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Salomon REINACH

Le rire rituel

Revue de l’Université de Bruxelles (mai 1911)

Date de mise en ligne : samedi 6 mai 2006

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Salomon Reinach, « Le rire rituel », Cultes, mythes et religions, t. IV, Éd. E. Leroux, 1912.

Le rire rituel [1] [*]

Plutarque, dans un ouvrage que nous n’avons plus, avait décrit la fête des Doedala à Platées en Béotie ; cette description nous a été conservée par l’historien de l’Église Eusèbe [2]. Comme Plutarque était béotien lui-même, on peut l’en croire. Voici ce qu’il raconte :

Héra boudait Zeus, à cause de quelque différend survenu entre eux, et se tenait cachée dans la montagne. Alors un prince du pays suggéra une ruse au dieu pour reconquérir les bonnes grâces de son épouse. Sur ses conseils, un chêne fut abattu et le tronc façonné en figure de femme ; les Anciens qualifiaient de doedala ces images de style rustique que l’on taillait ainsi dans le bois. Celle-ci fut revêtue des longs voiles d’une fiancée. On prépara le bain nuptial, le banquet ; l’air résonna du son des flûtes et du chant de l’hyménée. Héra, pensant que son époux allait convoler en de nouvelles noces, ne put contenir sa jalousie ; elle descendit en courant du Cithéron, suivie des femmes de Platées. Bientôt, ayant découvert la ruse, elle marqua sa joie d’un éclat de rire [3] et voulut elle-même conduire la fiancée. Elle rendit des honneurs à la statue et, d’après elle, qualifia la fête de Doedala ; mais peu après, sa jalousie s’étant réveillée, elle détruisit l’image par le feu.

Pausanias dit en substance la même chose, mais ajoute quelques détails intéressants [4]. La statue de bois, voilée, était posée sur un char attelé de boeufs ; Héra s’approche du char, déchire les vêtements de la fiancée et reconnaît la fraude, après quoi elle se réconcilie avec Zeus.

Nous avons ici évidemment, dissimulée sous une légende explicative, la description d’un vieux rituel que l’on observait encore en Béotie du temps de Plutarque. À un certain moment de l’année, on plaçait sur un char attelé de boeufs une statue de bois parée comme une fiancée ; le char s’ébranlait au milieu des chants et de la musique ; la prêtresse d’Héra, suivie des femmes platéennes, descendait de la montagne vers le char, écartait le voile de la statue, éclatait de rire, puis prenait elle-même la tête du cortège, probablement en montant sur le char, et, la cérémonie terminée, brûlait ou faisait brûler la statue.

De Zeus, dans ce rituel, il n’est pas question ; c’est qu’il n’y figurait pas. La mise en scène, que les Anciens ne comprenaient plus, représente le retour à la vie d’une déesse de la Végétation. Elle est supposée absente, parce qu’elle est irritée, exactement comme la Déméter d’Eleusis affligée par l’enlèvement de sa fille [5]. À Platées, cette déesse est nommée Héra ; dans le centre primitif du culte d’Héra, à Argos, les épis sont appelés « fleurs d’Héra [6] », ce qui suffit à prouver que la déesse personnifiait la fécondité du sol. Lorsque la prêtresse, qui déchire le voile de la statue, éclate de rire, c’est la déesse elle-même qui renaît subitement à la vie. La combustion finale de la statue, image de la déesse endormie ou morte, est un rite dont on connaît de nombreux exemples ; ainsi, en Sicile, dans le culte de Perséphone, on promenait une image en bois de la déesse et on la brûlait le quarantième jour [7].

Le mariage de la déesse et du dieu, ce que nous appelons, d’après les Grecs, l’hiérogamie, était généralement le second acte des drames sacrés qu’on célébrait pour servir d’exemple aux forces naturelles et en stimuler magiquement les énergies. Ainsi, à Éleusis, l’hiérophante et la prêtresse accomplissaient, dans une retraite obscure, l’union du dieu et de la déesse dont ils jouaient le rôle [8]. À Athènes, la femme de l’archonte roi épousait chaque année, à la fête des Antesthéries, le prêtre de Dionysos, et Aristote désigne même l’édifice public où se consommait leur mariage [9]. Il est probable que le prêtre de Zeus intervenait de même à Platées, au terme de la fête, pour achever la réconciliation commencée sur la route ; mais, dans les textes de Pausanias et de Plutarque, il n’en est pas question. Ces auteurs se bornent à décrire le cortège nuptial et la substitution, au cours de cette procession, d’une fiancée pleine de vie à l’image de bois.

Le trait sur lequel je veux insister est le rire de la prêtresse qui, dans le rituel de Platées, représente Héra. Les Anciens expliquent ce rire par la joie enfantine que cause la découverte d’une plaisanterie innocente et par l’agréable émotion d’une jalousie subitement dissipée ; mais cette plaisanterie, cette jalousie même sont autant de fictions des exégètes, non moins que le second accès de jalousie d’Héra, s’acharnant sur l’image et la faisant disparaître par le feu. En réalité, le rire de la déesse signifie ici le retour à la vie ; ne parlons-nous pas, aujourd’hui encore, des premiers sourires du printemps ? Bien plus, un de nos poètes a parlé du rire, le sourire ne lui suffisant pas :

Tandis qu’à leurs oeuvres perverses
Les hommes courent, haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps...

dit Théophile Gautier. Le rire ne marque pas seulement la vie, mais l’intensité, la plénitude de la vie ; c’est pourquoi Homère parle du rire de la terre verdoyante [10] et aussi du rire inextinguible des dieux, (...) [11]. À la différence du pauvre rire des hommes, témoignage d’une vitalité précaire et inférieure, le rire des dieux ne semble pas devoir finir.

On racontait que Caligula avait voulu faire transporter à Rome le Zeus de Phidias conservé à Olympie ; déjà les échafaudages, les machines étaient dressés lorsque la statue éclata d’un tel rire (tantum cachinnum repente edidit) que les ouvriers épouvantés prirent la fuite [12]. Ce rire de Zeus n’était pas motivé par la tentative sacrilège de Caligula, qui n’avait, à la vérité, rien de comique ; c’était l’affirmation solennelle, la manifestation bruyante de la présence du dieu, de ce dieu que Paul Émile, entrant autrefois dans le temple d’Olympie, avait cru voir en personne à l’aspect du chef-d’oeuvre de Phidias [13]. Les Grecs d’Olympie, qui imaginèrent l’historiette recueillie par Suétone, en racontaient sans doute beaucoup d’autres du même genre ; il y a des exemples, dans l’Antiquité, de statues qui pleurent et qui suent [14] ; il devait y en avoir autant de statues qui rient.

Dans un papyrus alchimique conservé à Leyde et datant du IIIe siècle le notre ère, on lit un récit où la création et la naissance même du monde sont attribuées au rire divin [15]. « Dieu ayant ri, naquirent les sept dieux qui gouvernent le monde... Lorsqu’il eut éclaté de rire, la lumière parut... Il éclata de rire pour la seconde fois : tout était eaux. Au troisième éclat de rire apparut Hermès... ; au cinquième, le Destin ; au septième, l’âme. » Cette conception n’est pas isolée dans l’Antiquité. Proclus cite des vers d’un poète qu’il qualifie de théologien, c’est-à-dire de pythagoricien ou d’orphique, attribuant la naissance des dieux au rire de la divinité souveraine et la naissance des hommes à ses larmes [16]. Comme nous savons par Hérodote, bien informé de ces matières si obscures pour nous, que les opinions des pythagoriciens, des orphiques et des initiés aux mystères de Dionysos étaient fort semblables à celles des Egyptiens [17], il n’est pas étonnant de trouver la même idée en Égypte et dans l’hymne grec au Soleil cité par Proclus. On a d’autres exemples, plus nombreux, de la puissance des larmes divines : ainsi les larmes d’lsis, pleurant son époux, provoquaient la crue annuelle du Nil [18] ; les pythagoriciens disaient que la mer était une larme de Kronos [19] ; Prométhée, en façonnant les hommes avec de l’argile, l’aurait humectée, non avec de l’eau, mais avec ses larmes [20]. Aujourd’hui encore, comme le faisait observer Lobeck, un excellent vin des environs de Naples s’appelle Lacrima Christi ; il aurait pu ajouter que deux larmes du Sauveur, conservées dans les abbayes de Selincourt et de Vendôme, ont opéré, aux siècles passés, de nombreux miracles [21]. On peut constater ainsi, à travers les âges, le caractère magique et théurgique attribué au rire et aux larmes des dieux. Il est singulier qu’on en trouve une trace jusque dans la Bible japonaise, le Kojiki, où il est question d’un dieu naissant des larmes du dieu Izenaghi, affligé de la mort de sa mère qu’a brûlée par imprudence le dieu du Feu [22].

Les dieux, ayant formé les hommes à leur image - nous savons qu’en vérité c’est juste le contraire -, leur ont donné la précieuse faculté de rire ; les Anciens avaient remarqué que, seuls de tous les animaux, les hommes rient et que le rire est « le propre de l’homme [23] ». Mais l’enfant, suivant Aristote, ne rit à l’état de veille que le quarantième jour après sa naissance [24] ; c’est comme une prise de possession formelle de la vie. Cet intervalle de quarante jours constituait, dans l’opinion des Grecs, une période critique de la vie humaine à ses débuts [25]. La longue épreuve subie par la mère comprenait sept de ces périodes de quarante jours, soit deux cent quatre-vingts jours, soit neuf mois de trente jours, plus dix jours. Après la première, l’enfant vit ; il vient au monde après la septième ; il rit après la huitième, qui marque également, pour la mère, la fin d’un état où le contact des choses sacrées lui est interdit. Il est vrai que la science grecque et la législation romaine admettaient aussi des grossesses de dix mois [26] ; mais on convenait, comme d’une vérité d’expérience, que celles de neuf mois sont les plus ordinaires. Lors donc que Virgile écrit, dans sa quatrième églogue :

Incipe, parve puer, risu cognoscere matrem,
Maatri longa decem tulerunt fastidia menses...

Commence, jeune enfant, à sourire à ta mère
Elle a souffert pour toi dix longs mois de misère...

on peut se demander pourquoi il a choisi le mot decem, au lieu de novem, dont la quantité convenait aussi. C’est, dit un vieux scholiaste [27], parce qu’il s’agissait d’un fils et que les garçons naissent au dixième mois, les filles au neuvième. On ne s’arrêtera pas à réfuter cette ineptie, imaginée pour les besoins de la cause. Virgile invite l’enfant à saluer sa mère d’un premier sourire (incipe... cognoscere) ; d’accord avec le savant Varron, il place le phénomène au quarantième jour après la naissance, c’est-à-dire au trois cent et dixième jour après le début de l’épreuve, ce qui fait dix mois bien comptés d’ennuis, de fastidia. Cette explication du chiffre decem me paraît évidente ; mais je ne vois pas que les commentateurs de Virgile s’en soient encore avises [28].

La loi commune de notre espèce, c’est que l’enfant vagit et pleure en criant au monde et que le sens de la joie ne se manifeste en lui qu’au quarantième jour [29]. Un seul homme, disait Pline [30], copié par Solin, rit en naissant : ce fut le sage Zoroastre. Virgile, selon Suétone, ne vagit point en naissant et son visage de nouveau-né avait une expression très douce [31] ; mais on n’allait pas jusqu’à prétendre qu’il eût ri.

Quelques commentateurs de Virgile, croyant que le poète s’adressait à un enfant nouveau-né, inventèrent une histoire dont on trouve l’écho dans une scholie de Servius [32]. L’enfant mystérieux, annoncé dans la quatrième églogue, aurait été Saloninus, fils d’Asinius Pollion ; il rit en naissant, ce qui fut considéré comme un mauvais présage, et, en effet, il mourut presque aussitôt. Si cette anecdote avait été connue de Pline et de Solin, ils n’auraient pas dit que Zoroastre eût été le seul à rire en naissant. Du fait qu’elle est postérieure au premier siècle de l’Empire, on peut conclure qu’elle est sans autorité.

Un autre exemple du rire rituel est fourni, je crois, par l’épisode de Baubo, dont le nom, suivant Empédocle, signifiait le sein maternel [33]. Déméter, errante et désolée à la suite de la disparition de sa fille, refusant toute boisson et toute nourriture, est tirée soudain de sa tristesse, dont la nature entière subit le contrecoup, par le geste impudent d’une aubergiste d’Eleusis, la nommée Baubo. Ayant ri, elle accepte de boire le cycéon, breuvage magique dont les Anciens ont diversement indiqué la composition, prescrite par la déesse elle-même, et que les initiés aux mystères d’Eleusis buvaient à leur tour, en rompant le jeûne, comme pour en recevoir une nouvelle vie [34].

L’histoire de Déméter à Eleusis ayant été calquée sur les rites des mystères pour les expliquer, bien loin qu’elle puisse en être l’origine, on est fondé à croire, puisque les mystes buvaient le cycéon au sortir d’un jeûne, que l’absorption de ce liquide régénérateur était précédée d’un éclat de rire, motivé par quelque exhibition analogue à celle qui avait réussi à dérider la déesse. Dans l’hymne homérique à Déméter, cet épisode est atténué par l’esprit de discrétion et d’euphémisme qui caractérise toute cette littérature déjà courtoise et savante ; mais ce sont encore les bouffonneries non spécifiées d’une femme (appelée Iambé par Homêre) qui arrachent un éclat de rire à la déesse. Les polémistes chrétiens des premiers siècles se sont fort scandalisés de cette histoire, dont ils ont fait un reproche sanglant au paganisme, oubliant qu’il en est d’aussi fâcheuses dans l’Ancien Testament et qu’une religion qui dure et se transforme ne saurait être rendue responsable de quelques survivances grossières d’un lointain passé. Ici encore, on est bien surpris de trouver quelque chose d’analogue dans le Kojiki ou « livre des choses anciennes », publié au Japon, d’après de vieilles traditions orales, en 712. Au milieu du désordre produit par les ravages du dieu des Tempêtes, la « femme terrible du ciel » relève le cordon de son vêtement jusqu’au-dessus de sa ceinture : alors « les 800 myriades de dieux rient en même temps ». Cette curieuse analogie m’a été obligeamment signalée par M. Marcel Hébert [35].

Fig. 1
Terre cuite de Priène.

Nous connaissons aujourd’hui, grâce à une découverte de M. le professeur Diels, le type plastique attribué par l’art grec à Baubo [36]. Ce n’est pas, comme on le répétait depuis Millingen [37], une femme nue assise sur un porc, par la raison que les statuettes de ce genre, assez nombreuses, ne montrent jamais de vêtements retroussés. Des figures en terre cuite trouvées à Priène nous ont révélé la vraie Baubo, sous l’aspect d’une femme sans poitrine et sans tête, ainsi formée qu’à la surface du ventre découvert est modelée une tête dont la draperie retroussée forme la chevelure (fig. 1). Le geste de Baubo, qui viole un des tabous sur lesquels repose la société humaine, doit être expliqué comme un acte magique, un exorcisme, destiné à mettre en fuite le mauvais démon dont est possédée Déméter. Plutarque attribue le même geste à des femmes lyciennes, qui, menacées tout ensemble par Bellérophon et par un raz-de-marée, chassèrent à la fois, en se dévoilant, l’envahisseur et le fléau naturel : héros et flots reculèrent épouvantés [38]. L’Antiquité nous a conservé deux histoires analogues [39], mais il est plus intéressant encore d’en rencontrer deux autres dans la littérature épique de l’Irlande. Les femmes de la cour du roi Conchobar se dévoilent pour arrêter la fureur de Cuchulainn ; le héros irlandais recule aussi devant une vieille nourrice qui se défend par le même prestige. M. d’Arbois a très justement rappelé, à ce propos, l’histoire de Bellérophon et des femmes lyciennes [40].

Comme nous ne croyons plus aux exorcismes, ni à la possibilité d’expulser les démons par des gestes, fussent-ils inconvenants, nous devons nous demander pourquoi le même geste, dans des histoires d’une très haute Antiquité, provoque tantôt le rire et tantôt la fuite. J’explique cela par la conception même du tabou intentionnellement violé. Cette violation produit un choc - nous disons encore qu’un pareil acte est choquant - et, sans vouloir trop presser la métaphore, j’admets que ce choc peut déterminer soit un vif mouvement de répulsion, né d’une crainte religieuse [41], soit une protestation instantanée, un rétablissement de l’équilibre rompu, un redressement mental de la faute commise, qui sont parmi les causes psychologiques les mieux avérées du rire. On rit au théâtre quand un homme cherche son chapeau qu’il a sur la tête, quand un personnage fait une erreur énorme de géographie on d’histoire, ou encore lorsqu’il compte de travers : 6 et 3 font 8, 8 et 5 font 16, etc. Il n’y a pas une explication unique du rire, mais il est certain que le rire implique souvent et résume une censure, qu’il est le rappel brusque au bon sens, à la vérité, à la coutume reçue [42]. Aujourd’hui même, alors que le scrupule religieux n’intervient plus pour appuyer la règle, il y a des plaisanteries grivoises qui font éclater de rire les uns et donnent aux autres l’envie de prendre la porte. Or, ce que nous appelons des plaisanteries ou des goujateries étaient autrefois des sacrilèges, des blasphèmes, des occasions de péril mortel. On comprend aussi bien, à la réflexion, Déméter qui rit que Bellérophon qui fuit.

Aux Thesmophories, aux Haloa et dans d’autres fêtes, les femmes grecques se lançaient les pires injures et les accompagnaient de gestes non moins outrageants [43]. C’était, pensaient quelques auteurs, en mémoire de l’aventure de Déméter [44]. Évidemment non ; cette aventure reflète un état de choses beaucoup plus ancien, qui a laissé sa marque non seulement dans certaines fêtes, mais dans le rituel de certains mystères. Hérodote mentionne des usages analogues aux fêtes de Bubastis en Égypte [45] ; chaque fois que les femmes, qui célébraient la fête sur le Nil, abordaient dans un village, elles injuriaient les femmes de l’endroit et retroussaient leurs robes. Deux textes, à la vérité de basse époque, donnent à croire que l’exhibition, attribuée par la légende à Baubo, faisait partie du scénario des mystères [46]. Cet oubli de la pudeur féminine, tant dans les paroles que dans les gestes, se retrouve même aujourd’hui chez un grand nombre de peuples, dans les réjouissances qui accompagnent la moisson ou la vendange ; c’est l’équivalent des opprobria rustica dont parle Horace [47], des probra obscenaque dicta dont parle Ovide [48]. De notre temps, sans doute, où tout s’est laïcisé ou se laïcise, même l’obscénité, de pareils usages ne sont que des indécences, comme les injures qui les accompagnent, ce que nous appelons les gros mots ; mais il fut un temps où le gros mot était un mot redoutable, un mot magique, l’équivalent d’un envoûtement, et où les gestes inconvenants, permis à certains jours, sévèrement interdits à l’ordinaire, avaient également un caractère magique et rituel. Il s’agissait à la fois de mettre en fuite les mauvais esprits et de ranimer, par l’exemple d’une gaieté exubérante, les forces endormies de la nature. Au fait, le but poursuivi était le même, car si la nature semblait endormie ou déprimée, c’est qu’elle était possédée d’un esprit malin, d’un génie malfaisant, comme la Déméter attristée et silencieuse qui promenait son chagrin stérile à Éleusis. Je n’entends pas affirmer d’ailleurs que les injures et les gestes injurieux n’aient été employés que pour mettre en fuite les esprits qu’une communauté entière avait lieu de redouter et de bannir. Lorsque les héros d’Homère s’injurient avant de se battre, leurs paroles ont encore une puissance magique ; mais elle est dirigée, comme le serait un enchantement, contre la force physique et morale de l’adversaire. Injure, en grec, se disant hybris, il y aurait lieu de créer une science de l’hybristique ; même dans le vocabulaire le plus épicé des rustres ou des apaches de nos jours, on trouverait des traces de la vieille conception magique qui semble avoir coloré, à l’origine, tous les actes humains [49].

En résumé, l’histoire de Baubo implique un rituel analogue à celui qui se dégage du récit de la fable des Doedala à Platées. La prêtresse, représentant la déesse affligée, dont la nature partage la tristesse, éclate de rire à l’aspect d’une femme qui viole un tabou ; ce rire rituel marque la renaissance de la déesse et celle des forces végétales qu’elle personnifie. Telle était sans doute la formule plus simple de la légende, que les poètes orphiques avaient recueillie ; dans l’hymne homérique, elle est déjà voilée, mais ceux qui entendaient réciter cet hymne la connaissaient. Même après avoir ri d’lambé, la Déméter d’Homère refuse de rendre la fécondité aux champs, jusqu’à ce que l’intervention de Zeus lui ait permis de revoir sa fille. C’est qu’il s’agit d’expliquer, par un motif humain, la tristesse de la déesse ; nous ne sommes déjà plus à l’époque primitive où cette tristesse se conçoit sans qu’on en allègue de motif, parce qu’elle est celle de la nature pendant l’hiver.

Les cérémonies d’initiation dans l’antre de Trophonios à Léhadée comportaient un simulacre de mort et une résurrection manifestée par le rire [50]. L’initié, porté par les prêtres, sort de l’antre les pieds en avant ; on le remet à ses amis et « plus tard, dit Pausanias, il recouvre la raison et le rire comme auparavant ». Suivant d’autres, ceux qui avaient visité l’antre de Trophonios ne riaient plus, à cause des terreurs qu’ils avaient éprouvées dans ce lieu ; Athénée raconte l’histoire d’un homme qui avait ainsi perdu la faculté de rire et qui la recouvra, dans l’île de Délos, à la vue d’une grossière image en bois de Latone [51].

Voici une preuve encore que le rire rituel signifie le retour à la vie et le commencement d’une vie nouvelle. À la fête romaine des Lupercales, le prêtre, après avoir sacrifié des chèvres, touchait, avec son couteau ensanglanté, le front de deux jeunes gens ; puis il essuyait le sang avec de la laine imbibée de lait le breuvage de l’enfance et les jeunes gens devaient éclater de rire, bien qu’ils n’en eussent sans doute pas envie [52]. On admet généralement que ce rite est l’atténuation d’un ancien sacrifice humain ; mais étant donné la place très grande qu’occupent, dans les cultes primitifs, la simulation et la mascarade, je ne vois point nécessité d’admettre qu’il y ait eu là substitution. Le prêtre fait semblant de sacrifier les jeunes gens et ceux-ci font semblant de renaître à une vie meilleure, après le sacrifice, en éclatant de rire. Ces simulacres de renaissance, succédant à un simulacre d’immolation, sont très fréquents dans les rites d’initiation de l’Afrique centrale [53]. Les jeunes gens initiés par le Luperque romain sont des rieurs. Cela nous rappelle l’histoire d’une autre victime désignée qui échappe aussi au couteau du sacrifice et qui porte précisément le nom de rieur : c’est Isaac, fils d’Abraham. Les Hébreux savaient fort bien que Yishak signifie « celui qui rit » ; mais ils expliquaient le nom du fils d’Abraham par des légendes contradictoires [54]. La plus connue [55] nous montre la vieille Sarah riant sous cape quand un ange vient annoncer à Abraham que cette octogénaire doit lui donner un fils. Les Modernes se sont imaginés qu’Yishak était une forme réduite du nom théophore Ishakel, signifiant « Dieu rit » et ont parlé, à ce propos, du rire du soleil dans un ciel d’été. L’analogie avec l’histoire des rieurs aux Lupercales semble fournir une bien meilleure explication, bien qu’il ne soit pas question du rire d’Isaac dans l’histoire du sacrifice interrompu d’Abraham [56]. Mais, dans le récit biblique, comme dans l’hymne homérique à Déméter, il faut voir le remaniement tardif et déjà savant d’une légende primitive qu’on peut essayer de restituer par conjecture, tant en élaguant qu’en ajoutant. Assurément, un pareil procédé est un peu arbitraire et il est facile d’en abuser : mais Renan n’a-t-il pas dit que l’histoire est une science conjecturale ? Faut-il interdire la conjecture à l’historien ? Ceux qui le pensent peuvent s’appliquer à la chronologie, à l’histoire diplomatique ou militaire, à l’étude des faits économiques, mais le domaine de l’histoire religieuse leur est interdit.

Lorsque le sacrifice devait être consommé, lorsque la victime devait vraiment mourir, le rire rituel pouvait exprimer sa conviction et celle des fidèles que cette mort consentie n’était que la naissance à une vie nouvelle :

Et cet heureux trépas, des faibles redouté,
N’est qu’un enfantement à l’immortalité [57].

Chez certains peuples qui, à la différence des Grecs, croyaient fermement à la vie future, on voyait des victimes mourir de la sorte avec tous les signes extérieurs de la joie. Ainsi les vieillards, que leurs enfants immolaient en Sardaigne, riaient au lieu de pleurer [58] ; on expliquait même par là le rire sardonique [59], dont le savant italien Ettore Pais a voulu faire le rire sandonique, à cause du rire forcé des victimes sacrifiées au dieu lydien Sandon [60]. En réalité, je crois que l’adjectif (...) ou (...), épithète de (...), n’a rien à voir ni avec la Sardaigne ni avec Sandon ; il dérive d’un adverbe (...), dont nous n’avons, il est vrai, pas d’exemple, mais qui est à (...), rire en montrant les dents [61], comme (...) est à (...). Le rire de ceux qui mouraient de mort violente n’est pas seulement attesté par la fausse étymologie du rire sardonique. Les femmes thraces se disputaient à qui mourrait gaiement sur la tombe d’un époux défunt [62]. À Céos et chez les troglodytes de Libye, les vieillards se tuaient de bon coeur, (...) [63]. On sait que, depuis le brahmane Calanus jusqu’à nos jours, des milliers d’lndous et d’Indoues ont monté en souriant sur le bûcher ; au XVIIe siècle, le voyageur italien Pietro della Valle signale expressément le rire d’une veuve sur le point de subir volontairement le supplice du feu : « Stava di buonissima voglia ragionando e ridendo in conversazione, come avrebbe fatto nei nostri paesi una sposa [64]. » À défaut de la victime, qui peut se refuser à rire, la nature étant parfois plus forte que le rituel, les assistants remplissent cet office et rient pour elle. Les Sardes riaient en sacrifiant leurs vieillards [65] ; les troglodytes, en lapidant leurs morts [66], les Phéniciens, quand on immolait leurs enfants [67] ; les Thraces, quand l’un d’eux venait à mourir [68]. Les Anciens ont expliqué ces bizarreries de deux façons : tantôt ils ont allégué que la victime devait sembler consentante, pour ne pas vicier le sacrifice [69] ; tantôt ils ont attribué aux survivants l’idée philosophique que la vie est un mal et la mort un bien, ajoutant que la naissance d’un enfant était saluée, chez les Thraces, par des lamentations, non par des réjouissances [70].

Si ce dernier fait était avéré, il comporterait, à mon avis, une explication différente : le désir d’écarter le malheur par une manifestation anticipée du deuil, une sorte de vaccination préventive. Un peuple qui aurait considéré sérieusement la vie comme un mal n’aurait pas résisté pendant trois générations à la lutte pour la vie. Mais il est plus vraisemblable que cette histoire a été imaginée pour faire pendant à celle de la joie rituelle que parents et amis, chez les Thraces, étaient tenus de manifester autour du mort, joie forcée et toute religieuse, à laquelle la philosophie, cette tard-venue, est naturellement étrangère, mais dont elle devait un jour s’inspirer. On rit et l’on se réjouit parce que les manifestations de gaieté doivent faciliter au défunt, comme à la victime consentante d’un sacrifice, le passage à la vie nouvelle où la souffrance et la tristesse sont inconnues. Ces manifestations ont donc un caractère magique, puisqu’elles sont censées exercer leur action à distance dans un domaine où les forces physiques des hommes ne peuvent accéder.

Le rire d’une personne prête à mourir serait aujourd’hui qualifié de « nerveux » et l’on y verrait plus volontiers une grimace douloureuse, suivant l’opinion des Grecs parlant des victimes du dieu phénicien, que l’expression de la joie de revivre ou le geste rituel qui doit assurer la renaissance. Cette explication peut valoir pour des individus ; mais elle ne suffit pas quand il s’agit d’usages aussi généraux que ceux des Thraces et des Indous. Or, ces usages sont parfaitement établis ; ce ne sont pas les seuls qui nous paraissent énigmatiques, sans qu’il y ait lieu pourtant de les contester. L’Indou qui monte volontairement sur le bûcher pose à notre sensibilité, comme à celle des Anciens, un problème en apparence insoluble ; nous ne sommes pas moins obligés d’y croire. Le plus étonnant, ce n’est pas qu’on rie en mourant, mais que l’on consente allègrement à mourir.

Pourtant, en dernière analyse, c’est à la nature humaine qu’il faut faire appel. La constitution physique de l’homme et l’essence de sa psychologie, qui en dépend, sont antérieures même aux plus anciens rites. Quand ces rites paraissent à l’état d’usages établis, l’historien des religions en discerne la portée magique ; il ne cherche à les interpréter ni par notre philosophie raffinée ni par la connaissance que nous possédons des phénomènes naturels. Mais lorsqu’il s’agit de découvrir l’origine d’une émotion devenue un rite, d’expliquer pourquoi tel rite a prévalu au lieu de tel autre, la physiologie et la psychologie peuvent être d’un grand secours, car elles seules nous révèlent l’homme vraiment primitif, le substratum de l’homme religieux dont s’occupe l’histoire. Or, il est certain que les phénomènes nerveux jouent un grand rôle dans le rire, en particulier dans le rire de ceux qui, s’étant crus perdus, échappent subitement à la mort. Ils reprennent ainsi possession de la vie après une cruelle angoisse et la détente de leurs nerfs se traduit par une apparence d’hilarité.

Dans les tremblements de terre, dans les catastrophes de chemins de fer, on a vu bien des fois les survivants fuir dans la campagne en poussant de grands éclats de rire [71]. Comme des effets analogues ont dû être observés de tout temps, il est probable qu’ils ont contribué à la croyance, d’ailleurs légitime, que le rire est une exaltation de la vie ou le signe d’une vie renouvelée. Ainsi le rire rituel et commandé des enfants romains aux Lupercales n’est peut-être que l’imitation et le souvenir d’un rire spontané.

Je veux citer deux exemples mémorables de ce rire nerveux, non pas rituel, mais physiologique, saluant la vie retrouvée, la vie sauve. Le 24 mai 1431, au cimetière de Saint-Ouen à Rouen, lorsque Jeanne d’Arc, en présence du bûcher qui l’attendait, consentit à prononcer une abjuration, on remarqua qu’elle riait en répétant les mots de l’huissier, ce qui fit dire à plusieurs assistants que son abjuration n’était pas sérieuse, que c’était une farce (truffa [72]). Anatole France s’est demandé à ce propos si la raison de Jeanne avait sombré dans les affres du procès, ou si, au contraire, dans son bon sens, elle se moquait des clercs de Rouen [73]. Ce n’est ni l’un ni l’autre ; elle n’était ni folle ni voltairienne ; Jeanne riait parce qu’elle passait brusquement de la terreur des flammes à la douceur de vivre, de la mort anticipée au salut.

L’autre exemple est tout récent : c’est celui d’un des treize mineurs rescapés de Courrières, enfermés pendant vingt jours dans un trou, à plus de 300 mètres de profondeur, sans nourriture, sans lumière, sans espoir, et sauvés enfin par leurs héroïques compagnons. « L’un d’eux, écrit un témoin oculaire [74], se met à rire, mais d’un rire effrayant, lugubre. Ce fantôme gai s’appelle Némy. » Dans la classification des formes du rire, je demande qu’on fasse une place au rire des rescapés.

En lui-même, le rire n’est pas plus rituel que la génuflexion ou l’acte de joindre les mains ; mais, comme ces actes, il a pris une signification rituelle à une certaine époque et dans certains milieux. Il en est de même des larmes, trop naturelles à l’homme ; les larmes des pleureuses à gages, qui n’ont pas disparu partout, ne sont-elles pas des larmes rituelles ? Le rire s’est laïcisé, si l’on peut dire, bien plus tôt que les larmes ; on pleure encore dans les églises, on n’y rit point [75] ; en revanche, on rit volontiers au théâtre, et l’on se fait scrupule d’y pleurer, comme si les larmes, encore imprégnées de sentiments religieux, n’étaient pas de mise dans un lieu profane. Le caractère sombre du christianisme a contribué à bannir du culte les manifestations d’une hilarité même légitime. Toutefois, l’Église orthodoxe grecque a conservé une trace de la joie exubérante qui saluait, dans les cultes antiques, le retour à la vie d’un dieu ou d’un héros mort : c’est la bruyante manifestation du dimanche de Pâques, qui déchaîne comme une allégresse dionysiaque dans les villes grecques au cri mille fois répété :

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article de Salomon Reinach, « Le rire rituel », Cultes, mythes et religions, t. IV, Éd. E. Leroux, 1912.

Notes

[1Revue de l’université de Bruxelles, mai 1911, p. 585-602.

[*C’est sur cet article de Salomon Reinach que Freud s’appuie dans son texte de 1916 : « Parallèle mythologique avec une représentation de contrainte d’ordre plastique » (Freud, Œuvres complètes, vol. XV, PUF, Paris, 1996, pp. 3-4) :

Le hasard me fit connaître ensuite une présentation antique qui offre une concordance totale avec l’image de contrainte de mon patient.
(...) La discussion de cette anecdote, qui doit sans doute fournir l’explication d’un cérémonial magique qui n’est plus compris, se trouve dans le tome IV de l’ouvrage de Salomon Reinach, « Cultes, mythes et religions » (1912). Il y est également mentionné qu’on a trouvé dans les fouilles de Priène, en Asie Mineure, des terres cuites qui présentent cette Baubo. Elles montrent un corps de femme sans tête ni poitrine, sur le ventre duquel est figuré un visage ; la robe relevée encadre ce visage comme une couronne de chaveux (S. reinach, l. c., p. 117) » [cf. le logo de cet article (N.d.E. : Psychanalyse-paris.com)].

[2Eusèbe, Præp. evang., IlI, init.

[3Dans le texte original, Salomon Reinach donne en note de bas de page le texte en grec, que nous sommes dans malheureusement l’impossibilité de reproduire ici pour des raisons typographiques (N.d.E. : Psychanalyse-paris.com).

[4Pausanias, IX. 3 (éd. Frazer, t. V. p. 19 sq.).

[5Voir Frazer. The Golden Bough, t. 1, p. 277.

[6Fragm. hist. graec., t. II, p. 30 ; Farnell, Cults, t. I. p. 179.

[7Firmicus Maternus, De errore relig., 27 ; cf. Frazer, ibid., t. I. p. 226, qui cite beaucoup de cas où la promenade divine se termine par la combustion ou l’immersion de l’image.

[8Asterius, (...), p. 1136 ; cf. Farnell, Cults, t. II, p. 69.

[9Aristote, Resp. Athen., III, 5 : (...). Cf. [Dem.], c. Neaer., c. 75, p. 1371. Voir Frazer, The Golden Bough, t. I., p. 229.

[10Homère, Il., XIX, 362.

[11Il., I, 599 ; Od., VIII, 327.

[12Suétone, Caligula, c. 57.

[13Tite-Live, XLV, 28 ; Jovem velut praesentem intuens.

[14Et maestum illacrimat templis abur, œraque sudant (Virgile, Georg., I. 480) ; cf. Ovide, Métam., XV, 792.

[15Berthelot, Introduction à l’étude de la chimie, p. 19.

[16Abel, Orphica, fragm. 236 ; Lobeck, Aglaophamus, p. 890.

[17Hérodote, II, 81.

[18Pausanias, X, 32.

[19Plutarque, De Iside, c. 32.

[20Esope, ap. Niceph. Greg., Hist. Byz., XVI, 4. p. 515 (cf. Lobeck, ibid., p. 891, qui cite d’autres exemples). Voir aussi Mélusine, p. 200.

[21Voir l’article « Larme » dans la Topobibliographie de abbé Chevalier.

[22Revon, Anthologie de la littérature japonaise, p. 39. Je dois cette indication à M. Marcel Hébert.

[23Aristote, éd. Didot, t. III, p. 269, 7 et 31.

[24Ibid., t. III, p. 144, 4 ; cf. Censorinus, De die natali, II, 7 (d’après Vairon) ; Pline, Hist. nat., VII, 3.

[25Voir W. Roscher, Die Tessarakontaden, Leipzig, 1909, p. 22.

[26Aulu-Gelle, Noctes atticae, III, 16.

[27Servius, éd. Thilo, p. 53.

[28Un an après la publication de mon mémoire, qu’il ignorait, la lecture de celui de M. Roscher sur les Tessaracontades a suggéré la même explication à M. l’abbé Lejay (Revue de philologie, janvier 1912, p. 5 et suiv.) ; averti par moi, il a loyalement reconnu que j’avais vu la vérité avant lui (ibid., p. 133).

[29Salin, t. I, 72 (éd. Mommsen, p. 21) : Laetitiae sensus differtur in quadragesimum diem.

[30Pline, Hist. nat., VII, 15, 72.

[31Suétone, Virg., 4 : Aedo miti vultu fuisse...

[32Servius, Ad Bucol., IV, 1.

[33(...), Hésychius, s. v. ; cf. Crusius, Untersuchungen zu Herondas, p. 129. La preuve qu’il s’agit bien de (...) = venter est fournie par l’histoire de la Lacédémonienne dans Plutarque (Mor., p. 241 b) : (...).

[34Voir l’article « Cycéon » de Fr. Lenormant, dans le Dictionnaire des antiquités de Saglio.

[35D’après Revon, Anthologie de la littérature japonaise p, 34, auquel ce rapprochement a échappé.

[36Diels, Arcana cerealia (cf. Revue archéologique, 1907, t. II, p. 166 et Perdrizet, Bronzes Fouquet, p. 42).

[37Voir l’article « Baubo », de Fr. Lenormant, dans le Dictionnaire des antiquités.

[38Plutarque, De mulierum virtutibus, p. 248.

[39Dans Plutarque (Mor., p. 241 b), il s’agit d’une Lacédémonienne, qui, voyant son fils revenir du combat, lui montre son ventre et lui demande s’il veut y chercher refuge. Justin (I, 6, 14) rapporte que les femmes perses, lorsque l’armée de Cyrus lâcha pied, coururent vers les soldats et les exhortèrent de la même façon : cunctantibus, sublaia veste, obscœna corporis ostendunt, rogantes num in uteros matrum vel uxorum velint refugere. Hac repressi castigatione, in proelium redeunt. Plutarque et Justin ont altéré pareillement les légendes dont ils se sont faits l’écho ; ils les ont laïcisées en éliminant l’élément magique. Lacédémonienne et Perses ont voulu, par un geste de détresse suprême, exorciser les démons de la peur ; les beaux discours qu’on leur attribue sont incompatibles avec un acte aussi primitif. Le même geste sert à exorciser le Diable ; cf. l’histoire du diable de Papefiguière (contes de La Fontaine) et une note du Musée de Ravestein (Bruxelles, 1882), t. III, p. 404.

[40Revue celtique, t. XVI, p. 244. D’Arbois reprochait à Zimmer d’avoir adopté une version tardive du Tain Bo’ Cuailnge, où il est question de femmes qui se retroussent, au lieu que, dans la version plus ancienne, elles se contentent de montrer leur poitrine, comme les Gauloises de Gergovie implorant la pitié des Romains (César, Bell. Gall., VII, 47, 5). Mais Zimmer avait raison ; la version récente (celle du livre de Leinster) doit mettre en oeuvre une rédaction plus ancienne et plus authentique. L’auteur chrétien d’un remaniement n’aurait jamais imaginé ce détail.

[41Il est dangereux, magiquement dangereux, pour un homme, de voir la nudité d’une femme, à moins que le péril n’ait été écarté par une cérémonie préliminaire ; on se rappelle les mythes d’Actéon et de Tirésias (cf. S. Reinach, Cultes, t. III, p. 28).

[42Accessoirement, on peut remarquer que les tabous sexuels ont pour objet de réfréner la vitalité sous sa forme la plus puissante ; cela explique que la violation d’un de ces tabous déchaîne, si l’on peut dire, la vitalité, dont le rire est une manifestation. Sarcey me demandait un jour - il s’occupait volontiers des causes du rire - pourquoi une femme faisait rire à la fin d’un dîner, quand elle se dévoilait d’une certaine manière (il s’exprimait en termes bien plus réalistes) ; confus d’un pareil propos, je le sus pas lui répondre alors, mais je crois que je répondrais aujourd’hui.

[43Cet échange d’injures s’appelle (...) ; voir Farnell, Cults, t. III, p. 104.

[44Apollodore, I, 5, 1 ; Diodore, V, 4.

[45Hérodote, II, 60 ; cf. Wiedemann, Herodots zweites Buch, p. 256.

[46Psellus, De doemonibus, 3 (cité par Harrison, Proleg., p. 569) - Théodoret, Therap., III, 84.

[47Horace, Epist., Il, 1, p. 146.

[48Ovide, Fastes, III, p. 675-676. On ajouterait facilement des exemples d’exhibitions phalliques ayant pour objet de chasser les esprits (cf. Mélusine, t. III, p. 285).

[49M. Gaidoz écrivait dès 1878 (Essai sur les inscriptions latines de l’Iralande, p. 126, note 1), à propos des incantations des sorciers irlandais : « Par exemple celle qui consiste à se retourner et à montrer à son ennemi la partie la moins noble de son corps. Les gens mal élevés ont conservé cette pratique comme insulte grossière, sans se douter qu’à l’origine ce fût une incantation. » Cf. Mélusine, t. II, p. 185 où il est aussi question d’un rite des marins italiens qui, luttant contre un vent contraire, croient le faire changer en lui montrant le bas de leur dos.

[50Pausanias, IX, 39 : (...).

[51Athénée, XIV, p. 614 ; cf. Frazer, Pausanias, t. V, p. 204.

[52Plutarque, Rom., c. 21 ; cf. Schwegler, Röm. Gesch., t. I, p. 363.

[53Frazer, The Golden Bough, t. III. p. 492 sq.

[54Il y en a trois dans la Genèse (voir Reuss, La Bible, t. IV, p. 366) : rire d’Abraham (XVII, l7) ; rire de Sarah (XVIII, 12) ; rire des gens qui trouvent plaisant que la vieille Sarah devienne mère (XX, 6).

[55Genèse. XVIII, 2.

[56Genèse, XXII, 1-13. On a déjà tenté d’expliquer le nom d’Isaac par le rire douloureux des victimes offertes à Moloch et on a rappelé, à ce propos, le rire sardonique (Drews, Die Christusmythe, Iéna, 1910, d’après Ghillany). Mais comme Isaac a la vie sauve, ce rapprochement est à rejeter.

[57Lamartine, La mort de Socrate.

[58Timée, dans les Fragm. hist. graec., t. I, p. 199.

[59Suivant Clitarque, les enfants des Carthaginois, brûlés entre les bras de la statue de Kronos, se livraient à des contorsions qui donnaient l’illusion du rire (Suidas, [...]).

[60Pais, Atti dei Lincei, 1880, p. 54 et suiv.

[61Goncourt dit de Marie-Joseph Chénier : « Sarcastique plus que méchant, montrant les dents pour mieux rire » (La Société française pendant le Directoire, p. 203).

[62Hérodote, V, 4, 5.

[63Élien, Var. hist., III, 37 ; Diodore. III, 33, 2.

[64Cité par Pais, loc. cit., p. 64.

[65Timée, loc. cit.

[66Strabon, XVI, p. 776.

[67Démon, dans les Fragm. hist. graec., t. I, p.380.

[68Méla, II, 2.

[69Ne flebilis hostia immolaretur (Minucius Felix, Octav., 30). L’idée que la victime doit être consentante est très répandue dans l’Antiquité grecque (Iphigénie, Ménecée, Macarée).

[70Hérodote, V, 4 ; Méla, II, 2. Cf. Perdrizet, Cultes du Pangée, 1910, p. 100.

[71Sur les formes spasmodiques du rire, voir James Sully, Essai sur le rire, trad. fr., p. 61. Il cite ce mot d’Herbert Spencer : « Le rire est un dégagement d’énergie nerveuse mise soudain en liberté » et ajoute : « Le poids mort de la crainte, l’angoisse et la douleur, l’effet paralysant de la gêne, semblent disparaître au moment où parvient à se faire entendre ce rire formidable » (p. 64-65).

[72Procès, t. II, p. 338 ; t. III, p. 55, 143, 157 : Ridendo pronuntiabat aliqua verba ditae abjurationis (II, 338) ; plures dicebant quod non erat nisi truffa et quod non faciebat nisi deridere (III, 55).

[73A. France, Jeanne d’Arc, t. II, p. 368.

[74Le Temps, 31 mars 1906.

[75Exception faite du rire pascal d’autrefois.

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