Psychanalyse-Paris.com Abréactions Associations : 8, rue de Florence - 75008 Paris | Tél. : 01 45 08 41 10
Accueil > Bibliothèques > Bibliothèque Psychiatrie > Contribution à l’étude des perversions sexuelles

Serge Soukhanoff

Contribution à l’étude des perversions sexuelles

Annales médico-psychologiques (1901)

Date de mise en ligne : vendredi 13 juillet 2007

Mots-clés : , ,

Serge Soukhanoff, « Contribution à l’étude des perversions sexuelles », Annales médico-psychologiques, 8e série, t. XIII, 59e année, Éd. Masson et Cie, Paris, 1901, pp. 50-55.

CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DES PERVERSIONS SEXUELLES
Par le Dr Serge SOUKHANOFF
Privat docent et médecin assistant à la clinique de Moscou.

On sait que les anomalies sexuelles peuvent se présenter sous des formes très variées. L’examen de diverses manifestations extérieures de cette anomalie n’entre pas dans notre sujet. Dans ce travail nous voudrions seulement citer l’observation abrégée d’un cas d’anomalie sexuelle qui ne se rencontre dans la forme que nous allons décrire, à ce qu’il parait, que très rarement.

Il s’agit d’un malade de vingt-sept ans, dans la famille duquel, chez plusieurs membres, on peut noter des névroses. Le malade commença son éducation dans une école moyenne, mais sans succès ; en outre, il affirme avoir dû quitter l’école par suite du manque de ressources de ses parents.

Étant ensuite entré comme secrétaire dans une maison privée, le malade n’y resta qu’un certain temps, ayant été obligé de quitter cette place à la suite des désagréments — des calomnies, comme il le prétend. Les quatre dernières années, il demeure sans aucune occupation chez des parents, qui, par pitié, l’hébergèrent chez eux. En ce qui concerne la sphère sexuelle, il y a déjà longtemps, dès l’adolescence, qu’apparurent chez lui diverses irrégularités. L’excitation sexuelle se manifesta assez tôt ; le malade depuis longtemps déjà, commença à s’adonner à la masturbation et s’excitait très fort à la vue de femmes ; puis, avec le temps, il fit des essais de coït, mais sans succès. C’est alors qu’il consulta un de ces médecins qui annoncent dans les journaux qu’ils guérissent les maladies secrètes ; le traitement de ce médecin et les conseils qu’il lui donna ne lui furent pas favorables. Mais, un jour, le malade remarqua que cela lui faisait plaisir de regarder une femme uriner ou s’évacuer ; demeurant un été à la campagne, il cherchait le moyen de pouvoir voir le tableau désiré. À ce qu’il paraît, cette vue provoquait chez lui une excitation sexuelle. Peu à peu le malade constata qu’il lui venait l’envie de prendre de quelque manière l’urine d’une femme pendant qu’elle urinait et de boire cette urine. Un jour, dans l’été de 1898, il parvint à trouver accidentellement des lieux d’aisances où, sans être remarqué par la femme qui urinait, il pouvait prendre de son urine et la boire. Après cela il répéta la manoeuvre, d’abord assez rarement, ensuite il en abusa (d’après son expression) ; dans les premiers temps ce manège provoquait chez lui non seulement l’excitation sexuelle, mais encore une éjaculation.

Le malade raconte que, ne faisant absolument rien, il était tout absorbé dans l’idée de savoir comment il trouverait le moyen de se procurer de l’urine d’une femme pendant qu’elle urinait. Cela lui réussissait, lorsqu’il faisait sombre ; en hiver, c’était plus facile qu’en été, lorsque les journées sont longues. C’est en cela, d’après ses paroles, que consistait toute son activité. Parvenant à trouver dans des cabinets d’aisances [1] des endroits où il lui était possible de tenir la paume de la main sous le siège de manière à la remplir d’urine, il l’ingurgitait (d’après son expression) et l’avalait ; tout ce que nous venons de décrire n’éveillait point de dégoût en lui ; au contraire, il en recevait un grand plaisir ; ii parvint même à distinguer l’urine d’après le goût et l’odeur. Quelquefois il lui arrivait de prendre dans la bouche des masses fécales, mais cela provoquait déjà un dégoût. Pendant un temps il tâchait de se procurer l’urine des femmes qui lui paraissaient plus ou moins attrayantes. Au commencement de cette année, après avoir pris dans la bouche de l’urine et des excréments, le malade sentit une irritation dans la bouche et une démangeaison à la lèvre. Alors le malade revint à lui, envisagea avec horreur ses manoeuvres, eut peur d’avoir attrapé la syphilis ; puis il crut l’avoir déjà gagnée, s’agita à ce propos, courut d’un médecin à un autre, suppliant qu’on lui dise franchement s’il n’avait pas déjà la vérole. Son humeur est déprimée et il est constamment dans une inquiétude très grande. Honteux de raconter eu quoi consistait sa maladie, il me donna tout d’abord un petit billet ou il disait qu’il avait honte de faire le récit de sa maladie ; mais dans son billet aussi il avait honte d’avouer qu’il faisait tout ce qui vient d’être raconté, n’étant pas ivre, quoiqu’il eût écrit qu’au début, en prenant de l’urine, il était ivre ; mais plus tard, en le questionnant, on s’assura qu’il ne prenait jamais de vin. « N’ayant pas eu jusqu’à présent des relations avec des femmes, écrit le malade, j’ai eu une pernicieuse passion et je devins semblable à un animal ; d’abord en étant en état d’ivresse et, lorsque je me suis habitué, sans être ivre, je me suis permis une bassesse, à savoir, dans des lieux d’aisances lorsqu’une femme urinait, sans être remarqué d’elle, je tendais la paume de la main, et lorsqu’elle se remplissait d’urine, je prenais cette urine dans la bouche ; je le faisais dans ces derniers temps presque chaque jour pendant environ deux mois. La dernière fois, après que je me suis permis la bassesse de prendre chez l’une, lorsqu’elle urinait, et chez l’autre lorsqu’elle s’évacuait, je reçus un eczéma sur la lèvre. »

Le malade dit que cela lui faisait aussi plaisir d’aller dans un cabinet d’aisances réservé aux femmes ; là il tâchait de s’imaginer être une femme ; quelquefois il attachait son pénis et dessinait avec du charbon la peau autour des organes génitaux, afin que l’illusion fût plus complète.

Le tableau de la perversion et des anomalies sexuelles dans le cas eu question, conduisit à pousser l’examen de la sphère psychique du malade dans une certaine direction. Dans de semblables cas, avant tout il faut appliquer son attention aux obsessions, aux différentes impulsions morbides et aux diverses idées hypocondriaques, etc. En effet, en questionnant le malade, nous apprîmes que lui-même déjà remarquait qu’il avait beaucoup de bizarreries, toutes sortes de remarques, des superstitions, était toujours très inquiet pour sa santé, avait le caractère indécis et divers doutes morbides, toutes sortes d’impulsions, etc. Ainsi, par exemple, un jour il lui sembla que son nez avait une forme irrégulière, et voilà que le malade, pendant un assez long temps, à l’insu des personnes qui l’entouraient, s’efforçait de tirer son nez en bas.

De plus, l’existence de la perversion sexuelle décrite plus haut, consistant dans cela que le malade prenait l’urine et quelquefois les excréments dans la bouche, et ce fait qu’il le faisait en pleine conscience — tout, cela indique que nous avons affaire ici à un malade dont les facultés psychiques sont affaiblies. En causant avec lui, il est facile de s’assurer qu’en effet, ses facultés intellectuelles sont au-dessous de la normale. En ce qui concerne la manifestation extérieure de la perversion sexuelle, il faut remarquer que, dans ce cas, l’attraction pour le sexe féminin était conservée ; le désir d’avoir des relations normales avec les femmes existait et existe chez lui présentement ; mais toutes ses tentatives furent sans succès jusqu’à présent. C’est alors seulement que se manifesta l’impulsion normale pour le sexe féminin sous une forme si anormale. Pour le moment, le malade ne tache plus de se procurer l’urine de la manière décrite plus haut. Peut-être, parfois seulement, l’idée lui vient qu’il faudrait le faire ; mais, à ce qu’il paraît, ces impulsions de courte durée ne sont qu’une faible expression d’idées obsédantes. Quant an malade lui-même, il dit qu’il a horreur et est au désespoir à présent de ce qu’il faisait ; il se blâme lui-même et pour le moment il a cessé de pratiquer ce moyen de satisfaction sexuelle. Il dit qu’il ne s’adonne pas à la masturbation actuellement, mais que les excitations sexuelles continuent, et il a souvent des pollutions. Présentement il est occupé à chercher chez lui des signes de la syphilis ; il a peur du moindre petit bouton qui se développe sur son corps ; il pense qu’il a gagné la syphilis par le gosier ; c’est pourquoi il s’adresse aussi aux laryngologistes en les priant de s’occuper de lui et de lui dire franchement s’il a ou non la syphilis. II semble au malade que déjà tout son sang est infecté et que ses intestins sont gâtés par l’absorption d’aliments anormaux, etc. Il dit que parfois il s’inquiète tellement qu’il est près de se suicider. Malgré toutes les assurances qu’il n’a point la syphilis, que l’examen, fait par un des médecins spécialistes, a donné des résultats négatifs, le malade ne se calme que pour peu de temps et puis il commence de nouveau à se tourmenter et à courir les hôpitaux, cherchant à savoir s’il a ou non la syphilis.

Les données de L’examen de la sphère psychique du malade et de ses antécédents démontrent d’une manière très claire que l’anomalie sexuelle en question n’est qu’un des nombreux symptômes de dégénérescence psychique qu’on peut constater dans le cas donné.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’article de Serge Soukhanoff, « Contribution à l’étude des perversions sexuelles », Annales médico-psychologiques, 8e série, t. XIII, 59e année, Éd. Masson et Cie, Paris, 1901, pp. 50-55.

Notes

[1Le malade appartenait à la basse classe et demeurait dans les quartiers pauvres du faubourg de la ville ; là, les lieux d’aisances pour la plupart sont froids, disposés hors des chambres habitées et ne sont pas liés à la canalisation centrale.

Partenaires référencement
Psychanalyste Paris | Psychanalyste Paris 10 | Psychanalyste Argenteuil 95
Annuaire Psychanalyste Paris | Psychanalystes Paris
Avocats en propriété intellectuelle | Avocats paris - Droits d'auteur, droit des marques, droit à l'image et vie privée
Avocats paris - Droit d'auteur, droit des marques et de la création d'entreprise