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Max Müller

Essai de mythologie comparée (Première partie)

Éditions A. Durand, Paris, 1859

Date de mise en ligne : samedi 1er juillet 2006

Max Müller, Essai de mythologie comparée, Éditions A. Durand, Paris, 1859, 103 pages.

Il est encore quelques mots qui jettent une faible lueur sur l’organisation primitive de la vie de famille des Ariens. La position de la veuve était consacrée dans le langage et dans la loi, et nous ne voyons nulle part, à cette époque reculée, que la femme veuve fût condamnée à mourir avec son époux. Si cette coutume avait existé, le besoin d’avoir un nom pour la veuve n’aurait pas été senti, ou s’il l’avait été, le mot aurait eu probablement quelque rapport avec ce rite terrible. Or, mari ou homme, en sanscrit, est dhava, mot qui ne semble pas avoir existé dans les autres langues ariennes, excepté peut-être en celtique, où Pictet cite la forme douteuse dea, homme ou individu. De dhava, le sanscrit forme le nom de la veuve par l’addition de la préposition vi, qui signifie sans, vidhavâ, sans mari, veuve. Ce composé a été conservé dans des langues qui ont perdu le mot simple dhava, ce qui montre la grande antiquité de ce terme traditionnel. Nous ne le trouvons pas seulement dans le celtique feadbh, mais encore dans le gothique viduvo, le slave vedova, le vieux prussien widdewû et le latin vidua. Si la coutume de brûler les veuves avait existé à cette époque reculée, il n’y aurait pas eu de vidhavâs, de femmes sans époux, puisque toutes auraient suivi leur mari dans la tombe. Le nom même indique donc, ce que nous pouvons d’ailleurs prouver jusqu’à l’évidence, l’origine récente de l’usage de brûler les veuves dans l’Inde [1].

Nous avons réclamé pour l’époque primitive de la race arienne le nom de veuve, ou sans mari ; nous ne devons pas nous étonner que le nom d’époux soit encore, dans la plupart des langages de la grande famille, le même que celui qui fut créé par les Ariens avant leur séparation. C’est pati en sanscrit, signifiant primitivement fort, comme le latin potis ou potens. En lithuanien la forme est exactement la même, patis, et en appliquant la loi de Grimm, ce mot devint faths en gothique. En grec nous trouvons (...) au lieu de (...). Or, le féminin de pati en sanscrit est patnî, et il est certain que le vieux prussien pattin, à l’accusatif waispattin, et le grec (...) n’en sont que de simples transcriptions, signifiant toutes maîtresse.

Ce qu’était le mari dans sa maison, le seigneur, le vaillant protecteur, le roi l’était chez son peuple. Le nom commun de peuple, en sanscrit, était vis, d’où est dérivé le nom de la troisième caste, les serviteurs ou vaisyas. La même racine nous donne en sanscrit, vesa, maison, (...), vicus, goth, veihs, germain, wich, et la terminaison anglaise moderne de beaucoup de noms d’endroits. De là vient aussi vispati, en sanscrit, qui signifie roi, c’est-à-dire seigneur du peuple, et ce composé était devenu un titre sanctionné par les usages de la race arienne avant la séparation, ainsi que le prouve d’une frappante manière le lithuanien wiêsz-patis, seigneur, wietz-patene, dame, comparés au sanscrit vis-patis et patnî. À cette époque reculée, la vie de famille régulièrement organisée existait donc, et déjà la famille commençait à être absorbée par l’État : des titres conventionnels avaient été fixés, et étaient transmis, deux mille ans peut-être avant que l’on connût le titre de César.

Un autre mot signifiant peuple était dâsa ou dasyu, avec cette différence que vis signifie peuple, et dasa, sujets, races conquises, et même primitivement ennemis. Dasyu, dans les Védas signifie ennemi ; mais dans le Zendavesta, où nous trouvons le même mot, il signifie provinces ou nations, et Darius s’appelle dans les inscriptions cunéiformes « roi de Perse et roi des provinces » (Kshâyathîya Pârsaiya, Kshâyathîya dahyunâm). Il est donc presque certain que le grec (...) représente un titre sanscrit dâsa-pati, seigneur de nations. Mais nous ne pouvons pas admettre que le titre de hospodar soit, comme le dit Bopp, le même que le sanscrit vispati ou dâsa-pati. Le mot est gaspadorus en lithuanien ; en vieux slave, gospod, gospodin et gospodar ; en polonais, gospodarz ; en bohémien, hospodâr. Un g slavon ne correspond pas au w ou au d sanscrit, et le t de pati n’a pas pu devenir un d [2]. Benfey, qui fait dériver gospod du védique gâspati, évite la première difficulté, mais non la seconde, et il est certainement meilleur de s’arrêter devant ces difficultés, que de chercher à retrouver quelques anciens termes ariens, au mépris des lois philologiques, qui ne peuvent jamais être violées impunément.

Un troisième nom commun à butes les tribus ariennes pour signifier roi est rûg, dans les Védas, rex, regis en latin ; reiks en gothique, mot encore employé en allemand ; Reich=regnum, Frank-reich=regnum Francorum ; irlandais riogh ; welche, ri.

Un quatrième nom pour signifier roi et reine est simplement père et mère. Ganaka, en sanscrit, signifie père, de GAN, engendrer : on le trouve dans le Véda comme un nom de roi. C’est le vieux germain chuning, l’anglais king. Mère, en sanscrit, est gani ; on le retrouve dans le grec (...), le gothique qinô, le slave zena, l’anglais queen. Reine signifie donc primitivement mère ou dame. Nous voyons ainsi le langage de la vie de famille s’introduire graduellement dans le langage politique du plus ancien état arien, et la fraternité de la famille devenir celle de l’État.

Nous avons vu que le nom de maison était connu avant que la famille arienne se séparât pour se diriger vers le sud et vers le nord. Nous pourrions le prouver encore, en comparant le sanscrit dama avec le grec (...), le latin domus, le slave domü, le celtique daimh, et le gothique timrjan, bâtir, d’où vient l’anglais timber. Cependant nous doutons de l’identité du slavon grod et gorod, et du lithuanien grod, avec le gothique gards, latin hort-us, grec (...) signifiant tous un terrain enclos. La partie la plus essentielle d’une maison, autrefois, étant une porte bien attachée et capable de résister aux attaques des ennemis, nous trouvons l’ancien nom de la porte conservé dans le sanscrit, dvar, dvâras, gothique, daur, lithuanien, durrys, celtique, dor, grec, (...), latin, fores. Le constructeur ou l’architecte a le même nom en sanscrit et en grec ; car takshan est le mot grec (...). Le grec a été comparé au sanscrit vástu, maison ; avec le gothique haims, village, ou l’anglais home. Le sanscrit puri, ville, conservé par les Grecs dans leur mot (...), prouve d’une manière encore plus concluante l’existence ancienne de villes ; et les mots sanscrits path, pathi, panthan, pâthas, tous noms signifiant sentier, le grec (...) et le gothique fad (anglais path), que Bopp croit être le même que le latin pons, pontis, et le slavon ponti, démontrent de mène que les grandes routes n’étaient pas inconnues à cette époque reculée.

Les preuves que nous venons de donner suffisent pour établir que la race d’hommes capable de créer de tels mots ne pouvait être une race de sauvages, de nomades, de chasseurs. La plupart des mots se rattachant à l’idée de chasse et de guerre diffèrent dans chacun des dialectes ariens, tandis que les mots se rattachant à des occupations plus paisibles appartiennent à l’héritage commun. Ce fait montre que toutes les nations ariennes ont mené une longue vie de paix avant leur séparation, et que leur langage n’acquit de l’individualité et de la nationalité que lorsque chaque colonie partit à la recherche de nouvelles demeures ; les générations nouvelles créant de nouveaux mots pour leur vie guerrière et aventureuse. C’est pourquoi non-seulement le grec et le latin, ainsi que Niebuhr l’a remarqué, mais tous les langages ariens ont en commun leurs mots pacifiques, et diffèrent dans leurs expressions guerrières. De même les animaux domestiques sont généralement désignés par les mêmes noms en Europe et dans l’Inde, tandis que les bêtes sauvages ont des noms différents, même en grec et en latin.

Quelques-uns des animaux sauvages étaient connus des Ariens avant leur séparation, et ce sont les animaux qui vivent également en Asie et en Europe, l’ours et le loup.

À ceux-ci il faut ajouter le serpent.

Sans nous arrêter aux noms divers des animaux qui avaient été en partie apprivoisés et appliqués aux usages domestiques, tandis que d’autres étaient alors, comme aujourd’hui encore, les ennemis naturels du berger et de son troupeau, nous mentionnerons plusieurs mots qui indiquent que cette antique vie pastorale connaissait quelques-uns des arts primitifs, tels que le labourage, la mouture, le tissage et le travail des métaux précieux ou utiles.

Le plus vieux mot pour le labourage est AR, que nous trouvons en latin arare, grec (...) ,ancien haut allemand aran, russe orati, lithuanien arti et gaélique ar. De ce verbe vient le nom commun de charrue, (...), aratrum, vieux saxon erida, vieux norse ardhr, slavon oralo et oradlo, lithuanien arimnas et cornique aradar. (...) et arvum viennent probablement de la même racine. Mais un mot plus général pour champ est le mot sanscrit pada, grec (...), ombrien perum, polonais pole, saxon folda, ancien haut allemand feld, field.

Le blé qui poussait en Asie ne pouvait guère être semblable à celui que les nations ariennes ont cultivé dans les régions plus septentrionales. Quelques-uns des noms primitifs du blé, cependant, ont été conservés. Tel est le sanscrit yava, zend yava, lithuanien jawas, qui devient en grec (...). Le sanscrit sveta signifie blanc et correspond. au gothique hveit, ancien haut allemand huiz et wiz, anglo-saxon hvît, et lithuanien kwêtys. Mais le nom de la couleur devint aussi le nom du grain blanc, et ainsi nous avons le gothique hvaitei, le lithuanien kwec’io, l’anglais wheat, auquel quelques savants ont comparé le slavon shito, et le grec (...). Le nom de grain signifiait à l’origine ce qui est écrasé ou moulu. Ainsi kûrna en sanscrit signifie moulu, et l’on doit sans aucun doute faire dériver du même radical le russe zerno, le gothique kaurn, le latin granum. En lithuanien girna veut dire meule de moulin à bras. Le mot russe pour meule de moulin est encore shernov, et le nom gothique du moulin est qvairnus, le quirn moderne. Le nom anglais de moulin mill est également d’une haute antiquité ; car il existe non-seulement dans l’ancien haut allemand muli, mais encore dans le lithuanien malunas, le bohémien mlyn, le welehe melin, le latin mola, et le grec (...).

On pourrait joindre aux mots précédents les mots exprimant l’art d’apprêter les mets et de cuire au four, ainsi que la distinction ancienne entre la chair et la viande, afin de montrer que la même aversion que l’on trouve à des époques plus rapprochées de nous, chez les poètes des Védas par exemple, contre les tribus mangeant de la chair crue, était déjà ressentie à cette époque primitive. Kravya-ad (...) et ama-ad (...) sont des noms appliqués aux barbares, et excitaient dans l’Inde autant d’horreur que (...) et (...) en Grèce.

Le mot signifiant vêtement est le même chez toutes les nations ariennes : vastra en sanscrit, vasti en gothique, vestis en latin, (...) en grec, gwisk en celtique ; nous pouvons donc assigner aux ancêtres de la race arienne la connaissance de l’art de tisser et de celui de coudre. Tisser en sanscrit est ve et dans une forme causative vap. Le latin vieo et le radical grec de (...) coïncident avec v ; l’ancien haut allemand wab, l’anglais weave, le grec (...), avec vap.

Coudre, en sanscrit, se dit siv, d’où sûtra, un fil. La même racine est restée dans le latin suo, le gothique suija, l’ancien haut allemand siwu, le grec pour (...). Une autre racine sanscrite, nah, a une signification toute semblable, et doit aussi avoir existé comme nabh et nadh. De nah vient le latin neo et necto, le grec (...), l’allemand nâhan et nâvan, coudre ; de nadh vient le grec (...) ; de nabh, le sanscrit nâbhi, et nâbha ou ûrnanâbha, l’araignée, littéralement la fileuse de laine.

Il y a une quatrième racine qui semble avoir eu à l’origine le sens particulier de coudre on de tisser, mais qui prit ensuite en sanscrit la signification plus générale de faire. C’est rak, qui peut correspondre au grec (...), joindre, attacher ou coudre, et qui peut même expliquer l’autre nom de l’araignée, (...) en grec et aranea en latin, ainsi que e nom classique de la laine tissée, (...) ou (...), latin lana.

La valeur et l’usage de certains métaux étaient-ils connus avant la séparation de la race arienne ? On serait tenté d’abord d’en douter, car les noms de la plupart des métaux diffèrent dans les diverses contrées habitées par cette race. Cependant il est certain que dès l’époque reculée dont nous parlons, le fer fut connu et que sa valeur fut appréciée, soit pour la défense, soit pour l’attaque. Quel qu’ait pu être l’ancien nom arien de ce métal, il est évident que le sanscrit ayas, le latin ahes dans aheneus, et même la forme contractée aes, aeris, le gothique ais, l’ancien haut allemand er et l’anglais iron, sont des mots jetés dans le même moule et à peine altérés depuis tant de siècles. Les noms des métaux précieux, tels que l’or et l’argent, se sont transformés davantage en passant entre les mains de tant de générations. Néanmoins on peut retrouver dans le celtique airgiod les traces du sanscrit ragata, le grec (...), le latin argentum ; on a de même découvert dans le gothique gulth, or, une analogie avec le slave zlato, le russe zoloto, le grec (...) [3] et le sanscrit hiranyam ; les terminaisons seules diffèrent notablement. Le radical semble avoir été harat, d’où vient le sanscrit harit, la couleur du soleil et de l’aurore, de même que aurum dérive de la même racine que aurora. Quelques ustensiles de fer, employés dans la paix ou dans la guerre, ont gardé aussi leur nom primitif, et il est curieux de retrouver la complète similitude du sanscrit parasu et du grec (...), hache, ou du sanscrit asi, épée, et du latin ensis.

Il nous reste à examiner, pour prouver la réalité d’une période arienne primitive, une nouvelle série de preuves, négatives il est vrai, mais importantes encore. Pendant l’époque dont nous cherchons à prouver la réalité, les ancêtres de la race arienne ont dû occuper dans l’Asie une position centrale, d’où les branches méridionales se sont portées vers l’Inde, et les branches septentrionales vers l’Asie Mineure et l’Europe. II résulterait de là qu’avant leur séparation les Ariens primitifs ne pouvaient pas avoir connu l’existence de la mer ; si notre théorie est exacte, le nom de la mer doit être d’une formation postérieure et différent dans les différentes langues ariennes. II en est ainsi. Nous trouvons, à la vérité, des noms identiques en grec et en latin, mais non pas dans les branches septentrionales et les branches méridionales de la famille arienne. Et même ces noms grecs et latins sont évidemment des expressions métaphoriques, des noms qui existaient dans l’ancien langage, et qui ont été appliqués à ce nouveau phénomène. Pontus et (...) signifient mer dans le sens où Homère parle de (...) ; car pontus vient de la même source qui a donné pons, pontis, et le sanscrit pantha, sinon pâthas. La mer n’était pas appelée une barrière, mais une grande route, plus utile pour le commerce et les voyages qu’aucune autre route, et le professeur Curtius [4] a bien démontré que les expressions grecques telles que (...) et (...) indiquaient, même chez les Grecs, une connaissance de la signification primitive de (...). Des mots tels que le sanscrit salila, le latin sal et le grec (...) ne peuvent être cités pour prouver que les anciens Ariens connaissaient la mer. Ils peuvent avoir connu l’usage du sel ; c’est tout ce que peuvent prouver (...), sal et salila ; l’application de ces mots à la mer appartient à une époque plus récente. La même remarque convient à des mots comme oequor en latin ou (...) en grec. On a prouvé depuis longtemps que (...) est une forme dialectique de (...) ou (...) exprimant les vagues agitées de la mer (...). Le latin mare est à la vérité le même mot que le mot sanscrit vâri ; mais vâri signifie l’eau en général, et confirme seulement ce fait, que toutes les nations ariennes prirent des termes d’une signification générale lorsque chacune d’elles eut à fixer le nom de la mer. Mare signifie probablement eau morte ou stagnante, comme le sanscrit maru, le désert, dérivé de mri, mourir. Bien que ce mot soit identique avec le gothique marei, le slave more, l’irlandais muir, l’application de ces noms à l’Océan est de date relativement récente. Mais quoique les nations ariennes ne fussent pas arrivées au bord de la mer avant que leur langage commun se partageât en dialectes, la navigation leur était bien connue. Les mots d’aviron et de gouvernail se retrouvent jusqu’en sanscrit, et le nom du vaisseau est exactement le même en sanscrit (naus, nâvas), en latin (navis), en grec (...) et en ancien haut allemand (nacho).

Tous ces mots sont les fragments d’un langage réel parlé autrefois par une même race [5], à une époque dont l’historien naguère encore n’osait supposer l’existence qu’en se fondant sur l’autorité des livres sacrés des Juifs. Cependant nous possédons des vestiges de cette époque reculée ; nous employons les mots mêmes qui ont servi aux ancêtres de la race arienne, altérés seulement par certaines influences phonétiques, et nous sommes aussi rapprochés par la pensée et le langage de ce peuple primitif que les Français et les Italiens le sont de l’ancien peuple de Rome. Si on voulait une preuve de plus de la réalité de la période qui doit avoir précédé la dispersion de la race arienne et de l’activité intellectuelle assez prolongée qui s’y développa, nous pourrions citer les noms de nombres ariens. Voici un système de numération décimale qui est peut-être une des plus merveilleuses productions de l’esprit humain, système fondé sur une conception abstraite de la quantité, réglé par un esprit de classification philosophique, et cependant conçu, mûri et achevé avant que le sol de l’Europe eût été foulé par le Grec, le Romain, le Slave ou le Teuton. Un tel système n’a pu être formé que par une très-petite communauté, et, plus qu’aucune partie du langage, il semble exiger un arrangement conventionnel. Si nous devions inventer de nouveaux mots pour un, deux, trois, nous comprendrions quelle tâche ce fut d former et de fixer de pareils mots. Nous pourrions facilement trouver de nouvelles expressions pour des objets matériels, parce que ces objets ont toujours quelque attribut que le langage peut rendre, soit par la métaphore, soit par la périphrase. Nous pourrions appeler la mer l’eau salée, la pluie l’eau du ciel, les rivières les filles de la terre. Mais les nombres sont, par leur nature même, des conceptions si abstraites et si vides qu’il faudrait tout notre génie inventif pour trouver en eux quelque élément attributif qui pût servir de base à leur appellation. Un et deux présentaient moins de difficulté ; aussi ces deux nombres ont reçu plus d’un nom dans la famille arienne. Mais si des peuples différents avaient employé différents noms pour le même nombre, le but même de ces noms n’eût point été atteint. Si cinq pouvait s’exprimer par un terme signifiant la main ouverte ou par le simple pluriel des doigts, ces deux termes synonymes deviendraient inutiles à tout échange de la pensée. Et si un mot signifiant doigts ou orteils avait pu être employé pour exprimer cinq aussi bien que dix, tout commerce entre des individus employant le même mot dans des sens différents eût été impossible. En conséquence, pour former et fixer une série de mots exprimant un, deux, trois, quatre, etc., il était nécessaire que les ancêtres de la race arienne fussent arrivés à une convention formelle de n’employer qu’un seul terme pour chaque nombre, et de n’attacher qu’une seule signification à chaque terme. Cela n’eut pas lieu pour les autres classes de mots, comme on peut le voir par la grande proportion de termes synonymes et polyonymes qui caractérise toutes les langues anciennes ; l’appauvrissement et l’altération de la langue par l’usage littéraire et pratique peuvent seuls réduire au nécessaire l’exubérance de cette végétation primitive, en donnant à chaque objet un seul sens. Or, cela doit avoir été accompli, en ce qui touche les noms de nombre ariens, avant que le grec existât ; car nous ne pouvons expliquer autrement les coïncidences que présente le tableau suivant :

Si nous ne pouvons expliquer les coïncidences entre les noms de nombres français, italiens, espagnols, portugais et valaques sans admettre qu’ils sont tous dérivés d’un type commun, le latin, nous sommes amenés à la même conclusion en comparant les noms de nombres plus anciens que nous venons de citer. Ils ont nécessairement été créés dans ce langage d’où dérivent le sanscrit et toutes les langues de la même famille ; mais il faut supposer que cette numération primitive s’arrêtait à cent inclusivement. Mille n’avait pas reçu d’expression à cette époque primitive, et c’est pour cela que les noms de mille diffèrent dans les divers dialectes indo-européens. Ces dissemblances, toutefois, nous fournissent quelques indications sur l’histoire postérieure de la race arienne. Nous voyons le sanscrit et le zend partager le même nom de mille (sanscrit, sahasra ; zend, hazanra), ce qui prouve que les ancêtres des brahmanes et des sectateurs de Zoroastre restèrent quelque temps unis par les liens du langage, après que d’autres branches s’étaient déjà séparées du tronc commun. On peut tirer la même conclusion de la ressemblance du gothique thusundi avec le vieux prussien tûsimtons (acc.), avec le lithuanien tukstantis, le vieux slavon tüisasta ; tandis que les Grecs et les Romains restent isolés et semblent avoir formé chacun séparément le nom de mille.

Durant cette période primitive, antérieure à la formation des nationalités distinctes, chacun des mots ariens était, dans un certain sens, un mythe. Les mots, à l’origine, étaient tous appellatifs ; ils exprimaient un des nombreux attributs caractéristiques d’un objet ; le choix de ces attributs implique une sorte de poésie instinctive que les langues modernes ont complétement perdue.

On a dit que le langage était une poésie fossile. Mais comme l’artiste ignore que l’argile qu’il manie contient des vestiges d’une vie organique primitive, ainsi nous ne sentons pas, quand nous nous adressons à un père, que nous l’appelons protecteur, et les Grecs, en employant le mot (...), beau-frère, ne savaient pas qu’à l’origine ce terme s’appliquait seulement aux jeunes frères du mari qui restaient à la maison avec l’épouse, tandis que leur frère aîné était aux champs ou dans les forets. Le sanscrit devar signifiait d’abord compagnon de jeu ; il portait en lui son histoire, c’était un mythe ; mais en grec il est dégénéré en simple nom, en terme technique. Quelquefois un souvenir vague du sens primitif reste encore, et c’est ainsi qu’en grec on ne peut pas former le féminin de (...), pas plus que nous n’oserions, même maintenant, former un masculin au mot anglais daughter, fille. Mais le plus souvent, les langues perdent entièrement la conscience étymologique : ainsi nous trouvons en latin, non-seulement vidua, sans mari, mais viduus, formation qui, analysée étymologiquement, est absurde [6].

Les langues ariennes possèdent donc un commun trésor d’anciens noms qui avaient à l’origine un pouvoir expressif et poétique ; mais comment ce fait explique-t-il le phénomène du langage mythologique chez tous les membres de la famille ? Comment rend-il intelligible cette phase de l’esprit humain qui donna naissance aux histoires étranges de dieux et de héros, aux Gorgones, aux Chimères, à tant de choses enfin qu’aucun oeil humain n’avait vues, et qu’aucun esprit raisonnable ne pouvait avoir conçues ?

Avant de répondre à cette question, il faut encore présenter quelques observations préliminaires relatives à la formation des mots.

Tous les mots communs ariens que nous avons examinés jusqu’ici se rapportent à des objets définis. Ce sont tous des substantifs, puisqu’ils expriment quelque chose de substantiel et de perceptible aux sens. À l’origine, le langage n’exprimait que des objets comme noms et des qualités comme verbes. Le langage, pendant cette période primitive, n’était que l’expression consciente, au moyen des sons, d’impressions reçues par tous les sens.

Les noms abstraits nous sont si familiers, que nous pouvons à peine apprécier la difficulté que les hommes ont eue à les former. Nous ne pouvons guère imaginer un langage sans noms abstraits. Il y a cependant des dialectes encore parlés aujourd’hui qui n’en possèdent pas, et plus nous remontons dans l’histoire du langage, moins nous trouvons de ces expressions. Un mot abstrait n’est qu’un adjectif transformé en substantif ; mais la conception d’une qualité comme sujet est d’une extrême difficulté, et, dans l’état actuel de l’esprit humain, elle nous paraît impossible.

Il y a d’autres mots que nous ne pouvons guère appeler abstraits, qui cependant ont été formés par un procédé analogue ; je veux parler des mots tels que jour et nuit, printemps et hiver, aurore et crépuscule, orage et tonnerre. Que voulons-nous dire, lorsque nous parlons du jour et de la nuit, du printemps et de l’hiver ? Le temps, selon notre conception, n’est rien de substantiel, rien d’individuel ; c’est une qualité transformée par le langage en une substance. Si donc nous disons : « le jour commence », « la nuit approche », nous présentons comme agissantes des choses qui ne peuvent agir, nous affirmons une proposition qui, analysée logiquement, n’aurait pas de sujet définissable. Ceci s’applique aussi aux mots collectifs, tels que le ciel et la terre, la rosée et la pluie, et même aux rivières et aux montagnes. Car si nous disons : « la terre nourrit l’homme, » nous ne voulons parler d’aucune portion tangible du sol, mais de la terre considérée comme un tout. Dans les langues anciennes, chacun de ces mots avait nécessairement une terminaison exprimant le genre, et cela produisait dans l’esprit une idée correspondante de sexe, de telle sorte que ces noms recevaient non-seulement un caractère individuel, mais encore un caractère sexuel. Il n’y avait pas de substantif qui ne fût masculin ou féminin, les neutres étant de formation postérieure et reconnaissables surtout au nominatif.

I

Longtemps avant l’époque où nous apercevons les premières traces d’une littérature nationale dans l’Inde, la Perse, la Grèce, l’Italie et la Germanie, il y eut un âge pendant lequel se produisirent les mythes. La propagation et l’existence de ces mythes jusqu’à des époques rapprochées de nous constituent un phénomène étrange, et cependant beaucoup plus facile à comprendre que le fait primitif de leur création.

L’esprit humain a un respect inné pour le passé, et quelque barbares, immorales ou impossibles que puissent paraître les traditions léguées par les siècles, chaque génération les accepte et les façonne, en y découvrant parfois un sens plus vrai que les générations précédentes. Bien des natifs de l’Inde, quoique versés dans les sciences européennes et nourris des principes de la pure théologie naturelle, s’inclinent encore devant les images de Wichnou et de Siva et les adorent. Ils savent que ces images ne sont que des pierres, ils avouent que leurs sentiments se révoltent contre les impuretés attribuées à ces dieux par ce qu’ils appellent leurs livres sacrés ; cependant il y a d’honnêtes brahmanes qui soutiendront que ces histoires ont une profonde signification, et que l’immoralité étant incompatible avec un être divin, il faut supposer quelque mystère sous ces fables consacrées par le temps. Lors même que la religion chrétienne a gagné le coeur d’un Indien, la loi de son enfance se prolongera encore et éclatera parfois dans des expressions irréfléchies, de même que beaucoup de mythes de l’antiquité se sont glissés dans les légendes de l’église catholique [7]. Nous trouvons de fréquents indices qui établissent que les Grecs eux-mêmes étaient choqués des fables que l’on racontait de leurs dieux ; cependant des hommes tels que Socrate ne voulaient pas renoncer aux croyances de leurs ancêtres. La latitude des mythologies antiques favorisait ces compromis. Quand la conception de la Divinité suprême devint plus pure, on comprit que l’idée de perfection, inséparable de l’Être divin, excluait la possibilité de dieux immoraux. Pindare, ainsi que le fait observer Otfried Müller [8], change beaucoup de mythes, parce qu’ils ne sont pas en harmonie avec sa conception plus élevée des dieux et des héros, et parce que, selon son opinion, ces mythes doivent être faux. Platon [9] nous offre un exemple d’exégèse toute semblable, quand il examine les différentes traditions sur Eros ; dans le Symposium, Phédon [10] l’appelle le plus ancien, et Agathon le plus jeune des dieux ; tous deux en s’appuyant sur l’autorité d’un ancien mythe.

Mais la conservation des noms mythiques, la longue durée des fables qui satisfaisaient les besoins religieux, poétiques et moraux de générations successives, quelque étrange et instructive qu’elle soit, n’est pas la vraie difficulté ; le passé a ses charmes, et la tradition trouve d’ailleurs un puissant auxiliaire dans le langage. Nous parlons encore du soleil levant et du soleil couchant, d’arcs-en-ciel, de coups de tonnerre, parce que le langage a sanctionné ces expressions. Nous les employons, quoique nous n’y croyions pas. Mais comment, à l’origine, l’esprit humain fut-il amené à de telles imaginations ? Comment les noms et les fables se formèrent-ils ? Voilà la question que la philologie moderne a mille fois essayé de résoudre et à laquelle les résultats nouveaux acquis dans ces dernières années ont apporté des lumières inattendues.

Grâce à la philologie comparée, nous savons, en effet, quelque chose de l’époque pendant laquelle les nations ariennes [11], encore non divisées en peuples divers, formèrent leurs mythes. Quand même nous ne connaîtrions que les traditions de la Grèce, si obscures quand on les envisage isolément, nous pourrions en tirer bien des inductions sur l’époque qui précéda la première apparition de la littérature nationale en Grèce. Otfried Müller [12], quoiqu’il n’ait pu profiter de la lumière nouvelle que la philologie comparée a jetée sur cette époque arienne primitive, a dit : « La forme mythique de l’expression qui change tous les êtres en individus, tous les récits en actions, est quelque chose de si particulier que sa présence nous indique toujours une époque distincte dans la civilisation d’un peuple ! » Depuis le temps où écrivait O. Müller, la philologie comparée a ramené toute cette période dans la sphère de l’histoire positive, et il nous est permis maintenant de jeter un coup d’oeil hardi sur l’état de la pensée, du langage, de la religion et de la civilisation à une époque où le sanscrit et le grec n’existaient pas encore, mais où tous deux, ainsi que le latin, l’allemand et les autres dialectes ariens, étaient contenus dans une langue commune, de même que le français, l’italien et l’espagnol ont été d’abord virtuellement renfermés dans le latin.

Quand même nous ne saurions rien de l’existence du latin, quand même tous les documents historiques antérieurs au quinzième siècle auraient été perdus, et que la tradition ne nous eût pas appris l’existence d’un empire romain, une simple comparaison des six dialectes romans nous permettrait de dire qu’à une certaine époque il dut y avoir une langue d’où tous ces dialectes modernes tirèrent leur origine ; sans cette supposition, en effet, il serait impossible d’expliquer les analogies que présentent ces dialectes. En examinant le verbe auxiliaire, nous trouvons :

Il est évident que toutes ces formes ne sont que des variétés d’un même type, et qu’il est impossible de prendre aucun de ces six paradigmes pour le modèle sur lequel les autres ont été construits. Nous pouvons ajouter que, dans aucune des langues auxquelles ces formes verbales appartiennent, nous ne trouvons les éléments
qui auraient pu les composer. Quand nous trouvons des formes comme j’ai aimé, nous pouvons les expliquer par les radicaux que le français possède actuellement, et il en est de même des temps composés comme j’aimerai, c’est-à-dire je aimer-ai. Mais le changement de je suis en tu es est inexplicable par la grammaire française seule. De telles formes n’auraient pas pu naître sur le sol français ; elles ont dû se transmettre comme les restes d’une époque précédente ; elles ont dû exister dans quelque langue antérieure aux dialectes romans. Ici, nous ne sommes point obligés de nous en tenir à une simple supposition ; car nous possédons le verbe latin, et nous pouvons montrer comment, par suite de la corruption phonétique et en vertu d’analogies erronées, chacun des six paradigmes n’est qu’une métamorphose nationale du modèle latin.

Voici maintenant une autre série de paradigmes :

Nous devons tirer les mêmes conclusions de ces formes grammaticales que des précédentes. Elles ne sont également que les variétés d’un même type ; il est impossible de considérer l’une d’elles comme ayant servi d’original aux autres ; enfin aucune des langues dans lesquelles se présentent ces formes verbales ne possède les éléments dont elles sont composées. Le sanscrit ne peut être considéré comme l’original d’où est dérivé tout le reste, ainsi que le prétendent plusieurs savants ; car nous voyons que le grec a, dans plusieurs cas, gardé une forme plus primitive et plus organique que le sanscrit. (...) ne peut être dérivé du mot smas, parce que smas a perdu la radicale a, que le grec a conservée, la racine étant as, être, et la terminaison mas, nous, etc. Le grec ne peut être pris davantage pour le langage d’où sont dérivés les autres dialectes ; car le latin lui-même n’en est pas dérivé et a conservé quelques formes plus primitives, par exemple, sunt, au lieu de (...) ou (...) ou (...). Ici, le grec a complètement perdu le radical as, (...) étant mis à la place de (...), tandis que le latin a du moins, comme le sanscrit, gardé le radical s dans sunt=santi.

Tous ces dialectes nous conduisent donc à une langue plus ancienne dont ils sont dérivés, comme les dialectes romans le sont du latin. À l’époque reculée où nous portent ces inductions, il n’y avait pas encore de littérature pour nous conserver quelques traces de cette langue mère qui mourut en formant les dialectes ariens modernes, tels que le sanscrit, le zend, le grec, le latin, le gothique, le windique et le celtique. Cependant tout nous porte à croire que cette langue a été autrefois une langue vivante, parlée en Asie par une petite tribu, et à l’origine, par une petite famille vivant sous un seul toit, de même que la langue de Camoëns, de Cervantes, de Voltaire et de Dante fut autrefois parlée par quelques paysans qui avaient bâti leurs cabanes sur les sept collines, près du Tibre. Si nous comparons les deux conjugaisons que nous venons de présenter, nous verrons que les coïncidences entre le langage des Vedas et le dialecte parlé aujourd’hui par les recrues lithuaniennes à Berlin, sont beaucoup plus grandes qu’entre le français et l’italien ; et il suffit de lire la Grammaire comparée de Bopp pour voir clairement que les formes essentielles de la grammaire ont été complétement établies avant que les membres divers de la famille arienne se soient séparés.

Mais la philologie comparée ne nous fournit pas seulement la preuve que cette période arienne primitive a existé ; elle nous offre beaucoup de données sur l’état intellectuel de la famille arienne avant sa dispersion ; et, ici encore, c’est aux langues romanes que nous devons demander nos analogies. Si nous trouvons dans tous les dialectes romans un mot comme pont, en italien ponte, en espagnol puente, en valaque pod, exactement le même partout, nous aurons le droit, après avoir tenu compte des particularités nationales, de dire que le mot pons, pont, était connu avant que ces langues se séparassent, et qu’en conséquence, l’art de bâtir des ponts doit avoir été connu à la même époque. Nous pourrions affirmer même, si nous ne savions rien du latin ou de Rome, qu’au moins avant le dixième siècle, les livres, le pain, le vin, les maisons, les villages, les villes, les tours et les portes, etc., étaient connus des peuples dont le langage a formé les dialectes modernes de l’Europe méridionale. II est vrai que nous ne pourrions pas nous faire une peinture très-parfaite de l’état intellectuel du peuple romain, si nous étions obligé de construire son histoire avec des matériaux aussi insuffisants ; cependant, nous pourrions prouver que ce peuple exista réellement, et, en l’absence de tout autre renseignement, de telles lueurs, bien que partielles seraient précieuses. On comprend toutefois que le raisonnement inverse n’est pas légitime. De ce que chacun des dialectes romans a un nom différent pour certains objets, on n’est pas autorisé à conclure de là que ces objets ont été inconnus aux ancêtres des nations romanes. Le papier était connu à Rome ; cependant il s’appelle carta en italien, papier en français.

Certes, nous ne devons point nous attendre à tirer de l’étude seule du langage une histoire complète de la civilisation arienne primitive, ni à donner dans tous ses détails une peinture de l’époque où la langue d’Homère et celle des Védas n’étaient pas encore formées. Cependant nous pouvons comprendre par quelques traits rares, mais significatifs, cette période de l’histoire de l’esprit humain qu’on a appelée à tort un passé qui n’eut jamais de présent.

Le simple fait que les noms de père, mère, frère, soeur et fille sont les mêmes dans beaucoup de langues ariennes, pourrait, à première vue, sembler insignifiant ; cependant ces mots mêmes sont pleins de sens. La formation du nom de père à cette période reculée prouve que le père reconnaissait le fruit de sa femme comme sien. Père est dérivé de la racine PA, qui signifie, non engendrer, mais protéger, supporter, nourrir. Le père comme générateur était appelé en sanscrit ganitar, mais comme protecteur et soutien de son enfant, il était appelé pitar. C’est pourquoi ces deux noms sont employés ensemble dans les Védas, pour exprimer l’idée complète de père. Ainsi le poète dit (Rigvéda, I, CLXVI, 33) :

Dyaus me pitâ ganitâ,
Javis mei pater genitor,
(...).

De même mátàr, mère, est joint à ganitrî, genitrix (III, XLVIII, 2) ; ce qui montre que le mot mâtâr avait perdu de bonne heure sa signification étymologique, pour devenir une expression de respect et de tendresse. Chez les anciens Ariens, mâtàr a la signification de créateur, de , former ; dans ce sens-là, et avant d’être déterminé par un affixe féminin, il est employé comme masculin dans les Védas, avec le même accent que le grec (...), mâtar.

Il faut remarquer, en effet, que mâtar, de même que pitar, n’est qu’un des nombreux mots par lesquels les idées de père et de mère auraient pu être exprimées. Pour ne parler que de la racine PA, qui exprime en effet un des attributs les plus caractéristiques du père, de soutien qu’il donne à son enfant, beaucoup de mots qui en ont été formés eussent pu devenir également le nom du père. En sanscrit, l’idée de protecteur peut être exprimée non-seulement par PA, suivi du suffixe dérivatif tar, mais par pâ-la, pâ-laka, pâ-yu. Si, entre tant de formes possibles, tous les dictionnaires ariens se sont arrêtés à la même, n’est-ce pas la meilleure preuve qu’il a dû y avoir une sorte d’usage traditionnel dans le langage longtemps avant la séparation des diverses branches de la famille arienne ? Ce n’est pas tout. IL y avait d’autres racines qui auraient pu former le nom de père, telles que GAN, d’où vient ganitàr, genitor, (...) ; ou TAK, d’où vient le grec (...) ou PAR, d’où vient le latin parens ; sans mentionner beaucoup d’autres mots également aptes à exprimer les relations d’un père avec ses enfants. Si chaque dialecte arien avait formé de son côté le nom qui signifie père d’après une des nombreuses racines que tous ces dialectes possèdent en commun, cela établirait une communauté de radicaux entre tous ces langages, mais ne prouverait jamais, ce qui est plus essentiel, qu’ils ont eu une époque de communauté primitive, et qu’ils ont tous pour point de départ une langue qui avait déjà acquis la consistance d’un idiome constitué.

Il arrive cependant, même quand il s’agit des mots les plus essentiels, que l’un ou l’autre des dialectes ariens a perdu l’ancienne expression. Les noms ariens primitifs de frère et de soeur ne se trouvent pas en grec, où frère et soeur se disent (...) et (...). Il ne faudrait pas en conclure qu’à l’époque où les Grecs quittèrent leur demeure arienne, les noms de frère et de soeur n’étaient pas encore formés. Nous n’avons aucune raison de supposer que les Grecs partirent les premiers, et si nous trouvons que des nations comme les Teutons ou les Celtes, qui n’ont pu avoir aucun contact avec l’Inde depuis la séparation première, partagent cependant le nom de frère avec le sanscrit, il sera démontré que ce nom existait dans le langage arien primitif, de même que l’existence d’un mot en valaque et en portugais suffirait pour prouver son origine latine, quand même aucune trace n’en existerait dans tous les autres dialectes romans. Sans doute, la formation du langage est gouvernée par des lois immuables ; mais l’influence du hasard doit être admise en linguistique sur une échelle beaucoup plus grande que dans toute autre branche des sciences naturelles. La relation entre frère et soeur avait déjà été sanctifiée et sanctionnée par des noms devenus traditionnels avant que la famille arienne se fût séparée en différentes colonies. La signification originelle de bhrãtar semble avoir été celui qui porte ou aide ; et celle de svasar, celle qui plaît ou console : svasti signifiant en sanscrit joie ou bonheur.

Duhitar est également un nom qui a dû être traditionnel longtemps avant la séparation de la race arienne. C’est un nom identique dans tous les dialectes, excepté le latin, et cependant le sanscrit seul pouvait nous en révéler le sens primitif. Duhitar, comme l’a montré le professeur Lassen, est dérivé de DUH, racine qui en sanscrit signifie traire. C’est peut-être le latin duco, avec un changement de signification analogue à celui qui a lieu entre trahere, tirer, et traire. Or, le nom de celle qui trait, donné à la fille de la maison, présente à nos yeux une petite idylle de la vie pastorale et poétique des premiers Ariens. Une des rares choses par lesquelles la fille, avant d’être mariée, pouvait se rendre utile dans une demeure nomade, était de traire le bétail, et il y a une sorte de délicatesse et de gaieté, dans cet âge de barbarie, à ce qu’un père appelle sa fille sa petite laitière, plutôt que sutâ, produit, ou fila, nourrisson. Cette signification cependant doit avoir été oubliée longtemps avant la séparation des Ariens ; à cette époque, duhitar était devenu un mot dont la signification était oubliée, et le nom ordinaire de fille.

Nous verrons dans la suite que beaucoup de mots furent formés dans le même esprit, et qu’ils ne conservèrent leur sens propre que pendant l’état de vie nomade. Mais comme le changement de mots doués d’une signification aussi spéciale en termes généraux, privés de toute vitalité étymologique, paraîtra peut-être étrange, nous allons présenter quelques cas analogues où, derrière des expressions de l’usage le plus général, nous pourrons, par l’étymologie, retrouver ce fond particulier de l’ancienne vie nomade des nations ariennes. Le mot anglais peculiar (particulier) lui-même nous fournit un exemple pris dans les temps plus modernes. Peculiar signifie maintenant singulier, extraordinaire ; mais à l’origine ce mot signifiait ce qui était propriété privée ou non commune, et venait de peculium. Or, le latin peculium est pour pecudium (comme consilium pour considium) : il dérive de pecus, pecudis, et exprime le bétail et les immeubles. Le bétail constituait la principale propriété personnelle d’un peuple agriculteur, et nous pouvons ainsi comprendre comment peculia, qui représentait d’abord la propriété personnelle, en vint ensuite à signifier ce qui n’est pas en commun, et enfin, dans notre langage moderne, une chose privée ou étrange. II est à peine besoin de mentionner l’étymologie bien connue de pecunia, qui étant dérivé du même mot pecus, et signifiant les troupeaux, prit graduellement la signification d’argent ; l’anglo-saxon feoh, et le germain vieh, bétail (le même mot que pecu à l’origine, selon la règle établie par Grimm), reçurent également avec le temps le sens d’une rémunération pécuniaire.

Ce qui se passe dans les langages modernes, et pour ainsi dire sous nos yeux, ne doit pas nous surprendre quand nous le retrouvons à des époques plus reculées. Le bétail le plus utile a toujours été le boeuf et la vache, et ces deux animaux semblent avoir constitué la principale richesse des nations ariennes et leur moyen de subsistance le plus important. Le boeuf et la vache sont appelés en sanscrit go, plur. gâvas, ce qui est le même mot que l’ancien haut allemand, chuo, p1. chuowi, et avec un changement de la gutturale en labiale, le classique (...), (...), et bos, boves. Les langues slaves ont aussi conservé des traces de cet ancien mot ; par exemple, le lette golnes, le slavon govyado, un troupeau, et le serbe goredar, un vacher. De (...), nous avons en grec (...), qui à l’origine signifiait un vacher ; mais dans le verbe (...) la signification de soigner des vaches a été absorbée par le sens plus général de soigner le bétail, et même elle est prise clans un sens métaphorique, comme dans (...), je me nourris de vaines espérances. La même racine est employée par rapport aux chevaux ; ainsi nous trouvons pour éleveur de chevaux, (...) un vacher de chevaux. Nous ne pouvons comparer cette expression qu’au sanscrit goyuga, signifiant d’abord une paire de boeufs, et ensuite toute paire, de sorte qu’une paire de boeufs devrait être appelée go-goyuga. De même en sanscrit, go-pa signifie primitivement vacher ; puis il perd ce sens tout spécial, et est employé pour exprimer le conducteur d’un troupeau, un berger, et enfin, comme le grec (...), il devient synonyme de roi. De gopa se forme un nouveau verbe, gopayati, et dans ce verbe toutes les traces de la signification primitive sont oblitérées ; il signifie simplement protéger. Comme gopa signifiait un vacher, gotra en sanscrit était primitivement une palissade, et désignait l’enclos qui protège un troupeau contre les voleurs ou empêche le bétail de s’égarer. Gotra, cependant, a presque entièrement perdu son sens étymologique dans le sanscrit plus moderne, où le féminin seul, gotrâ, conserve le sens d’un troupeau de vaches. Dans les temps anciens, quand les guerres avaient pour but, non de maintenir l’équilibre, politique de l’Asie ou de l’Europe, mais de prendre possession de bons pâturages, ou de se rendre maître de grands troupeaux [13], les palissades devenaient naturellement les murs d’une forteresse, les haies des châteaux forts, et ceux qui vivaient derrière ces mêmes murs furent appelés gotra, famille, tribu ou race. Dans les Védas, gotra est encore employé dans le sens de parcs ou palissades. (Rig-véda, III, XXXIX, 4.)

« Personne ne raille ceux qui furent nos pères, qui combattirent parmi les vaches. Indra, le puissant, est leur défenseur ; le puissant Indra étendit leurs palissades (leurs possessions) [14]. »

« Combattant pour ou parmi les vaches, » goshuyudh, est employé dans le Véda comme un nom de guerrier (I, CXII, 22), et un des mots les plus fréquents pour signifier bataille est gàv-ishti, littéralement « lutter pour des vaches. » Dans le sanscrit postérieur,
gaveshana signifie simplement recherche (physique ou philosophique), et gavesh, s’informer. Goshtha signifie parc ou étable (...) mais avec les progrès du temps et de la civilisation, goshthî devint le nom d’une assemblée, et fut employé pour exprimer la discussion et le bavardage, de même que commère signifiait originairement un parrain ou une marraine, et prit ensuite une affinité avec causerie ou bavardage.

Tous ces mots, composés avec go, bétail, prouvent que le peuple qui les forma dut mener longtemps une vie à demi nomade et à demi pastorale, et nous comprenons en maintenant comment il en vint à employer duhitar dans le sens de fille. La langue est le tableau de la science et des moeurs du peuple qui la parle, et nous trouverions probablement, si nous examinions la langue d’un peuple maritime, qu’au lieu de bétail et de pâturages, l’eau et les vaisseaux formèrent un grand nombre de mots qui prirent ensuite une signification plus générale.

Nous allons étudier encore d’autres mots qui indiquent l’état de la société avant la séparation de la race arienne. Nous passons les noms du fils, parce que leur étymologie est sans intérêt, leur signification étant simplement celle de natus, né [15], et parce que la position du fils, successeur et héritier de son père, devait être exprimée à une époque beaucoup plus reculée que celle de fille, soeur ou frère. Toutes les relations exprimées par père et mère, fils et fille, frère et soeur, sont fixées, pour ainsi dire, par les lois de la nature, et les retrouver dans le langage ne prouve aucun progrès considérable dans la civilisation, quelque bien choisis que soient ces noms. Mais il y a d’autres relations, d’une origine plus récente et d’un caractère plus conventionnel, sanctionnées, il est vrai, par les lois de la société, mais non proclamées par la voix de la nature, telles que les relations de beau-père , belle-mère, beau-fils, belle-fille, beau-frère et belle-soeur. Si l’on peut prouver que ces noms existaient dès la période la plus reculée de la civilisation arienne, on aura fait un grand progrès dans la connaissance de cette époque. Quoiqu’il y ait à peine, dans l’Afrique ou dans l’Australie, un seul dialecte où nous ne trouvions les mots de père, mère, fils, fille, frère et soeur, et à peine une tribu où ces degrés naturels de parenté ne soient sanctifiés, il y a des langages où les degrés d’affinité n’ont jamais été exprimés, et des tribus qui en ignorent même la signification.

Ce tableau montre que, bien avant la séparation de la race arienne, chacun des degrés d’affinité avait reçu son expression et sa sanction dan le langage, et, quoique plusieurs espaces aient dû rester vides, les coïncidences suffisent pour tirer une conclusion générale. Si nous trouvons en sanscrit le mot putra, fils, et en celtique paotr, fils, la racine et le suffixe étant semblables, quoique aucun des autres dialectes ariens n’ait conservé la même forme, une telle identité ne peut être expliquée qu’en supposant que putra était un mot arien, connu longtemps avant qu’aucune branche de la famille se fût séparée du tronc commun.

Dans les langues modernes, nous pourrions, dans des cas analogues, admettre un emprunt relativement récent ; mais dans l’antiquité aucune communication semblable ne fut possible, depuis que la branche méridionale de la famille arienne eut franchi
l’Himalaya, et que la branche septentrionale eut mis le pied sur le rivage européen. On dira peut-être que plusieurs des formes précitées sont légèrement différentes. Dans gâmâtar et (...) par exemple, signifiant, à l’origine, époux ou mari [16], puis beau-fils, la racine est semblable ; mais la dérivation se fait dans chaque langue d’une manière particulière. Ces différences de forme sont en générai celles qui se présentent entre les dialectes d’une même langue, où beaucoup de formes sont possibles, et employées d’abord confusément ; puis l’une d’elles est choisie par un poète, une autre par un second, et devient alors populaire et traditionnelle. Il vaut mieux supposer cela que de croire que les Grecs, pour exprimer une relation qu’ils auraient pu rendre de tant de manières diverses, aient choisi la même racine (...) pour former (...) et (...) indépendamment de l’hindou qui prit la même racine pour le même usage, en lui donnant une forme causale et y joignant le suffixe ordinaire tar ; formant ainsi gâmâ-tar, au lieu de gamara ou yamara, parallèle de (...). En outre, quand une des langues ariennes a perdu un terme qui fut primitivement commun toutes, on peut quelquefois prouver son existence au moyen des mots dérivés. En grec, par exemple, dans le langage littéraire, il n’y a aucune trace de nepos, petit-fils, que nous avons en sanscrit, napát, en germ. nefo ; ni de neptis, sanscr. naptî, germ. nift. Cependant il y a en grec (...), cousin germain ou petit-fils du même grand-père, de même que l’oncle est appelé le petit-aïeul, avunculus, de avus. Ce mot (...) est formé comme le latin consobrinus ou consororinus ; ce dernier, comme on sait, désigne les enfants de deux ou de plusieurs soeurs, et est l’origine de notre mot moderne cousin, it. cugino, dans lequel il reste fort peu de chose du mot primitif soror, dont il est cependant dérivé. Le mot (...) prouve toutefois qu’en grec aussi, (...) a dû exister dans le sens de fils ou petit-fils. On peut prouver de même l’existence archaïque dans le grec d’un terme correspondant au sanscrit syâla, frère de la femme. En sanscrit un mari appelle le frère de sa femme syâla, la soeur de sa femme syâlî. Par conséquent, en grec Pélée appellerait Amphitrite et Poseidon appellerait Thétis leur syâlîs ; ayant épousé des soeurs, ils auraient des syalîs en commun, ils seraient ce que les Grecs appellent (...), car sy entre deux voyelles est généralement négligé en grec ; la seule anomalie consiste cette fois en ce que l’epsilon remplace l’â long du sanscrit.

Le rôle des verbes auxiliaires dans les langues anciennes conduit à des considérations analogues. Ils occupent la même place parmi les verbes que les noms abstraits parmi les substantifs. Ils sont d’une époque postérieure, et avaient tous à l’origine un caractère plus matériel et plus expressif. Nos verbes auxiliaires ont eu une longue suite de vicissitudes à traverser avant d’arriver à la forme desséchée et sans vie qui les rend si propres aux besoins de notre prose abstraite. Habere, qui est maintenant employé dans toutes les langues romanes pour exprimer simplement un temps passé (j’ai aimé), signifiait d’abord tenir ferme, retenir, comme nous pouvons le voir dans le dérivé habenœ, les rênes. Ainsi tenere, tenir, devient en espagnol un verbe auxiliaire qui peut être employé presque de la même manière que habere. Le grec (...) est le sanscrit sah, et signifiait à l’origine être fort, être capable, pouvoir. Le latin fui, j’étais, le sanscrit bhû, être, correspondent au grec (...) ; or, dans cette dernière langue, on saisit encore la trace du sens primitif et matériel de croissance dans un sens intransitif et transitif. As, le radical du sanscrit as-mi, le grec (...), le lithuanien as-mi, je suis, sont probablement liés à une autre racine âs, s’asseoir, que nous retrouvons dans le grec (...), sanscrit âs-te. Stare, se tenir, devient dans les dialectes romans un simple auxiliaire, comme dans j’ai été, c’est-à-dire habeo statum. L’allemand werden, qui est employé pour former les futurs et les passifs, le gothique varth, nous ramènent au sanscrit vrit, au latin veto. L’anglais will, comme dans he will go, a perdu sa signification radicale de désirer, et shall, employé au même temps, he shall go, trahit encore son sens primitif d’obligation légale ou morale. M. Grimm a montré dans les verbes auxiliaires de la langue allemande des passages bien plus hardis et au premier abord incroyables. Mais ces exemples suffisent pour montrer par quelle voie l’esprit humain est passé d’intuitions concrètes à la vue abstraite et réfléchie. Ils nous serviront de clef pour montrer comment le même passage s’est effectué dans les idées de l’homme sur la nature et le monde divin.

P.-S.

Texte établi par PSYCHANALYSE-PARIS.COM à partir de l’ouvrage de Max Müller, Essai de mythologie comparée, Éditions A. Durand, Paris, 1859, 103 pages.

Notes

[1Il est vrai que lorsque le gouvernement anglais défendit cette triste coutume, les brahmanes en appelèrent aux Védas comme établissant ce rite sacré. Ils citèrent un des vers du Rigvéda, et Colebrooke, le savant le plus versé dans le sanscrit, que nous ayons jamais eu, accepta leurs traductions. C’est ici l’exemple le plus frappant des licences que peut se permettre un clergé sans scrupule. Des milliers de vies ont été sacrifiées sur l’autorité d’un passage qui était mutilé, mal traduit et mal appliqué. Si quelqu’un avait été capable à l’époque de Colebrooke de vérifier les citations du Rigvéda, les brahmanes auraient pu être battus avec leurs propres armes, et leur prestige spirituel considérablement ébranlé. Le Rigvéda, qu’à peine un brahmane sur cent peut lire à présent, loin d’établir comme obligatoire le sacrifice des veuves, montre clairement que cette coutume n’était pas établie dans la période primitive de l’histoire de l’Inde. Un léger changement que les brahmanes ont fait au texte sacré a suffi pour livrer bien des vies au bûcher.

[2Voyez les excellentes remarques de Schleicher dans sa Formenlehre der kirchenslawischen Sprache, 1852, p. 407.

[3(...) me parait plutôt le sémitique kharous, qui aurait passé en Grèce par le commerce des Phéniciens, comme le mot (...) (rac. sémit. matal.).

[4Voyez le Journal de philologie comparée de Kuhn, I, 34. Le professeur Curtius donne la proportion suivante : (...).

[5On trouve dans l’Histoire de la langue allemande de Grimm, une grande quantité de mots ariens communs. La première tentative pour en tirer des conséquences historiques fut faite par Eichoff ; mais les applications les plus fructueuses ont été faites depuis par Winning dans son Manuel de philologie comparée, 1838 ; par Kuhn, Curtius et Fœrstemann. Beaucoup de nouveaux matériaux se trouvent dans le Glossaire de Bopp, et les Etymologische Forschungen de Pott.

[6Il faut avouer pourtant que l’ancien mot latin viduus (Hartung, Die Religion der Rœmer, II, 90), nom d’Orcus qu’avait un temple hors de Rome, porte à douter que le latin vidua soit réellement le sanscrit ridhavâ, malgré leur grande ressemblance, à moins que nous n’admettions que le verbe viduare soit dérivé de viduâ, et qu’ensuite un nouvel adjectif ait été formé avec un sens plus général, de telle sorte que viduus ne signifiât rien de plus pour une oreille romaine que privatus.

[7Voyez l’introduction de Grimm à son grand ouvrage sur la Mythologie teutonique, seconde édition, 1844, p. XXXI.

[8Voyez l’excellent ouvrage d’O. Mürller, Prolegomena zu einer wissenschaftlichten Mythologie, 1825, p. 87.

[9Phèdre, 242, E.

[10Symp., 476, C. (...).

[11On donne ce nom aux ancêtres communs de la race indo-européenne, alors qu’ils demeuraient encore dans leur berceau primitif, au nord de la Bactriane.

[12Prol. Myth., 78.

[13(...) Grimm, Histoire de la langue allemande, p. 47.

[14Le mot anglais hurdle (parc) semble avoir été le védique khardis, maison, c’est-à-dire enclos, et de la même racine nous avons l’anglo-saxon heord un troupeau, et le vieux norse (hirdr, « bene custoditus ». Peut-être le latin cors, cortis (cohors, cohortis), signifiant un espace enclos, une cour, et enfin un palais, vient-il de la même source.

[15Par exemple, - sanscr. sûnu, goth. sunus, lith. sunus, tous venant de su, engendrer, d’où le grec (...), mais avec un suffixe différent. Le Sanscrit putra, fils, est d’une origine incertaine, mais probablement d’une haute antiquité, étant possédé également par la branche celtique (bret. paotr). On suppose que le latin puer est dérivé de la même racine.

[16(...).

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