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J.-A. Dulaure

Du Culte du Phallus en Syrie, en Phénicie, en Phrygie, en Assyrie et en Perse

Les divinités génératrices (Chapitre V)

Date de mise en ligne : samedi 17 novembre 2007

Mots-clés :

Jacques-Antoine Dulaure, Des Divinités génératrices, ou du Culte du Phallus chez les anciens et les modernes, Éd. Dentu, Paris, 1805.

CHAPITRE V
DU CULTE DU PHALLUS EN SYRIE, EN PHÉNICIE, EN PHRYGIE, EN ASSYRIE ET EN PERSE

À l’extrémité de la Syrie et sur les bords de l’Euphrate était Hiérapolis ou la ville sacrée. Dans son enceinte s’élevait un temple renommé par sa grandeur et sa magnificence. Jamais, dans aucune contrée de la terre, le Phallus ne fut plus honoré que dans ce lieu ; jamais on ne lui éleva des monuments plus imposants, plus colossaux [1].

L’auteur du Traité de la Déesse de Syrie, qui a décrit le temple de cette ville et les objets sacrés qu’il contenait, va nous en fournir la preuve [2].

« Ce temple, dit-il, est le plus vaste de tous ceux de la Syrie ; il n’y en a point de plus saint ; aucun lieu n’est plus sacré par la dévotion des peuples. Il renferme les ouvrages les plus précieux et les offrandes les plus antiques. On y voit plusieurs merveilles, des statues dignes des dieux dont elles offrent l’image et qui y manifestent leur présence… Ses richesses sont immenses ; l’Arabie, la Phénicie, Babylone et la Cappadoce lui paient un tribut. Les Ciliciens et les Assyriens y apportent ce que leur pays a de plus précieux. J’ai vu le trésor où sont déposées ces richesses. Il contient un grand nombre de vêtements et beaucoup d’autres objets qui égalent en valeur l’argent et l’or. On ne célèbre d’ailleurs, chez aucun peuple, autant de fêtes et de solennités. »

Ce temple, bâti sur une élévation au milieu de la ville, était entouré de deux enceintes. Il avait cent toises d’étendue. Les richesses abondaient dans son intérieur. L’or brillait sur les portes la voûte en était toute couverte. Les parfums de l’Arabie flattaient délicieusement l’odorat, et les yeux étaient éblouis par de nombreuses statues d’or enrichies de pierreries. Mais ce qu’on y voyait de plus remarquable était le trône du soleil et la statue d’Apollon, que l’auteur de qui j’emprunte ces détails dit avoir vus se mouvoir et s’élever jusqu’à la voûte du temple. Les prêtres, pour maintenir et accroître la dévotion du peuple, ne négligeaient rien pour flatter tous ses sens, étonner les esprits.

Je ne suivrai pas cet écrivain enthousiaste et crédule dans ses descriptions longues et pompeuses qui sentent le terroir et qui offrent les écarts ordinaires de l’imagination orientale. Je reviens à mon sujet.

Devant le portique de ce temple magnifique, s’élevaient deux Phallus colossaux, dont la hauteur prodigieuse fait suspecter notre écrivain d’exagération, ou ses copistes d’erreur.

Ces deux simulacres du sexe masculin avaient, suivant lui, 300 orgies d’élévation, ce (lui revient à 1 706 pieds 3 pouces, mesures de France [3], proportion exorbitante ! Ces Phallus auraient donc eu en hauteur trois fois la longueur du temple, qui n’avait que 100 orgies ou 563 pieds 9 pouces. Cette disproportion choquante entre la longueur de l’édifice et la hauteur des Phallus a fait croire qu’il fallait retrancher un zéro et lire 30 orgies de hauteur, au lieu de 300 ; ce qui réduisait ces monuments à la hauteur plus convenable de 170 pieds 7 pouces et demi, hauteur encore très considérable, puisqu’elle se rapproche de celle des tours de Notre-Dame de Paris [4].

Sur ces Phallus était gravée cette inscription :

Bacchus a élevé ces Phallus à Junon sa belle-mère [5].

C’est ici un des exemples de l’usage constamment suivi par les anciens, d’associer le Phallus aux divinités-soleils. Dans ce temple était le trône de cet astre, et la plus brillante statue qui en décorait l’intérieur était celle d’Apollon, dieu-soleil. Bacchus, qui éleva ces Phallus, était ainsi qu’Osiris, le dieu-soleil des Egyptiens. Tous les deux ont pour symboles le taureau céleste et le Phallus extrait de la figure de cet animal.

Ces deux énormes Phallus qui figuraient devant ce temple comme deux tours figurent devant le portail de nos églises gothiques, paraissent avoir servi de modèle à ces sortes de constructions, si généralement adoptées dans les derniers siècles. On nommait du temps de Vitruve phalœ des tours rondes dont la cime représentait un oeuf. Les tours qui servaient à la défense des camps et des villes portaient aussi, dans le moyen âge, le même nom [6]. La conformité des noms, les rapports qui existent entre les formes et surtout entre la disposition des ces Phallus et celle des tours de nos églises gothiques, donnent beaucoup de vraisemblance à cette opinion.

Ces deux Phallus servaient non seulement à la décoration de la façade du temple, mais encore aux cérémonies du culte ; voici comment :

« Tous les ans, continue notre auteur, un homme monte jusqu’au sommet de ces monstrueux simulacres et y demeure pendant sept jours, il attire à lui, par le moyen d’une longue chaîne, les vivres dont il a besoin et le bois dont il se construit une espèce de siège en forme de nid. Un prêtre debout, placé au bas du Phallus, reçoit les offrandes de la multitude qui vient au temple, et il répète tout haut les noms de ceux qui les ont faites. L’homme perché sur le Phallus les entend et, à chaque nom, il adresse, pour le dévot, une prière à Dieu, il frappe sur un instrument d’airain qui rend un son désagréable. »

Pendant les sept jours et les sept nuits que ce diseur de prières restait sur la pointe élevée d’un de ces Phallus, il devait bien se garder de s’endormir. On racontait que s’il se laissait aller à l’attrait du sommeil, un scorpion viendrait le piquer douloureusement et le réveiller [7].

Il paraît que, dans le temps où voyageait en Syrie l’auteur que je cite, les opinions étaient fort partagées sur l’origine de cette cérémonie. Les uns croyaient que cet homme, si haut monté, étant plus voisin du ciel, pouvait plus facilement communiquer avec les dieux. Quelques-uns pensaient que son séjour sur la cime de cette espèce d’obélisque était un acte commémoratif du déluge de Deucalion, où les hommes grimpèrent sur les arbres et sur les montagnes pour se soustraire à l’inondation. Mais notre auteur est d’une autre opinion il croit que c’est en l’honneur de Bacchus que cette cérémonie est pratiquée.

« Tous ceux qui élèvent des Priapes à Bacchus, dit-il, placent sur ces mêmes Priapes des hommes de bois. Pour quelle raison y placent-ils ces figures ? C’est ce que je ne dirai pas. Mais il me paraît que c’est pour représenter cette figure de bois qu’un homme monte sur le Phallus. »

La figure de ces hommes de bois, montés sur la cime d’un Phallus, se retrouve dans une gravure des antiquités de Caylus. Elle représente un groupe composé d’un Phallus énorme et de deux enfants. L’un d’eux est assis, et semble soutenir le Phallus qu’il ne peut embrasser l’autre est absolument juché sur la cime. Il est évident que les figures décrites par l’auteur du Traité de la Déesse de Syrie, et celles que Caylus nous retrace, ont été copiées sur le même types [8].

En décrivant les divers objets contenus dans le même temple, notre auteur ajoute qu’il s’y trouve plusieurs de ces Phallus en bois, sur lesquels sont sculptés de petits hommes munis de « gros Priapes et que ces figures sont appelées Névrorspastes, c’est-à-dire Nerfs tendus.

 »Ces Phallus se voient aussi dans le temple, et sur la droite, on trouve un petit homme d’airain, assis, et qui porte un Priape [9]. »

Cette dernière espèce de Phallus est parfaitement semblable à celle qui était en usage en Egypte et que les femmes promenaient dans les campagnes. Caylus et Denon en ont donné des figures [10].

En Phénicie, pays voisin de la Syrie, le Phallus était encore en honneur et, comme ailleurs, on l’associait au culte du soleil. Cet astre y était adoré sous le nom d’Adonis ou de Seigneur. Cette divinité est absolument la même que l’Osiris de Memphis, que le Bacchus de Thèbes en Egypte [11].

C’est à Byblos que ce culte était particulièrement célébré. On y adorait dans le même temple Astarté ou la Vénus Byblienne. Vénus, qui préside à la génération des êtres, qui, comme Isis, était le symbole de l’humidité fécondante : Vénus, dis-je, amoureuse du bel Adonis, offrait l’emblème de la terre au printemps qui, avide de la chaleur du soleil, ouvre son sein à ses rayons et en est fécondée.

À l’exemple des Egyptiens qui célébraient la mort d’Osiris et sa résurrection, de même à Byblos on célébrait, par le deuil et les larmes, la mort d’Adonis ; bientôt, on annonçait sa résurrection ; à la fête lugubre succédaient des cérémonies où se manifestait la joie publique. C’était alors que le Phallus, symbole de la résurrection de la nature au printemps, était porté en triomphe [12].

Les prêtres de Byblos, pour rendre raison de la présence du Phallus dans ces solennités joyeuses, imaginèrent la fable du sanglier furieux qui blessa Adonis aux parties de la génération ; ils dirent que ce dieu, étant guéri de sa blessure, consacra le Phallus, image de la partie blessée.

C’est cette fable que les Grecs ont, suivant leur coutume, brodée, amplifiée et altérée, mais dont ils ont conservé les principaux caractères, la mort ou la blessure d’Adonis, et sa résurrection ou sa guérison.

Si l’on se reporte en Phrygie, on trouve le culte de Phallus associé également à celui du soleil et fondé sur une fable pareille.

Le dieu-soleil de cette contrée était nommé Atis, et, pour expliquer au peuple la cause de la présence du Phallus dans les cérémonies religieuses qu’on célébrait en l’honneur de cette divinité régénératrice, les prêtres composèrent plusieurs fables qui s’accordent sur ce point que le jeune et beau Phrygien nommé Atis se mutila lui-même ou fut mutilé par d’autres.

Toutes ces fables orientales, égyptiennes, phéniciennes, phrygiennes, s’accordent en ce que c’est toujours après un événement funeste et malheureux que le Phallus parait publiquement et reçoit des hommages divins, parce que c’est après les frimas et la stérilité de la nature végétante, que le soleil paraît et répand partout la vigueur et la fécondité.

Diodore de Sicile nous apprend que les Egyptiens n’étaient pas les seuls qui honorassent le Phallus ; plusieurs autres peuples les imitaient à cet égard. Dans l’Assyrie, comme dans la Phénicie, le Phallus figurait dans les mystères et dans les pompes religieuses.

Alexandre Polyhistor, en parlant du temple de Bélus à Babylone, et des idoles variées et monstrueuses qui s’y trouvaient, dit qu’une de ces idoles avait deux têtes, l’une appartenant à l’homme et l’autre à la femme, ainsi que les parties de la génération des deux sexes [13]. On verra d’ailleurs de pareils amalgames des deux sexes en une même figure.

Le géographe Ptolémée témoigne que le symbole de la reproduction des êtres était consacré, non seulement chez les Assyriens, mais encore chez les Perses. « Les membres destinés à la génération, dit-il, sont sacrés chez les peuples de l’Assyrie et de la Perse, parce qu’ils sont les symboles du Soleil, de Saturne et de Vénus, planètes qui président à la fécondité [14]. »

On voit que ce n’était pas le simulacre du sexe masculin seulement, mais aussi celui du sexe féminin que les Assyriens et les Perses consacraient dans leurs cérémonies religieuses. On trouvera d’autres exemples de cette réunion de la figure des deux sexes.

Parmi les bas-reliefs antiques et allégoriques de Mithra, dieu-soleil des Perses, on en trouve où le symbole de la fécondité est figuré par un homme tenant en main son Phallus, qui est dans un état propre à la fécondation.

Ces bas-reliefs allégoriques, qui sont assez communs, représentent un homme coiffé du bonnet phrygien, qui tient sous lui un taureau qu’il vient d’égorger. C’est l’emblème du soleil triomphateur du taureau céleste.

Dans les ruines de Persépolis, on voit, suivant un voyageur moderne, plusieurs bas-reliefs qui retracent la même scène ; mais, au lieu du taureau, c’est un bouc que l’homme, symbole du soleil, égorge [15] ; ce qui prouverait que les anciens Perses avaient, comme les Egyptiens, également adopté pour symboles du soleil printanier les signes zodiacaux renfermés dans la même division, le Taureau et le Bouc.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM d’après l’ouvrage de Jacques-Antoine Dulaure, Des Divinités génératrices, ou du Culte du Phallus chez les anciens et les modernes, Éd. Dentu, Paris, 1805.

Notes

[1Cette ville est aujourd’hui nommée Bambich ou Bambouck. Ce fut Séleucus qui lui donna le nom d’Hiérapolis. Les Syriens, avant, l’appelaient Magog. Il ne faut pas le confondre avec une autre Hiérapolis située dans l’Asie Mineure.

[2Ce traité a été attribué à Lucien, et se trouve encore parmi ses oeuvres. Mais l’extrême crédulité qu’on y remarque prouve qu’il n’appartient point à cet auteur incrédule.

[3L’orgie est une mesure de 6 pieds grecs. Le pied grec ayant 11 pouces 4 lignes et demie de Paris, l’orgie doit avoir 5 pieds 8 pouces 3 lignes.

[4Les tours de Notre-Dame de Paris ayant 204 pieds de hauteur, ne surpasseraient celle du Phallus que d’environ 33 pieds.

[5Homère pensait honorer Junon en lui prêtant des yeux de boeuf ; mais Bacchus, en offrant de pareils bijoux à cette déesse, nous en donne une bien plus grande idée. C’est le cas de s’écrier : ô altitudo !

[6Voyez le Glossaire de Ducange, au mot Phalœ.

[7Cette opinion se rapporte au monuments symboliques du culte de Mithra, dieu-soleil des Perses. Ce dieu y est représenté tenant sous lui un taureau renversé qu’il égorge. On y volt toujours un scorpion qui mord les parties génitales de ce taureau. Ce scorpion agit sur l’extrémité du membre du taureau, comme il agit sur l’extrémité de ces Phallus. Cette identité d’action sur deux objets semblables, décèle les rapports mystiques qui existent entre ces deux objets et concourt à établir l’affinité du membre génital du taureau avec les Phallus adorés.

[8Caylus, Antiquités, t. VII, pl. vVII, n° 1 et 2.

[9Œuvres de Lucien, Traité de la Déesse de Syrie.

[10Voyez chap. III, p. 40.

[11Selden, de Dis Syris, syntagm. 2, dit : « Eumdem enim Osiridem et Adonim intelligunt omnes. » Ausone, Epigram. 29, dit encore : « Ogygia me Bacchum vocat, Osirim Ægyptus putat Arabica gens Adoneum. »

[12Meursius, de Festis Grecorum, 1. I, Adonia. Les Hébreux rendirent un culte à Adonis sous le nom de Thammuz. Ezéchiel se plaint des femmes qui venaient s’asseoir à la porte septentrionale du temple et pleurer la mort de Thammuz. Ce dieu Thammuz parait être le même que Chamos ou Chamosh, qu’adoraient les Chananéens (ou Phéniciens), les Moabites et les Madianites, et auquel Salomon bâtit un temple que Josias détruisit dans la suite. Quant au nom d’Adonis, il signifie ainsi qu’Adon et Adonai, seigneur, maître.

[13Alexandre Polyhist. In Chaldaii, apud Syncell., p. 29.

[14Ptolémée, Geograph., 1, I.

[15Voyage du Bengale à Scyras, par Will. Franklin.

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