs années, en effet, il n’avait plus de rapport avec sa femme (depuis cinq ans).

Nous terminons par quelques exemples d’insuffisance sexuelle associée à des perversions variées de pseudo-exhibitionnisme et de masochisme délirant chez des persécutés anciens. Nous croyons en effet qu’il est permis de rapprocher du masochisme ces cas de délirants pratiquant sur leurs organes des mutilations et transfixions qui paraissent leur procurer un soulagement et un plaisir comparables à celui que le masochiste conscient peut tirer des mêmes pratiques. De nombreuses différences cependant séparent ces cas de ceux auxquels nous les comparons ; en particulier ce fait que ces malades ne peuvent que pratiquer ces mutilations solitairement, mais bien qu’elles aient parfois le caractère de réactions défensives et paraissent répondre à un courant hallucinatoire génésique désagréable, la persistance que mettent ces délirants à ces réactions montre qu’ils y trouvent un soulagement et une détente agréable contrebalançant leurs hallucinations fâcheuses spéciales.

OBSERVATION XV. — Le malade Bu…, de Lan… a soixante et onze ans, c’est un vieux délirant chronique qui est entré à Sainte-Anne en 1884 ; de là il et allé à Bicêtre, puis enfin on l’a transporté dans le service en 1890.

Au début il avait des idées de persécution avec tendances génitale : on aspirait ses forces par les voies génitales ; la nuit parfois on le piquait aux organes génitaux pour lui inoculer la syphilis. Plus tard, le délire a évolué et la phase mégalomaniaque est survenue. Le malade se croyait toujours l’objet de persécutions, mais il avait acquis une force suffisante pour triompher de ses ennemis. En tète de son papier à lettres, il dessine une couronne comtale ; sur des cartes de visite fabriquées avec du papier de l’asile, il s’intitule général, ministre, etc.

Dans ses lettres il dit qu’il est retenu comme prisonnier de guerre et appelle l’asile une prison d’État.

À plusieurs reprises ce malade sort mal boutonné des waters-closets et porte la main à ses organes génitaux qui sont enveloppés de linges. À l’examen on s’est aperçu que le malade portait à la verge des fibules faite avec des anneaux de rideaux fendus et passés au travers de la peau du prépuce. C’est, dit-il, un moyen de se défendre contre ses persécuteurs et d’empêcher les succions débilitantes.

OBSERVATION XVI. — Le malade Lou…, cinquante-cinq ans, est également un vieux persécuté, qui antérieurement à sa maladie avait fait des excès alcooliques. Au début les préoccupations génitales intervenaient, pour une assez grande part dans son délire ; il faisait à sa femme des scènes de jalousie, prétendant qu’elle avait des amants et lui communiquait aussi des affections vénériennes (impuissance concomitante).

Avec les années, l’affaiblissement intellectuel s’est accentué de plus en plus et actuellement il est impossible de tirer du malade une réponse correcte. Employé à la serrurerie, il cherche à s’attarder à l’atelier pour se livrer à des auto-mutilations par transfixion du prépuce avec des tiges de fer rouge. À plusieurs reprises il a tenté de se brûler le méat avec un clou rougi au feu. Cette manœuvre pouvait avoir dans l’esprit du malade un but défensif. Il se peut qu’il croit ainsi se cautériser dans un but thérapeutique ayant suivi antérieurement un traitement antisiphilitique au protoïodure de mercure, sans qu’il soit aucunement certain qu’il ait eu la syphilis. Veut-il seulement se procurer une sensation génitale et devons-nous voir là un cas de perversion génésique consécutif à l’insuffisance psychique démentielle ? Vu l’état avancé de la psychose, il n’est guère possible de rien affirmer à cet égard.

Quoi qu’il en soit, nous voyons chez presque tous ces malades des perversions sexuelles correspondre à une insuffisance réelle générale ou spéciale à la fonction génitale, insuffisance qui peut être congénitale ou acquise, physique, psychique ou l’un et l’autre.

Ne pouvant pas accomplir le coït, le désir leur en reste cependant et ils suppléent aux difficultés par l’exhibition, l’onanisme, l’inversion, le sadisme ou le masochisme pouvant aller jusqu’à la mutilation délirante.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article du Dr A. Marie et du Dr M. Pelletier, « Sur quelques perversions par insuffisance sexuelle », Archives d’anthropologie criminelle de criminologie et de psychologie normale et pathologique, t. XXI, Éd. Masson et Cie, Paris, 1906, pp. 241-255.

Notes

[1Les observations III à XI sont résumées d’après le Dr Colin (R. de Psych.).

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